Thucydide [engrec ancien :Θουκυδίδης,Thoukudídès, formé à partir des deux mots grecs Θου-κῦδος, Θεοῦ génitif de θεός (« dieu ») et κῦδος (« gloire », « renommée »)] est unhomme politique,stratège ethistorienathénien, né vers dans ledème d'Halimonte (de nos jours,Álimos) enAttique ; il est mort, peut-être assassiné, entre et
Sa principale œuvre estLa Guerre du Péloponnèse, récit de la guerre qui opposaAthènes etSparte entre 431 et Elle se distingue par sa rigueur historique, comparable aux travaux d'Hérodote.
Sa famille est probablement apparentée aussi à celle deCimon en ligne masculine[1].
Il est probablement le petit-fils par sa mère deThucydide. Elle bénéficie d'une fortune considérable. Le père de Thucydide possédait des mines d'or enThrace et des forêts sur lemont Pangée. On estime sa date de naissance à460 av. J.-C., grâce à un commentaire dePamphila[2].
Nous avons très peu d'informations sur sa vie. Il aurait probablement eu pour maîtreAntiphon de Rhamnonte. Il en fait un éloge aulivreVIII.
SelonLucien de Samosate et laSouda, Thucydide enfant assista à une lecture faite parHérodote de son œuvre, lors desJeux olympiques : sans doute cette tradition représente-t-elle une manière symbolique de rendre hommage à son prédécesseur — celui que l'on surnomme le« père de l'Histoire ». Cependant, ainsi que l'a remarqué l'historienAlexis Pierron en 1881,« Thucydide n'admirait que médiocrement le livre d'Hérodote. Il reproche même assez rudement au vieil historien d'avoir eu en vue le plaisir du lecteur plus que son utilité, et d'avoir sacrifié trop souvent à l'amour du merveilleux. Mais c'est ici le jugement de Thucydide homme déjà mûr, préoccupé avant tout des enseignements politiques qui doivent découler de l'histoire, et travaillant avec effort, comme il le dit lui-même, afin de léguer aux siècles à venir un monument impérissable ».
Durant ses trente premières années, Thucydide a dû se préparer aux charges gouvernementales qui allaient lui incomber, mais sa vie se situe entre deux moments extrêmes de l'histoire d'Athènes : entre la splendeur des années triomphantes du milieu duVe siècle av. J.-C. et le dernier quart du siècle, où la cité sort exsangue et humiliée de l'occupation spartiate.
De cette crise, Thucydide, entre trente et quarante ans, écrit l'histoire au fur et à mesure qu'elle se déroule. Il ne parle de lui, en 430 av. J.-C., que pour décrire les symptômes de lapeste qu'il croit avoir contractée. Il est le disciple d'Anaxagore de Clazomènes et, selon la tradition, il a étudié l'enseignement d'Antiphon. Marié, il a un fils, Timothée.
La puissance athénienne en 431.
En 424 av. J.-C., il est élustratège. On lui confie le commandement d'une escadre de sept navires, qu'il doit mener enThrace pour maintenir l'ordre. Une expédition du SpartiateBrasidas l'oblige à porter secours à son homologueEuclès qui défend la colonie athénienne d'Amphipolis[3]. Il ne peut empêcher Brasidas de prendre Amphipolis[4], même s'il parvient à s'emparer d'Eion. Pour cette raison,certains pensent[Qui ?] qu’il aurait été accusé de trahison et condamné à l’ostracisme, ce qui l’aurait forcé à s'exiler d'Athènes pendant vingt ans[5]. Pendant cette période, Thucydide voyage à travers l'ensemble de la Grèce et accumule de nombreux témoignages auprès des combattants des deux camps, spartiates et athéniens.
D’aprèsPausanias[6], Thucydide serait revenu à Athènes grâce à un décret d’Oinobios et aurait été assassiné à son retour : son tombeau se trouverait non loin de la porte Mélité à Athènes. Sa mort se situe vraisemblablement entre 400 et 395 av. J.-C.[7]. Thucydide a donc probablement connu la fin de la guerre du Péloponnèse et latyrannie des Trente, mais sans avoir eu le temps de terminer son ouvrage. Son récit de la guerre s'arrête en effet brutalement en 411 av. J.-C., après le renversement du régimeoligarchique desQuatre-Cents à Athènes et la bataille navale de Cynossema. Le philosophe et historienXénophon raconte les sept dernières années de la guerre dans sesHelléniques.
Dans un préambule célèbre, il explique pour quelle raison il a choisi de relater la guerre du Péloponnèse : c'est l'événement le plus important de l'histoire grecque jusqu'à son époque. Afin de le démontrer, il se livre à une synthèse de l'histoire grecque jusqu'auxguerres médiques. Puis il évoque les causes lointaines ou immédiates qui ont provoqué le conflit d'Athènes et de Sparte[10]. Une fois arrivé au récit même de la guerre, il établit la date des premières hostilités, puis se consacre à son sujet.
