Partiellement découverte de nos jours, la cité antique éclôt à partir duIIIe siècle av. J.-C. en tant qu'établissementpunique et se développe rapidement à partir du moment où elle entre dans le giron romain, pour dépasser une superficie de42 hectares.
L'origine du nom de la ville,« très controversée »[A 1], viendrait du latinvolubilis signifiant« qui a un mouvement giratoire, qui tourne » selonFélix Gaffiot[1]. Le dictionnaire latinLewis & Short donne également une explication similaire[2].
Son nomberbère estWalīlī,Oualili, ouWalīlā[D 1],[3],[4] désignerait la fleur deliseron ou lelaurier-rose, particulièrement abondant aux abords de l'oued Khoumane[K 1]. On pourrait aussi rapprocher le nom berbère du nom latin puisqu'il existe une racinelibyque pan-berbère WLLY signifiant aussi« tourner, tournoyer »[5].
La ville est relativement peu mentionnée dans les sources antiques et médiévales[A 1].
Le mot est mentionné dans lesÉpîtres d'Horace :labitur, et labetur in omne volubilis aevum (« Alors que l'eau du fleuve éternellement coule »)[8]. Enlatin classique, le "v" de « volubilis » se prononçait comme un "w", rapprochant la prononciation latine de celles en langues berbères etarabes modernes[9].
L'historien françaisCharles-Joseph Tissot a découvert que ce que certaines sources en arabe appelaient « Qasr Fara'on » (enarabe :قصر فرعون soit le Palais du Pharaon) correspondait à Volubilis. Ce terme est encore utilisé de nos jours par les locaux, parfois abrégéEl Ksar (enarabe :لقصر?), signifiant « Le Palais ». Ainsi, les ruines de ksar Farâoun désignent en fait les ruines de Volubilis[10].
Pâte d'olive lors du processus d'élaboration de l'huile. Cette industrie est le pilier de la prospérité de la cité volubilitaine auHaut-Empire romain.
Plusieurs éléments favorisent l'installation de communautés humaines importantes[B 2] à cet emplacement. Tout d'abord, la région a unclimat méditerranéen et bénéficie de pluies abondantes qui s'ajoutent aux sources pour assurer une disponibilité suffisante à une communauté urbaine de« plusieurs milliers d'habitants »[A 3],[A 4]. La plaine de Volubilis est pourvue également de deuxoueds, l'oued Fertassa et l'oued Khoumane[B 3]. La région porte au Moyen Âge le nom de« région des rivières »[AR 1]. Puis, le site est également facile à défendre, à proximité duZerhoun. Dernier élément, le territoire de la future cité et ses abords immédiats sont particulièrement favorables à l'agriculture[J 1],[AR 1]. La plaine dans laquelle est située la cité est très fertile et les oliviers en constituent encore un élément caractéristique du paysage[L 1]. La diversité des sols permet la culture de légumes, de légumineuses, de vergers, de vignes ; cependant les cultures essentiellement pratiquées dans l'Antiquité étaient celles du blé, de l'orge, et de l'olivier[A 4]. L'élevage est de plus répandu sur les collines du site[B 3]. L'exploration archéologique de l'arrière-pays volubilitain a permis de lister325 sites antiques, sur une zone de 30 km de long sur environ 40 km de large[A 5].
Géographie de Volubilis
Alentours de Volubilis.
Alentours de Volubilis.
Exemple d'un oued (ici de l'oued de Tensift) au Maroc dans l'ancienne province de Maurétanie tingitane.
Exemple d'un oued (ici de l'oued de Tensift) au Maroc dans l'ancienne province de Maurétanie tingitane.
Au nord duMaroc actuel, la ville intègre auIIe siècle av. J.-C.[B 1] le royaume indigène de Maurétanie qui se développe, même si les frontières en sont encore floues[A 9]. La région est influencée par lacivilisation grecque au travers de la diffusion des objets. Cette influence grecque passe d'abord parCarthage, avant d'être le fait de Grecs présents à lacour numide[E 1].
Le couple royal s'engage à« représenter fidèlement les valeurs de Rome, à les propager et à s'en faire les garants ». Le mode de vie romain se serait développé à partir des couches sociales privilégiées dans les deux siècles de laPax Romana[E 3]. La majeure partie de la population reste autochtone[A 15].
Ptolémée, son fils, lui succède en23apr. J.-C.[A 14]. Le royaume tenu par un« Roi allié et ami de Rome », cette dernière profitait tout à la fois du commerce et de la sécurité pour deux provinces importantes, laBétique et l'Afrique proconsulaire[A 14].
La ville, qualifiée d'oppidum parPline l'Ancien (au début du « livre V » de sonHistoire Naturelle), se développe sur plus de10 hectares. Elle est protégée, sous le règne deJuba II, par une enceinte en briques crues, avec des maisons de même matière à l'intérieur. La cité royale maurétanienne avait peut-être à cette époque une superficie de12 hectares[J 2]. La cité maurétanienne est prospère, dispose de monuments importants[C 1] et le commerce est attesté par les découvertes archéologiques :céramique campanienne importée,amphores italiques Dressel« 18 », monnaies deGadès et monnayage local en particulier sous Juba II[A 15]. La cité est ouverte aux influences extérieures durant cette phase de son histoire, punique puis romaine, ce qui facilite peut-être la romanisation ultérieure[A 15]. Après l'annexion de la Maurétanie à l'Empire romain, untumulus est élevé sur l'angle nord-est de l'enceinte. C'est certainement un monument commémoratif érigé à la mémoire des soldats morts au cours de la guerre contreÆdemon. Avant la provincialisation de laMaurétanie tingitane, Volubilis est une cité montrant des traits de romanisation : certains desmagistrats comme le fameuxMarcus Valerius Severus, portent des noms romains et sont inscrits dans latribu romaine Galeria[A 16],[15], ce qui indique l'obtention de lacitoyenneté romaine[16].
Position de laMaurétanie tingitane dans l'Empire romain.Inscription qui rappelle la transformation de Volubilis en municipe romain, sous le règne de Claude, qui confère aux habitants de Volubilis la citoyenneté romaine. Base de statue inscrite sur deux faces, trouvée en 1923 dans une salle à l'est de l'area du capitole, calcaire[17].
L'empereurCaligula fait assassiner le roi maurétanienPtolémée[A 8] en40apr. J.-C.[B 1]. S'ensuit une révolte contre l'Empire menée parAedemon, affranchi de Ptolémée[M 1]. Volubilis se range alors résolument dans le camp des Romains en créant une milice d'auxiliaires[J 2] qui contribue à l'anéantissement de la révolte. 20 000 hommes, légionnaires et auxiliaires, sont nécessaires pour mater la révolte qui occasionne des destructions comme peuvent en témoigner des traces archéologiques[A 17]. La révolte se poursuit après la mort d'Aedemon et« l'ancien royaume maurétanien [est] livré à l'anarchie »[A 17]. L'appui de Volubilis à Rome lui coûte cher[B 4] et la cité demande à un notable local, Marcus Valerius Severus, de plaider sa cause auprès du nouvel empereur[A 17],[18]Claude[B 5] et d'obtenir une récompense du fait« de leur loyalisme et de leur aide militaire »[A 16]. Cet appui témoigne d'un processus de romanisation antérieur à la mainmise totale de Rome[A 18].
Fin42apr. J.-C. ou début43apr. J.-C.[A 18], l'Empire romain annexe le royaume de Maurétanie qui est divisé enMaurétanie tingitane (avecTingis comme capitale) à l'ouest etMaurétanie césarienne à l'est (avecIol Caesarea comme capitale)[J 2]. La province est gouvernée par unprocurateur de l'ordre équestre nommé par l'empereur[A 19]. Volubilis est récompensée de sa loyauté par l'empereur Claude qui lui attribue en 44[19] le statut demunicipe romain[M 2],[I 1] : tous les habitants libres de Volubilis, antérieurementpérégrins[A 16], sont désormais descitoyens romains[16],[K 1]. La cité obtient sans doute d'autres avantages[A 18], en particulier dans le domaine du droit du mariage (statut de citoyen pour enfants avec femmes pérégrines), des successions, et également des avantages fiscaux pendant dix ans[A 20].
Cette évolution du statut de la cité entraîne un programme de travaux importants et des changements majeurs sur les plans institutionnel et religieux[F 2]. L'occupation romaine est cependant ténue, les conquérants prenant essentiellement appui sur le réseau urbain hérité de l'époque punique et des créations coloniales augustéennes[A 18]. Volubilis devient dans l'Afrique romaine« l'élément le plus avancé du dispositif [faisant] face aux tribus semi-nomades », avec trois camps associés et des tours[A 8], et elle est reliée à la capitale de la Tingitane, Tingis[K 1],[B 5]. La cité déborde l'enceinte dès la seconde moitié duIer siècle et des quartiers sortent de terre auIIe siècle. À la fin de ce siècle et au début duIIIe siècle, sous lesSévères, une activité édilitaire importante touche les monuments publics[C 1].
La ville s'enrichit grâce à l'exploitation de son arrière-pays[K 1] et en particulier l'oléiculture et le commerce de l'huile, bien que située aux marges du monde romain et loin des côtes : la cité volubilitaine est« emblématique [des] cités prospères de l'Afrique romaine »[E 3]. Le mode de vie romain se diffuse par l'adhésion des élites présentes, qui intègrent les institutions municipales mises en place sur le modèle romain[K 1],[B 5] et connues par des inscriptions[J 2] : desdécurions, deuxduumvirs annuels et deuxédiles chargés de missions spécifiques (marchés, jeux, voirie)[K 2]. Ces élites se font bâtir des demeures pourvues de tout le confort de la vie romaine[A 21]. La romanisation intègre« les fonds punique et berbère »[A 20]. Autonome, la cité est dirigée par des élites locales favorisées par le pouvoir romain qui s'attache ainsi leur fidélité[A 20].
