Encouragée par sa réussite de Boston, et pour couper l'herbe sur le pied aux initiatives concurrentes, la NHL poursuit son expansion aux États-Unis. Tout d'abord, elle accorde d'abord une franchise aux Americans de New York à la place de celle des Hamilton Tigers, dissoute après une grève des joueurs... qui ne sont finalement pas suspendus mais rachetés par la nouvelle équipe new-yorkaise. Les grévistes doivent juste écrire une lettre d'excuses pour échapper à une amende. Ils ont même gain de cause sur leurs revendications salariales car le tout nouveau et luxueux Madison Square Garden (le troisième du nom) peut contenir jusqu'à 19 000 spectateurs et offre bien assez de revenus pour les augmenter largement. Ce n'est pas pour autant qu'ils ont leur mot à dire : la température sur la glace new-yorkaise n'est pas assez froide pour la bonne pratique du hockey à cause du chauffage du bâtiment. Le propriétaire de la salle l'affirme sans ambages : ce qui compte, c'est le confort du public très mondain (avec ses spectatrices en robes de soirée), pas les acteurs du spectacle. La franchise n'appartient toutefois pas aux dirigeants du Madison Square Garden : le vrai propriétaire - même s'il se retire au second plan après son arrestation pour contrebande d'alcool début décembre juste avant le début de saison - est le gangster notoire Bill Dwyer, qui s'est enrichit pendant la prohibition. Les joueurs sont logés au Forrest Hotel, quartier général de Dwyer et haut lieu de la pègre new-yorkaise où l'alcool coule à flots, ce qui n'est pas un environnement propice à un mode de vie sain pour les sportifs. Ceci peut expliquer que les anciens Tigers, premiers l'an passé mais soumis à plus de tentations, n'aient plus les même résultats...
La NHL intègre aussi les anciens Pittsburgh Yellow Jackets, l'équipe dominante de l'USAHA qui était officiellement un championnat amateur. Ils sont rebaptisés "Pittsburgh Pirates", comme le nom de l'équipe locale de baseball - le sport le plus connu et populaire. Le propriétaire de la franchise James Callahan a un frère policier qui lui procure des emblèmes de la ville de Pittsburgh issus de vieux uniformes de la police municipale pour qu'ils soient cousus sur les manches des maillots jaunes et noirs. La vedette sportive canadienne Lionel Conacher devient avec 7500 dollars le joueur le plus payé de la ligue, à égalité avec un autre ex-amateur, Dunc Munro, le défenseurchampion olympique 1924 à Chamonix qui joue chez les Maroons. Inquiète de la flambée des salaires, la ligue met en place un plafond salarial de 35 000 dollars pour chaque équipe de 14 joueurs maximum (dont 12 peuvent être alignés sur la feuille de match).
Classement (36 matches)
Pts V VP N DP D BP-BC Diff1 Ottawa Senators 52 23 1 4 0 8 77-42 +352 Montreal Maroons 45 17 3 5 1 10 91-73 +183 Pittsburgh Pirates 39 17 2 1 3 13 82-70 +124 Boston Bruins 38 15 2 4 2 13 92-85 +75 New York Americans 28 10 2 4 2 18 68-89 -216 Toronto St. Patricks 27 12 0 3 2 19 92-114 -187 Canadiens de Montréal 23 10 1 1 1 23 79-108 -29
Pittsburgh avait dominé l'USAHA grâce à la supériorité de ses remplaçants en pratiquant des changements de ligne réguliers : le nouvel entraîneur-joueur de 34 ans Odie Cleghorn (un attaquant à la vitesse de pointe limitée mais qui excellait dans la maîtrise du palet chez les Canadiens de Montréal) utilise pleinement cet atout et qualifie l'équipe en play-offs pour ses débuts. L'ancien buteur de Cleveland dans ce championnat américain amateur, Nels Stewart, a un impact encore plus net puisqu'il devient d'entrée le meilleur joueur et le meilleur marqueur avec un total impressionnant de 34 buts en 36 rencontres.
La saison est endeuillée par la perte de Georges Vézina. Au premier match de la saison, il quitte la cage des Canadiens de Montréal pour la première fois depuis son arrivée 15 ans plus tôt : très pâle, fiévreux, il reste au vestiaire à la pause avant la deuxième période, remplacé par Alphonse Lacroix (membre de l'équipe américaine aux JO 1924) qui avait été embauché comme second gardien au cas où. Quelques jours plus tard, le diagnostic tombe, fatal : tuberculose. On informe Vézina qu'il ne lui reste que quelques semaines à vivre. Cette information est cachée à ses coéquipiers ; la presse parle d'un gros rhume. Les Canadiens continuent le championnat avec Lacroix puis avec un autre ancien de l'USAHA - Herb Rhéaume - dans les cages.
