On appellevoie romaine d'Agrippa, en latinvia Agrippensis, une voie romaine construite auIer siècle av. J.-C. enGaule parMarcus Vipsanius Agrippa, à quiOctave (futur empereur Auguste) avait confié le gouvernorat des conquêtes deJules César.
Agrippa est à l'origine de quatre voies partant deLyon (Lugdunum), résidence dugouverneur romain, et allant versAmiens,Saintes,Arles etTrèves, c'est-à-dire vers le nord, l'ouest, le sud et le nord-est, formant ce qu'on appelle aussi leréseau d'Agrippa.
La dénominationvia Agrippa qui est parfois utilisée[1] est erronée du point de vue de la grammaire latine.
Après laGaule narbonnaise conquise en -120 (et rapidement dotée de lavoie Domitienne), laGaule chevelue est conquise parJules César, proconsul deGaule cisalpine et de Gaule narbonnaise, de -58 à -51. César devient ensuite maître de Rome après uneguerre civile contrePompée, mais est assassiné en -44. Son héritage échoit à son fils adoptif,Marcus Iulius Octavianus (« Octavien », futur empereurAuguste), qui, allié avecMarc Antoine, mène la guerre contre les sénateurs républicains (Brutus,Cicéron).
En -43, le gouverneur de Gaule,Lucius Munatius Plancus, allié de Marc Antoine, fonde la colonie romaine deLugdunum (Lyon), dont il fait sa résidence de gouverneur (au lieu deNarbonne).
En -39, Octavien place à la tête des Gaules un proche,Marcus Vipsanius Agrippa (-63/-12), qui doit rétablir l'ordre dans certaines parties des conquêtes de César, puis lance un vaste chantier de construction de voies romaines, élément fondamental de la domination de Rome sur des régions mal pacifiées, afin de faire circuler facilement les légions.
Le géographe grecStrabon (-63/23) en indique les grandes lignes dans saGéographie :« Agrippa a choisi Lugdunum pour en faire le point de départ des grands chemins de la Gaule, lesquels sont au nombre de quatre et aboutissent, le premier, chez lesSantons et en Aquitaine, le second au Rhin, le troisième à l'Océan et le quatrième dans la Narbonnaise et à la côtemassaliotique »[2].
Le réseau d'Agrippa se compose donc de quatre voies[3] partant de Lyon, qui sont, dans l'ordre suivi par Strabon :
Les deux dernières réunies forment un ensemble sud-nord (Arles-Boulogne) qui est parfois appelévoie romaine d'Agrippa de l'Océan.
Les historiens s’accordent pour situer la construction de ces voies du vivant d'Agrippa, mais ils envisagent des datations différentes :
Plusieurs voies romaines de Gaule ont été incorrectement attribuées par la suite au réseau d'Agrippa, alors qu'elles« ne sont absolument pas mentionnées dans les quatre axes énumérés par Strabon[6] ».
Cette voie constitue la partie sud de ce qu'on appelle parfois lavoie romaine d'Agrippa de l'Océan (d'Arles à Boulogne par Lyon).
Dès lapériode protohistorique (notamment à l'âge du fer), une voie existe à quelque distance duRhône et des embouchures de ses affluents, préférant passer sur les premiers escarpements des collines plutôt que dans la plaine parfois marécageuse[réf. souhaitée]. Sous l'impulsion d’Auguste, Agrippa aménageune voie proche du Rhône mais accrochée autant que faire se peut au pied des collines[réf. nécessaire].
Entre Arles (Arelate) et Lyon (Lugdunum), cet axe situé sur la rive gauche (orientale) du fleuve traverse des localités d'importance diverse :
Le raccordement à lavoie Domitienne a lieu précisément àErnaginum, aujourd'hui Saint-Gabriel dans la commune deTarascon, quelques kilomètres au nord d'Arles. À noter qu'il n'existe à cette époque aucun pont sur le Rhône en aval de Lyon (traversée par bateaux).
AuIIe siècle, la voie d'Agrippa est doublée sur la rive droite du Rhône par lavoie d'Antonin (ou voie desHelviens).
Il semble que, sur le territoire de la colonie deValentia (Valence, chef-lieu du département de laDrôme), le tracé de cette voie était à peu près identique à celui de laroute nationale 7, à ceci près que la voie évitait les zones de confluence alors marécageuses.
