Pour les articles homonymes, voirKlemperer.
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Activités | Romaniste,journaliste,philologue,journaliste d'opinion,traducteur,diariste,homme politique,écrivain, spécialiste de littérature française,professeur d'université,lecteur ![]() |
Père | Wilhelm Klemperer(d) ![]() |
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Conjoints | Eva Klemperer Hadwig Kirchner-Klemperer(d) ![]() |
Parentèle | Otto Klemperer (cousin germain) Werner Klemperer (oncle) Doris Kahane(d) (petite-nièce) ![]() |
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Lingua Tertii Imperii,Mes soldats de papier(d) ![]() |
Victor Klemperer, né le àLandsberg-sur-la-Warthe, alors dans l'Empire allemand, et mort le àDresde, à l'époque enAllemagne de l'Est, est unécrivain etphilologueallemand.
Romaniste éminent, il est l'auteur notamment d'uneHistoire de la littérature française auXVIIIe siècle et d'un essai,Lingua Tertii Imperii[N 1], décryptage de lanovlanguenazie utilisée comme moyen de propagande.
Il est le cousin du chef d'orchestreOtto Klemperer (1885-1973).
Victor Klemperer est le huitième enfant d'unrabbin appartenant au judaïsme réformé et qui, en 1890, devient2e prédicateur de la communauté juive réformée deBerlin. Il étudie quatre ans aucollège français de Berlin (1893-1897) mais le quitte avant le baccalauréat pour entrer en apprentissage dans le commerce. En 1900, cependant, il reprend ses études auGymnasium royal de Landsberg et passe l'Abitur en 1902. Il étudie laphilosophie et laphilologie des langues romanes et germaniques àMunich,Genève,Paris etBerlin. En 1906, il épouseEva Schlemmer, pianiste et musicologue et gagne sa vie comme écrivain. En 1912, il se convertit auprotestantisme. Il réussit son doctorat en 1912, puis obtient l'habilitation à enseigner en 1914.
En 1914 et 1915, Klemperer travaille comme lecteur à l'université de Naples et s'engage ensuite comme soldat, où il est affecté d'abord dans l'artillerie, puis dans lacensure militaire. En 1920, il devient professeur de philologie romane à l'université technique de Dresde. Il est spécialiste de littérature française duXVIIIe siècle, publiant de 1925 à 1931 en quatre volumes uneLittérature française de Napoléon à nos jours. Il figure dans l'encyclopédie Brockhaus desannées 1920 avec ses frèresGeorg (de) etFelix (de), médecins renommés.
Aprèsl'arrivée des nazis au pouvoir, Klemperer se voit interdire le droit d'enseigner en raison de ses ascendances juives alors qu'il est converti depuis longtemps au protestantisme et baptisé, même s'il est à l'époque devenu athée. En, il est mis à la retraite anticipée en tant que « non-Aryen ». Il écrit à propos de son éviction de l'université :« J'ai l'impression de me retrouver comme Ulysse face à Polyphème [qui lança à sa victime désignée] : « Toi, je te dévorerai en dernier »[3]. ».
Son journal personnel, qu'il avait commencé avant 1933, devient alors un moyen intellectuel de survie. Il y note jour après jour ce qu'il désigne comme « les piqûres de moustique » des humiliations et interdictions imposées par le régime et toutes les manipulations des nazis sur la langue allemande. Cettelangue du Troisième Reich, Klemperer l'appelleLingua Tertii Imperii, qu'il code pour plus de sûreté par les lettresLTI (voir plus bas). Il travaille aussi à sonHistoire de la littérature française auXVIIIe siècle, l'œuvre de sa vie, commencée bien avant la période nazie, et qui n'est publiée qu'entre 1954 et 1960.
Pendant la période du national-socialisme, Klemperer vit à Dresde. À partir de 1940, avec son épouse, Eva, ils sont contraints d'habiter successivement dans trois« maisons de Juifs » (« Judenhaus », immeuble ou maison particulière dans lesquels sont regroupés les Juifs pour les isoler du reste de la population) après avoir quitté la villa qu'ils avaient fait construire et qu'ils avaient habitée au début desannées 1930 à Dresde-Dölzschen (de). Le fait qu'Eva soit « aryenne » permet à son mari d'échapper à la déportation encamp d'extermination jusqu'au, du fait d'une décision secrète du gouvernement nazi qui veut éviter des troubles inutiles à propos des couples mixtes. Mais à cette date les autorités décidèrent de déporter aussi les « couples mixtes », alors que le camp d'Auschwitz-Birkenau était déjà libéré par les Soviétiques, preuve de la folie exterminatrice du régime jusqu'aux derniers jours. Victor et Eva Klemperer ne durent leur survie qu'aubombardement de Dresde, l'attaque aérienne étant survenue le soir même, dans la nuit du au, détruisant presque entièrement la ville. Survivants par miracle, ils décidèrent alors, sous l'impulsion d'Eva qui arracha l'étoile jaune du manteau de son mari, de profiter de la confusion qui s'ensuivit pour s'enfuir, dans une Allemagne en proie au chaos de la déroute.