L'équipe tenante du titre (c'était certes un titre par défaut du fait de l'exclusion de Hamilton) s'écroule pendant la seconde moitié du championnat et finit bonne dernière après une terrible série de 12 défaites... au point que ses proches cachent aussi la vérité à Georges Vézina en finissant par mentir sur les résultats de ses ex-équipiers pour ne pas lui plomber encore plus le moral. Calme face à la souffrance et à la mort comme il l'était sur la glace face au palet, "l'Habitant silencieux" - comme on le surnommait - s'éteint chez lui à Chicoutimi le 27 mars. Il laisse derrière lui une femme et deux fils - même si la presse anglophone lui attribue sur toutes les nécrologies et lui attribuera encore pendant des décennies entre 17 et 22 enfants (!), information apparemment issue de propos sans doute prononcés sur le ton de la plaisanterie un an plus tôt par Léo Dandurand, l'entraîneur et directeur des Canadiens. Dandurand et les propriétaires de l'équipe feront don à la NHL d'un trophée en l'honneur de Vézina : premier trophée baptisé d'après le nom d'un hockeyeur, il sera attribué dès l'année suivante au gardien ayant encaissé le moins de buts en la saison régulière.
Meilleurs marqueurs de la saison régulière
MJ B A Pts 1 Nelson Stewart M. Maroons 36 34 8 42 2 Cy Denneny Ottawa 36 24 12 36 3 Carson Cooper Boston 36 28 3 31 4 Jimmy Herbert Boston 36 26 5 31 5 Howie Morenz C. Montréal 31 23 3 26 6 Jack Adams Toronto 36 21 5 26 7 Aurèle Joliat C. Montréal 35 17 9 26 8 Billy Burch NY Americans 36 22 3 25 9 "Hooley" Smith Ottawa 28 16 9 2510 Frank Nighbor Ottawa 35 12 13 25
Les trophées
Meilleur joueur (trophée Hart) : Nels Stewart (Montreal Maroons).
Fair-play (trophée Lady Byng) : Frank Nighbor (Ottawa Senators).
Demi-finale (20 et 23 mars 1926)
Pittsburgh Pirates - Montreal Maroons 1-3 (1-0,0-2,0-1)R. Smith (McCurry) / Noble, Dinsmore (Stewart), Phillips Montreal Maroons - Pittsburgh Pirates 3-3 (2-0,1-1,0-2)Phillips, Broadbent (Noble), Phillips / Darragh (McCurry), Drury (Spring), Cotton (Spring)
Merlyn Phillips, recruté mi-février chez les Greyhounds de Sault-Sainte-Marie (vainqueurs de la Coupe Allan 1924), marque trois buts avec son bon tir du revers et qualifie les Maroons pour la finale. Phillips fait ses débuts professionnels à 29 ans mais son jeu est si bon dans les deux sens de la glace qu'on fait même reculer le meilleur joueur de la saison Nels Stewart en défense pour lui laisser la place au centre.
Finale (25 et 27 mars 1926)
Montreal Maroons - Ottawa Senators 1-1 (0-0,1-0,0-1)Broadbent (Stewart) / Clancy Ottawa Senators - Montreal Maroons 0-1 (0-1,0-0,0-0)Siebert
King Clancy égalise pour les Sénateurs à dix secondes de la fin du match aller. Au match retour à Ottawa devant une foule record de 10 525 spectateurs, Babe Siebert - déniché à 21 ans par les Maroons dans une équipe amateur de Niagara Falls - leur donne l'avantage en prenant son propre rebond à 5'45" de jeu. Cy Denneny semble égaliser une minute plus tard, mais le but est refusé pour hors-jeu. Les Sénateurs n'arrivent plus ensuite à tromper leur ancien gardien Clint Benedict, qui avait remporté trois Coupes Stanley à Ottawa avant une séparation due à des problèmes d'alcool. Benedict aura l'occasion de remporter un quatrième trophée avec une nouvelle équipe, puisque les Maroons remportent la NHL et se qualifient pour lafinale de Coupe Stanley.
La saison précédente (1924/25)