Tinos est peu fréquentée par les touristes étrangers, faute de monuments antiques connus et de belles plages. Ses côtes sont principalement rocheuses mais elle compte cependant quelques plages de sable fin. Par ailleurs, son exposition aux vents du nord, principalement lemeltem en été, ne joue pas en sa faveur ; cette caractéristique a même fait d'elle, dans lamythologie antique, la demeure d'Éole.
Pour les Grecsorthodoxes, Tinos est un très important lieu depèlerinage marial — elle est surnommée « île de la Vierge » —, qui attire une foule importante le 25 mars (fête de l'Annonciation) et surtout le 15 août (fête de laDormition). Elle abrite également une communauté catholique importante[1], héritage de son histoire.
Exo Meri au nord-ouest, au-delà du village de Kardiani (tous les habitants sont orthodoxes, sauf à Kardiani où la population est mixte)[2]. Le sol y est peu fertile, mais son marbre est exploité. Ses habitants furent ceux qui durent le plus s'expatrier[3].
Kato Meri au nord-est : région de Tarbados, Kalloni et Volax (tous les habitants sont catholiques, sauf à Sklavochori, orthodoxe)[2].
Epano Meri au sud-est, autour de la ville de Tinos avec le village de Chatzirados, Dyo Chora et Myrsini (région mixte religieusement)[2].
Depuis les élections d'octobre 2010, les 3 municipalités attachées à ces 3 régions, ne font plus qu'une seule, avec un seul maire qui officie dans le port de Tinos.
L'eau est abondante sur Tinos, contrairement aux autres Cyclades, mais le vent contrarie l'activité agricole, sauf dans les vallées protégées, comme celles de Livadia, Agapi ou Potamia (autour d'un « fleuve » comme son nom l'indique) et sur la plaine de Komi. Ces régions de maraîchage ont fourni Athènes en produits frais jusqu'aux années 1950[2]. L'île exporte aussi encore son marbre (utilisé aupalais de Buckingham et auLouvre) et dutalc[2].
Tinos fait pourtant partie des îles des Cyclades qui ne sont pas autosuffisantes en eau. Elle reçoit de l'eau tous les ans (et surtout l'été à cause de la saison touristique) depuis le port duLaurion enAttique, pour un coût moyen de 8,30 € le mètre cube[5].
L'île est formée de roches métamorphiques plissées et érodées. Ses côtes sud-ouest et est sont rectilignes et escarpées, sauf au niveau de Tinos-ville. La côte nord-est a les baies les plus profondes : Panormos, Kolymbithra et Livada. L'île peut-être décomposée en trois ensembles géologiques[6] :
Le rocher de l'Exombourgo (640 m) dans le brouillard.
La neige et le gel sont rares sur Tinos. Les régions les plus hautes (plateaux de Falatados-Sténi-Messi et d'Ysternia-Panormos) et Xombourgo sont en revanche régulièrement touchées par le brouillard. La principale caractéristique de l'île est le vent qui souffle du nord. Le meltem a pour effet de rafraîchir les chaudes journées d'été[3].
La réformeKallikratis de 2010 a vu la fusion des 3 anciennes municipalités de l'île : lesdèmes de Tinos et Exombourgo, et lacommunauté de Panormos. L'île forme donc actuellement undème avec pour chef-lieu la localité deTinos-ville et pour « capitale historique » la localité de Panormos. Elle forme également undistrict régional de lapériphérie d'Égée-Méridionale.
Tinos aurait été, selon la mythologie, l'île d'Éole, le dieu du vent. Cette légende est justifiée par la puissance avec laquelle souffle le vent, et surtout lemeltem, sur l'île[2].
Une autre légende fait référence aux serpents - encore présents - vipères et couleuvres - qui mangent des petits rongeurs. AppeléeOphioussa en raison des nombreux serpents qu'on y trouvait, elle changea de nom lorsquePoséidon envoya des cigognes nettoyer l'île[7].
L'île aurait été appelée à cette époqueIdroussa en raison de l'abondance de ses sources[8],[9].Athénée fait référence à une source miraculeuse ne se mélangeant pas au vin[10]. Pline l'Ancien écrit à propos de l'île : « À 1 000 pas d'Andros et à 15 000 de Délos est Ténos, avec sa ville ; elle s'étend dans une longueur de 15 000 pas ; d'après Aristote, elle fut appelée Hydroussa à cause de l'abondance de ses eaux ; d'après d'autres, Ophioussa. »[11].
