Le sous-sol de l'île est essentiellement constitué degneiss gris-vert et demarbre, largement exploité et exporté durant l'Antiquité. Des gisements d'or, decuivre, defer et deplomb argentifère sont exploités depuis l'Antiquité.
Bien pourvue d'eau et favorisée par un climat relativementtempéré (climat méditerranéen à tendance balkanique), Thasos est couverte de forêts : chênes-verts, chênes-lièges, pins, châtaigniers, arbres de Judée, platanes d'Orient, plantes du maquis. Dans l'Antiquité, le bois fut une des principales ressources de l'île, les forêts étant rares enGrèce.
Dans les plaines côtières, on cultive l'olivier. La vigne, dont le vin jadis fameux était largement exporté, a pratiquement disparu.
L'île fut habitée dès l'époquepaléolithique autour des grottes d'où l'on extrayait de l'ocre. On y a également retrouvé des habitats de l'âge du bronze, mais l'histoire de l'île nous est véritablement connue à partir du moment où, vers680 avant notre ère, elle futcolonisée par des Grecs originaires deParos menés par Télésiclès, le père du poèteArchiloque, selon la prophétie d'un oracle deDelphes.
Tétradrachme en argent frappé à Maronée représentant Dionysos
Les représailles furent sévères : les Thasiotes durent s'engager à « détruire leurs murailles, à livrer leur flotte, à fournir immédiatement tout l'argent qu'on leur demandait, à payer tribut à l'avenir et à abandonner le continent et les mines »[4]. La cité se voyait ainsi à la fois privée de ses principales sources de revenus (revenus miniers du continent et taxes établies sur le commerce continental) et assujettie à de lourdes dépenses (remboursement, étalé sur une vingtaine d'années, des frais de guerre aux Athéniens et versement d'un lourd tribut à l'alliance).
Ce traitement handicapa fortement l'économie thasiote pendant une quinzaine d'années[5] et contraignit la cité à établir provisoirement un nouveau prélèvement sur leskarpoi : la production agricole de lachôra, c'est-à-dire essentiellement sur le vignoble, réputé, de l'île[6]. La mise en place d'un tel impôt sur laproduction agricole manifeste la détresse financière de la cité face à ses obligations, dans la mesure où les cités grecques antiques semblent ne le pratiquer qu'en dernier recours, comme l'indique l'exemple deMendè enChalcidique cité parAristote[7].
Au demeurant, le fait que la cité ait pu assumer pendant vingt ans un lourd prélèvement de l'ordre de 75 à 100talents par an souligne le dynamisme de l'économie thasiote, même amputée de ses possessions continentales. Comme le souligne Michèle Brunet, en comparaison, « les trente talents versés par la suite [à partir de 443][8] au Trésor des alliés durent presque sembler légers »[9]. La pression athénienne se maintint cependant longtemps et de riches Athéniens acquirent des vignobles dans l'île.
Thasos saisit l'occasion de la révolution oligarchique desQuatre-Cents à Athènes, en411, pour se soulever : les Thasiotes reconstruisirent leur enceinte et leur flotte et s'allièrent avecSparte. En 407, ils furent à nouveau vaincus par les Athéniens, dirigés parThrasybule, après un siège très dur. La victoire des Spartiates conduisitLysandre, en 405, à rassembler les citoyens dans le sanctuaire d'Héraclès en promettant l'amnistie afin de mieux y massacrer les partisans d'Athènes. Par la suite, les Thasiotes reprirent pied sur le continent en y constituant un territoire rattaché à l'île et désigné comme « épire » dans les textes gravés du début duIVe siècle av. J.-C.
Malgré la domination spartiate, Thasos revint dans l'orbite athénienne dès389 et entra dans laseconde confédération athénienne en375. La cité est alors toujours aussi prospère et son rayonnement commercial important. La montée en puissance de laMacédoine, n'entama pas cette prospérité, et c'est seulement en 202 que le roi de MacédoinePhilippe V prit le contrôle de la cité, pour peu de temps puisque vaincu par lesRomains en 199. Le Sénat romain déclara l'année suivante la liberté pour tous les Grecs.
