Titre original | God's Own Country |
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Réalisation | Francis Lee |
Scénario | Francis Lee |
Acteurs principaux | |
Sociétés de production | British Film Institute Creative England Met Film Production Shudder Films Inflammable Films Magic Bear Productions |
Pays de production | ![]() |
Genre | drameromantique |
Durée | 104 minutes |
Sortie | 2017 |
Pour plus de détails, voirFiche technique etDistribution.
Seule la terre (God's Own Country[Note 1]) est unfilm dramatiqueromantiquebritannique écrit et réalisé parFrancis Lee, sorti en2017.
Le film raconte l'histoire d'un jeune fermier solitaire duYorkshire, et de sa rencontre avec un ouvrier agricole roumain recruté pour pallier le retrait du père devenu invalide.
Majoritairement salué par la critique, qui le compare beaucoup auSecret de Brokeback Mountain d'Ang Lee, tout en lui reconnaissant un traitement très différent des thématiques de l'homosexualité et de laruralité, le film constitue le premierlong-métrage de son réalisateur.
Il est sélectionné dans la catégorie « World Cinema Dramatic » et projeté enavant-première mondiale en auFestival du film de Sundance dont il remporte le prix du meilleur réalisateur[1], ainsi que leHitchcock d'or auFestival du film britannique de Dinard 2017[2],[3]. Le, lors desBritish Independent Film Awards 2017, il remporte leBritish Independent Film Award du meilleur film ainsi que plusieurs prix, dont celui de meilleur acteur pourJosh O'Connor.
Johnny Saxby (Josh O'Connor) vit dans la ferme familiale duYorkshire avec son père Martin (Ian Hart), diminué par un accident vasculaire, et sa grand-mère Deirdre (Gemma Jones). Son quotidien est marqué par le dur travail auprès des bêtes, des escapades solitaires au bar de la ville voisine et de brefs et froids ébats avec de jeunes hommes inconnus.
Alors que la saison de l'agnelage approche et que la santé du patriarche décline, le seul candidat à postuler pour travailler à la ferme est un saisonnier roumain, Gheorghe Ionescu (Alec Secăreanu). Au départ conflictuelle, leur relation finit par basculer et de nouveaux sentiments inattendus apparaissent.
Sauf indication contraire, les informations mentionnées dans cette section peuvent être confirmées par la base de données cinématographiquesIMDb, présente dans la section« Liens externes ».
Seule la terre constitue le premierlong-métrage de son réalisateur[4]. Francis Lee raconte avoir « couché sur papier naïvement » son scénario, sans certitude de produire ni réaliser ensuite ce projet[4].
Ayant grandi en milieu rural et agricole, Lee présente le film comme « personnel » mais pas autobiographique[5],[6]. L'idée lui vient d'un questionnement intime, presque uchronique, sur ce qui aurait pu se passer s'il avait fait le choix de rester dans sa région natale et qu'il y avait exploité la terre familiale, plutôt que de partir pour Londres[7].
Le personnage de Gheorghe est inspiré d'un immigré roumain que Lee a côtoyé dans unecasse dans laquelle il travaillait avant de réaliser le film[8].
Le film reçoit le soutien financier duBritish Film Institute et du fonds Creative England[9].
Francis Lee déclare avoir travaillé avec des directeurs de casting àLondres et enRoumanie, ne connaissant personnellement aucun acteur de l'âge de ses deux personnages principaux. Il choisit de travailler avec Josh O'Connor grâce à des photos et quelques enregistrements vidéo qui lui sont communiqués. Lee est alors séduit par la capacité du jeune acteur à composer et se « transfigurer », épaté par un accent du Nord de l'Angleterre qu'il croyait naturel alors qu'O'Connor est originaire du Sud de l'île. Convaincu par lesdémos d'Alec Secăreanu, Lee lui reconnaît le même talent dans le dépassement de son personnage naturel. O'Connor joue quelques scènes avec d'autres acteurs roumains mais c'est avec Secăreanu que l'osmose paraît évidente[4].