Les premiers habitants de l'île sont peu connus : les hypothèses phrygienne, phénicienne, carienne, pélasge ou lélège sont avancées[7],[12]. Les Ioniens auraient colonisé Tinos vers1000 avant notre ère.
Les traces d'occupation les plus anciennes sontmycéniennes : on a retrouvé deux tombeaux mycéniens ougéométriques dans la région de Kyra-Xéni[7].
Une cinquantaine d'habitats de l'époque géométrique ont été recensés, dont celui au sommet de Xombourgo qui était une véritable ville fortfiée[7].
AuVIe siècle, elle était dominée parÉrétrie, cité de l'île d'Eubée[13]. La dominationathénienne se fit sentir à partir dePisistrate à qui on a autrefois attribué un des principaux aqueducs de l'île vers549-542 avant l'ère commune[13]; depuis la découverte que la cité de la période archaïque se situait à l'Exombourgo et non en bord de mer, cet aqueduc est maintenant daté de la fin duIVe siècle av. J.-C., comme le reste de la ville basse[14].
En480 avant l'ère commune, les Perses deXerxès s'en emparèrent et obligèrent l'île à fournir des navires contre la Grèce. Un de ces navires déserta juste avantSalamine et informa les Grecs des intentions perses. Pour cette raison, Tinos eut le droit d'avoir son nom sur le trépied deDelphes[15], dont la partie restante, lacolonne serpentine, subsiste toujours àConstantinople.
D’aprèsDémosthène[16] etDiodore de Sicile[17], le tyran thessalienAlexandre de Phères mena des opérations de pirateries dans lesCyclades vers362-360 avant l’ère commune. Ses navires se seraient emparés de quelques-unes des îles, dont Tinos, et auraient emporté un grand nombre d’esclaves. Ce fut peu de temps après cette expédition pirate que la ville haute (polis) sur le Xombourgo aurait été abandonnée et que la ville basse (asty), à l'emplacement actuel de Tinos-ville, aurait été créée[18].
LesPtolémées établirent un protectorat sur cette ligue vers - 295. Mais, vaincus àAndros vers le milieu duIIIe siècle, ils perdirent leur influence dans les îles. AprèsCynocéphales, les îles passèrent auxRhodiens puis auxRomains. Les Rhodiens réorganisèrent la Ligue des Nésiotes, dont le centre politique était probablement Tinos, choisie vraisemblablement grâce à la renommée et aux privilèges diplomatiques de son sanctuaire consacré àPoséidon etAmphitrite (l'île de Délos et sanctuaire d'Apollon étant à cette époque une cité neutre)[20].
Dans son ouvrage sur Tinos, Roland Étienne évoque une société tiniote dominée par une « aristocratie » agrarienne et patriarchale marquée par une forte endogamie. Ces quelques familles avaient beaucoup d'enfants et tiraient une partie de leurs ressources d'une exploitation financière de la terre (ventes, emprunts, etc.), que R. Étienne qualifie d'« affairisme rural[8] ». Ce « marché de l'immobilier » était dynamique à cause du nombre d'héritiers et du partage du patrimoine au moment des héritages. Il n'y avait pas d'autre solution que l'achat et la vente de terres pour se constituer un patrimoine cohérent. Une partie de ces ressources financières pouvait être aussi investie dans les activités commerciales[8].
En1204, laIVe croisade s'empara deConstantinople, et les vainqueurs se partagèrent l'Empire byzantin. Alors que la souveraineté nominale sur la plupart des Cyclades avait échu aux Croisés, Tinos avait été théoriquement attribuée à l'empereur latin de Constantinople, qui ne put cependant en prendre directement possession. Un accord entre ce dernier etVenise fut conclu, autorisant des citoyens vénitiens agissant à titre privé à conquérir les îles, dont ils feraient hommage à l'empereur[21],[22]. Cette nouvelle suscita des vocations. De nombreux aventuriers armèrent des flottes à leurs frais, dontMarco Sanudo, neveu dudogeEnrico Dandolo. En1207, il contrôlait les Cyclades avec ses compagnons et parents. Les frèresAndrea etGeremia Ghisi devinrent maîtres de Tinos, Mykonos et des Sporades[23] et vassaux de l'empereur latin de Constantinople ; ils ne dépendaient pas du duché[24]. Les Latins imposèrent le système féodal occidental sur les îles qu'ils dominaient.