Ces élites accompagnent le développement de la parure monumentale du cadre urbain,« marques les plus évidentes de la romanisation »[A 22] : unforum, quatreédifices thermaux publics et des maisons sont construits. Unaqueduc apporte l'eau des sources du djebel voisin jusqu'à deux fontaines publiques, les thermes et les maisons. Deux puits et une citerne complètent ce réseau. Les maisons se couvrent de toits à double pente entuiles romaines. Un temple avec ses lieux d'offrandes et de sacrifices se construit sur les pentes du tumulus. En168-169, la construction est limitée par l'édification d'un rempart avec huit portes, dont la porte de Tanger, et une quarantaine de tours[J 2]. La superficie de la ville est alors de42 hectares[L 1]. Des édifices publics sont agrandis, d'autres sont bâtis. Des maisons richement décorées de mosaïques sont dotées de thermes privés. On trouve de nombreuses installations commerciales et artisanales. Unportique borde ledecumanus maximus (voie principale) depuis la porte de Tanger jusqu'au-delà de l'arc de triomphe, dédié àCaracalla[20] pour le remercier d'avoir accordé une remise des arriérés d'impôts à la province, remise connue par l'édit de Banasa[21].
Ces faveurs garantissent une forte prospérité pour les grandes familles, c'est une période de grands projets architecturaux qui marque l'apogée de la ville au début duIIIe siècle[A 23],[B 5]. Hormis la cité et l'espace protégé par les fortins, Volubilis avait une zone d'influence dans laquelle vivaient des tribus berbères dont celle desBaquates[G 1].
La province de Maurétanie tingitane sous le Haut-Empire romain
Autel de la paix, découvert en1952 et daté du 06 mars 200. Le procurateur associe Septime Sévère et ses fils Caracalla et Géta, dont le nom a été martelé par la suite[A 24].Les ruines de Volubilis avec au fond à flanc de colline (la tache blanche) le village de Moulay Idris où se trouve le tombeau d'IdrissIer.
Le site connaît un fort ralentissement de l'activité édilitaire après lesSévères[C 2]. Les dernières traces d'une activité municipale sont constituées par deuxautels et une base de statue dédiée àProbus[K 3], empereur dont le règne prend fin en282[A 25]. Les deux autels dits de paix sont conservés au musée de site de Volubilis : le premier est daté entre et et date du règne d'Antonin le Pieux ; réalisé sur une pierre de remploi, il s'agit d'une dédicace à l'empereur d'un Baquate latinisé,Aelius Tuccuda[22],[A 5]. Le second est daté du et le procurateur évoque Septime Sévère et ses fils, ainsi que deux princes baquates, dontIlilasen, fils d'Uret[23],[A 24]. Douze inscriptions évoquent les relations régulières entre Romains etBaquates lors decolloquia et permettent de renseigner l'aire d'influence de Volubilis[G 2]. Le prince baquate fait reconnaître son pouvoir tout en faisant allégeance à Rome et à ses divinités[G 3]. Les découvertes épigraphiques faites dans l'édifice ditpalais de Gordien témoignent du déclin de la cité et de la chute finale. En effet, une série de traités sont signés avec les chefs berbères locaux, et leur nombre augmente au fur et à mesure que la ville devient plus vulnérable, et que les membres d'une tribu prennent plus d'assurance. Au temps du dernier traité, juste quelques années avant la chute de la ville, les chefs berbères étaient considérés comme des égaux de Rome, et cela est un signe de la perte de pouvoir de Rome dans la région. Les deux derniers autels inscrits retrouvés, de 277 et 280, évoquent« une paix fédérée et durable », vœu pieux car Volubilis est tombée quelque temps plus tard.
Vers285, après la gravecrise du troisième siècle, les autorités impériales romaines — armée et administration — décident d'évacuer la ville et toute la région au sud duLoukkos et de se replier sur Tanger[A 23]. La province romaine est alors réduite de plus de moitié[A 23]. Cette décision« participe plus d'une stratégie impériale de repli général en Afrique du Nord que d'une aggravation de l'insécurité locale », basée également sur une localisation excentrée ainsi qu'un moindre enjeu économique et stratégique[A 26]. L'évacuation touche aussi les cités de Banasa et Thamusida[A 25]. Les circonstances précises restent méconnues[J 3]. La Tingitane est rattachée alors administrativement à l'Espagne sousDioclétien[A 25]. Les quartiers sont toujours habités auIVe siècle[AA 1].
Les habitants,« romanisé[s] mais berbère[s] d'origine »[A 27],« sont livrés à eux-mêmes »[A 28] et l'activité de la cité se réduit[B 6]. La ville change et des transformations urbaines ont lieu, mais la transition n'est pas brutale[AA 2]. Le retrait des Romains se traduit aussi par des changements de mode de vie. L'aqueduc n'est plus correctement entretenu et la ville se déplace : les habitants abandonnent les parties hautes pour se rapprocher de la rivière[A 29],[C 2], dans un nouveau quartier[B 7]. Les maisons, d'abord entretenues dans le style romain par des matériaux de remploi, sont peu à peu modifiées. Les institutions municipales tombent peu à peu en désuétude ; la vie politique et municipale n'est pas connue à ce moment de l'histoire de la cité volubilitaine[C 2]. Des témoins de liens ténus avec l'Empire romain ont été découverts en fouilles, comme des monnaies des empereursConstantin II,Constance II,Gratien etThéodose[A 29]. L'invasion desVandales, venus d'Espagne en429, et débarqués près de Tanger avec leur chefGenséric[A 30], marque la fin de la période romaine.
En788[B 7] ou789,IdrîsIer, un descendant deHasan surnommé Az-Zakî (vertueux) fils aîné d'`Alî et deFâtima fille deMahomet, s'enfuit pour échapper aux persécutionsabbassides. Il s'installe à Volubilis, peut-être alors dominée par lesAwraba[AR 1], et la ville lui sert de base pour ses expéditions militaires dans le processus de création du royaumeidrisside[A 23],[B 8],« signe d'un rayonnement local que n'avait pas éteint l'abandon officiel »[A 32]. La cité s'étend à l'est[B 7], et des monnaies d'argent et de bronze y sont frappées de 789 à 825[A 31]. Le quartier général des Idrissides s'installe non loin de l'oued Khoumane[AR 3]. IdrisIer est assassiné en791[J 3],« peut-être empoisonné par un émissaire du KhalifeHaroun er Rachid, inquiété par cette fulgurante ascension »[A 30]. Avec la fondation deFès parIdrîsIer[J 3] (789), ou parIdris II[AR 4] en808[A 30], Volubilis perd encore de son importance en abandonnant son rôle de capitale. L'archéologie rend compte d'une faible activité économique[AR 5].
La ville romaine sert de carrière pour les matériaux de construction. En effet, durant le règne du« roi bâtisseur »Ismaïl ben Chérif, entre la fin duXVIIe siècle et le début duXVIIIe siècle, tout le marbre et autres piliers encore utilisables dans la ville antique de Volubilis sont pillés et transportés à la cité impériale deMeknès[24]. Cette récupération est relatée par la tradition qui évoque également la construction du mausolée de Moulay Idriss àZehroun[AB 1]. Le site est encore occupé auXIXe siècle, mais très faiblement[AB 1].
L'arc de Volubilis selon la gravure réalisée par Henry Boyde au début duXVIIIe siècle.
Les ruines font l'objet des premières descriptions vers par le biais degravures effectuées par des Anglais dont le premier est Henry Boyde[26], prisonnier d'Ismaël du Maroc[B 9], qui représente l'arc de triomphe.John Windus représente le même édifice ainsi que la basilique[A 34]. D'autres représentations sont réalisées en. Ces gravures laissent entendre une dégradation des vestiges en raison dutremblement de terre de1755[A 34],[B 9].
En1871, le diplomate et archéologue françaisCharles Tissot visite le site, l'identifie[B 1] et y travaille à des relevés. Son collègueHenri de La Martinière y procède à des fouilles et à des relevés en1888 puis en septembre-octobre1889[27] dans des conditions de sécurité difficiles du fait de la présence de groupes d'insoumis armés rebelles et de l'absence dans la région de troupes du« sultan de Fès » susceptibles de la sécuriser. Il collecte de nombreuses inscriptions latines et en rapporte 34estampages d'inscriptions dont deuxgrecques et un plan de la ville romaine, ainsi que les premières photos enabsolu du site et des monuments de Volubilis[28],[A 34]. Le termeVolubilitani de l'inscription de l'arc permet alors d'identifier le site archéologique[J 4].
La cité est partiellement fouillée et aménagée à partir de1915[J 2], sous leprotectorat français, année qui voit l'installation du Service des Antiquités sur le site de Volubilis[J 4] : le site de l'arc[26] et de la basilique est dégagé en particulier par l'apport de la main-d'œuvre constituée de prisonniers allemands[A 34]. En octobre1915, la direction des fouilles est confiée àLouis Chatelain[29], directeur du Service des antiquités du Maroc auquel succèdeRaymond Thouvenot dans lesannées 1930. Alors que les premières fouilles s'intéressaient au centre monumental, le second s'intéresse aux fouilles des demeures. Les premières fouilles négligent les structures tardives et sont confuses pour« les niveaux post-romains »[AA 4], les archéologues étant pressés de parvenir aux« ensembles monumentaux et [aux] œuvres d'art »[A 25]. Les méthodes utilisées lors de ces fouilles anciennes sont insuffisantes pour percevoir l'évolution de la cité. En effet, il n'y a pas eu de fouillesstratigraphiques systématiques ce qui pose problème pour l'étude de l'évolution urbaine[A 35]. De même, les couches les plus récentes ont été négligées lors des fouilles anciennes qui ont souffert d'un« dégagement hâtif »[A 36], rendant difficile la connaissance de l'histoire de la cité durant l'antiquité tardive et leMoyen Âge islamique. On rencontre le même problème sur bien d'autres sites fouillés, en particulier àDougga dans l'actuelleTunisie.
Sous l'Indépendance, les fouilles sont réalisées par des archéologues marocains et des collaborations étrangères, et s'intéressent au quartier tardif[A 34]. Des fouilles ont lieu dans les années 1960 et 1970, mais ces travaux négligent la céramique commune. Ce fait rend difficile l'étude céramologique sur le site pour la période tardive, sans étude stratigraphique[AB 2]. Les fouilles stratigraphiques d'un secteur à l'est de la ville tardive ont lieu à la fin des années 1980 et au début des années 1990[AA 5]. De nouvelles fouilles maroco-anglaises ont lieu au sud de l'enceinte et des thermes islamiques dans les années 2000[AB 3]. La céramique collectée lors de ces fouilles s'étale jusqu'auXIXe siècle[AB 4].
