Après avoir fréquenté une école primaire bilinguearabo-francophone[1], il étudie aulycée Regnault (lycée français deTanger) jusqu'à l'âge de dix-huit ans, puis fait des études dephilosophie à l'université Mohammed V deRabat. En parallèle, il écrit ses premierspoèmes. Cette poésie est empreinte de l'agitation politique et sociale que traverse la jeunesse marocaine à l'époque[4].
Une fois ses études terminées, il enseigne la philosophie au Maroc et poursuit son activité littéraire. En, il publie son premier ouvrage, le recueil de poèmesHommes sous linceul de silence, qui traduit l'engagement de Tahar Ben Jelloun pour davantage dejustice sociale dans son pays[4].
Installation à Paris et début de sa carrière littéraire
La même année, à la suite de l'arabisation de l'enseignement de la philosophie, il part pour laFrance et s'installe àParis. Souhaitant élargir ses perspectives et ne plus se limiter à enseigner la philosophie, Tahar Ben Jelloun entame des études depsychologie[4]. Sur le plan littéraire, la présence de Tahar Ben Jelloun - qui écrit enlangue française - en France lui permet de nouer des contacts avec des éditeurs[4].
Les années voient le travail littéraire de Tahar Ben Jelloun évoluer sous l'influence notamment de ses expériences intellectuelles parisiennes et de son expérience de psychothérapeute. L'écrivain s'essaie à la narration et revendique une perspective morale dans ses écrits. Il publie ainsiLa Réclusion solitaire en et surtoutLa plus haute des solitudes en, deux ouvrages centrés sur la question de l'immigration maghrébine dans la société européenne.La plus haute des solitudes, un essai inspiré de sa thèse et dans lequel il relate et analyse la misère psychologique, sexuelle et la solitude de travailleurs immigrés, est remarqué et participe à la découverte des conditions de vie difficiles des populations immigrées par la population française[6].
Durant tout le début de sa carrière, Tahar Ben Jelloun est un écrivain apprécié, bénéficiant de bonnes critiques et d'un public peu nombreux mais fidèle. La publication en duromanL'Enfant de sable va toutefois permettre à l'écrivain marocain d'accéder à une large reconnaissance. Le succès de l'ouvrage lui permet en effet d'étendre son public et modifie son rapport à la littérature. Comme il l'indique en interview, si cette nouvelle audience ne modifie pas son travail littéraire quotidien (style, etc..), sa conception du message porté par la littérature et de la responsabilité des auteurs vis-à-vis des lecteurs évoluent[7].
En, Tahar Ben Jelloun publieCette aveuglante absence de lumière, un ouvrage revenant sur l'enfermement à laprison secrète de Tazmamart de plusieurs dizaines de sous-officiers opposants duroiHassan II durant lesannées de plomb marocaines. Cette publication est vivement critiqué par un ancien détenu,Ahmed Marzouki, auteur de l'ouvrageTazmamart Cellule 10 publié l'année précédente et qui décrivait également les conditions de détention à Tazmamart. L'ancien officier reproche à Tahar Ben Jelloun son silence sur la répression sécuritaire au Maroc durant toutes ces années tandis qu'il était un écrivain primé, reconnu, protégé et dont la voix aurait porté internationalement. De plus, il dénonce une publication qu'il juge opportuniste et motivée par des considérations purement commerciales sur un sujet hautement symbolique et moral pour la population marocaine[8].
En réponse, Tahar Ben Jelloun rejette ces deux accusations et rappelle sa liberté artistique d'écrivain. Pour sa défense, il explique s'être tu sur la situation marocaine pour assurer la sécurité de sa famille restée au Maroc et conserver des liens avec son pays natal (notamment la possibilité d'y retourner). Il ajoute par ailleurs avoir ignoré certains aspects de la répression subie par les prisonniers. Sur les questions d'ordre financier, l'écrivain indique partager les bénéfices des ventes avec le prisonnier lui ayant fourni la matière première pour son roman, Aziz Binebine[8],[9].
La controverse qui oppose les deux hommes secoue le Maroc et les milieux littéraires francophones. Les positions changeantes d'Aziz Binebine, parfois positifs parfois négatifs sur l'ouvrage, mais surtout certaines déclarations jugées peu crédibles par les critiques littéraires parisiens participent à attiser les tensions. À l'opposé du livre qui rencontre un succès critique unanime, l'image de Tahar Ben Jelloun est pour certains durablement écornée par cette affaire[8],[9].