La coutume de laprincipauté de Morée, lesAssises de Romanie, devint rapidement la base de la législation dans les îles[25]. Le système féodal fut appliqué même pour les plus petites propriétés, ce qui eut pour effet de créer une importante « élite locale ». Les « nobles francs » reproduisirent la vie seigneuriale qu'ils avaient laissée derrière eux : ils se construisirent des « châteaux » où ils entretinrent une cour. Aux liens de vassalité s'ajoutèrent ceux du mariage. Les fiefs circulèrent et se fragmentèrent au fil des dots et des héritages. Cependant, ce système féodal « franc » (comme on appelait tout ce qui venait d'Occident à l'époque) se surimposa au système administratif byzantin, conservé par les nouveaux seigneurs : les taxes et corvées féodales étaient appliquées aux divisions administratives byzantines et l'exploitation des fiefs continuait selon les techniques byzantines[25]. Il en était de même pour la religion : si la hiérarchie catholique dominait, la hiérarchie orthodoxe subsistait et parfois, lorsque le curé catholique n'était pas disponible, la messe était célébrée par leprêtre orthodoxe[25]. Les deux cultures se mêlèrent étroitement.
En1292,Roger de Lauria ravagea Tinos (ainsi qu'Andros,Mykonos etKythnos)[26], peut-être une conséquence de la guerre qui faisait rage entreVenise etGênes. En1390, les anciens fiefs des Ghisi (Tinos et Mykonos) passèrent sous la domination directe de la république de Venise[27] qui conserva l'île jusqu’à la conquêteottomane de 1715, dernier territoire grec à être conquis[28]. Cette longue domination vénitienne explique la forte communauté catholique de l'île.
En1822, une nonne du couvent Kekrovounio fit un rêve lui indiquant où était cachée uneicône miraculeuse de laVierge à l'Enfant, peinte, selon la légende, par l'Évangéliste Luc lui-même. On attribua rapidement à cette icône des vertus curatives et des milliers de malades vinrent en pèlerinage dans l’île pour s’y faire guérir. En1915, lorsque le roiConstantinIer de Grèce fut atteint d’unepleurésie aggravée d’unepneumonie, le gouvernement envoya un navire à Tinos pour y chercher l’image sainte et la placer dans la chambre du souverain. Alors que Constantin avait déjà reçu lesderniers sacrements, son état s’améliora progressivement après qu’il eut embrassé l’icône. En guise d’ex voto, la reineSophie de Grèce fit alors don d’unsaphir pour enrichir l’icône[29].
L'attaque italienne contre la Grèce avait été précédée du torpillage ducroiseur Elli, un navire symbolique pour la Grèce[30], en baie de Tinos, le[31].
L'attaque allemande d'avril 1941 entraîna la défaite totale et l'occupation de la Grèce dès la fin de ce mois. Cependant, les Cyclades furent occupées tardivement et plus par les troupes italiennes que par les troupes allemandes. Les premières troupes d'occupation firent leur apparition le : Tinos fut occupée par des Italiens[32]. Cela permit aux îles de servir d'étape aux personnalités politiques allant se réfugier enÉgypte pour continuer la lutte.Georges Papandréou etConstantin Karamanlís s'arrêtèrent ainsi sur l'île avant de rejoindreAlexandrie[33].
Cathédrale de Tinos
À la suite de lareddition italienne, l'OKW donna l'ordre le aux commandants des unités du secteur de la Méditerranée de neutraliser, par la force si nécessaire, les unités italiennes. Le,Hitler ordonna d'occuper toutes les îles de l'Égée contrôlées par les Italiens[34].
Comme le reste du pays, les Cyclades eurent à souffrir de la famine organisée par l'occupant allemand. Ainsi, sur Tinos, on considère que 327 personnes dans la ville de Tinos et autour de 900 dans la région de Panormos moururent de faim lors du conflit[33].
Au recensement de 2011, l'île compte 8 636 habitants[35].
Georgios K. Giagakis,Tinos d'hier et aujourd'hui., Toubis, Athènes, 1995.(ISBN978-960-7504-23-4)
DavidJacoby,La féodalité en Grèce médiévale. Les « Assises de Romanie », sources, application et diffusion, Paris & La Haye, Mouton & Co.,, 358 p.
Jean Longnon,L'Empire latin de Constantinople et la Principauté de Morée., Payot, 1949.
J. Slot,Archipelagus Turbatus. Les Cyclades entre colonisation latine et occupation ottomane. c.1500-1718., Publications de l'Institut historique-archéologique néerlandais de Stamboul, 1982.(ISBN978-90-6258-051-4)