Aujourd'hui, ce sont40 hectares de vestiges qui s'étendent au milieu des oliveraies et des champs, les zones fouillées représentent au début duXXIe siècle moins de la moitié du site[A 34]. Selon Morel Deledalle, la surface fouillée est d'« un dixième de la superficie de son territoire » et concerne la partie orientale de la ville[L 1]. Quelques monuments prestigieux ont été restaurés pendant leXXe siècle, l'arc, la basilique et le Capitole. Le site est classé le[J 4].La qualité de conservation remarquable des mosaïques et l'exceptionnelle préservation du site ont incité le Maroc à proposer le site au classement international en juillet1995 et l'UNESCO à le classer au patrimoine mondial de l'humanité lors de la session réunie àNaples le[J 4],[J 3],[E 4].
En 1965,3 mosaïques provenant du site deBanasa (l'ancienne colonie romaineJulia Valentia Banasa située sur une voie romaine de la Maurétanie Tingitane, au Nord-Ouest du pays) ont été ajoutées aux vestiges conservés à Volubilis. Les mosaïques des deux sites sont les mieux datées, de 40 au milieu duIIIe siècle[J 5]. Cependant, la conservation des œuvres pose toutefois problème[AD 2] : auparavant protégées, elles sont désormais exposées au soleil, au vent, aux lichens et aux visiteurs qui peuvent les fouler librement ; les interventions ont également pu les dégrader et les tesselles ont parfois été arrachées[AD 1]. Ces fleurons du site, ont été laisséesin situ et non protégées, ce qui occasionne une dégradation du fait des précipitations mais également du fait« des restaurations catastrophiques qui leur ont été infligées »[B 10]. Des mosaïques ont été étudiées pour comprendre les mécanismes de dégradation, et certaines ont pu être remises en place[AD 3]. Le sol sur lequel est posé les mosaïques est responsable pour partie de leur état, les sols calcaires offrant une base stable mais levertisol posant davantage de problèmes de conservation[AD 4].
Société, institutions et vie religieuse de la cité
Pour la recherche historique l'épigraphie est la« source quasi exclusive d'informations sur la vie municipale et la société »[A 37], et permet également d'appréhender la vie religieuse dans la cité[F 1].
La population de la ville n'est pas connue précisément et les spécialistes divergent : elle aurait atteint à son apogée un nombre de 15 000 à 20 000 habitants selon Limane Rebuffat et Drocourt[J 6], plus de 10 000 habitants selon Panetier et Limane[A 38] et jusqu'à 12 000 habitants selon Golvin[19]. Volubilis compte donc à son apogée de 12 000 à 15 000 habitants[B 3] et la majorité de la population est pauvre et diverse[A 38], même si dans leur grande majorité les Volubilitains sont des autochtones[A 39]. Il y a également des Orientaux dans la cité, Grecs d'Asie mineure, Juifs,Syriens etArabes. 10 % de la population au maximum est d'origine européenne,espagnole surtout mais aussigauloise,italienne oubalkanique[A 39]. Cette prédominance de l'élément autochtone peut expliquer la persistance de la cité longtemps après le retrait des autorités impériales[A 39]. 10 % de la population est servile[A 40]. Seuls 488 habitants de la ville sont connus par les inscriptions, dont 417 citoyens, Italiens immigrés ou Maures romanisés[A 40].
Le droit de cité et les avantages liés ne concernent que les urbains et non les populations berbères extérieures à la ville[A 40]. Les paysans de l'arrière-pays ne sont guère connus, tout comme les tribus berbères dont« il serait tentant d'en faire des réfractaires à la romanisation »[A 22]. Les classes sociales privilégiées sont propriétaires et exploitent les richesses de la cité, comme le blé et l'olive[A 41]. Elles ont accès à uncursus honorum[A 42] : six Volubilitains connus ont intégré l'ordre équestre[A 42], un a pour sa part intégré leSénat de Rome[A 43]. Leur cadre de vie contient des produits de luxe importés d'autres régions de l'Empire[A 22]. Cependant, la population reste dans sa grande majorité africaine, comme en témoigne une influence régionale[A 22] dans le plan des maisons qui reprend un plan africain.
Les documents épigraphiques et les sources littéraires mentionnent certaines tribus berbères semi-nomades. La tribu berbère desBaquates est la plus présente jusqu'à la fin de la présence romaine, même si les Berbères sont peu romanisés[A 5]. Les autels de paix indiquent des relations diplomatiques avec les autorités provinciales, les tribus conservant leur autonomie en échange de la sécurité pour la province[A 5]. Des tribus peuvent cependant également s'allier et générer de l'insécurité dans la région[A 44].
Buste de Claude enJupiter. Marbre, œuvre romaine, vers50.Rome,musée Pio-Clementino. L'empereur donne la citoyenneté romaine aux habitants libres de la cité.
Il y a desédiles avant le statut municipal octroyé par Claude, et les institutions romaines étaient déjà présentes par les colonies de vétérans[A 45]. En44apr. J.-C. les pérégrins intègrent en nombre latribuClaudia, alors que de nombreux habitants sont déjà citoyens romains dans les tribusQuirina etGaleria[A 45]. La décision de Rome donne un« cadre officiel » à la romanisation dans la cité.
Les grandes familles locales ont été un soutien fidèle auculte impérial et aux institutions mises en place par Rome, accaparant les charges afin de réaliser leurs ambitions[A 43]. La cité comporte un collège dedécurions, sénat local (ouordo), anciens magistrats et membres des grandes familles locales, qui est chargé de la vie religieuse et des finances. Deuxduumvirs élus pour un an, s'occupent de l'administration générale, de la présidence des tribunaux et des assemblées. Deuxédiles sont quant à eux chargés de la voirie, de la police, des marchés et des jeux[A 46]. Lecursus honorum local comporte également le degré de la questure, premier degré des honneurs, chargé de l'administration financière. Un collège deflamines (hommes) ou flaminiques (femmes), élus pour un an, sont chargés du culte public, dont le premier flamine investi de missions religieuses[A 16].
Le changement de statut de la ville en 44 fait évoluer l'organisation religieuse. Les cultes, dont témoigne l'archéologie, indiquent un statut de la cité comme« centre de la romanité »[G 4], alors même que les fouilles indiquent une continuité dans l'utilisation des monuments dédiés au culte,« dichotomie entre le discours épigraphique et le discours archéologique » selon les recherches de Brahmi. Lelatin est utilisé à partir de cette date, mais le sentiment religieux s'exprimait peut-être auparavant par des moyens oraux. Les modifications profondes de l'organisation territoriale ont eu cependant des incidences sur la vie religieuse locale[F 1]. L'héritage religieux maurétanien perdure même si le cadre religieux de la cité est repensé, et subit des mutations profondes avec leculte impérial et l'introduction de divinités inconnues jusqu'alors : à Volubilis il y a« une interaction entre une religion locale et celle venue de Rome »[F 3].
Les vestiges de statues monumentales en marbre et aussi des statuettes de bronze retrouvées dans les demeures témoignent de la religiosité des habitants de la cité, tant publique que privée. Outre leculte à l'empereur et à Rome, étaient répandus les cultes officiels, dont ceux de latriade capitoline, et les cultes orientaux. Dans les maisons, le culte auxLares était présent[K 3]. Ont été retrouvées des traces de cultes orientaux, arabes, phrygiens, de judaïsme mais aussi de cultes locaux[A 47].
Marcus Valerius Severus est le premierflamine de la cité[A 43] et donc en relation avec la mise en place de cette institution après la mainmise de Rome sur la ville et sa transformation en municipe[F 4]. L'inscription mentionnant cet individu est datable d'après le[F 5]. La vie religieuse officielle s'organise alors selon le modèle romain dont la mise en place du culte impérial[F 6]. Le défunt empereurClaude est qualifié dedivus en 54. Jusqu'à la fin duIIIe siècle, et uniquement durant la période durant laquelle Volubilis est cité romaine, six flamines et trois flaminiques sont identifiés[G 5]. Les institutions cultuelles officielles comprennent, outre le flaminat municipal, un échelon provincial et aussi unsévirat tourné vers la dévotion des affranchis[H 1].
De leur vivant, la dévotion aux empereurs et aux impératrices honore leurnumina[G 6]. Une organisation privée aux membres dénommésCultores Domus Augustæ a été identifiée sur une inscription datée de 158[G 7]. SousAntonin le Pieux, l'association, dotée d'une autonomie financière, fait bâtir un temple avec des fonds privés et sur un terrain privé également, qui est restauré à la fin duIIe siècle[H 2], vers 199-201[H 3]. Le temple comprend alors un vaste espace sacré avec un portique et une statue dont des fragments de marbre ont peut-être été retrouvés[H 4]. L'association cultuelle est reconnue par le pouvoir local[H 4]. Unesodalité recrutant parmi les affranchis et les esclaves prend en charge le culte de ladomus divina, maison de l'Empereur[H 5].
La religion domestique rendue à l'intérieur des demeures est connue par73 autels recensés, et dédiés aux divinités du foyer[G 8].
Le panthéon auquel est rendu un culte dans la cité est divers auxIIe et IIIe siècles : gréco-romain, oriental et indigène[F 7].Isis etAnubis sont également vénérés[B 11]. Un culte est rendu en particulier àMithra dans un lieu de culte dédié selon Christol, à la suite de la découverte d'une inscription mentionnant un militaire dénomméAurelius Nectoreca. L'armée romaine a été« le vecteur de diffusion du dieu » et ce culte s'arrêta sans doute dans la cité après le départ des troupes romaines[G 9]. Quelques inscriptions en grec et datées duIIIe siècle évoquent des divinités arabes pré-islamiques, Manaf et Théandrios, dont le culte était organisé par un collège regroupant sans doute des Arabes ou des Syriens hellénisés[G 10].
Un bâtiment dénomméMaison à la Disciplina selon une inscription retrouvée laisse penser qu'un culte à une abstraction divinisée était rendu. Le bâtiment avec une cour centrale comprenant un autel était peut-être uncollège militaire comme des bâtiments à fonction présumée similaire retrouvés sur lesite archéologique de Makthar[G 8]. Une association funéraire professionnelle est connue par une inscription, les marchands de vêtements ou de tissus, sous la protection deMercure[G 4]. Elle devait être financée par des cotisations. D'autres activités professionnelles comme la branche localement très active des oléiculteurs devaient également disposer de leur cadre associatif[G 12].
