La carte de Peutinger projetée par Desjardin sur une représentation actuelle.
L'opinion générale selon laquelle les Romains seraient à l'origine de l'ensemble du réseau de voies antiques en Gaule n'est pas exacte.
Ainsi, Jules César, dans son œuvreDe Bello Gallico (Commentaires sur la Guerre des Gaules), qui relate ses six années de campagne en Gaule, évoque la rapidité avec laquelle ses légions ont progressé sur le sol gaulois grâce à un réseau routier important et performant.
Mis à part la construction dupont sur le Rhin (« en dix jours, l'ouvrage d'art est achevé et l'armée franchit le Rhin »[1]), rares sont les occasions où le général romain va faire entreprendre des travaux d'aménagement routier pour faciliter le passage de ses soldats. César lui-même dit des Gaulois qu'ils circulent« avec de nombreux chars et beaucoup de bagagesselon l'habitude gauloise »[2], donc obligatoirement sur des routes décemment entretenues.
Les voies romaines en Aquitaine
Cela prouve donc qu'à cette époque, il existait enGaule un réseau routier important et que les communications terrestres s'effectuaient déjà de manière plus que satisfaisante sur des chemins et des routes suffisamment entretenus pour permettre le déplacement rapide des légions. À de rares occasions comme àCagny (Calvados) en2008[3], ou le chemin Perré àTriguères (Loiret), ont également été mis au jour des vestiges archéologiques de routes gauloises constituées de voies empierrées et encadrées par des fossés. Par ailleurs les Romains ont très tôt repris de nombreux mots gaulois désignant des véhicules : lecarros, passé en latin sous la formecarrus « char », lacarruca « char à deux roues », l’*edsedon ou*adsedon, passé en latin sous la formeesseda, lecarbanton « char à deux roues », passé en latin sous la formecarpentus (voircharpente) ou encore lepetorriton « char à quatre roues », passé en latin sous la formepetorritum. L'existence de ces nombreux types de chars nécessitait dans les régions accidentées ou humides, des voies où ils pouvaient se déplacer rapidement et sans risque[4].
L'étude de la vie sociale et surtout économique de l'époquecelte montre bien qu'à l'arrivée des légions romaines, existaient depuis fort longtemps de grands courants d'échanges commerciaux entre les différents peuples de la Gaule. Pour que ces relations puissent avoir lieu, il était nécessaire de disposer d'un réseau de voies de communicationad hoc.
Après la conquête, les ingénieurs romains ne feront que reprendre dans leur grande majorité ces tracés[4], en les améliorant et en les mettant aux normes desviae de la péninsule italienne. Ces aménagements vont de la rectification des tracés à la construction de ponts, gués ou stations et sont réalisés par les légions.
Bien avant la soumission de l'ensemble des peuples gaulois à la fin duIer siècle av. J.-C.,Rome avait, aux alentours de -120, conquis le sud de laGaule dans un but purement stratégique : annexer les territoires compris entre l'Italie et les provinces d'Hispanie. La première décision politique prise alors sera la création d'une route dont la construction fut supervisée par le consulCneus Domitius Ahenobarbus. Il reprit en l'aménageant plus ou moins le tracé de l'antiquevoie héracléenne et de la route empruntée par l'expédition d'Hannibal. Comme c'était la coutume, il donna son nom à cette voie. LaVia Domitia ouvoie Domitienne est ainsi la première route construite enGaule suivant un schéma organisé, dès -118.
Bien que le développement global des voies romaines en Gaule ait débuté sous le règne deJules César, c'est sous leprincipat d'Auguste qu'il va prendre son essor. Le pays lentement pacifié sera alors progressivement couvert d'un réseau, en romanisant d'abord ces voies anciennes, ensuite en créant des voies nouvelles qui allaient répondre au besoin nouveau d'expansion. Les travaux des grands axes de la Gaule furent ainsi confiés par Auguste, après son voyage enNarbonnaise en -27, à son gendre et conseiller privilégiéMarcus Vipsanius Agrippa. Remarquable et talentueux administrateur, il choisit, pour des raisons d'ordre géographique, la ville deLugdunum /Lyon comme origine de ces voies. L'aménagement de quatre grands axes fut achevé avant la fin duIer siècle av. J.-C.
Le géographeStrabon, dans saGéographie, les décrit ainsi : « Lyon se trouve au milieu de la Gaule comme l'Acropole au milieu d'une ville… c'est pourquoi Agrippa en fit le point de départ desgrandes routes qu'il ouvrit. Au nombre de quatre, l'une va chez lesSantons et en Aquitaine, la seconde se dirige vers le Rhin parTrèves, latroisième vers lamer du Nord, la quatrième gagne la Narbonnaise et le rivage de Marseille »[5].
Une deuxième voie atteint Bordeaux en contournant le Massif Central par le sud, passant parFeurs,Rodez,Cahors etAgen ; une partie de cet itinéraire prend auMoyen Âge le nom devoie Bolène, de Lyon àUsson-en-Forez selon Faure[6], ou le tronçon de Feurs à Rodez selon Lavendhomme[7].
↑La Guerre des Gaules, César - p.118 - Traduction du latin par A.et P. Pilet. Éditions Arléa. Mars 1991.
↑« … equites ex Gallia cum multis carris magnisque impedimentis, ut fert Gallica consuetudo… » ; dansDe Bello Civili, livre, tome 2, Dübner, Paris, 1867, p. 41. Pour la citation, voir encoreLes Archers de César. Guillaume Renoux. p. 27.
↑[Lavendhomme 1997] Marie-Odile Lavendhomme, « L'occupation du sol de la plaine du Forez (Loire) à la fin du second Âge du Fer et dans l'Antiquité : données préliminaires »,Revue archéologique du Centre de la France,t. 36,,p. 131-144 (voir p. 138)(lire en ligne [surpersee]).
M. Biseuil, « Mémoires sur les voies romaines de la Bretagne, et en particulier celles du Morbihan », dansBulletin monumental, 1843, tome 9,p. 5-42, 201-244(lire en ligne),(planche)
[Clément & Peyre 1991]Pierre-Albert Clément et Alain Peyre,La Voie domitienne : de la Via Domitia aux routes de l'an 2000, Les Presses du Languedoc/Max Chaleil,(ISBN2-85998-090-3)
[Dufournet 1970] Paul Dufournet, « Voie romaine de Condate (près de Seyssel) à Aquae (Aix-les-Bains). Vestiges dans le Val de Fier (74. Seyssel) »,Revue Savoisienne,vol. Année 110,,p. 21-32(lire en ligne), avec plans et photos
[Gendron 2006] Stéphane Gendron,La toponymie des voies romaines et médiévales : les mots des routes anciennes, Paris, Errance,, 196 p.(ISBN2-87772-332-1)
[Loth 1986] Yan Loth,Tracés itinéraires en Gaule romaine, Amatteis,
[Thiollier-Alexandrowicz 1996] Gabriel Thiollier-Alexandrowicz, « Itinéraires romains en France »,Archéologia,no 8H « hors-série »,
Jean-Yves Éveillard,Les voies romaines en Bretagne, éditions Skol Vreizh,, 109 p.
[Thiollier-Alexandrowicz 2000] Gabriel Thiollier-Alexandrowicz,Itinéraires romains en France : d'après la "Table de Peutinger" et l'"itinéraire d'Antonin", Dijon,Éditions Faton,, 431 p.(ISBN2-87844-036-6)