Naissance | (69 ans) Johannesbourg (Afrique du Sud) |
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Nationalité | sud-africain |
Profession | acteur, metteur en scène et directeur artistique |
William Kentridge, né le àJohannesbourg (Afrique du Sud), est un artistesud-africain. Avant tout dessinateur de talent, il maîtrise de multiples techniques comme lavidéo, lagravure, la peinture, lasculpture, latapisserie et lamise en scène. Son œuvre est marquée par l'apartheid, lecolonialisme et toutes formes d'injustice sociale.
William Kentridge est né le à Johannesburg, en plein apartheid. Arrière-petit-fils d'un émigré juif deLituanie, qui a changé son nom Kantorovitch en Kentridge, et fui les pogroms du début duXXe siècle, il est le fils de Sidney Kentridge et Felicia Greffen[1]. Ses parents sont tous deux activement engagés dans la lutte contre l'apartheid et défendent les victimes, lors des procès politiques[2]. William Kentridge a cinq ans lors dumassacre de Sharpeville en 1960. Il grandit dans cette société fondée sur l'injustice, les inégalités et la violence et son art en sera fortement marqué. L'apartheid et le colonialisme en sont des thèmes récurrents[3].
« J’ai suivi toute ma scolarité dans une société anormale où il se passait des choses monstrueuses. »
— LM Magazine 1er mars 2020
William Kentridge fréquente l'école King Edward VII à Houghton, obtient une licence de sciences politiques et d'études africaines à l'Université deWitwatersrand, puis un diplôme en Beaux-Arts à la Johannesburg Art Foundation[1].
Peu confiant dans ses talents de plasticien, il s'oriente vers le théâtre et étudie lemime et lethéâtre à l’École internationale de théâtre et de mime deJacques Lecoq, àParis, à la fin des années 1970[4].
Entre1975 et1991 il estacteur etmetteur en scène à la compagnie de théâtre de Junction Avenue à Johannesbourg. Dans lesannées 1980 il travaille sur des téléfilms et feuilletons comme directeur artistique[5].
Mais, rapidement, il doute également de son talent comme acteur.
« Puis j’ai abandonné l’art, me disant que j’avais échoué en tant qu’artiste, et c’est alors que je suis allé à l’école de théâtre pour m’essayer au jeu d’acteur. […] Au bout de troissemaines, j’ai su que je ne serais pas acteur. Mais j’ai beaucoup appris surla réalisation et le dessin. »
— William Kentridge, cité par Musée LAM
Le travail de William Kentridge est étroitement associé à sa vie et son expérience dans l'Afrique du Sud de l'apartheid. La dénonciation des violences et de l'injustice est omniprésente dans son œuvre, ce qui le rapproche de graveurs commeFrancisco Goya etKäthe Kollwitz mais aussiWilliam Hogarth ouHonoré Daumier, eux aussi engagés socialement[6].
Son œuvre est truffée de références à l’histoire de l’art comme l’expressionnisme d’Otto Dix,Max Beckmann ouGeorge Grosz, leconstructivisme russe, ledadaïsme et leBauhaus avec sa notion d'art total[4],[7].
Malgré son exploration continue des médias non traditionnels, le fondement de son art a toujours été le dessin et la gravure.
Au milieu desannées 1970, William Kentridge réalise des gravures et des dessins. En 1979, il crée 20 à 30 monotypes, qui deviendront la sériePit. En 1980, il exécute une cinquantaine de gravures de petit format qu'il appelle lesDomestic scenes. Ces deux groupes d'estampes ont servi à asseoir l'identité artistique de Kentridge, identité qu'il n'a cessé de développer dans divers médias[1].
En 1996-1997, il produit un portfolio de huit gravures intituléUbu Tells the Truth, basé sur la pièce d'Alfred Jarry de 1896, où Ubu incarne, avec une apparente loufoquerie, les horreurs de la ségrégation raciale Ces œuvres font référence à laCommission de vérité et de réconciliation en Afrique du Sud après la fin de l'apartheid[8].
