Titre avec deux U pour représenter un W :Several UUitches (1693).Plaque de l'Hôtel de Cluny avec un W pour représenter un UV :OWERTVRE, TROWA, COWERTES.
Avant laligature, on a eu d'abord le redoublement duu (ouv), utilisé durant leBas Empire, et ce, donc, à la fin de l'Antiquité et dans le midi de l'Europe, et non pas d'abord au Moyen Âge et en territoire germanique. Des écrivains ou scripteurs latins employèrent alors ce redoublement quand ils voulurent indiquer que la lettrev en position consonantique devait encore se prononcer à l'ancienne manière, celle du latin classique, c'est-à-dire [w] (comme unw anglais actuel, ou comme ‹ ou › dans le françaisouest) ; alors que pourtant, un changement phonétique avait conduit à substituer à ce phonème le son de la labiale [b], lequel son devait aboutir lui-même plus tard à lalabio-dentale [v] (en français ou italien par exemple).
Cev redoublé fut employé pour écrire en tout cas certains noms de lieux géographiques de l'Empire romain, à propos desquels le changement susdit ne s'était pas produit. Le nom géographique« Seuo », toujours prononcé « Sewo » à la fin de l’Empire, fut orthographié« Seuuo »[1],[2].
Lev latin initial originellement prononcé comme une semi-consonne s'est consonantisé en [v] enlatin vulgaire, alors que les migrations germaniques ont réintroduit le phonème /w/ [w][6], noté W engallo-roman. Ainsi, même des noms communs d'origine latine tel queVASTARE « rendre désert, dépeupler; ravager, dévaster, ruiner » se sont hybridés en gallo-roman[6], d'où*WASTARE >gâter en français moderne, sous l'influence du germanique*wōsti « désert »,*wōstjan « rendre désert, ruiner », comparable auvieux haut allemandwuostan, allemandverwüsten « dévaster, ravager, ruiner »[7],Wüste « désert »; voir aussiguêpe, gui, goupil, etc. [w] est d'abord passé à [gw], puis à [g] notég ougu enfrançais central, alors que l'italien par exemple, conserve le [v] commun à la plupart des autres langues romanes :vastare,vespa,visco,volpe, etc. dans les mots d’origine latine. En outre, les dialectes les plus septentrionaux de lalangue d'oïl ont conservé lew [w] : wallon, picard, normand septentrional (groupe du nord ouest : dialectes septentrionaux) et champenois, bas lorrain, bourguignon (groupe du nord est : dialectes orientaux)[8].
La lettre W est la dernière lettre conventionnellement entrée dans l'alphabet français.LeGrand Robert la reconnaît comme23e lettre de l'alphabet en 1964, tandis que lePetit Larousse l'avait intégrée depuis 1948[10],[11] mais elle est bien dans l'alphabet français selon le Larousse pour tous en 2 volumes édité en 1907-1910[12]. Cependant, W n'est jamais complètement sortie de l'usage pour retranscrire des noms communs étrangers ou dialectaux, ainsi que des noms propres. En 1751, l’Encyclopédie de Diderot et D’Alembert utilise le W mais indique à l’entrée « W » que « cette lettre n’est pas proprement de l’alphabetfrançois. C’est la nécessité de conformer notre écriture à celle des étrangers, qui en a donné l’usage[13]. » ; de la même façon, leDictionnaire de Trévoux en 1771 indique « Cette lettre n’est pas proprement une lettre Française. C’est une lettre des peuples du Nord. Cependant nous l'admettons pour plusieurs noms propres[14]. ».