Les camps protégeant la cité ont aussi livré des inscriptions ou des fragments sculptés mentionnant des cultes. Dans le camp d'Aïn Schkour situé à quelques kilomètres de la cité ont été retrouvées des inscriptions évoquant unGénie du lieu, lesNymphes et Frugifer[G 13]. Le camp de Sidi Moussa bou Fri a livré une inscription mentionnant unGenius Ulpium qui a fait débat, certains spécialistes évoquant une erreur dulapicide, Brahmi considérant que ce génie peut être celui de lagens deTrajan ou de l'empereur lui-même, ou celui de la cohorte des Parthes. Les Génies des lieux sont peut-être soit des créations romaines soit des interprétations de divinités locales préexistantes par les soldats romains, rien n'est certain si ce n'est leur dénomination et les« modes d'expression du religieux »[G 14]. Le camp de Tocolosida a pour sa part livré une statuette d'Isis[G 15].
Une lampe à huile en bronze figurant un chandelier à sept branches, et destinée à être suspendue a été retrouvée lors des fouilles archéologiques. La lampe ressemble à des lampes aux motifs chrétiens et a conduit les spécialistes à proposer de la dater desIVe – Ve siècles et à donc supposer qu'une communauté juive existait dans la cité volubilitaine à cette époque[C 4]. La communauté juive aurait été importante à Volubilis selonFrézouls et aurait disposé de son lieu de culte. Six inscriptions juives sont connues dont trois épitaphes datées duIIe – IIIe siècle[G 16]. Cette communauté perdure après le retrait romain de la cité[G 17].
Le site a livré également une statuette de Bon Pasteur d'un berger avec une brebis, datée duIVe siècle et témoignant d'une présence chrétienne[C 5]. Quatre inscriptions funéraires chrétiennes de la première moitié duVIIe siècle ont également été trouvées sur le site[B 7]. Un encensoir byzantin desVe – VIe siècles a aussi été retrouvé dans la ville et est désormais conservé aumusée du Louvre[C 6].
La cité occupe un« plateau triangulaire, facile à défendre »[K 3]. Les alentours de la cité sont riches en matériaux de construction divers,argile,marnes,molasses,grès etcalcaires[A 48]. L'arrière-pays de la cité utilisé pour ses ressources doit être celui qui est sécurisé par des camps militaires, et il y a« une interdépendance » entre la ville et le territoire qui en dépend[G 18],« espace aux limites floues »[G 4]. Dans les camps militaires se trouvaient des hauts fonctionnaires, procurateurs ou préfets de cohorte[G 15].
A : arc de triomphe -B : basilique -C : capitole F : forum -T : tumulus -TB : temple B TC : temple C -TD : temple D Th : thermes islamiques
La cité royale maurétanienne était peut-être bâtie sur un plan punico-hellénistique, cependant les traces en sont ténues[J 2].L'urbanisme de la cité romaine prend en compte les constructions préexistantes de l'agglomération maurétanienne ainsi que les contraintes topographiques[K 3],[A 20], donc le plan n'est pas géométrique[B 5] mais régulier[B 11]. La surface de la ville lors de son expansion maximale a été estimée à40ha[B 3].
La cité primitive, selon certains auteurs aprèsJodin, est située sur un éperon au-dessus de l'oued dans le quartier est[D 2], cependant les vestiges qualifiés alors d'enceinte hellénistique sont d'époque romaine selon les études stratigraphiques les plus récentes[A 49]. La zone la plus anciennement occupée est sans doute dans le quartier central et sud du site archéologique[A 50], cependant les limites de la cité maurétanienne demeurent difficiles à préciser[A 15]. Les archéologues ont dégagé un vestige de rempart de briques crues sous le tumulus et le temple C, cependant son tracé général reste inconnu[A 49]. Les constructions romaines prennent appui sur la cité maurétanienne, et les lieux de culte reprennent les emplacements affectés au même usage antérieurement[A 15]. La ville n'est attestée par l'archéologie qu'auIIIe siècle av. J.-C. et elle a pu s'étendre sur12 hectares à cette époque[14],[B 1].
Le quartier nord-est est construit auIer siècle sur un sol« sans doute presque vierge de toute occupation lors de l'annexion romaine »[B 11]. L'urbanisme de ce quartier est cohérent dès leIer siècle[B 5]. Une enceinte protège la cité auIIe siècle, en168-169, selon une inscription découverte dans une porte[A 51]. Cette enceinte protège l'espace bâti et aussi des zones dégagées présentes à l'est vers l'oued Fertassa[A 35], utilisées comme foires aux bestiaux ou jardins[B 12]. Cette construction est due selonRebuffat à un enrichissement de la cité et non à un souci de sécurité[A 51]. L'enceinte après une première modification était longue d'environ 2 600 m, épaisse d'1,50 m et haute de 5 à 7 m, pourvue d'environ40 tours semi-circulaires[B 12]. Neuf portes l'ouvrent, dont la porte dite de Tanger qui a été restaurée partiellement en1969 par Thouvenot et Luquer même si cette restauration ne fait pas l'unanimité[A 26] (Proposition de restitution alternative par Hallier[A 52]). C'est une porte à trois baies, dont deux baies piétonnières, munie de chasse-roues et peut-être fermée par une porte en bois. Cette enceinte témoigne de la richesse de la ville[B 1].
Le plan de la ville semble très marqué socialement, avec en particulier la présence des vastes parcelles du quartier nord-est qui accueillent les villas des patriciens[A 21]. Ce quartier neuf destiné aux vastes demeures patriciennes est bâti auIer siècle[A 23],[K 3], il bénéficie d'un plan en damier aveccardo etdecumanus[A 20]. Unaqueduc et un établissement de thermes, les thermes du nord, sont construits dans le quartier vers60-80apr. J.-C.[A 35], qui se développe surtout auIIe siècle[C 2]. Lesdecumani ne sont pas reliés par uncardo du fait de la présence d'un aqueduc[B 5]. Ledecumanus maximus est muni de colonnades vers 170[T 1].
Le quartier ouest de la cité est méconnu car non encore fouillé[A 20]. Le quartier sud, moins régulièrement organisé, est destiné aux activités artisanales[K 3]. En outre, les abords de la cité sont pourvus de fermes le long des oueds et des voies[K 3].
L’alimentation en eau de la cité est suffisante du fait des sources du Zerhoun et des deux oueds, Fertassa et Khoumane. Peu de vestiges de citernes ou de puits ont subsisté jusqu’à nous[A 53]. Un système complexe decanalisations de plomb oude terre cuite[A 54] alimente la cité, qui possède aussi alors des châteaux d’eau,« chambres de distribution et de pression » tant des constructions publiques que privées[A 53]. Les particuliers doivent acquitter une taxe définie selon la quantité d'eau à laquelle ils ont accès[A 53]. La perception de cette taxe permet l'entretien du réseau et des équipements[A 55].
L'aqueduc est construit à la fin duIer siècle[T 1] pour faire face aux modifications liées au mode de vie des populations romanisées[B 12]. L’aqueduc, qui allait récupérer de l’eau dans un village situé à 1 km de la ville et est surtout enterré, est modifié auxIIe et IIIe siècles[A 53]. Il traverse l'enceinte puis cette conduite d’eau se divise entre diverses sections et aboutit à deux fontaines[A 53]. L'aqueduc aboutissant aux fontaines des thermes du nord est bâti sur une maçonnerie et est dépourvu d'arcades[B 12]. L'eau de l'aqueduc destinée à ces fontaines est filtrée par un système élaboré de bassins de décantation[B 7].
Après le retrait de Rome, les installations déclinent et la ville se rapproche alors de l'oued Khoumane, devenu principale source de l'eau de la ville[A 58].
Les citoyens se rassemblent sur la place dallée, bâtie à la fin duIIe siècle[A 60], sur laquelle on trouve une tribune aux harangues devant laquelle on compte nombre de statues d'empereurs et de dignitaires locaux, dont subsistent uniquement les piédestaux[A 59],[B 11].14 inscriptions y ont été découvertes, dont deux dédicaces impériales. Les autres sont dédiées à des membres illustres de la cité, principalement issus des grandes familles : le forum de la cité est alors« un lieu de mémoire civique » et un lieu où« les grandes familles (...) accaparaient ainsi l'espace public »[A 59].
Dans la partie sud, on trouve l'établissement thermal appeléthermes du Capitole[A 46]. Peut-être y a t-il eu au sud des thermes une place maurétanienne[A 60]. Deux constructions publiques importantes du site possèdent des vestiges importants et sont emblématiques du site, la basilique et le Capitole, à finalité religieuse mais dont il ne faut pas omettre l'aspect politique. Le bâtiment ouest est d'abord considéré comme unmacellum mais cette interprétation est abandonnée du fait de l'absence de caractères architecturaux des boutiques[A 59]. Il y a également un espace cultuel au nord-ouest et une place à portiques ; cette place porte des temples et un autel de l'époque maurétanienne[A 60].
Labasilique,« bâtiment le plus imposant de la ville »[B 11], a été pour sa part utilisée pour l'administration de justice et le gouvernement de la ville et sa construction a débuté en 210[A 60]. Achevée pendant le règne deMacrin au début duIIIe siècle ou sous lesSévères[J 2], c'est une des basiliques romaines les plus remarquables de l'Afrique romaine. Elle a probablement pris modèle sur celle deLeptis Magna dans l'actuelleLibye.
Les murs sont enopus quadratum et munis d'un enduit stuqué[B 11] et protègent les occupants tant des chaleurs que du froid. L'une des façades a fait l'objet d'uneanastylose par Luquet[A 46], celle ouverte par huit baies sur la place publique[A 46] surmontées d'un arc en plein cintre[B 11]. Le mur extérieur de la basilique domine la place du forum où se tenaient les marchés. La construction possède à l'origine deux étages et deux galeries supérieures[A 46] auxquels on accédait par des escaliers en bois[B 11]. La bâtisse a 42,2 mètres de long et une largeur de 22,3 mètres, et sa hauteur intérieure est de 15 mètres environ. L'intérieur du bâtiment est dominé par deux rangées de colonnes encadrant les absides à chaque extrémité où les magistrats prenaient place et les affaires étaient jugées. Dans ce lieu les affaires économiques devaient également être évoquées[A 46]. La basilique ouvre par deux portes sur ce qui était sans doute lacurie, où les différents magistrats prenaient les décisions liées à« la vie publique et administrative du municipe »[A 46].
Les ruines de l'arc de triomphe en 1887, photographie de Henri Poisson de La Martinière (1859-1922).Arc de Caracalla.