Les dessins deSix Drawing Lessons font partie d'une série de conférences/performances réalisées pour l'université Harvard (Charles Eliot Norton Lectures) en 2012. Ce travail traite du travail en atelier et de l'atelier comme espace mental, où se télescopent les formes, les images et les sons, à travers un jeu dynamique et visuel[9]. Une série de grands dessins d'arbres à l'encre de Chine sur des pages d'encyclopédie retrouvées, déchirées et réassemblées, analyse la forme de différents arbres indigènes d'Afrique australe[10].
En1989 il crée sa première œuvre d'animation,2d greatest city after Paris, dans la sérieDrawings for projection. Dans cette œuvre il utilise une technique qui est devenue une caractéristique de son travail : à partir d'un dessin unique aufusain, toujours sur la même feuille de papier, il retravaille certains éléments, en ajoute ou efface des parties, contrairement à la technique traditionnelle d'animation dans laquelle chaque mouvement est dessiné sur une feuille séparée. Ces différentes étapes sont filmées. Ainsi, les vidéos et films de Kentridge conservent les traces des différentes étapes du dessin. Sur le papier ne subsiste que la dernière version, les autres ont disparu[11],[12].
Kentridge utilise la même technique dans ses animations,Sobriety, obesity and growing old (1991),Felix in exile (1994),History of the main complaint (1996) etStereoscope (1999). En 1999 il créeShadow procession avec des découpes de carton noir sur des pages de livres et des cartes.
Ses animations traitent de sujets politiques et sociaux d'un point de vue personnel et parfois autobiographique, puisque l'auteur inclut sonautoportrait dans certaines de ses œuvres. Les concepts de temps et de changement sont également très présents : les traces de ce qui a été effacé sont encore visibles pour le spectateur.
En 1988, William Kentridge cofonde laFree Film-makers Co-Operative à Johannesburg. En 1999, il est engagé comme cinéaste parStereoscope. En 2001, Creative Time diffuse son filmShadow Procession à Times Square sur l'écran NBC Astrovision Panasonic[13].
William Kentridge a été sollicité pour créer des décors et diriger des productions à l'opéra. Là aussi, il met à contribution des techniques multiples, mise en scène, films d'animation, dessin…
Il est metteur en scène de, notamment,Wozzeck (Berg),La Flûte enchantée (Mozart),Le Nez (Chostakovitch). Il a aussi collaboré avec le compositeurFrançois Sarhan pour un spectacle musicalTelegrams From the Nose pour lequel il réalise la scénographie.
En, il réalise la mise en scène deLulu deAlban Berg, créée auMetropolitan Opera de New York, en coproduction avec l'English National Opera et l'Opéra national des Pays-Bas[14].
Le, la première deWozzeck (Alban Berg) de William Kentridge auFestival de Salzbourg est accueillie par des réactions enthousiastes[14].
Kentridge étend son champ de techniques en réalisant une série de tapisseries à partir de 2001. Elles sont basées sur des dessins et des collages de papiers déchirés suggérant des personnages chargés de lourds colis, sur fond de cartes d'atlas duXIXe siècle. Le dessin en ombre est une constante chez Kentridge. Les silhouettes noires, qui ne fond qu'un avec leur charge, évoquent les esclaves, porteurs, réfugiés ou migrants[15]...
Le tissage a été effectué par le Stephens Tapestry Studio à Johannesburg. La laine de chèvre a été filée localement et teinte avec des colorants naturels[15]
En 2009, William Kentridge, en partenariat avec le sculpteurGerhard Marcks, crée une sculpture de 10 m de haut, pour sa ville natale de Johannesburg, La sculpture est basée sur un dessin de Kentridge d'une vendeuse de rue portant un brasier en feu sur sa tête, d'où le nom familier qui lui est donné,Fire Walker (« marcheuse de feu »)[16].
En 2012, sa sculptureIl cavaliere di Toledo, de six mètres de haut en acier corten, est dévoilée àNaples[17].
Rebus (2013-2014) est une série des neuf sculptures en bronze d'objets quotidiens qui, selon la façon dont elles sont assemblées forment des narrations différentes, des œuvres différentes. Elles invitent le spectateur à faire son propre rébus à partir des éléments proposés[18].