Effectivement, et contrairement à ce qu'affirment Diderot et D’Alembert, le W- ou-w- a toujours été utilisé dans les noms propres du Nord de la France et de la Belgique francophone, c'est-à-dire dans l'anthroponymie (surtout despatronymes aujourd'hui) et dans latoponymie. Ainsi le normand septentrional, le picard, le wallon (comme son nom l'indique), le bas-lorrain, le champenois et le bourguignon n'ont jamais abandonné l'usage de cette lettre dans l'onomastique régionale, c'est pourquoi on trouve des noms de famille fréquents telsWatteau,Wace, Wautier,Waquet, Wartel, Warin, Willaume, etc. ou des toponymes commeLawarde-Mauger,Wanchy-Capval,Wignicourt,Longwy, etc. Il ne s'agit pas d'une graphie arbitraire, mais le reflet de laphonétique régionale, à savoir la conservation du [w][15], passé plus tardivement à [v] dans certains cas (auXIIe siècle en normand par exemple[16]), alors que dans les autresdialectes d'oïl (« francien », occidentaux, centraux, méridionaux), le w- [w] initial ancien du gallo-roman est passé précocement à [gʷ], d'où le graphegu- encore au Moyen Âge (d'où par exemple l’anglaisguard), avant de se simplifier en [g], notég- ougu- selon les cas. Les noms propres issus des dialectes d’oïl occidentaux, centraux et méridionaux présentent donc des formes en G(u)-, correspondant souvent à celles en W- ci-dessus : Gautier, Garin, Guillaume, Lagarde, etc. Il existe cependant quelques rares exemples de l'usage de la lettre W dans les noms propres en dehors de l'aire de diffusion des dialectes d’oïl septentrionaux et orientaux, comme dansWissous (Vizoor auXIe siècle,Vizeorium etViceor auXIIe[17]), mais il s'agit dans ce cas de graphie abusive, le W- initial n'apparaissant qu'auXVIIe siècle[18].
Une relative incertitude règne aussi en français contemporain dans la prononciation des emprunts de termes commençant par la lettrew-, notamment de l'anglais, par exempleweek-end [w] etwagon [v]. Il en est de même pour les noms propres commençant par W- caractéristiques despatronymes ettoponymes flamands, picards, champenois et bas lorrains, où l’on note une certaine confusion, parfois dans une même commune on entend deux, voire trois, prononciations différentes duw, c'est ainsi que pour la ville deWissant (Pas-de-Calais) l'on entend aussi bien les prononciations [ɥisɑ̃] (« huissant ») que [wisɑ̃] (« ouissant ») et [visɑ̃] (« vissant »). Lech'ti et lewallon retiennent généralement la prononciation [w] dew, d'oùwagon prononcé [waɡɔ̃].
Le W est inutilisé en Espagne, en Roumanie, ainsi que dans les pays hispanophones et lusophones en dehors des emprunts. En Italie, la lettre est parfois utilisée en tante qu'abréviation deViva! (vive) comme la ligature des deux v du mot dans des slogans, sur des banderoles ou des tags[19].
Les capitales des policesGaramond et Sabon possèdent généralement le tracé croisé.
De façon, plus rare, on trouve parfois un W en forme de « trident » avec une seule hampe de jonction, notamment dans les policesBauhaus ouOCR-A. On retrouve cette forme dans les minuscules des policesGaramond enitalique.
Laforme en exposant du w ‹ ʷ › est utilisée comme symbole phonétique de l’alphabet phonétique international pour lalabiovélarisation mais aussi comme lettre dans l’écriture de plusieurs langues.
↑David Sacks,Une Histoire de l'Alphabet, Les Editions de l'Homme, page 274
↑Voir l'ouvrage du linguiste anglophone David Sacks, intitulé en françaisUne histoire de l'alphabet, éditions de l'Homme, pour ce qui est de la traduction française, page 274.
RenéLepelley,La Normandie dialectale : petite encyclopédie des langages en mots régionaux de la province de Normandie et des l̂les anglo-normandes, Caen, Presses universitaires de Caen,, 175 p.(ISBN2-84133-076-1,BNF37008883)
X***,Dictionnaire de paléographie, de cryptographie, de dactylogie, d’hiéroglyphie, de sténographie et de télégraphie, Jacques-Paul Migne,(lire en ligne)