Point de digressions sur les affaires intérieures de Sparte ou d'Athènes, point d'anecdotes : rien que ce qui est indispensable à la clarté de la démonstration. Thucydide raconte la guerre année par année, saison par saison, brassant les événements simultanés sans craindre de morceler son récit. Contenue par une méthode aussi inflexible, la narration reste très sobre. C'est à peine si, pour mieux faire comprendre les faits, il y mêle des considérations très rapides, des définitions morales, des analyses de sentiments. Il s'arrête pourtant quelquefois afin d'expliquer, dans une réflexion incisive, les causes des événements, la situation morale des peuples, le fond même de la politique. À l'occasion des troubles deCorcyre, il trace un tableau général des mœurs de son époque.
De ces réflexions, de ces peintures morales, se dégage sa philosophie. Thucydide ne voit pas dans les événements le résultat d'une intervention divine, mais la conséquence de lois générales qui gouvernent le monde. Lorsqu'il décrit une éclipse de Soleil ou de Lune, c'est à la manière d'un savant. S'il parle desoracles, c'est d'un simple point de vue objectif, factuel. Quand il parle des dieux, c'est au titre des croyances de son temps. Il leur oppose la faiblesse de l'humain, faiblesse dont l'homme ne peut se relever que par la raison (gnômè). Ici réside uneanalogie entre Thucydide etAnaxagore ; mais, tandis que lenoûs d'Anaxagore est l'intelligence prise en soi, la raison de Thucydide représente l'intelligence appliquée à la connaissance des choses. Thucydide place lagnomè au premier rang des qualités ; quand il fait l'éloge de quelques grands personnages, c'est toujours en relation avec cettegnômè. Sans doute l'intérêt est-il le mobile des actions, mais il ne faut pas que l'homme se laisse entraîner par la passion égoïste. Pour réussir, l'action doit être intelligente et par conséquent morale, faute de quoi les hommes échouent dans leurs entreprises.
Cette impartialité n'exclut ni lepatriotisme ni les préférences politiques : dans plus d'un passage, on reconnaît l'œuvre d'un Athénien fier de sa patrie. Thucydide admirePériclès et approuve son pouvoir sur le peuple, tout en n'approuvant ni les démagogues qui le suivent, ni la démocratie radicale qu'il prône. Il juge cependant la démocratie acceptable entre les mains d'un dirigeant rationnel.
Le texte s'arrête soudain à l'année 411, au milieu d'une phrase. On ne sait si cette interruption est volontaire, ou si l'auteur n'a pu compléter son récit avant sa mort. La question de savoir si Thucydide a rédigé son œuvre par étapes ou en une seule fois est encore aujourd'hui débattue par les chercheurs.
« L'histoire est un perpétuel recommencement »[14].
Cette citation, bien que célèbre, est très certainement apocryphe et abusivement attribuée à Thucydide, malgré le fait que plusieurs dictionnaires de citation comme celui du site du Figaro cité ici l'aient intégrée dans leur compilation[17].
Elle résume bien l’esprit de sa pensée en la condensant. Selon lui, dans la mesure où ils procèdent de la nature humaine (κατὰ τὸ ἀνθρώπινον), les événements de l’avenir ressembleront à ceux du passé[18] : Thucydide a en effet exprimé la certitude que son œuvre constitue« un trésor pour l’éternité,κτῆμα ἐς αἰεί, [pour] voir clair dans les événements passés et dans ceux qui, à l’avenir, en vertu du caractère humain qui est le leur, présenteront des similitudes ou des analogies »[19].
« L'épaisseur d'une muraille compte moins que la volonté de la franchir »[14] (cité sans source et sans doute apocryphe)
Œuvres de Thucydide, édition et traduction deJacqueline de Romilly, en collaboration avec Louis Bodin et Raymond Weil, 5 vol., Paris,Les Belles Lettres, 1953-1972. Traduction rééditée (sans le texte grec) en 1990 aux Éditions Robert Laffont, collection « Bouquins »[20].
Hérodote - Thucydide. Œuvres complètes, trad. Andrée Barguet pour Hérodote :L'enquête ; traduction Denis Roussel pour Thucydide :Histoire de la guerre entre les Péloponnésiens et les Athéniens, Gallimard, coll. « Pléiade », 1904 p.
Thucydidis, Olori filii, de bello peloponnesiaco libri octo, græce, iidem latine ex interpretatione, L. Vallae (Laurent Valla) excudebat, Henric. Stephanus (Henri Estienne), 1564
Raymond Aron,Dimensions de la conscience historique, Plon, coll. « Agora », 1985.
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↑Une mention par Thucydide du roi macédonienArchélaos permet de supposer que l'historien vivait encore lors de la mort de ce souverain en 399 av. J.-C. Une inscription trouvée àThasos et datée de 397 av. J.-C. signale la présence d'un personnage dont le récit de Thucydide indique le décès. Il est donc vraisemblable que Thucydide vivait encore en 397.