En 2016, à l'occasion de l'anniversaire de la fondation deRome en 753av. J.-C., William Kentridge découvreTriumphs and Laments, unefresque murale monumentale de 550 m de long et dix mètres de haut, sur la rive droite de Tibre. Cette frise représente plus de 80 personnages depuis la Romemythologique jusqu'à l'époque contemporaine, en passant par l'extase de sainte Thérèse deGian Lorenzo Bernini et le meurtre d'Aldo Moro. Il s'agit de la plus grande œuvre publique de l'artiste à ce jour[19]. Pour cette fresque, Kentridge a choisi de ne pas peindre sur les murs, mais de faire apparaître ses dessins en effaçant autour d'eux, la grisaille recouvrant les murs. Les différents personnages sont constitués de la couche noire recouvrant les kilomètres de muraille. Il s'agit d'une œuvre éphémère puisqu'elle va disparaître progressivement lorsque la pollution va, à nouveau, recouvrir les murs[20].
Pour célébrer son lancement, il a conçu, avec le compositeur sud-africain de renom, Philip Miller, une série de performances basées sur des jeux d'ombres, interprétées par plus de 40 musiciens[21].
O Sentimental Machine est une installation vidéo dont le titre fait référence à une phrase deLéon Trotski :« Les hommes sont des machines sentimentales programmables. »
Plusieurs petits films sont projetés sur les murs d'un petit salon à la décoration sommaire. L'élément central est une vidéo inédite d'archive où Trotski s'exprime en français. Dans une autre vidéo, Kentridge, affublé d'une moustache, parodie la gestuelle de Trotski. Sur une autre encore, une secrétaire un peu déjantée, tombe amoureuse d'un mégaphone... Des images muettes qui font référence au cinéma d'entre-deux-guerres. L’installation rappelle le non-sens et l'humour du mouvementDada[22]
The Head & the Load, est une pièce mêlant films, théâtre et jeux d’ombres, présentée pour la première fois à laTate Modern deLondres en 2018. Commandée pour le centenaire de laPremière Guerre mondiale, elle rend hommage aux millions de soldats africains sacrifiés durant ce conflit qui ne les concernait pas. Sébastien Delot, le directeur duLaM commente :« William Kentridge exhume ici ces tragédies que les livres d’histoire ont oubliées. Il s’intéresse à ces zones obscures pour mieux révéler la lumière[23]. » Cette œuvre prend la forme d'une longue et imposante procession musicale[24]. Elle témoigne de l'expérience de près de deux millions de porteurs africains utilisés par les armées britanniques, françaises et allemandes pour porter le poids des victimes de laPremière Guerre mondiale en Afrique. Kentridge travaille ici avec les compositeurs Philip Miller et Thuthuka Sibisi et le chorégraphe et danseur Gregory Maqoma ainsi qu'avec une distribution internationale de chanteurs, danseurs et interprètes, majoritairement d’origine sud-africaine. La partition de Miller est interprétée par l'orchestre de chambre new-yorkais The Knights, rejoint par des musiciens d’Italie, d’Afrique du Sud et deGuinée[25].
Il a été exposé à laDocumenta X deCassel (1997); à la24e Biennale de São Paulo (1998); et à laBiennale de Venise (1999). Il a eu des expositions personnelles à Londres, Berlin, New York, Sydney, Kyoto et Johannesbourg. Il faisait partie des six artistes sélectionnés pour leprix Hugo Boss d'art contemporain en 1998. En 2010, leJeu de Paume accueille l'exposition monographique, rétrospective:William Kentridge, cinq thèmes où sont présentés, entre autres,I am not me, the horse is not mine (installation vidéo mise en musique par Philip Miller) qui fait partie des travaux préparatoires à sa dernière mise en scène :Le Nez, opéra de Chostakovitch, coproduit et présenté par le MET de New York (), lefestival international d'art lyrique d'Aix-en-Provence () et l'opéra de Lyon (). En parallèle, il présente aumusée du Louvre une exposition sur le thème de l'Égypte :Carnets d'Égypte (l'artiste expose ses dessins à côté des œuvres du musée, ses vidéos sont projetées dans le lit à baldaquin de Louis XIV) et la performance musicaleTelegrams From the Nose.
LaDOCUMENTA (13) de Cassel de 2012 présenta son nouveau projet multiforme autour de la notion de temps, réalisé en collaboration avec le scientifique américainPeter Galison.
À l'automne 2018, lemusée Reine-Sophie de Madrid a organisé une importante rétrospective de son œuvre.
Lauréats duPraemium Imperiale de peinture | |
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