À ne pas confondre avecTerre Déserte qui est un lieu de lalégende arthurienne
Laterre déserte est unetactique militaire qui fut employée pour la première fois enFrance[réf. nécessaire], lors de lachevauchée d'Édouard III de 1359-1360, au cours de laguerre de Cent Ans, parCharles V le Sage, lequel la résume ainsi :« Mieux vaut pays pillé que pays perdu. »
La tactique de la terre déserte consiste à faire le vide devant l'adversaire en stockant hommes et biens dans des endroits hors d'atteinte, mais sans détruire le pays. Elle se différencie donc de lapolitique de la terre brûlée, qui consiste en la destruction pure et simple de toutes les ressources et moyens de production du pays, afin qu'ils ne tombent pas entre les mains de l'ennemi.
Durant l'Antiquité grecque, labataille de Leuctres peut être perçue comme résultant directement d'une stratégie « de la terre déserte » de la part desThébains.
Une tactique similaire fut appliquée parQuintus Fabius Maximus Verrucosus,dictateur de laRépublique romaine chargé de vaincre le généralcarthaginoisHannibal dans le sud de l'Italie pendant ladeuxième guerre punique (217 avant notre ère). On l'appelle aussi « stratégie fabienne »[1],[2] en l'honneur de ce général d'armée romain. Au début du conflit, Hannibal franchit lesAlpes (venant d'Ibérie et du sud de laGaule) et envahit la péninsuleitalienne. Il inflige à plusieurs reprises des pertes importantes aux Romains et remporte rapidement deux victoires écrasantes sur les Romains à labataille de la Trebia et à labataille du lac Trasimène[3]. Après ces désastres, les Romains nommèrent Fabius Maximus dictateur. Fabius initia alors uneguerre d'usure caractérisée par un évitement consciencieux des affrontements à grande échelle et le maintien en bon état deslégions et de civils dans des zones fortes déterminées, en attendant l'usure de l'ennemi par desescarmouches visant à le priver d'approvisionnement et de soutien[1].
À la suite des désastres militaires deCrécy en1346 puis dePoitiers en1356, ledauphin Charles a la garde d'un royaume dévasté et meurtri, tandis que son père le roiJean II le Bon est prisonnier enAngleterre. Le pays est à la merci despillages anglais : les fameuses« chevauchées ».
Le dauphin Charles, futurCharles V le Sage, ne veut plus risquer le sort de laFrance en une seule bataille. Les malheurs de son père sont pour lui de douloureux exemples : il en tire une stratégie personnelle bien particulière.
Le pays est menacé par les Anglais etCharles le Mauvais. Le dauphin, qui est régent du royaume, vient de mettre un terme à la guerre civile (jacquerie) et à l'insurrection parisienne d'Étienne Marcel. Il a pris conscience que pour tenir un territoire il faut avoir le soutien de la population. Il a compris que la victoire finale de la Guerre de Cent Ans se jouerait sur le sentiment d'appartenance nationale. Il va donc laisser les Anglais se faire haïr à chacune de leurs chevauchées.
En 1359,Édouard III d'Angleterre débarque àCalais dans le but d'envahir la France. La même année, il a pu imposer à Jean le Bon (qui craint que Charles de Navarre prenne le pouvoir en France[4]) un traité de paix (l'Endenture) qui lui livrerait plus de la moitié du royaume de France. Or le dauphin Charles, avec l'appui solennel desÉtats généraux, et le soutien secret de son père prisonnier outre-Manche, refuse de signer ce traité humiliant et catastrophique. Édouard III décide alors de passer à l'action ; il était évident, aux yeux des contemporains, qu'il ne ferait qu'une bouchée de la portion de France qui resterait aux Valois.
Débarqué à Calais, il chevauche en direction deReims, la ville du sacre. Mais le Dauphin Charles a pris les devants. Il a ordonné à tous les habitants des campagnes de se réfugier, avec toutes leurs provisions et matériels, dans les villes fortifiées. Ces villes sont alertées du danger et se tiennent sur leurs gardes. Édouard, traversant un pays vide, doit vivre sur les réserves qu'il a emmenées avec lui. Arrivé devant Reims, il trouve les portes fermées. Il demande la reddition de la cité. Les échevins refusent, par fidélité au Dauphin Charles. L'armée anglaise n'est pas assez équipée pour assiéger une ville, si bien qu'elle est obligée de plier bagages quelques jours plus tard.
Édouard est furieux, il cherche à provoquer une grande bataille avec les Français. Ceux-ci sont invisibles, mais les retardataires et les éclaireurs anglais tombent fréquemment dans des embuscades où ils sont massacrés. Finalement, Édouard arrive devantParis, où le dauphin s'est enfermé ainsi que toute la population d'Île-de-France. Malgré les provocations, le dauphin interdit à ses chevaliers de livrer bataille. Il ne veut pas renouveler la défaite de Poitiers.
Édouard III quitte précipitamment Paris pour se rembarquer le plus vite possible, car il n'a plus de vivres, la plupart de ses chevaux sont morts faute de fourrage, et il a perdu un nombre non négligeable d'hommes. Cette chevauchée de 1359 se solde par un échec retentissant.