Les richesses de l'île étaient nombreuses. Si elles assurèrent une certaine prospérité aux Thasiotes, elles ne furent pas sans provoquer la convoitise des États dominant le monde grec[10].
L'exploitation des mines d'or et deplomb argentifère de l'île[11] sont sans doute à l'origine de sa colonisation par les Grecs, qui en tiraient, d'aprèsHérodote, 160 kilos d'or par an. Plusieurs chantiers de mines ont été retrouvés par les archéologues, notamment la « mine de l'Acropole », mine d'or[N 1] ainsi dénommée parce que, située sous la ville antique, elle disposait d'une entrée débouchant sur l'acropole. Sur la côte ouest des gisements de cuivre et d'argent étaient exploités pour la production monétaire. Les conditions d'exploitation de ces mines sont beaucoup moins bien connues que celles duLaurion[12].
Les forêts thasiotes constituaient une ressource appréciée pour y tailler du bois de charpente, indispensable à laconstruction navale. On doit aussi relever la présence de carrières demarbre blanc de bonne qualité permettant la sculpture comme la construction, au nord-est à proximité ducentre urbain principal (carrières de Saliari, Phanari et Vathy) et surtout au sud-est (Aliki), ces dernières intensément exploitées à l'époque paléochrétienne. Leur caractère côtier rendait plus aisé l'extraction et le transport des blocs par bateau, ce qui contribua sans doute, à l'époque impériale, à la diffusion de ces marbres à une large échelle allant de lamer Méditerranée occidentale à lamer Noire[13].
Enfin, le vin thasien était très apprécié et durablement exporté (de nombreux ateliers d'amphores ont été retrouvés) à l'époque classique et à la hauteépoque hellénistique. Thasos est l'une des rares cités grecques qui ait légué des documents sur le commerce du vin dans le monde égéen de l'Antiquité.
Aux époques classiques et hellénistiques, la cité contrôle et exploite de manière équilibrée l'ensemble de son territoire, en un système de peuplement très hiérarchisé. Chaque vallée ou plaine littorale est commandée par un village relié à l'agglomération principale comme aux autres villages par des chemins qui contournent l'obstacle central de l'Hypsarion (1 200 m) en passant par la côte[14]. Le réseau serré des « fermes isolées, installées la plupart du temps au point de contact entre des terroirs aux qualités différentes, témoigne de la densité d'occupation et de l'intensité de la mise en valeur agricole dans toutes les zones périphériques »[14].
Si la ville de Thasos elle-même est excentrée, au nord de l'île, c'est parce qu'elle fait ainsi face au continent et au territoire qu'elle y contrôle, lapérée, traversé par laVia Egnatia, importante route commerciale reliant Athènes aux détroitsvia laChalcidique et, par-delà, le monde égéen auxcolonies grecques de lamer Noire. Grâce à ce positionnement et au maillage serré de sachôra, la cité thasiote assure à la fois son indépendance dans une perspectiveautarcique et sa prospérité par son insertion dans les circuits commerciaux de l'Égée[15]. Certes, les villages thasiotes sont souvent installés en retrait de la côte, sur les piémonts ; certes des postes de garnisons sont implantés à proximité des lieux de débarquement les plus aisés ; certes les fermes sont fortifiées. Mais cette volonté de se protéger des invasions ennemies ou des raids de pirates n'empêche nullement que « c'est bien dans l'auréole externe de l'île que se concentrent, comme de nos jours, la population et les activités »[16], implantation qui n'était nullement inévitable, comme l'indique, à l'époque moderne, l'installation de la population dans les territoires intérieurs de l'île, tournant le dos à la mer et à ses dangers, notamment la piraterie[17].