Trois mois avant le tournage (qui se déroule de jusqu'au début de l'été 2016),Francis Lee commence à travailler avec O'Connor et Secareanu à la constitution des deux personnages, de manière à établir de façon précise le parcours de vie de chacun d'entre eux en amont de l'intrigue, et ainsi à faciliter l'appropriation par les acteurs de tous les éléments nécessaires à leur interprétation[8]. Lee choisit de séparer les deux acteurs au début du tournage, le temps de réaliser les scènes durant lesquelles l'animosité des personnages qu'ils interprètent est la plus forte. Par la suite, au fur et à mesure qu'ils se rapprochent, les deux acteurs passent davantage de temps ensemble, notamment à travers des soirées debinge watching (visionnages en rafales). L'ensemble des scènes a été tourné de manière chronologique[10].
En accord avec le directeur de la photographie, Joshua James Richards, puis le monteur Chris Wyatt, Lee opte pour des dialogues sobres et rares et des plans rapprochés en très grande majorité, de manière à proposer au spectateur une « expérience immersive »[8]. Accordant une grande importance au son, Lee soigne la présence sonore du vent et des oiseaux[8].
Lee dit avoir choisi pour décors des paysages proches de ceux dans lesquels il a grandi et où il vit toujours[11]. Les paysages jouent unrôle essentiel dans l'œuvre ; le réalisateur déclare avoir eu comme projet « d'explorer le paysage »[4].
Le film est tourné dans lesPennines duYorkshire,comté du nord de l'Angleterre, plus précisément dans leYorkshire de l'Ouest, et en particulier dans le district de laCité de Bradford, autour des villes deSilsden etKeighley. Quelques prises ont été effectuées àOtley etHaworth[12],[13].
Le tournage est marqué par des conditions météorologiques parfois rudes, changeantes[14]. Les scènes d'agnelage montrent des brebis de racemasham et de raceswaledale, originaires duYorkshire du Nord.
Le film est présenté pour la première fois lors du33e Festival du film de Sundance, le, où Francis Lee obtient leWorld Cinema Directing Award dans la catégorie Drames. Il est également sélectionné à laBerlinale 2017 où il est nommé pour leTeddy Award, remporté parUne femme fantastique deSebastián Lelio.Seule la terre est également au programme en 2017 duFestival du film britannique de Dinard, du festivalChéries-Chéris à Paris, et des Festivals internationaux du film deTransylvanie, d'Édimbourg, deChicago, deSan Francisco, deSydney, deSaint-Jean-de-Luz, deStockholm et deMiskolc.
Le film sort le auRoyaume-Uni, le auxÉtats-Unis et le enFrance.
Lee affirme avoir été surpris par la réaction du public américain, à la fois enthousiaste et puritaine[5]. Alec Secăreanu rapporte que l'issue enhappy end a également suscité l'approbation du publicLGBT, selon lui peut-être peu habitué à des issues favorables dans le cinémaqueer[10].
Seule la terre a rencontré un accueil critique très favorable, obtenant 99 % d'avis favorables sur le siteRotten Tomatoes, basés sur 98 commentaires collectés et une note moyenne de8,2⁄10[15] et un score de85⁄100 sur le siteMetacritic, basé sur 21 commentaires collectés, correspondant au statutuniversal acclaim[16].
Le festival de Sundance dit du film qu'« on peut en sentir la boue », présentant Francis Lee comme un des nouveaux talents majeurs, et sa réalisation comme « à ne pas manquer »[17]. PourThe Guardian, Peter Bradshaw attribue une note de 4 sur 5 au film, le décrivant comme approchant de prèsDales Brokeback (associant ainsi au succès d'Ang Lee le paysage anglais deFrancis Lee), ainsi que comme une « histoire d'amour très britannique, pleine à craquer d'émotions tues, de peurs tacites de l'avenir, et une disposition à substituer à chaque émotion un intense travail du corps »[18],[19].