L'arc de Caracalla est un des éléments emblématiques du site de Volubilis, localisé à l'extrémité de l'axe principal de la ville, ledecumanus maximus. C'est« un monument de la propagande impériale »[A 61]. Il a été dédié entre le et le par leprocurateur de la ville,Marcus Aurellius Sebastenus[20],[A 19] au nom de la« communauté des Volubilitains »[B 1], pour honorer l'empereurCaracalla et sa mèreJulia Domna à la suite d'une remise d'impôts accordée en 215-216 attestée àBanasa[A 19]. Caracalla était issu de la dynastie africaine desSévères et avait récemmentétendu la citoyenneté romaine à l'ensemble des hommes libres de l'Empire. L'arc ne fut pas achevé avant la mort de l'Empereur, assassiné parMartialis, etMacrin lui succéda.
L'arc est construit en pierre locale, du calcaire gris du Zerhoun[A 61], et est à l'origine couronné par un groupe statuaire de bronze figurant l'empereur et sa mère conduisant un char tiré par six chevaux[A 62]. L'arc fait désormais 20 m de large et une arche de 8 m de haut sur 6 m de large[A 61]. La hauteur originale devait être de 14 m[A 62]. Il n'est pas dans l'axe dudecumanus maximus et devait être visible de loin, témoignage du pouvoir de Rome pour les populations maures[A 61],[B 1]. Au pied de l'arc on trouvait des statues de nymphes versant de l'eau dans des bassins de marbre. Des médaillons portaient des représentations des saisons[A 61]. Caracalla et Julia Domna étaient représentés dans des médaillons qui ont été martelés lorsque ces derniers ont été victimes de ladamnatio memoriæ. Le décor de l'arc est« plus simple et plus fruste » que les arcs de Rome. La décoration de l'édifice révèle son origine provinciale : les motifs de saison sont fréquents en mosaïque mais absents des reliefs, ainsi que la technique qui est particulière avec l'usage du relief plat et de la niche enbâtière[A 62].
L'arc était en bon état auXVIIIe siècle lorsqu'il fut dessiné par le voyageur anglaisWindus, mais il s'est effondré lors dutremblement de terre de Lisbonne de 1755[J 2],[A 61]. Le monument a été fortement restauré par les archéologues français entre 1930 et 1934, mais cette restauration est incomplète et son exactitude est discutée[J 2],[B 12], en particulier du fait des rapprochements avec les gravures réalisées auXVIIIe siècle[A 61]. Des bas-reliefs n'ont pas été remis en place et sont au sol ou en remploi dans les bâtiments médiévaux[A 63]. Ces bas-reliefs comportent des motifs deVictoires et de trophées[A 62]. L'inscription figurée sur l'arc a été reconstruite sur la façade orientale en1935[A 61],[B 1] à partir des fragments signalés par Windus en 1722, et qui avaient été en partie dispersés. L'inscription figurait initialement sur les deux façades de l'édifice[A 19],[31].
L'archéologie a permis de constater une continuité dans l'usage des espaces cultuels dans la cité volubilitaine, même si les divinités ne sont pas identifiées[F 7]. Les édifices cultuels sont majoritairement d'origine préromaine et leur fonction religieuse perdure avec l'occupation romaine. Il y a selon Brahmi« complémentarité des données » de l'archéologie mettant en évidence des bâtiments anciens et des sources épigraphiques parlantes pour l'époque romaine[F 3].
Édifices religieux préromains, autel maurétanien et édifice de tradition punique
815 stèles rectangulaires (ou 903[F 8]) avec un fronton[C 1] ont été découvertes, de 15 cm de large sur 20 cm de haut[A 64], de grès ou de marnes. Ces stèles sont anépigraphes, avec des motifs de personnages accomplissant des actes religieux ou en prière[C 1], et avaient sans doute un rôle d’ex-voto[A 64]. Certaines possèdent des motifs spécifiquement africains comme un arbre sur un trépied ou un emboîtement de triangles, avec des scènes d'offrandes et de prières ou religieuses[C 7] mais au sens peu précis. La croyance n’est pas identifiable par les stèles, cependant; le dépôt est sans doute antérieur à la dernière reconstruction datée duIIIe siècle[A 64].« Une nouvelle religion se serait substituée à la précédente » sur le site, à laquelle se lient des vases retrouvés avec des os brûlés de petits animaux[A 64]. Les stèles néo-puniques sont de styles divers, gravées ou peintes, avec des représentations de personnages ou d'actes religieux[B 11]. Cette thèse est contestée par Morestin[F 9]. Ce niveau préromain est avéré par des découvertes de monnaies et d’une inscription néo-punique de la fin duIIe siècle av. J.-C.[A 64]. Cet espace à ciel ouvert aurait été celui d'untophet et les stèles semblent avoir été déplacées[F 9]. L'espace est fermé auIer siècle[F 10]. Deux autres périodes sont identifiées par l'usage de grès et de calcaire[F 10].
L'identification de ce sanctuaire ne fait pas l'unanimité.Ponsich évoque une divinité locale[D 2]. Le culte rendu ici en premier lieu l'aurait été pour ungenius loci[C 8] peut-être dénomméAulisua et divinité de la fertilité et de la fécondité[G 18]. Les rites étaient proches de ceux du culte deBaal selon l'étude iconographique des stèles qui sont réutilisées enremploi jusqu'auIIe siècleapr. J.-C.[F 10].
L'autel maurétanien du temple, en tuf[A 65], est intégré aux annexes orientales du Capitole lors de l'époque romaine[B 1] et préservé[A 49].
La zone du capitole est complexe et a fait l'objet d'aménagements successifs dont l'évolution est difficile à identifier[F 12].
Les vestiges duCapitole se tiennent toujours derrière la basilique, et unautel est présent dans la cour qui lui fait face.Le temple possédait une simplecella. Le bâtiment était essentiel à la vie civique locale, car il était consacré aux trois divinités principale du panthéon romain,Jupiter,Junon etMinerve[A 65]. Des assemblées civiques se tenaient devant le temple pour implorer l'aide des dieux ou les remercier pour des succès dans des entreprises civiques comme lors des guerres. La disposition du temple, faisant face au mur arrière de la basilique, est quelque peu inhabituelle et il a été suggéré qu'il peut avoir été construit au-dessus d'un lieu saint existant. Une inscription trouvée en 1924[32] rapporte qu'il a été reconstruit en218, sous le règne deMacrin[J 2]. L'inscription dédicatoire est datée de 217[A 60] ou 219[A 65].Il a été en partie reconstitué en1955 et une restauration plus substantielle a eu lieu en1962, avec une reconstruction de 10 des13 marches de l'escalier, des murs de la cella et les colonnes. Au fond de lacella, se situaient des niches abritant les statues des divinités de la Triade capitoline[B 12]. Face à l'escalier, se trouvait un autel destiné aux sacrifices, et des portiques bordaient l'aire sacrée[A 65]. L’édifice a été bâti sur un lieu de culte à ciel ouvert daté duIIe siècle av. J.-C.[A 65].
Il y avait cinq autres temples dans la ville, dont le plus important est letemple B supposé temple deSaturne qui se trouve sur le côté oriental de Volubilis,« isolé de la zone urbaine par un petit ravin creusé par l'oued Fertassa »[A 64], et a été utilisé duIer auIIIe siècleapr. J.-C.[D 2]. Il n'a intégré la ville qu'au moment de la construction de l'enceinte deMarc-Aurèle[C 1]. Il est différent des autres lieux de cultes du site[A 65]. Il semble avoir été construit au-dessus d'un temple[A 49] punique consacré probablement àBa'al Hammon, selon un modèle connu par les travaux deLe Glay selon Ponsich.
Le sanctuaire possède un mur qui l'entoure et délimite letéménos, ainsi qu'un portique à trois côtés bâti auIIe siècleapr. J.-C.[F 10]. Une restauration a lieu au moment de la construction de l'enceinte de Marc Aurèle[F 10]. Le plan est celui des« sanctuaires africains de tradition locale »[A 64]. L’édifice était vaste, avec 3 200 m2[A 64].3 côtés étaient pourvus d’un péristyle qui abritait la foule des fidèles. Des salles annexes, aux missions peu claires, complétaient chacun des côtés. Sur le côté est17 bases d’autels secondaires ont été retrouvées,3 autels principaux occupant le milieu de la cour et deux citernes sur les côtés[A 64].
Inscription funéraire au nom en grec de Caecilianus, mort à l'âge de quarante-cinq ans, huit mois, trois jours. Le défunt est qualifié de chef de la communauté juive de Volubilis et père de sa synagogue. Calcaire,IIIe siècle.
Le complexe du lieu de culte appelétemple C est localisé près du tumulus et non loin de la basilique[F 11], du début duIIIe siècle, a une superficie de 600 m2[F 13] environ pour un édificestricto sensu modeste puisque de 7,50 m sur 4,50 m[A 65]. Le temple comporte un triportique[F 3]. L’édifice a été détruit précocement après le départ des Romains et l’espace réutilisé en partie par des habitations[A 65]. Le temple a d'abord été considéré comme tardif, cependant la datation est revue plus précocement par certains spécialistes et est peut-être datée d'avant l'occupation romaine du site[F 3].
Stèle à fronton triangulaire d'un enfant. Dédicace de Lucius Valeriius Caecilianus pour son fils Valerius Quadratinus, qui a vécu six ans, dix mois et dix jours. Calcaire. Époque romaine. Trouvée dans le faubourg ouest de Volubilis.
Des sépultures chrétiennes ont été découvertes dans le quartier centre, autour de l'arc de triomphe[AA 3] et est, en particulier dans laMaison à la citerne et laMaison au compas dessarcophages ou tombes formées de dalles, avec la tête située à l'ouest[A 29]. Les épitaphes portent des formulations chrétiennes :Memoria (en mémoire)...domum (a)eternalem (demeure éternelle)...dis/ces(si)t in pace (mort dans la paix)[33].
Des nécropoles d'époque musulmane ont été découvertes dans l'ancien centre de la ville, non loin des nécropoles paléo-chrétiennes[AA 3], au nord-est et au sud : le rituel d'inhumation est conforme aux préconisations de la religion musulmane avec une inhumation en pleine terre et la tête vers l'est[A 31]. Les nécropoles musulmanes sont situées à l'est de l'enceinte tardive et surtout non loin de l'arc de triomphe[AB 4].