À partir des années, la position de Tahar Ben Jelloun au sein du milieu littéraire évolue. Auteur reconnu de la critique et du public, il allie à son travail d'écriture une activité au sein des institutions et des structures littéraires francophones. Ainsi, il soumet sa candidature à l'Académie française, pour le fauteuilno16 occupé auparavant par le poète franco-sénégalaisLéopold Sédar Senghor, durant le mois de[10]. Toutefois, l'écrivain marocain décide le mois suivant de se retirer de l'élection[11].
Tahar Ben Jelloun est connu non seulement pour ses œuvres littéraires, mais aussi ses apparitions dans les organes de presse, où il parle de l'expérience vécue, des injustices et des défis des Maghrébins qui habitent en France[14].
L'écriture de Taher Ben Jelloun est empreinte de la forme duconte, forme littéraire traditionnelle importante au Maghreb. L'écrivain estime d'ailleurs que cette approche de la narration lui est la plus naturelle. Il explique ainsi avoir découvert sur le tard et s'être inspiré de la figure des conteurs de rue et de la richesse de leur répertoire[Note 1],[16],[15].
Le, Tahar Ben Jelloun est accusé par l'écrivain algérienYasmina Khadra d'être à l'origine de son ostracisation par les institutions littéraires et les médias en France[17]. Invité dans l’émissionMaghreb Orient Express surTV5 Monde pour la promotion de son livreLe baiser et la morsure, il a déclaré : « Quand vous avez un écrivain de renom, connu dans le monde entier, prix Goncourt, membre influent de l’Académie Goncourt, qui s’appelle Tahar Ben Jelloun, qui raconte partout depuis vingt ans, de jusqu’à ce matin, que je suis un imposteur, que ce n’est pas moi qui écris mes livres, qu’il connaît mon nègre. Et à travers ça, trouver toutes sortes de diffamations, d’affabulations, d’élucubrations les plus chimériques, alors j’ai écrit ce livre pour rassurer les miens et ceux qui apprécient mon travail pour leur dire que vous êtes en train de lire quelqu’un de brave, d’honnête et qui n’est jamais dans la polémique[18]. »
Le Racisme expliqué à ma fille (un succès de librairie vendu à plus de 400 000 exemplaires[19],[20]), est traduit en trente-trois langues, dont trois des onze langues principales d'Afrique du Sud (l'afrikaans, leswati et l'ixixhosa), lebosniaque et l'espéranto.
La plupart de ses livres ont été traduits enarabe, dont certains par l'auteur lui-même.
Éditions originales uniquement. Principalement d'après le catalogue générale de laBibliothèque nationale de France. Publié à Paris sauf indication contraire.
1968 : 'L'Aube des dalles', poème, Souffles no. 12 (Rabat)
1971 :Hommes sous linceul de silence, poèmes, Atlantes (Casablanca)
En,Jérôme Clément, élu local de la commune duThoureil, demande à Tahar Ben Jelloun de dessiner une série devitraux pour orner l'église du village. Intéressé par le projet et s'inspirant du parallèle avec les créations d'Henri Matisse, l'écrivain accepte la proposition[23].
Dans son approche artistique de cette commande, Tahar Ben Jelloun insiste sur la dimension spirituelle et le dialogue interreligieux sous-tendus par le projet. Permettre à un artiste de culture musulmane de travailler sur un édifice chrétien et d'y apporter une esthétique nouvelle lui paraît mettre en avant l'importance de porter un message pacifique et d'exprimer les convergences entre lesreligions monothéistes[24].
La fabrication des vitraux est confiée au maître verrier deSaumur Philippe Brissy[24].
Cité par le journaliste marocain Omar Brouksy[25], auteur du livre enquête "la République de Sa Majesté" sur l'ingérence marocaine en France[26], Tahar Ben Jelloun est considéré par ce dernier comme faisant partie du lobby de la monarchie marocaine en France.
Dès 2016, Tahar Ben Jelloun collabore avec le médiaLe360.ma[27], organe médiatique du secrétaire particulier du roi du Maroc Mounir Majidi[28] et considéré par le journalLe Monde[29] tout comme parHuman Right Watch[30] comme porte-voix des services sécuritaires du régime et faisant partie du phénomène dela presse de diffamation au Maroc[30].