Ed Potton, dansThe Times, donne également la note de 4 étoiles sur 5, et décrit un film « splendide » et « puissant », digne d'unBrokeback Mountain duYorkshire[20].The Daily Telegraph encense l'alchimie « à la fois authentique et piquante » entre O'Connor et Secareanu[21].
EnFrance, l'accueil critique est positif : le siteAllociné recense une moyenne des critiques presse de3,8⁄5, basée sur 16 critiques de presse collectées, et des critiques spectateurs à4,3⁄5[22].
Télérama salue les décors d'un film qui constitue à la fois « une rugueuse éducation sentimentale et une lumineuse chronique paysanne », et loue tout particulièrement la performance de Josh O'Connor[23]. PourLe Monde, Murielle Joudet évoque un traitement pudique, un « romantisme tout en rétention », échappant aux clichés des idylles homosexuelles en ce qui concerne l'attitude des proches du protagoniste principal[24]. Le siteFilmDeCulte attribue l'originalité du film à son évocation de « l'apprentissage d'une autremasculinité », parvenant à déjouer les poncifs des films « decoming out ». « Il y a, dans ce décor âpre, une tendresse qu'on n'avait pas vue venir »[25].Têtu parle du film comme d'un « Brokeback Mountain sensible et délesté de tous les artifices hollywoodiens »[26],[5].Le Parisien apprécie également la capacité du film à dépasser la simple évocation de l'homophobie prétendue du milieu rural pour largement dépeindre la rudesse et la solitude du métier de paysan[27].L'Humanité se félicite aussi d'une intrigue plus réaliste que celle duSecret de Brokeback Mountain, donnant à une œuvre « dépouillée » des « accents documentaires »[28].La Croix, qui apprécie la « sobriété » du style, voit dans le film un hommage aux « gestes ancestraux » de l'agriculture, qui constituent également le vecteur de rapprochement entre des personnages plongés dans la solitude[29].TVA salue une représentation « crue » mais « jamais vulgaire »[30].
Moins enthousiastes,Studio Ciné Live encense la « poésie brute » qui se dégage du film mais regrette la faiblesse relative du scénario, tandis quePositif admet quelques longueurs[22]. PourLibération, Jérémy Piette concède aux acteurs une « ferveur d'interprétation », mais déplore une « histoire à direction assistée » suivant le schéma classique « résistance, violence et acceptation », et un esthétisme poussant à « [larmoyer] »[31]. Au Québec, Éric Moreault (Le Soleil) salue autant les « qualités esthétiques » du film que l'« aplomb » du traitement, mais se dit déçu par la « trajectoire dramatique [...] convenue »[32].
Pays ou région | Box-office | Date d'arrêt du box-office | Nombre de semaines |
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![]() | 1 916 764 USD | ||
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![]() | 61 979 entrées |
En dépit de la veine éminemment sociale de son film, Francis Lee réfute le rattachement au cinéma réaliste et militant britannique incarné parKen Loach, moins par affinités idéologiques ou stylistiques que par méconnaissance des courants contemporains[4].
Nicole Garcia, présidente du jury duFestival du film britannique de Dinard 2017 où le film est présenté et récompensé, décrit l'œuvre comme étant avant tout un « grand film d'amour »[35]. Pour autant, le propos du réalisateur dénote une dimension socio-politique, dans sa volonté de nier discrètement mais réellement des présupposés (l'homophobie supposée latente du milieu rural, en fait quasiment absente du film et qu'il n'a jamais vécue[36]), ou de pointer laxénophobie à l'œuvre dans leRoyaume-Uni desannées 2010[4], à travers la méfiance initiale du personnage de Johnny se moquant au début de celui qu'il nomme« le Gitan », et dessinant en creux la dureté de l'expérience migratoire de Gheorghe[10]. Lee déclare avoir souhaité davantage illustrer l'impact émotionnel de la xénophobie, plutôt que ses ressorts politiques[8].