Ainsi, au nord de l’Isère, la voie romaine passe à l'est de la nationale : après le carrefour des Sept Chemins, elle poursuit en direction du sud versBeaumont-Monteux au niveau de la D 101, sur une route communale puis un chemin dotés d'un tracé rectiligne caractéristique des routes romaines. Ces voies constituent aujourd’hui la limite entre les communes (anciennes paroisses) deBeaumont-Monteux etPont-de-l'Isère. Non loin de là, le toponyme « Vie Magné » (du latinvia magna) dans la commune de Beaumont témoigne du passage en ces lieux d’une « grande route »[7].
Longeant de plus ou moins près la rive gauche du Rhône, elle franchit l'Isère par la pont de la Déesse, un peu en aval deChâteauneuf-sur-Isère, à un endroit où le cours de la rivière est bien fixé dans lamolasse[8].
Au sud de la rivièreDrôme, en revanche, c'est-à-dire entreLoriol etSaulce, la voie romaine passe à environ 750 mètres à l'ouest de laRN 7. Localement, elle est appelée « ancienne route de Saulce » et c'est sur ce tronçon que se trouvait lamutatio Bantiana, un relais cité dans l'Itinéraire de Bordeaux à Jérusalem (333) ainsi que sur latable de Peutinger. Le toponyme existe toujours (quartier de Bance ou des Bances) à Saulce. Rien de l'ancienne voie n'y est plus visible, mais de nombreuses pièces romaines y ont été trouvées et des fragments de poterie et de briques rouges parsèment encore les champs.
Comme les autres grandes voies romaines, la voie d'Agrippa est jalonnée de colonnes en pierre nomméesbornes milliaires (ou simplement milliaires), marquant chaque mille romain à partir de la borne origine : elles indiquent le nom du magistrat ou de l’empereur qui les a fait ériger ou réparer, ainsi que la distance en milles avec des points de référence (capita viae) qui, pour lavia Agrippa, étaientVienne,Valence etAvignon.
Sur les vingt-deuxmilliaires retrouvées pour cette voie, on peut citer la sixième à partir de Valence, qui se trouve dans le parc de la propriété de La Paillasse (commune d'Étoile-sur-Rhône). Elle porte le nom de l'empereurAntonin le Pieux (règne de 138 à 161) et devait à l'origine se trouver à moins de 2 km au nord de son emplacement actuel, où elle a été placée en 1757.
Autre exemple, la troisième ou quatrième borne[9], qui a été utilisée au Moyen Âge en réemploi dans ledéambulatoire de lacathédrale Saint-Apollinaire deValence (photographie ci-contre). Cette borne, qui daterait de 274 ou 275 ap. J.-C., porte l'inscription suivante[7] :
Inscription sur la borne milliaire de la cathédrale de Valence
(En gras : texte de l'inscription ; entre crochets : restitution des lettres effacées ou difficilement lisibles ; entre parenthèses : restitution des abréviations utilisées dans les inscriptions romaines ; ? : point problématique)
IMP(ERATOR)CAESAR L(UCIUS)DOMIT[IUS]
AURELIANU[S]P(IUS)[F](ELIX)INV[I]CT[US]
[AU]G(USTUS)P(ONTIFEX)MA(XIMUS)GER[MANIC](US)[MAX](IMUS)
[GO]THIC(US)MA[X](IMUS)[CARPIC](US)[MAX](IMUS) ?
[PAR]THIC(US)MA[X](IMUS)[TRIB](UNICIA)[POT](ESTATE)[VI CO](NSUL) ?
[III] P(ATER)[P](ATRIA)PROCO(N)[S](UL)[PACATOR ET RES]
[TITUT]OR ORB(IS)[REFECIT ET]
[R]ESTITUIT […]
MILIA [PASSUUM]
I[I] II ?
soit : « L'empereur César Lucius Domitien Aurélien, pieux, heureux, invincible, auguste, souverain pontife, Germanique très grand, Gothique très grand, Carpique très grand, Parthique très grand, revêtu de la puissance tribunicienne pour la... fois, consul... fois, père de la patrie, proconsul, restituteur et pacificateur de l'univers, a réparé la route. 3 (ou 4 ?) milles (de Valence). » Il s'agit sans doute de l'empereurAurélien, qui règne de 270 à 275.
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