Tite-Live (enlatin :Titus Livius), dit « Le Padouan » (en latin « Patavinus »), né en ou en et mort enl'an 17 dans sa ville natale dePadoue (Patavium enlatin), est unhistorien de laRome antique, auteur de la monumentale œuvre de l'Histoire romaine (Ab Urbe condita libri :AUC).
Le nom complet (tria nomina) de Tite-Live n'est pas connu. Son surnom (cognomen) n'a pas été conservé : seulsTitus, son prénom (praenomen), etLivius, son nom (nomen) ou gentilice (gentile nomen) ont été transmis. Quant àPatavinus (c'est-à-dire le Patavin ou le Padouan), il s'agit d'un sobriquet (agnomen). Sa situation familiale est inconnue bien qu'une de ses filles épousâtLucius Magius, orateur médiocre de l'avis deSénèque l'Ancien[1].
Tite-Live est né auIer siècle av. J.-C. àPatavium (Padoue), cité desVénètes (actuelleVénétie)[2]. Le lieu de cette naissance est attesté par sonsurnomPatavinus [« le Padouan »][3]. Sonannée de naissance est incertaine : il serait né en (695AUC) d'après laChronique deJérôme de Stridon[4], ou en (690 AUC) si, comme le dit cet auteur[4], Tite-Live est né la même année que l'orateurMarcus Valerius Messalla Corvinus, dont la carrière politique connue permet de préciser la date de sa naissance. Cette incertitude peut s'expliquer par la confusion de lecture entre lesconsuls définissant l'année 64 av. J.-C.,Caesar etFigulus, et ceux de,César etBibulus[5]. La date de naissance de a la préférence des historiens, car elle justifie mieux la fidélité de Tite-Live enversPompée, mort en, donc lorsque Tite-Live avait 16 ans[6].
Issu d'une famille riche, Tite-Live reçoit son éducation en province et ce sont ses études derhétorique qui l’amènent à s’installer àRome, peut-être plus tard qu'à l'âge habituel de seize ou dix-sept ans, en raison des troubles politiques[7]. Cette jeunesse prolongée à Padoue serait par ailleurs une des explications de son surnom. Par ailleurs, il n'a jamais exercé de charge publique puisqu'il consacre toute sa vie à la littérature et à l'histoire.
Selon certains historiens, il était en contact avecAuguste[8], qui respectait ses sympathies pour laRépublique et qui, d'après lesAnnales deTacite[9], le surnommaitPompeianus [« le Pompéien »], terme par lequel sont désignés les partisans et les soldats dePompée pendant laGuerre civile de César. Il aide d’ailleurs l'Empereur dans son entreprise de restauration de la grandeur de Rome. D'après laVie des douze Césars deSuétone[10], il encourageaClaude, dans ses jeunes années, à écrire de l'histoire.
L'historien est très mal connu, mais à l'époque médiévale, la découverte d'inscriptions furent vues à tort comme des témoignages. Deux inscriptions funéraires retrouvées à Padoue mentionnent un Titius Livius. La première (CIL, V, 2865) fut vue comme sonépitaphe[11] :« Tite-Live, fils de Gaius (Caius) ; sa première épouse : Cassia, fille de Sextus ; leurs deux fils : l'aîné, dit l'Ancien (Titus Livius Priscus), et le cadet, dit le Long (Titus Livius Longus) »[12]. La seconde inscription[13] marque le lieu de sépulture d'unaffranchi de Livia Quarta, fille de Titus Livius. Toutefois, cette identification ne repose que sur l'homonymie. L'inscription fut découverte auXIVe siècle et la plupart des humanistes de l'époque, dontBoccace etPétrarque ne remettaient pas l'identification en cause. L'inscription fut placée dans labasilique Sainte-Justine de Padoue, dont un tombeau découvert auXVe siècle au sein du bâtiment fut identifié comme celui de Tite-Live, ce qui provoqua un culte dereliques. En 1451, le squelette qu'il contenait fut présenté à l'ambassadeur deNaples àVenise, et un fragment d'os d'avant-bras lui fut offert à l'intention d'Alphonse d'Aragon et de Naples[14]. Pourtant, lecognomen Halys et le statut d'affranchi indiquent que ce n'est pas l'historien[15].
L'œuvre principale de Tite-Live, intituléeAb Urbe condita libri (enfrançais :Histoire de la ville [c.à.d de Rome] depuis sa fondation), était à l’origine un recueil de 142 livres[20] comme le prouve le nombre de résumés (Periochae)[21]. Cependant, seuls 35 livres ont survécu. Les livres relatant l'histoire de Rome pendant les années 292 av. J.-C. à, et ceux couvrant la période allant de 166 av. J.-C. à,ont disparu. Ils ne sont connus que par des fragments et les abrégés (periochae), sortes de tables des matières plus ou moins détaillées, à distinguer d'éventuels résumés ouepitomae (qui ont dû exister mais dont lesperiochae ne semblent pas issues)[22]. L'Histoire de Rome depuis sa fondation est écrite à partir de 31 av. J.-C. et est paru progressivement, en fascicules peu avant ou en Auguste se servit de ces livres pour renforcer son pouvoir.
Tite-Live connut de son vivant un succès qui dépassait les limites de l'Italie, comme l'atteste l'anecdote dePline le Jeune sur un habitant deGadès (Cadix) qui entreprit de venir à Rome pour le voir[23].
Néanmoins, Tite-Live eut au moins un détracteur,Asinius Pollion qui, seul et par deux fois, lui reprocha sa « patavinité » (patavinitas). L'interprétation de ce terme a suscité une abondante littérature : on a proposé de le comprendre comme désignant la manière de parler et d'écrire le latin propre aux habitants de Padoue[24], une sorte de jargon provincial dont Tite-Live n'aurait pu se défaire.Jacques Heurgon se rallie à l'avis de Pierre Flobert[25], lapatavinitas de Tite-Live serait un mot caricatural inventé par un concurrent jaloux, forgé sur le modèle de l'urbanitas, l'expression cultivée romaine[26].
Dante cite de nombreux personnages historiques dont Tite-Live au chant IV de l'Enfer, premièrepartie de laDivine Comédie :
« […] Puis ayant levé un peu plus les yeux, je vis le maître de ceux qui savent, assis au milieu de la famille philosophique. Tous l’admiraient, tous lui rendaient honneur. Là je visSocrate etPlaton, qui se tiennent plus près de lui que les autres ;Démocrite, qui soumet l’univers au hasard ;Diogène,Anaxagore etThalès ;Empédocle,Héraclite etZénon ; et je vis celui qui si bien décrivit les vertus des plantes, je veux direDioscoride ; je visOrphée, Tullius (Cicéron) et Livius (Tite-Live), etSénèque le philosophe moral »
PierreLardet, « Le retour des textes et la saisie de l'antique. Tite-Live et Quintilien à la Renaissance »,Histoire Épistémologie Langage,t. 12,no 1,,p. 21-36(lire en ligne) ;
↑Suétone,Vie des douze Césars : Vie de Claude, 41, 1 :« Historiam in adulescentia hortante T. Livio, Sulpicio vero Flauo etiam adiuvante, scribere adgressus est ».
↑Berthold Louis Ullman,The Post Mortem adventures of Livy, 1945, republié dansStudies in the Italian Renaissance, 1973
↑Sénèque,Lettres à Lucillius, 100, 9 :« Scripsit enim (Livius) et dialogos, quos magis philosophiae adnumerare possis quam historiae, et professo philosophiam continentes libros ».