Après une fuite de plusieurs mois à travers la Saxe et la Bavière, les Klemperer revinrent en à Dresde et se réinstallèrent dans leur maison à Dölzschen. Klemperer employa les mois suivants, pendant lesquels son avenir professionnel restait incertain, à la rédaction de son livreLTI, qui parut en 1947.
Émigrer dans les zones occidentales était hors de question pour lui, car il aimait mieux passer le reste de sa vie avec les « rouges » plutôt qu'avec les anciens « bruns ». Après une courte réflexion, Eva et Victor adhérèrent auKPD et firent ainsi partie au sens le plus large de l'élite politique de Dresde. De 1947 à 1960, Klemperer enseigna aux universités deGreifswald,Halle et Berlin. En 1950, il fut nommé député à laChambre du peuple (Volkskammer) en tant que représentant duKulturbund, ainsi que membre titulaire de l'Académie des sciences, et il essaya de donner à la langue française une place convenable en RDA.
Après la mort d'Eva Klemperer, le, il se remaria en 1952 avec Hadwig Kirchner (1926-2010), une germaniste de quarante-cinq ans sa cadette[4], qui participa après sa mort à la publication de ses notes quotidiennes.
Victor Klemperer mourut en âgé de78 ans. Il repose aucimetière de Dresde-Dölzschen (de) auprès d'Eva.
L'allemand permet de créer des mots composés et les nazis ne se sont pas privés de cette possibilité pour "inventer" (Klemperer ne croit pas à l'invention mais à la réutilisation) des mots à même de servir leurpropagande. Il y a donc eu unelangue nazie. Ce sont les particularités de cette « novlangue » que Victor Klemperer a consciencieusement notées pendant les années du nazisme, ce qui lui servait aussi à garder son esprit critique et à résister individuellement à l'emprise du régime hitlérien.
Par exemple, les nazis ont beaucoup utilisé le préfixeVolk-,le peuple (par exemple,Volkswagen), parce qu'ils voulaient donner l'impression qu'ils servaient le peuple. Ils ont aussi remis au goût du jour certainesrunes du Moyen Âge, c'est de là que vient le sigle en éclair desSS. Là, le but était de faire croire à toute la population que le nazisme n'était pas nouveau mais qu'il était issu de l'Allemagne ancienne, qu'il incarnait lavraie Allemagne. Et que sur les décombres de la crise de 1929, leIIIe Reich durerait 1 000 ans.
Il souligne aussi l'importance chez les nazis du vocabulaire organique pour décrire la société comme un ensemble vivant, tendance préférée volontairement à une pensée systémique.
Klemperer souligne dans ses carnets toutes les possibilités d'asservir une langue, et donc la pensée elle-même, à l'œuvre de manipulation des masses. Pourtant, les nazis ont récupéré la plupart de leurs traditions chez les fascistes italiens, comme les grandes réunions publiques dans des stades, lesalut avec la main tendue[N 2], les chemises brunes (noires en Italie), les bannières, le tribun qui éructe ses discours devant la foule…
Victor Klemperer a tenu un journal tout au long de sa vie. La partie qui couvre la période nazie a été publiée en Allemagne en 1995 avant d'être traduite en 2000 en français. Dans son Journal, il mêle les détails de la vie quotidienne, les observations politiques et sociales, les réflexions sur la nature humaine et sur la nature de la langue, toutes deux perverties par leIIIe Reich. Klemperer décrit les privations, les humiliations, l'asphyxie progressive de celui qui mène une existence de paria, les disparitions successives des amis et surtout de la très grande majorité des Juifs de Dresde. Il fait preuve d'une remarquable lucidité sur son sort, sur le sort de millions de Juifs dans les camps et affirme sa volonté de témoigner pour l'histoire.
Victor Klemperer est décoré en1956 de l'ordre du mérite patriotique (Vaterländischer Verdienstorden), section « Argent ».
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