AccueilNuméros149Comptes rendusHoellen Burkhard Hoellen, Krieg i...
Tübingen, dgvt-Verlag, 2021, 219 p.
1L’initiative est à première vue prometteuse : le docteur en psychologie Buckhard Hoellen propose de réfléchir à des individus qui ont vécu la Seconde Guerre mondiale dans la poche de Colmar de manière et à la manière dont ils l’ont rapportée. Les témoignages qu’ils soient textuels ou graphiques sont placés au centre de l’ouvrage et l’organisation des chapitres souligne cette dimension biographique.
2Le premier protagoniste est le pasteur de Logelbach René Schickelé dont on découvre l’itinéraire à partir de son journal de guerre, redécouvert en 2010. L’extrait qui concerne la période du 8 décembre 1944 au 2 février 1945 est transcrit et constitue l’essentiel du chapitre : on y découvre un pasteur au service de sa communauté et confiant en Dieu, malgré des émotions parfois contradictoires. L’auteur s’intéresse ensuite à l’enseignement en Alsace annexée qu’il met en relation avec le personnage de madame Spitzenmüller, une collègue badoise du professeur Marie-Joseph Bopp au Lycée Bartholdi de Colmar. Vient ensuite le combat de Joseph Steib, peintre antinazi dont les œuvres (reproduites dans l’ouvrage, pour plusieurs d’entre-elles) apparaissent comme une stratégie pour conserver son autonomie de pensée face au régime. Le chapitre quatrième porte sur la correspondante de guerre américaine Elisabeth « Lee » Miller qui a réalisé un reportage photographique sur la campagne d’Alsace pour le magazineVogue. Le témoignage des combats de Jebsheim est particulièrement saisissant et cette expérience de la guerre a participé au développement de troubles dépressifs après la guerre selon l’analyse qu’en fait l’auteur. Le dernier chapitre est dédié à Tomi Ungerer et à son œuvreNicht War ? publiée en 1966 où des photographies de propagande nationale-socialiste sont confrontées à des extraits deKaputtde Malaparte. Une réflexion maladroite sur le régime nazi accompagne ce chapitre où sont rapidement évacuées des questions historiographiques complexes sur le « mythe de Hitler » ou les « hommes ordinaires ».
3Le principal intérêt de l’ouvrage est le début de réflexion dans lequel la production d’ego-documents apparaît comme une réaction pour faire face au régime nazi, à la guerre et à ses atrocités, mais qui malheureusement n’est pas approfondie et en reste au stade de l’hypothèse psychologique. En revanche, quoi de plus frustrant pour un historien que de constater l’absence du contexte historique dans la rédaction de cet ouvrage ? Les éléments historiques sont autant confus que la bibliographie mobilisée – ici essentiellement grand public – aurait mérité d’être augmentée. Ainsi, les sources ne sont pas mises en valeur : plutôt que de commenter le contenu du journal de Schickelé à proprement parler, l’auteur semble s’étonner des particularités alsaciennes telles que l’usage écrit de la langue allemande et le maintien du Concordat (p. 49-50), des éléments bien connus des spécialistes aussi bien que des profanes.
4Le manque de travail bibliographique est à déplorer et explique en grande partie que l’auteur soit resté au niveau de généralités. Pour alimenter les paragraphes sur l’incorporation de force par exemple, on est surpris de ne voir figurer que la bande dessinéeLe voyage de Marcel Grobcomme ouvrage en langue française, une œuvre d’excellente qualité mais insuffisante au regard de la richesse des travaux scientifiques dont nous disposons désormais à ce sujet. On peut même lire que la poche de Colmar aurait été « le dernier bastion des Allemands en France occupée » (p. 9), là où une plume rigoureuse n’aurait ni utilisé cette tournure maladroite qui met de côté la difficile libération de l’Alsace du Nord un mois et demi après celle de la poche de Colmar, ni surtout le terme « d’occupation » pour parler de l’annexionde facto de la région au « Troisième Reich ».
5En réalité, l’ouvrage ne parvient pas à se saisir de l’histoire complexe de l’Alsace à l’époque contemporaine. L’absence de présentation du contexte historique pose un problème de contenu mais aussi de structuration du récit, dont on peine à saisir le fil directeur tant les digressions sont nombreuses. Les confusions et assertions fautives présentes tout au long de la lecture nuisent à la rigueur attendue du propos.L’ouvrage passe malheureusement loin des attendus du lecteur.
GeoffreyKoenig,« Hoellen Burkhard Hoellen, Krieg ist Krieg und muss aufgezeichnet wurden », Revue d’Alsace, 149 | 2023, 403-404.
GeoffreyKoenig,« Hoellen Burkhard Hoellen, Krieg ist Krieg und muss aufgezeichnet wurden », Revue d’Alsace [En ligne], 149 | 2023, mis en ligne le01 mars 2024, consulté le06 mai 2025.URL : http://journals.openedition.org/alsace/5746 ;DOI : https://doi.org/10.4000/11pkv
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