Volubilis ne possédait pas d'amphithéâtre permanent et les jeux du cirque, quoique rares, n'étaient pas absents comme en témoignent deux statuettes retrouvées sur le site degladiateurs samnites représentés armés avec tout leur équipement de protection[C 9].
Le plan des édifices thermaux ne respecte pas le plan symétrique des thermes impériaux (comme celui desthermes d'Antonin à Carthage) mais est organisé selon un circuit qui oblige l'usager à« un itinéraire rétrograde »[A 57]. Les pièces les plus chaudes étaient situées au fond des édifices, à proximité des foyers[A 57]. L'édifice n'était pas destiné qu'à l'hygiène, des nombreux espaces étaient voués aux exercices physiques, intellectuels[A 67] et étaient ainsi un pivot de la vie sociale.
Lesthermes deGallien tirent leur nom d'une inscription de remploi portant le nom de l'empereur et datée de 255, la date de construction étant inconnue[T 9]. C'est un édifice de dimension moyenne sans palestre[T 9] mais au plan classique[B 12], linéaire[T 10] et en L[T 11]. Il y avait trois salles chaudes, outre undestrictarium[T 12]. Le complexe mesure 1 200 m2 selon Thébert[T 13]. On peut toujours y voir quelques mosaïques car les bains ont été refaits à l'initiative de cet empereur dans les années 260.
Au sud de la maison aux Néréides et à côté de l'aqueduc se trouve un complexe thermal daté d'après 170 et qui était un établissement de quartier selon Thébert, du fait de l'accès à partir de la rue et de l'absence de connexion avec les demeures à proximité[T 15]. Les pièces du complexe, mal conservé, étaient disposées en enfilade[T 2].
Un édifice a été découvert près de l'oued Khoumane et à l'ouest de la ville tardive. Il utilise des matériaux en remploi[AA 6]. L'édifice, qui répond aux critères des plans de l'« architecture thermale islamique » mais avec un mortier d'une technique romaine, a été daté duVIIIe siècle[AA 7] voire plus tardivement[T 17]. Un hammam daté duIXe siècle a été découvert àDougga[T 18].
Le plan du hammam se compose de quatre salles disposées en forme de L[AR 3]. Une seule pièce est chauffée[T 19]. L'édifice est un témoin tant de la continuité de l'architecture des thermes romains, avec en particulier des remplois dans les matériaux (dallage, décor de la salle froide), que des nouveaux maîtres musulmans de la cité[AR 6].
L'édifice est« le plus ancien bain islamique du Maghreb, voire de l'Occident musulman »[AR 3]. Il est étudié dans lesannées 1960 puis au début desannées 1990, ces travaux permettent d'abandonner une datation plus tardive[AR 7]. C'est un édifice permettant d'étudier« l'évolution de l'art balnéaire à l'époque tardive »[T 4] et constitue« une confirmation de la très longue durée des techniques romaines »[T 17].
L'activité antique de« culture et (...) transformation des produits agricoles »[K 3] de la cité est visible par le nombre élevé d'huileries et deboulangeries identifiées.
Agriculture et sites antiques dans la région de Volubilis.Moulin à olives à Volubilis.Soubassement d'un pressoir à huile.
Laculture de l'olivier, débutée dès l'époque berbère, a été amplifiée surtout après la conquête romaine[A 4]. Une vingtaine d'huileries est connue dans l'arrière-pays, espace où le nombre d'oliviers plantée est estimé à 120 000 dans l'Antiquité[A 4]. Au moins100pressoirs à huile étaient présents dans la cité, ce qui semble qualifier l'oléiculture comme la richesse principale du lieu[J 6],[B 11].57 huileries desIIe et IIIe siècles sont connues dans la ville même[L 1], et dans un but didactique une installation a été restituée à proximité des thermes de Gallien[A 4].
Une partie des maisons patriciennes est destinée à l'activité industrielle, qui a laissé des vestiges archéologiques[A 41]. Dans le quartier nord-ouest,« une dizaine de maisons sur les vingt-trois (...) comprenaient des pressoirs »[M 3].
Les huileries sont un indicateur de l'importance de l'agriculture dans l'économie de la cité, et le blé est également produit en quantité sur le site[K 3]. La culture du blé était en particulier très répandue dans l'arrière-pays de Volubilis[A 72]. 40 quintaux environ étaient nécessaires au ravitaillement quotidien de la nombreuse population[A 72].
La farine devait être moulue au jour le jour.64meules de pierre volcanique ont été dégagées lors des fouilles, de deux modèles différents, et des pétrins mécaniques servaient aux boulangers[A 72]. Les pains étaient cuits et vendus dans les boutiques adjacentes. De nombreuses boulangeries étaient situées dans les maisons du quartier nord-est[A 73].
Les fouilles du quartier idrisside non loin de l'oued ont permis de dégager des silos à grains dont les céramiques ont été datées par radiocarbone de la fin duVIIIe siècle et début duIXe siècle[AR 8].
L'artisanat devait être développé, au vu des découvertes effectuées lors des fouilles archéologiques du site, mais les lieux précis des diverses activités ne sont pas identifiables[A 73]. Un artisanat lié à la construction, à la poterie, au travail du métal et au travail des tissus et du cuir a été identifié par les vestiges retrouvés[A 73], tout comme une activité de réparation d'éléments militaires[A 51].
Les fouilles du quartier idrisside ont mis en évidence ce qui est interprété comme un atelier de verrier, du fait de la découverte de déchets et ratés de verre, voire de creusets même si cette identification semble plus discutée par les spécialistes. On pourrait être en présence d'« un des plus anciens "ateliers" de verriers du Maroc médiéval »[AR 9].
L'étude des céramiques à peinture rouge de Volubilis d'époque islamique a permis d'avancer que plusieurs ateliers y étaient consacrés, avec des techniques diverses et l'utilisation d'argiles diverses. cette céramique médiévale présente de grandes similitudes avec la céramique antique, la« sigillée claire romaine »[AB 6]. La céramique tournée présente ces similarités ; la céramique modelée est pour sa part davantage liée à la« tradition de la céramique berbère »[AB 7].
Maison des colonnes.Insula n°11 au sud de Volubilis.
Les maisons privées dégagées à Volubilis sont diverses, elles vont des hôtels particuliers richement décorés aux simples bâtisses comportant deux pièces et construites de brique et de boue séchée, et destinées aux habitants les plus pauvres de la ville. L'architecture privée la plus riche est un témoignage de la prospérité de la cité volubilitaine auxIIe et IIIe siècles[C 2]. Les maisons sont associées à des dépendances de nature économique, ce qui est un caractère de l'habitat volubilitain[B 11]. Les maisons ont été réaménagées au fur et à mesure de l'histoire de la cité, donc les plans originels ont parfois été modifiés[A 74].
Les maisons du quartier nord-est, de part et d'autre dudecumanus maximus[B 5] sont parfois vastes de plus de 1 500 m2, avec pour certaines unpéristyle de plus de 300 m2 au milieu duquel se situe un bassin[A 21]. Les maisons de Volubilis possèdent un plan qui diffère du plan-type des demeures comme celles dePompéi et se rapproche du plan de la demeure traditionnelle d'Afrique du Nord[A 75]. L'atrium n'existe pas en Afrique, la fonction étant assurée par le péristyle[A 74]. Le péristyle comportait de deux à quatre galeries[C 2]. Certaines possèdent un secondatrium, unatriolum, bassin entouré de 4 colonnes, qui permettait d'avoir un puits de lumière supplémentaire et un complexe thermal privatif[A 75]. Les fonctions des différentes pièces sont complexes et parfois à identifier, sauf pour celles ayant eu une fonction industrielle ou commerciale[A 41]. Les espaces de réception étaient divers : vestibule, péristyle,triclinium, exèdre[A 76]. Les dépendances comportaient des pièces destinées à la production (huileries, boulangeries) mais aussi au confort (thermes) ou simplement destinées au rangement[C 2].
Les maisons étaient pourvues de décor de stucs, marbres et mosaïques[C 10] dont certaines bien conservées[AD 1]. Dans ces riches maisons ornées d'œuvres d'art et richement meublées les propriétaires pouvaient recevoir[L 3]. Les fouilles du quartier nord-est de Volubilis ont livré le plus riche mobilier[C 2]. À l'entrée de certaines pièces se trouvaient despilastres et des demi-colonnes. Il y avait également des peintures à fresques, le marbre était pour sa part utilisé avec parcimonie[A 77]. Les colonnes sont faites soit en grès soit en calcaire et sont ornées de chapiteaux, le tout étant travaillé de façon diverse et inventive[A 78].
Le mode ordinaire de décor du sol est une sorte de mortier. Les découvertes sont liées aux fouilles de quartiers riches des sites antiques, et« nombre de sites sont potentiellement riches en pavements »[J 5].
Les vestiges les plus spectaculaires de Volubilis sont les très nombreusesmosaïques ornant essentiellement le sol destriclinia ou exèdres de réception des riches demeures[J 8], et aussi les fontaines et bassins[J 5]. Les mosaïques sont réservées aux pièces de réception seules et dans une majorité des pièces dans le cas des maisons les plus riches[C 11].
Les mosaïques mises à jour ont beaucoup contribué à la notoriété du site : les motifs présents sont géométriques, végétaux et présentent des personnages ou animaux. Elles sont concentrées dans les riches demeures du quartier nord-est et de l'arc, hormis la maison d'Orphée, localisée pour sa part dans la frange méridionale de la cité[J 8],[B 10].
Ces mosaïques sont une source de documentation pour la mythologie et l'iconographie[J 5]. Les mosaïques sont le produit d'une longue tradition« épanouissement romain préparé par de nombreuses greffes » issues de« traditions indigènes, phénicopuniques et hellénistiques »[J 9].
Les mosaïstes ont utilisé du calcaire local de Zerhoun[B 10], du marbre, du schiste, de la céramique et de la pâte de verre[J 8],[AD 4]. Les mosaïques sont pour la plupart polychromes, et peu en bichromie noir et blanc[A 77]. La technique utilisée est celle de l'opus tessellatum[AD 5] avec des tesselles de 0,5 à 1,5 cm[C 12].
Les plus nombreuses ont un décor géométrique ou floral, d'autres possèdent un décor figuré. Il n'y a presque pas de mosaïques funéraires[J 8]. Les mosaïques figurées possèdent surtout des sujets mythologiques ou animaliers[B 10].
