Il naît sous le nom de Yogeshwar Chattopadhyaya le àChinsurah, une ville située à une cinquantaine de kilomètres au nord deCalcutta, dans une famillebrahmane pauvre. Il reçoit une éducation traditionnelle, dans une ambiance marquée de dévotion. Il est encore enfant lorsque ses parents décèdent, après quoi c'est un de ses frères plus âgé, enseignant desanskrit, qui s'occupera de lui. En 1912, à 21 ans, il s'engage dans de brillantes études enphysique à l'Université de Calcutta et il reçoit son diplôme en 1918[3]. Il est alors très actif dans lemouvement pour indépendance de l'Inde. Bientôt, son frère l'encourage à épouser une jeune fille de douze ans. Il travaille alors comme enseignant dans différents collèges (niveau tertiaire), tout en menant une vie simple, voire austère, car il a fait vœu de pauvreté[3].
En 1921, il rencontre son maître,Niralamba Swami(en), et en 1925 il devientsamnyâsin, revêt le vêtement ocre des renonçants, alors même que sa femme est enceinte[3]. En, à la mort de Niralamba, il prend sa succession à la tête de l’ashram de Channa où il s'installe, et il prend le nom de Swami Prajnanpad « siège de la connaissance parfaite »[3].
En 1925, Prajnanpad découvre les écrits deFreud à la bibliothèque de l’université de Bénarès où il enseigne, et il sera un des introducteurs de lapsychanalyse en Inde[4]. Toutefois, à partir de 1938, il cesse de faire référence à la psychanalyse, et remplace ce mot par l'expression « destruction du mental », en quoi il voit la première étape vers lalibération[3]. Il développe ainsi sa propre technique, à la fois thérapeutique et spirituelle, appeléelying (« être étendu »), qui se base sur l'association libre et sur l'expression des émotions[5].Christophe Massin résume ainsi la démarche :« La personne, partant de ses attirances et répulsions, cherche à vivre une expérience de non-dualité (advaita), de totale acceptation, avec ses émotions.[6] » Nombre de disciples comptèrent parmi ses patients, et l'image qu'ils laissent de Swami Prajnanpad tient autant du psychothérapeute que du maître spirituel, et cette synthèse est« peut-être ce qui le caractérise le mieux[, car] la sagesse n'est que l'extrême de la santé psychique; la santé n'est qu'une sagesse minimale[7]. »
Durant près de 30 ans, Swami Prajnanpad pratique avec ses disciples l'Adhyatma yoga, c'est-à-dire le yoga dirigé vers le Soi[3].
Maître de sagesse et de lucidité, son approche rigoureuse est une plongée au coeur de l'inconscient qui fait voir les difficultés faisant obstacle au silence du mental. Pas de Dieu, pas de rite, pas de paradis.André Comte-Sponville disait à propos de lui :« Ce maître se contente de voir, d'être un avec ce qu'il appelle indifféremment la vérité ou la réalité, laquelle est neutre, ni bonne ni mauvaise, ni agréable ni pénible, et promise seulement au changement ou à la mort. [...] Ce maître – car c’en est un, et considérable, et l’un des plus grands de ce temps – n’est pas un optimiste, ni un rêveur, ni un croyant. Un philosophe ?... Point, mais beaucoup mieux : un sage. La denrée est plus rare et – y compris pour les philosophes ! – plus utile[8] ».
Swami Prajnanpad se rend deux fois en France : en 1966, àBourg-la-Reine, où il séjourne chez Arnaud etDenise Desjardins, et en 1973, enNormandie, chez Daniel et Colette Roumanoff[3].
Il meurt l'année suivante, en 1974, à l'âge de 83 ans[3].
Il enseigne levedânta non-dualiste, faisant fréquemment référence auYogavāsiṣṭha[9], mais il n'a jamais écrit d'ouvrage. Il a développé« une méthode de travail sur les émotions et les désirs d'inspiration psychanalytique, propre à permettre aux traumatismes affectifs anciens de remonter à la conscience afin d'être dépassés ». Il désigne son enseignement spirituel sous le nom d'Adhyatma yoga[3].