La critique, fortement marquée par la comparaison avecLe Secret de Brokeback Mountain, souligne toutefois qu'à la différence du succès d'Ang Lee, l'homophobie n'est pas le sujet du film qui préfère traiter de la solitude du monde paysan et de la difficulté de s'ouvrir à autrui dans ce contexte[35],[29],Écran Noir parlant à ce sujet d'une « romance libératrice »[37]. Lee corrobore :
« Je savais que je ne voulais pas réaliser de film sur la révélation de l'homosexualité. Je souhaitais vraiment approfondir les conséquences émotionnelles liées au fait de tomber amoureux et sur notre capacité à nous ouvrir suffisamment ou non pour aimer et être aimé. C'était mon expérience de vie, et la chose la plus difficile que j'aie eu à faire était d'accepter que j'étais une personne vulnérable, capable d'aimer. »
— Francis Lee[8].
Le réalisateur trouve « très flatteur » que son film soit comparé àBrokeback Mountain, mais réaffirme la différence de traitement du sujet de la sexualité et de son acceptation qui dansSeule la terre n'est pas au cœur de l'intrigue[11]. L'importance du « langage corporel » dans l'esthétique du film traduit donc davantage la volonté de souligner la question de la communication entre les deux garçons et la famille de Johnny qu'une quelconque évocation de l'homosexualité[11]. Lee consent seulement à avoir souhaité tourner un film sur « la masculinité, le refoulement, l'émotion »[36].Écran Noir résume le positionnement politique ambigu et original : « ce drame sentimental, presque initiatique, fait fi de toutes les transgressions qui auraient pu être pesantes : l'homosexualité, la précarité paysanne, l'immigration, le conservatisme moral »[37].
Le magazinePremière perçoit un traitement de « l'ennui d'une jeunesse grandie dans des patelins de cent habitants et [du] poids de la responsabilité familiale qui tombe sur les épaules des descendants d'exploitants agricoles », et voit dans ce film la rencontre entre le film d'Ang Lee et le cinéma deKen Loach[38], à l'instar duSoleil[32], et comme20 minutes y voit un amalgame entre intrigue sentimentale et chronique sociale[39]. La portée politique du film est évidente pourThe Scotsman qui confronte le multiculturalisme du film auBrexit et qui voit dans l'œuvre de Lee une « complainte sur tout ce que les Britanniques ont jeté aux orties dans leur recherche nostalgique d'un passé qui n'a jamais existé »[40].
Lee dit avoir envisagé l'exploration du paysage comme point de départ de sa démarche artistique[4]. Il avait à cœur de dépeindre « la manière dont des paysages peuvent d'une certaine manière construire quelqu'un »[5]. Volontairement, il a pour autant exclu les plans larges de son œuvre, à une exception près, pour préférer les plans serrés sur les corps, la boue, la pluie, le travail agricole[4],[35], produisant la reproduction d'un « minimalisme champêtre »[38]. La nature des paysages du Yorkshire lui paraît ambivalente, à la mesure de la guerre qui se joue au sein même du personnage de Johnny : « c'était aussi important à mes yeux d'explorer l'idée que cette région me paraissait d'un côté vaste, ouverte et inspirante, une parfaite cour de récréation où me libérer, mais aussi très isolée, problématique, presque brutale »[4].
Pour la critique, le film paraît davantage raconter comment la pesanteur d'un environnement désolé et rude peut malmener un amour davantage qu'un entourage ou un préjugé[39],[41]. PourLe Soleil, la nature crue et sauvage paraît constituer une « métaphore de l'influence de Gheorghe sur Johnny, qui apprend à regarder ce qui l’entoure avec des yeux nouveaux »[32].
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