Thèmes mythologiques représentés sur les mosaïques de Volubilis[J 5]
Travaux d'Hercule
Meurtre et enlèvement d'Hylas
Orphée
Enlèvement de Ganymède par Zeus sous la forme d'un aigle
Bain de Diane
Méduse
Néréides
Les scènes de vie quotidienne (pêche, jeux) sont très peu nombreuses[J 8],[A 77]. Des représentations végétales, comme le laurier, l'épi de millet et la fleur de lotus, parfois stylisées servaient à des fins apotropaïques, tout comme des symboles de défense (trident, fourche) et des animaux fantastiques marins[A 77]. D'autres symboles prophylactiques sont répandus, lacroix gammée, lespeltes, lenœud de Salomon et le cratèredionysiaque[A 77].
Les clients choisissaient les motifs représentés dans les motifs centraux (emblema) dans des catalogues de modèles[A 77],[B 10]. En dépit de l'usage de ce« cahier de modèles » utilisé par des artistes itinérants pour les sujets principaux[J 9],« Les mosaïstes volubilitains ont révélé leur virtuosité aussi bien dans le dessin géométrique que dans les scènes figurées », figurant le relief et la perspective par un usage des couleurs. Les artistes avaient davantage de liberté pour les sujets secondaires et les raccords et éléments géométriques[J 9]. La virtuosité des mosaïstes s'exerce dans les décors géométriques qui permettaient de pallier« une certaine maladresse d'exécution dans les sujets principaux »[A 78].
Mosaïque en noir et blanc représentant des monstres marins.
La richesse de la ville est assurée par les vestiges des maisons des habitants les plus riches, dont certaines conservent de belles et grandes mosaïquesin situ. Elles ont été nommées par les archéologues d'après les motifs de leurs mosaïques principales, ou d'autres découvertes. Quelques maisons permettent de bien percevoir le plan de ces grandes demeures romaines avec leuratrium etimpluvium.
Impluvium de la Maison des colonnes.
LaMaison aux Colonnes dans le quartier nord-est borde ledecumanus maximus : la porte de l'édifice comporte un grand passage pourvu de colonnes et d'autres passages pour les piétons. Un vaste péristyle muni de colonnes torses occupe le centre bordé de salles de réception, et dans le jardin un bassin relié à la distribution d'eau publique. Des salles installées près des couloirs permettaient d'accéder à la fraîcheur[B 10] pour améliorer le confort lors des périodes estivales. LaMaison aux Néréides est située dans le même quartier et tire son nom desNéréides figurées sur une mosaïque[B 7].
Bassins lobés àmosaïques du salon d'été[C 1] de la maison d'Orphée à Volubilis.Maison d'Orphée.
LaMaison d'Orphée dans la partie du sud de la ville[B 13] prend ainsi son nom de la grande mosaïque de 3,80 m de diamètre[J 10] dépeignantOrphée jouant de la lyre face à un public d'arbres, d'animaux et d'oiseaux. La maison occupe uneinsula entière, et contient outre la partie privée et celle réservée aux activités publiques, une huilerie. Les différents lieux publics sont utilisés« selon le degré d'intimité qui lie le visiteur à ses hôtes »[B 13]. Découverte entre 1926 et 1928 dans letablinum, c'est« la plus grande mosaïque circulaire du site de Volubilis »[J 11]. Autour d'Orphée, dans huit panneaux, on trouve des animaux, oiseaux et quadrupèdes[J 11]. SelonMacKendrick, la mosaïque est plutôt ingénument exécutée, car les animaux sont tous de tailles différentes, ne respectant pas l'échelle[B 13] et avec le visage dans des directions différentes sans relation avec la figure d'Orphée. Il semble que le mosaïste ait simplement copié des modèles sans essayer d'intégrer les divers éléments[J 12]. On peut voir d'autres mosaïques dans l'atrium, dont une comportantAmphitrite dans un char tiré par un hippocampe et accompagnée par d'autres créatures marines. Limane considère que le personnage est un triton ou un amour marin[J 13]. Entre le tablinum et l'atrium, une mosaïque en noir et blanc de 2,60 m sur 1,80 m figure, au-dessus d'animaux divers (poissons, crustacés, etc.),« un char tiré par un cheval marin et conduit par Neptune »[J 14]. Une pièce de la cour principale possède une mosaïque comportant des dauphins, considérés par les Romains comme un animal chanceux. La mosaïque, de 5,30 m sur 1,80 m, comporte neuf dauphins jouant dans les vagues et sur3 côtés un décor géométrique[J 15].
Mosaïque du Desultor, détail.
LaMaison de l'Athlète ouMaison du Desultor, située près du forum, contient une mosaïque de 2,10 m sur 1,75 m[J 16] pleine d'humour, d'un athlète ou d'un acrobate conduisant à l'envers un âne et en tenant une coupe ou uncanthare,« symbole de victoire ». Une écharpe située derrière lui a le même sens symbolique. C'est« une parodie de course de cheval »[J 16]. Il représente sans doute unSilène. La même demeure comporte une mosaïque de 2,60 m sur 2,10 m de scènes de pêche, à la ligne et à l'épervier[J 17].
Mosaïque d'Hercule, détail,Hercule dompte le taureau de Crète, de la Maison des travaux d'Hercule.Atrium de la maison des travaux d'Hercule.
Dans laMaison des travaux d'Hercule, la mosaïque principale située dans letriclinium montre les douze tâches que le demi-dieu a dû réaliser en guise de pénitence pour avoir tué sa femme et ses enfants. L'œuvre est« rudimentaire, maladroitement restaurée »[B 9]. Seuls 10 médaillons sont en bon état de conservation[J 22]. La même mosaïque, de 4,50 m sur 4 m, comporte également les thèmes de Ganymède enlevé par son amant Jupiter au centre[B 9] et des Saisons[J 22],[A 80]. La mosaïque est supposée avoir été créée lors du règne de l'empereurCommode, qui s'est identifié à Hercule. La maison, avec41 pièces, couvrait une zone de 2 000 mètres carrés[B 9].
LaMaison de Dionysos ouMaison des Quatre Saisons a livré une mosaïque deDionysos et les quatre saisons de 7,60 m sur 6,20 m : Bacchus, nu hormis un drapé, est situé au centre et s'appuie sur une stèle[J 23]. Trois muses sont présentes, dont deux jouent de la musique (tambourin et double flûte) et la dernière tient une lance. Des poissons et des oiseaux sont également représentés[J 23]. Les Saisons sont représentées avec un Amour et les attributs de chacune sont intégrés à un médaillon[J 24],[B 9].
La construction dénomméePalais de Gordien est la plus grande construction de la ville et probablement la résidence du gouverneur[B 7] plutôt que celle de l'empereurGordien III. Elle a été reconstruite au milieu duIIIe siècle, vers238-244, et sans mosaïques, ce qui permet de réduire la chronologie de l'usage de cette technique dans la ville[J 5]. L'édifice mesure 74 m sur 69 m[T 12]. Deux maisons séparées ont été utilisées afin de créer un complexe de74 pièces avec des cours et des salles d'eau privées, aux fonctions domestiques mais aussi officielles. Le bâtiment a aussi incorporé un ensemble d'une douzaine de magasins derrière une colonnade et un complexe de trois presses d'huile d'olive, avec en outre un lieu de stockage dans l'angle nord-est. En dépit de cette importance, il reste peu de vestiges de cette splendeur. Les sols semblent avoir été décorés surtout avec de l'opus sectile plutôt que des mosaïques.
Certaines maisons ont livré des thermes privés : lamaison à l'est de la caserne contient unfrigidarium avec piscine et trois pièces chauffées[T 20]. La maison à l'ouest du palais du gouverneur possédait également selon Grimal des thermes, avec un bassin froid pouvant accueillir plusieurs personnes[T 20]. La maison à l'éphèbe comportait une partie chauffée[T 20].
Lamaison aux travaux d'Hercule est dotée de thermes à l'époque tardive, dans une extension de la demeure selonÉtienne mais avec réutilisation d'anciens locaux. Les thermes (frigidarium et salles froides) sont vastes d'environ 100 m2[T 23].
Les fouilles réalisées à la fin desannées 1980 et au début des années 1990 ont permis de dégager un habitat tardif situé sur des bases romaines mais assez fruste : des pièces se situent autour d'une cour, sans réelles assises et avec des sols de terre battue ou plus rarement briques ou dalles de calcaire, des murs pourvus d'un enduit de terre et de chaux, et avec une couverture de roseaux et de terre[AA 8]. Au sein de cet habitat qui a été fouillé, les archéologues ont retrouvé des céramiques datées duVIIIe siècle ainsi que des monnaies[AA 9]. L'habitat a été daté duVIIIe siècle et du début duIXe siècle, et« abandonné à la hâte », peut-être au moment de la fondation de la ville deFès et le transfert de la population volubilitaine[AA 10].
Le quartier dans lequel ont été trouvés les thermes islamiques est un quartier d'habitat aisé[AR 10].
Les fouilles ont permis de dégager des œuvres en marbre et surtout des grands bronzes remarquables, conservés au musée de l'histoire et des civilisations de Rabat. Les bronzes du Maroc sont« un ensemble tout à fait exceptionnel, le plus riche d'Afrique du Nord, qui se distingue par l'abondance des pièces, leur diversité et la qualité de nombre d'entre elles »[C 13]. Ces œuvres exceptionnelles témoignent de l'insertion économique et culturelle de la ville dans l'Empire[B 12].
Buste dit de Caton, bronze, H 0,50 m[C 14].Buste dit de Juba II retrouvé dans laMaison à la tête du roi maure, bronze[Inv 1], H 0,47 m[C 15].
Lamaison de Vénus est le lieu de la découverte en1918 d'un des artéfacts les plus notables de Volubilis, un buste de bronze de qualité remarquable représentantCaton, et qui est maintenant exposé aumusée de l'histoire et des civilisations de Rabat. Lorsqu'il fut découvert par les archéologues, il était toujours sur son piédestal d'origine[C 10]. Le piédestal était un pilier de brique recouvert de stuc[L 1]. Le buste a été daté du temps deNéron ouVespasien et c'est peut-être une copie d'un buste créé du temps du vivant de Caton ou peu après. Il a été identifié comme celui de l'orateur du fait d'une inscription présente sur la poitrine et faite de lettres d'argent[L 1]. L'œuvre qui représente l'orateur avec des« traits austères et hautains » est datée du3e quart duIer siècle mais selon un modèle antérieur[E 5]. Le visage est sévère mais laisse apparaître une« note d'ironie quelque peu triste et désabusée ». Les yeux étaient à l'origine en pâte de verre. L'œuvre est peut-être issue d'un modèletardo-républicain[C 14].