« Dans la vie du monde, on saisit toujours un objet particulier. Mais qu’arrive-t-il quand on sent et qu’on réalise qu’il n’y a rien à saisir ? Il y a une disparition complète de la conscience du monde et quand ce sentiment se cristallise, on sent : « Tout est à moi, tout m’appartient ». L’éveil n’est rien d’autre que cela. »[10].
« Pas d'Absolu en dehors du relatif... Voir le relatif comme relatif, c'est être dans l'Absolu. »[11]
« Allez au-delà des formes, mais en passant par les formes. »[12]
« Les gens pensent qu'ils savent. Pourquoi ne savent-ils pas qu'ils ne font que penser ? »[13]
Vers la réalisation de soi. Citations commentées des Upanishad et histoires (Mise en forme par Daniel Roumanoff), Paris, Accarias-L'Originel,, 286 p.(ISBN978-2-86316-169-2)
La connaissance de soi. Citations commentées desUpanishad et histoires (Mise en forme par Daniel Roumanoff), Paris, Accarias-L'Originel, 285 p.(ISBN978-2-86316-157-9)
Olivier Cambessédès,Le quotidien avec un maître, Svami Prajnanpad,, Accarias-L'Originel,, 145 p.(ISBN978-2-86316-054-1)
[Comte-Sponville 2016] André Comte-Sponville,De l'autre côté du désespoir : Introduction à la pensée de Svâmi Prajnânpad, Accarias-L'Originel, (1reéd. 1997), 116 p.(ISBN978-2-86316-065-7)
Colette Roumanoff,Les yeux de l'orpheline : Récits d'une exploration de l'inconscient auprès de Svâmi Prajnânpad, Paris, Critérion,, 179 p.(ISBN978-2-7413-0005-2)
Au travers de seize nouvelles, l'auteur raconte le voyage intérieur qu'elle a entrepris sous la direction de swami Prajnanpad.
Réédition en deux volumes de l'ouvrage original avec le même titre général, paru en trois tomes aux Éd. de La Table Ronde : 1 :Manque et plénitude, 1989 / 2 :Le quotidien illuminé, 1990 / 3 :Une synthèse Orient-Occident, 1991)
Christian Faure,Lumières d'exil, Un disciple de Swami Prajnanpad chezFreud,Einstein etGorki, Paris,L'Originel-Charles Antoni, 2020, 256 pages,(ISBN9791091413824) Ces carnets imaginaires rapportent l'histoire vraie d'un jeune révolutionnaire indien disciple de Swami Prajnanpad qui fuit l'Inde en 1930 et illustrent la pratique de son enseignement.
Eric Edelmann, Olivier Humbert et Dr Christophe Massin (introduction d'Arnaud Desjardins),Swâmi Prajnânpad et les lyings,La Table Ronde,, 240 p.(ISBN978-2-7103-0975-8)
Daniel Roumanoff,Psychanalyse et sagesse orientale. Une lecture indienne de l'inconscient, Accarias-L'Originel,, 398 p.(ISBN978-2-86316-132-6), Accarias-L'Originel
↑Rappelons que Swami Prajnanpad n'a écrit aucun livre. Tous les ouvrages ci-après sont la mise en forme de différentes sources (entretiens, lettres, enseignements) par des personnes de son entourage.
↑ Lettres à ses disciples: Tome 2, Les yeux ouverts, Svâmi Prajnânpad, traduction de Colette et Daniel Roumanoff, préface d'André Comte-Sponville, Accarias-L'Originel,(ISBN978-2863162347)
↑Svâmi Prajñânpad,Le but de la vie. Un été plein de sagesse, entretiens avec Roland 1966, Éditions Accarias-L'Originel, 2005, Entretien 13 du 5/8/1966.
↑Cité par Daniel Roumanoff, dansSwami Prajnânpad, un maître contemporain, tome 1, la Table ronde, 1989, p. 85-86.
↑Swami Prajnânpad,ABC d'une sagesse, la Table ronde, 1998, p.11.
↑Swami Prajnânpad pris au mot : les aphorismes, recueillis et traduits par Frédérick Leboyer, Accarias-L'Originel, 2006, p. 27.