Cet article est uneébauche concernant labactériologie.
Domaine | Bacteria |
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Phylum | Bacillota |
Classe | Bacilli |
Ordre | Lactobacillales |
Famille | Streptococcaceae |
Genre | Streptococcus |
Streptococcus salivarius subsp.thermophilus(Orla-Jensen, 1919) Farrow et Collins, 1984
Nom équivalent :
Lestreptocoque thermophile (ouStreptococcus thermophilus[1],[2]) est unebactérie alimentaire,thermophile (optimum de croissance à43 °C), présente seulement dans lafermentation du lait, où elle est notamment utilisée en association avec la bactérieLactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus pour la fabrication duyaourt.
Cettebactérie lactique appartient à la famille desStreptococcaceae, comportant deux genres phylogénétiquement très prochesStreptococcus etLactococcus. Suivant une classification récente de Moschioni et als[3] (2010), basée sur les séquences de l'ARNr 16 S, on peut distinguer cinq groupes majeurs deStreptococcus. La bactérieS. thermophilus fait partie du « groupe salivarius » qui comprend aussiStreptococcus peroris,Streptococcus salivarius etStreptococcus vestibularis, des streptocoquescommensaux de lacavité buccale humaine[4].
S. thermophilus se présente[5] :
L'intérêt économique du streptocoque thermophile est majeur, compte tenu de son utilisation dans la fabrication du yaourt et de nombreux fromages, qu'ils soient artisanaux ou industriels[6].
Il est à noter que, dans la réglementation française, le terme « yaourt » s'applique exclusivement aux préparations issues de la fermentation de laits à partir deStreptococcus thermophilus etLactobacillus delbrueckii subsp.bulgaricus. Ainsi, un produit laitier sur lequel ne figure pas le terme « yaourt » est unlait fermenté par d'autresbactéries lactiques que celles du yaourt proprement dit.
Outre son usage pour fabriquer des yaourts,S. thermophilus intervient dans la production de nombreux fromages[7]. Il est présent dans lesfromages à pâte pressée cuite à température assez élevée (45 °C) (emmental,comté,parmesan,asiago...) mais il entre aussi souvent dans les levains desfromages à pâte molle (camembert,brie...), ou des fromages frais comme lamozzarella. Cette bactérie lactique garantit une acidification rapide du lait lors de la fermentation lactique. Elle assure aussi une saveur particulière au produit en produisant duformiate, de l'acétoïne (odeur de beurre), dudiacétyle (note de beurre également) et de l'acétaldéhyde (note de fraîcheur). C'est pourquoi des levains thermophiles[8] à base deS. thermophilus etLactobacillus delbrueckii subsp. bulgaricus sont utilisés pour acidifier le lait.
Le streptocoque thermophile produit de l'acétaldéhyde à partir dulactose. Mais alors que les lactocoques peuvent réduire l'acétaldéhyde par l'alcool déshydrogénase, le streptocoque thermophile qui ne possède pas cette enzyme, en est incapable. Aussi l'acétaldéhyde est excrétée dans le produit final. En outre, le streptocoque thermophile possède une seconde voie de production de l'acétaldéhyde à partir de lathréonine[9]. Il peut en résulter une production excessive d'acétaldéhyde pouvant être responsable de défaut deflaveur.
Il a été observé une variation importante du nombre de streptocoques thermophiles au cours de la fabrication dugruyère. Cette bactérie, apportée par le levain croît très rapidement les premières heures. Toujours présente en grand nombre à la fin de l'égouttage, elle disparaît rapidement durant l'affinage. On suppose que cette disparition résulte de lalyse des cellules bactériennes. Pour certaines souches, telles que CNRZ 1358, la lyse des cellules est déclenchée par la déplétion du lactose[10]. En présence deLactobacillus helveticus, la lyse de cette dernière induit celle deS. thermophilus durant l'affinage[11].
La proche parenté entreStreptococcus thermophilus etStreptococcus salivarius a conduit des chercheurs à émettre l'hypothèse selon laquelleS. thermophilus dériverait deS. salivarius, à partir de l'élevage des ruminants et de l'utilisation du lait de ceux-ci dans l'alimentation humaine.S. salivarius (présent dans la flore microbienne buccale normale) se serait adaptée, par mutation, à un développement dans le lait. L'Homme, au cours des âges, aurait ainsi "domestiqué" cemicro-organisme par lesfermentations, avec la fabrication notamment du yaourt. La bactérie se serait adaptée à son nouveau milieu et dériverait donc deS. salivarius pour devenirS. thermophilus. Or, cette dérive, selon les systèmes de classification, aurait débuté il y plus de9000 ans av. J.-C., ce qui corroborerait la relation avec l'apparition de l'élevage[12].
L'évolution deS. thermophilus s'est traduite par la perte de gènes ayant un pouvoir pathogène présents chezS. pneumoniae etS. pyogenes. On évalue à 10 à 11 % la proportion de gènes deS. thermophilus devenus non fonctionnels (pseudogènes) qui pourraient résulter de son adaptation à l'environnement laitier[13].