De 1813 à 1902, elle passe sous gouvernement égyptien, ayant été attribuée àMéhémet Ali par le sultanMahmoud II en récompense de son intervention contre les Wahhabites[18]. Elle participe brièvement au soulèvement grec de1821 mais se soumet dès décembre et subit alors des pillages de la part des Grecs restés insurgés, notamment des Psariotes et des pirates basés dans les Sporades[19].Comme le reste de la région elle est rattachée à laGrèce en1912, à l'issue desguerres balkaniques[20].
Après la guerre, Thasos resta rurale etpastorale jusque dans les années 1960. C'est le tourisme et l'augmentation des échanges qui la firent sortir de cet isolement ; toutefois, lacrise financière des années 2010, due à ladérégulationmondiale et auxendettements de laGrèce, en partie consécutifs auxJeux olympiques de2004, frappe durement l'économie de l'île.
Jusqu'auXVIIIe siècle, une dizaine d'érudits visitèrent l'île et relevèrent des inscriptions. Mais c'est véritablement auXIXe siècle que l'intérêt pour le passé hellénique de l'île se fait plus grand :Georges Perrot, français de l'École française d'Athènes, rédige un mémoire sur l'île en donnant quelques plans qu'il a tracés après observation en1856. A. Conze publie également un rapport.
Les fouilles de l'École française d'Athènes, dont Charles Picard est responsable, commencent en1911. On découvre alors le sanctuaire d'Artémis, la porte du Silène, la salle hypostyle... mais aucune stratigraphie n'était étudiée.
Les fouilles se poursuivent de manière plus ou moins continue depuis cette date :
Jusque dans les années 1930, on tente surtout d'établir une topographie générale de la ville et de mettre au jour les principaux ensembles monumentaux ;
Fouilles du sanctuaire d'Artémis dans les années 1970 ;
Actuellement[Quand ?], fouilles d'habitats, d'ateliers et surtout sondages d'urgence.
Le premier musée est construit dans l'entre-deux-guerres. Après une période de travaux, il a été agrandi et inauguré le 10.
La recherche est aujourd'hui élargie à l'ensemble de l'île mais le coût de la main-d'œuvre oblige surtout à de laprospection, les fouilles demeurant ponctuelles.
La législation grecque s'est efforcée de protéger les antiquités. À Thasos, tous les terrains sontarchéologiques et les chantiers sont donc surveillés par des archéologues.
En2012, à l'initiative d'Arthur Muller, professeur d’archéologie grecque, le bilan d'un siècle d’archéologie française à Thasos a été dressé et présenté au public, à travers des expositions et des conférences.
↑« Les habitants de Mendé affectaient le produit des droits de port et des autres taxes qui frappaient la terre et les maisons. Ils tenaient cependant registre des propriétaires, et quand le besoin d'argent se faisait sentir, les assujettis payaient. » Aristote,Économique, II, 2, 21
↑De 463 à 443, la contribution des Thasiotes au trésor de la ligue de Délos se limita à trois talents par an, pour leur permettre de rembourser leurs frais de guerre aux Athéniens
↑« Toute la région put ainsi être décrite comme une sorte d'« Eldorado nordique » dont les richesses étaient aptes à susciter bien des convoitises et des rivalités dans toute la région et même plus loin, dans l'ensemble du bassin égéen ».Brunet 2007,p. 314.
↑A. Muller, « La mine de l’Acropole de Thasos »,BCH, Suppl.5, 1979, p. 315-344
Apostolos E.Bakalopoulos, « Thasos. Son histoire, son administration de 1453 à 1912 »,Études thasiennes,no 2,(lire en ligne).
Michèle Brunet,L'espace grec, 150 ans de fouilles de l'École française d'Athènes,Fayard,.
Michèle Brunet,« L'économie d'une cité à l'époque classique : Thasos », dans Michel Debidour,Économies et sociétés dans la Grèce égéenne, 478-88av. J.-C., éd. du Temps,.