Un autrebuste d'un prince hellénistique a été trouvé dans une boulangerie de l'autre côté de la rue, il date de la même époque que celui de Caton et semble provenir également de la maison de Vénus[E 6]. Un piédestal vide dans une autre pièce de ladite maison peut aider à suggérer ce fait. Le buste, qui est également exposé à Rabat, est habituellement identifié commeJuba II, en particulier sa jeunesse, vers25av. J.-C.[C 15], mais il pourrait tout autant représenterHiéron II de Syracuse,Cléomène III de Sparte,JubaIer de Numidie ouHannibal Barca. Le jeune homme est représenté de côté et s'incline vers la droite. La représentation du prince est remarquable en ce sens qu'ainsi est signifiée la« beauté réelle ou fictive »,« image du pouvoir et le canon esthétique »[L 2]. Du buste de bronze« émane une expression mélancolique et dédaigneuse »[E 6]. Il possède des caractères africains marqués et son visage porte« une certaine expression de tristesse et de dédain »[C 15].
LeVieux pêcheur appartient au registre des représentations réalistes et a été trouvé également dans la maison de Vénus. Cette œuvre, trouvée en 1943 dans lamaison à la mosaïque de Vénus[E 7], et datée peut-être duIer siècle de notre ère« témoigne de la réalité de ce pêcheur démuni ». Le personnage est vêtu d'uneexomide et devait tenir d'une main une gaule destinée à la pêche et de l'autre un panier dont il reste un fragment de l'anse. Les marques de l'âge sont représentées de façon réaliste avec les rides du visage et« les chairs tombantes »[C 16], à la suite d'une école hellénistique présente en particulier àAlexandrie[E 7]. L'exposition de cette œuvre avait comme but d'exprimer que« la vraie richesse n'est pas celle de l'argent, mais bien celle du cœur, vertu propre du petit peuple »[L 3].
La statue de l'éphèbe verseur représente un jeune homme nu d'une certaineandrogynie couronné de lierre et qui devait tenir unrhyton et une coupe. L'attitude correspond à celle desatyres : en appui sur la jambe gauche le bras droit est relevé pour servir à partir d'unrhyton dans une coupe qui se trouvait dans la main gauche[C 17]. Les lèvres et lesmamelons étaient couverts de cuivre rouge. Le visage« est empreint de douceur et d'harmonie »[C 17]. Cette œuvre datée duIer – IIe siècleapr. J.-C. est influencée par les éphèbes verseurs dePraxitèle[E 8] dont elle constitue cependant« un assez médiocre pastiche »[C 17].
La statue de l'éphèbe couronné de lierre trouvée dans la Maison à l'éphèbe représente un jeune homme qui devait tenir dans la main une torche. La jambe gauche est fléchie et l'œuvre se tient sur la jambe droite seule. Le regard de l'éphèbe se tient vers l'emplacement où se trouvait la torche. La tête est pourvue d'une couronne constituée de deux rameaux de lierre. Les lèvres étaient munies d'un placage de cuivre comme celui encore présent sur lestétons[C 18]. Elle appartient à une thématique courante au début de l'Empire romain[E 9]. La même demeure a livré une statuette d'Esculape jeune et imberbe dans une posture nonchalante, s'appuyant sur un bâton avec un serpent. Cette statuette est peut-être une réplique d'un original grec duIVe siècle av. J.-C., deScopas, présent dans le temple de cette divinité àGortys, enArcadie[C 19].
LeChien prêt à bondir a été retrouvé en1916 dans la Maison au chien, située non loin de l'arc. L'animal est représenté avec un grand réalisme : agressif et prêt à attaquer, il appartenait à un groupe statuaire composé de Diane et placé dans une fontaine car des trous existent dans l'animal conservé[E 10]. La statue était placée sur un socle de pierre[C 20]. Elle date duIer siècle ou duIIe siècle et ornait peut-être les thermes du nord[C 10].
Le site a livré des statuettes deMercure à la bourse et au caducée dont l'une figure une feuille de lotus[C 21]. Ces représentations prenaient place au sein des laraires[C 22]. Le site a livré de très nombreuses statuettes de divinités diverses[C 23], mais également de nombreuses représentations animales[C 24].
Cavalier[Inv 7], H 0,49 m.Eros endormi, 15,5 cm[Inv 8]. Un Eros souriant a également été retrouvé sur le site[Inv 9].
Le site a livré des représentations dephallus, symbole d'abondance, dans de nombreuses demeures[J 31], et des fragments de bronze dont un masque de parade en bronze[Inv 10] trouvé en1982 et qui était relié à un casque[E 11]. Cet élément était destiné aux parades des cavaliers et peut être lié à la présence de troupes auxiliaires jusqu'à la fin duIer siècle. Des phalères ont été retrouvées également[C 25]. A aussi été dégagée une retombée depaludamentum[Inv 11] datée du début duIIIe siècleapr. J.-C., fragment du manteau d'une grande statue impériale polychrome patiné avec de l'or de l'argent et du laiton en particulier. La technique utilisée est ledamasquinage et l'artiste a utilisé divers métaux, argent, laiton et divers alliages. Trois retombées de tissus sont conservées[C 26]. Ce fragment est peut-être à relier à la statue deCaracalla sur un char à six chevaux ornant la partie supérieure de l'arc[C 10]. Deux prisonniers figurent sur le fragment, un Parthe et un Breton[E 12], une cuirasse de trophée[Inv 12], des armes et des monstres marins. Le trophée est sur le pli du milieu et des captifs d'où se dégage une« impression de beauté, de noblesse et de force », sont sur les côtés. Caracalla était désigné commeBritannicus maximus etParthicus maximus sur la dédicace de l'arc de triomphe de Volubilis daté 216-217[C 26]. Le fragment, découvert en 1947, figure un trophée militaire fixé à un tronc selon les modèles connus àHippone ouCherchell[E 13].
Les deux têtes d'Eros joufflus (l'Eros endormi et l'Eros souriant) sont sans doute des répliques d'originaux hellénistiques[C 29]. L'Eros endormi était étendu sur un socle et la tête, seul élément conservé, a été fondue à part. L'enfant a les yeux fermés, le visage arrondi et la chevelure rassemblée en haut de la tête. L'œuvre est connue par de nombreuses copies de marbre et parfois de bronze. Cette sculpture est une« image du sommeil éternel » et ornait peut-être la tombe d'un jeune défunt[C 29]. Le second qui représente un enfant souriant[C 30] a été retrouvé dans un égout[E 16]. Le visage ressemble à celui d'autres statues retrouvées ailleurs et connues par différentes copies comme l'Enfant à l'oie deBoéthos de Chalcédoine[C 30].
Des fragments de bronze appartenant à du mobilier ont également été retrouvés, en particulier des appliques d'accoudoir de lit dont l'une représente un Bacchus, réalisation maurétanienne duIer siècle à partir d'influences hellénistiques[Inv 13] et une autre un buste de Silène ivre et difforme[Inv 14], qui porte un rameau de vigne[C 31], symbole de« la démesure, l'insouciance et la béatitude chez les Anciens »[E 17]. Une autre applique de lit représente unprotomé de mule ivre, figurée avec beaucoup de réalisme[C 32]. Les deux dernières œuvres, peut-être importées et d'époque augustéenne, peuvent avoir décoré le même lit[C 31]. Nombres d'autres éléments de mobilier ont été retrouvés, appliques d'accoudoirs de lits, supports de meubles, mais aussi éléments de candélabres[C 33].
Représentation des différentes étapes de la fabrication d'une sculpture en Bronze - Exposition Splendeurs de Volubilis de 2014 au MUCEM.
Ces bronzes réalisés selon la technique de la cire perdue n'ont sans doute pas été réalisés à Volubilis[L 3], du fait de l'absence de vestiges importants d'ateliers de bronziers dans la ville[E 18] même si des ateliers existaient. En outre, certains bronzes n'ont été qu'assemblés sur place[C 13].
Le lien avec la personnalité exceptionnelle deJuba II a été fait au moment de la découverte des bronzes, hypothèse écartée désormais au profit du goût des Romains et de l'« intense circulation des œuvres d'art dans l'espace globalisé de l'Empire » même si l'hellénisation était ici plus intense du fait de l'impulsion des souverains numides[E 2]. La circulation des œuvres d'art peut être appréhendée par les bronzes retrouvés dans les épaves romaines, ainsi dans l'épave de Mahdia, car ce commerce était extrêmement lucratif[E 19]. La présence des bronzes peut résulter aussi de l'évergétisme des classes dirigeantes en faisant don à leur cité, mais les œuvres sont aussi destinées à l'ornement des demeures des classes aisées. Celles retrouvées dans la cité semblent correspondre pour la plupart à cette dernière catégorie[E 20].
Le site a livré unetête de jeune Berbère de marbre blanc découverte en 1918 dans un bastion de la porte de Tanger. L'œuvre laisse transparaître une influence hellénistique mais aussi le classicisme de l'époque augustéenne et date de la fin duIer siècle av. J.-C.[C 34].
Le site a livré également une statue de marbre représentant unFaune couché desIIe – IIIe siècles dégagée en1942 dans laMaison à la mosaïque de Vénus. Le faune est nu, allongé et tient uneoutre. Le personnage est identifié à un faune par la présence d'éléments végétaux. La statue appartenait à un décor de système d'alimentation en eau courante sans doute le bord d'un bassin et est d'un type courant à l'époque[E 22].
Une représentation d'Eros endormi fragmentaire a également été retrouvée. Datée desIIe – IIIe siècles, cette représentation de la divinité endormie sur une tête de lion a été réalisée dans un atelier local et constitue une adaptation d'un modèle grec[C 38].
Les Ouoloubilianis sont situés au Sud de la tribu des Oueroueis qui sont eux-mêmes situés dans la haute vallée de l’Ouerrha (Ouargha). Volubilis est situé au Sud de l'Ouargha.
↑ILAf 627= ILM 88= IAM 434. "[.] Caecilio L(uci) filio / Caeciliano, / aedili, IIvir(o), flam(ini) / municipii, / Manlia Romana / nurus, socero piissim[o]/ posuit." La famille de Caecilii est une grande famille très présente dans les inscriptions de Volubilis.
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