En 2022, Tahar Ben Jelloun publie une tribune dans l'hebdomadaire françaisLe Point intitulée « Le Maroc expliqué à Emmanuel Macron »[31] où il défend la thèse que le Maroc serait une démocratie tout en affirmant, concernant le roi du Maroc, qu'"au Maroc, le roi règne et gouverne"[31], que "rien ne se fait sans son accord"[31] et qu'"il se trouve que c'est un grand roi, un des rares dirigeants du monde arabe à respecter les principes de la démocratie"[31]. Dans la même tribune, il critique le rapprochement entre le président français Emmanuel Macron et l'Algérie[31]. La tribune a été critiquée par des médias algériens[32],[33].
Lettre au président de la République : prise de position sur la société française
DansLe Monde du lundi, Tahar Ben Jelloun écrit une « Lettre au président de la République », l'invitant à plus de discernement dans ses propos (Nicolas Sarkozy s'était exprimé àGrenoble sur la possibilité de déchoir de la nationalité française une personne qui aurait commis un grave délit). Il veut lui rappeler sa position de chef de l'État et l'usage qu'il se devrait d'en faire vis-à-vis des valeurs de la République et de sa constitution[34].
:prix littéraire international IMPAC, reçu àDublin. Ce prix, décerné par un jury international après une sélection faite par 162 bibliothèques et librairies anglo-saxonnes, couronne le romanThis Blinding Absence of Light (traduction anglaise deCette aveuglante absence de lumière), écrit à la demande d'un ancien prisonnier du bagne deTazmamart auMaroc, et après un entretien avec celui-ci.
Le, le journalLibération publie un article[39] dans son édition du week-end à propos d'une employée d'origine marocaine, Fatna S., ramenée du Maroc en France par Tahar Ben Jelloun en afin de s'occuper de ses quatre enfants et de l'entretien de la maison familiale. Selon le quotidien, elle était employée dans « l'illégalité », et avait comme profession indiquée sur son passeport celle de « bonne ». Le Comité contre l'esclavage moderne avait été saisi[40].
↑Tahar Ben Jelloun explique en interview avoir eu de contact avec la forme du conte durant son enfance que par ceux racontés par sa famille avant de dormir. Il se souvient notamment que la plupart étaient tirés desMille et une nuits[15].
↑a etbTahar Ben Jelloun surFrance Inter le 17 février 2016, dans l'émissionLa Bande originale :« J'ai un problème avec ma date de naissance : je ne suis pas né en 44, comme c'est écrit partout, je suis né en 47. » L'auteur explique qu'afin de pouvoir être inscrit à l'école bilingue maternelle franco-marocaine de Fès, son père l'a volontairement vieilli et que l'erreur sur son année de naissance provient de là.
↑Valérie Trierweiler, « Tahar Ben Jelloun : sacré romancier ! », surParis-Match,(consulté le) :« Mais comment débuter une autobiographie quand on ne connaît pas sa date de naissance ? C'est en effet le cas du romancier qui ignore s'il est né en ou en. Son père avait trafiqué l'état civil afin de faire entrer son fils à l'école coranique plus tôt. »
↑Hervé Meillon, « Tahar Ben Jelloun : “Ne rien dire ou ne rien faire est dramatique” », surClin d'œil (magazine),(consulté le) :« C’est vrai qu’il y a confusion ! » concède-t-il. « J’ai un frère qui a deux ans de plus que moi et mon père tenait à ce que l’on fasse notre scolarité ensemble. Mon père a dû me vieillir pour me faire rentrer à l’école en même temps que lui. Jusqu’au bac, j’ai été dans la même classe que mon frère. Je suis né à Fès le et pas en. Mon père qui notait tout ne me l’a dit que très tard. »
↑أنوراليونسي et AnouarEl Younssi, « An Exoticized World Literature: Ben Jelloun at the Two Shores of the Mediterranean / أدب العالم والغرائبية: بن جلون على ضفتي المتوسط »,Alif: Journal of Comparative Poetics,no 34,,p. 225–250(ISSN1110-8673,lire en ligne, consulté le)
↑Véronique Fourcade, « Ecrivain pédagogue »,Sud-Ouest,(lire en ligne, consulté le).
↑SCHYNS, Désirée, « Harraga dans la littérature francophone : Boualem Sansal, Tahar Ben Jelloun, Mathias Enard et Marie Ndiaye », in:Romanische Studien 3 (2016),online.
Huda El Kadiki,Tahar Ben Jelloun au carrefour de l'Orient et de l'Occident (Thèse de Doctorat - soutenue le - Direction : Daniel Leuwers - Jury : Teofilo Sanz (Président) et Hélène Stafford (Rapporteuse)),Tours,Université François-Rabelais,