Ainsi, avecS. thermophilus, les chercheurs auraient à leur disposition un modèle d'évolution spontanée pour en étudier les mécanismes, éventuellement transposables à d'autres micro-organismes.Par ailleurs,S. thermophilus sert aussi de modèle d'étude à des chercheurs ayant identifié un mécanisme moléculaire s'apparentant, conceptuellement, à unsystème immunitaire bactérien à médiation moléculaire : le CRISPR[N 1]. Il s'agit d'un mécanisme de défense ciblant la multiplication desphages en empêchant indirectement l'incorporation de gènes supplémentaires.
Contrairement à beaucoup d'autres bactéries Gram-positives,S. thermophilus préfère lelactose au glucose comme source d'énergie. Elle utilise la principale source de carbone du lait, le lactose, pour le convertir rapidement enlactate par fermentation et récupérer l'énergie (sous forme d'ATP), nécessaire à sa croissance.
Tout d'abord le lactose du milieu extérieur est transporté à l'intérieur de la cellule grâce à une « perméase à lactose »LacS qui lui fait franchir la membrane cellulaire sous une forme libre. Une fois à l'intérieur le lactose (un diholoside) est hydrolysé par uneß-galactosidase LacZ englucose etgalactose. La plupart des souches deS. thermophilus ne métabolisent ensuite que le glucose ; le galactose est alors excrété dans le milieu extérieur, souvent en échange de l'entrée du lactose. En fermentation laitière, le galactose s'accumule dans le lait ou le caillé et peut causer des défauts[14].
Bien queS. thermophilus soit apte à fermenter sur cinq types de sucre différents (à savoir lelactose, lesaccharose, leglucose, legalactose et lefructose[15],[16]), c'est sur lactose qu'il est le plus apte à fermenter. Le saccharose et le fructose sont transportés à l'intérieur de la cellule mais avec une efficacité moindre que celle du lactose (et avec un autre type de transporteur, nomméPTS phosphotransférase). Enfin le galactose et fructose ne sont fermentés que par un nombre limité de souches alors que toutes les souches transforment le glucose en acide lactique.
Chaque molécule de glucose provenant de l'hydrolyse du lactose, est ensuite métabolisée parla voieglycolytique, en deux molécules de pyruvate, 2 ATP et 2 H2O :
En milieuanaérobie ou simplement pauvre en oxygène, une enzyme, lalactate déshydrogénase (Ldh), catalyse la transformation du pyruvate en L-lactate, tout en régénérant le NAD+ :
Plusieurs tentatives d'inactivation du gèneldh (codant Ldh) ayant conduit à des échecs, il est donc probable que cette inactivation est létale en raison de l'absence d'autre voie partant du pyruvate qui permettrait de régénérer le NAD+
S. thermophilus est donc unebactérie homolactique obligatoire produisant très majoritairement (à plus de 95 %) du L-lactate comme produit final du métabolisme des sucres.
Mais elle peut donner aussi dans des fermentations alternatives[16] de l'α-acétolactate, de l'acétoïne, de l'acétaldéhyde, duformiate et de l'acétate.
Seulement trois enzymes de dissipation du pyruvate ont été trouvées chezS. thermophilus :
Les bactéries synthétisent plusieurs types depolysaccharides. Parmi ceux-ci, ceux qui sont excrétés à l'extérieur de la cellule, sont nommésexopolysaccharides (EPS). Ils peuvent rester attachés à la membrane bactérienne (pour les EPS capsulaires) ou être relâchés dans le milieu (pour les EPS libres). Ils sont probablement impliqués dans la protection de la cellule bactérienne contre les conditions extérieures défavorables.
Les EPS deS. thermophilus sont des polymères essentiellement de D-galactose, D-glucose etL-rhamnose mais aussi des polymères d'N-acétylgalactosamine,fucose etN-acétylglucosamine. Ils sont produits en petites quantités et de manière variable suivant les souches et les milieux de culture (source de carbone, pH, température, etc.). Dans le lait et sur 26 souches deS. thermophilus étudiées[17], seules 4 ont fabriqué plus de100 mg/L d'EPS et 12 en ont synthétisé entre 20 et100 mg/L.
La production d'EPS durant la fermentation lactée a la capacité d'influencer les propriétésrhéologiques (texture, viscosité, élasticité) et organoleptiques du produit fini. En général, pour le yaourt, une texture visqueuse est recherchée telle qu'elle soit capable de donner en bouche une sensation d'onctuosité au produit.
Lors de la fermentation, avec l'abaissement du pH, on observe une agrégation des protéines (de typecaséines) pour former un réseau tridimensionnel, semblable au niveau microscopique, à une éponge enfermant dans ses cavités le sérum et les lipides du lait. En présence d'EPS, les interactions protéines-EPS forment des agrégats plus denses, qui retiennent mieux l'eau et diminuent la tendance à lasynérèse[N 2].