Environ 300 espèces sont desparasites temporaires d'animaux marins, terrestres ou d'eau douce,hématophages, se nourrissant de sang de vertébrés et/ou d'hémolymphe d'invertébrés[2]. Une centaine d'espèces sont marines et environ 90 terrestres[3].
Quelques espèces font l'objet d'un usage médicinal depuis plus de 2 000 ans, mais la diversité et répartition des sangsues est encore mal connue dans de nombreux pays, y compris pour les eaux douces. Ainsi en 2009 elles n'avaient pas encore fait l'objet« d'une étude d'ensemble sur la systématique et la répartition géographique des espèces en France et seules quelquesclés dichotomiques de détermination, toutes incomplètes quant au nombre des taxons cités et ne tenant pas compte de la variabilité intraspécifique (différences de coloration, fusion de paires d'yeux, etc.), permettent d'identifier avec certitude les espèces les plus caractéristiques ». Une clé de détermination des Hirudinées françaises a été mise à jour et publiée en 2009 par laSociété zoologique de France, et uninventaire national a été lancé en2015 sous l'égide duMuséum et de l'INPN[4].
L'arbre phylogénétique des sangsues et de leurs parents annélides est basé sur l'analyse moléculaire (2019) des séquences d'ADN. Les anciennes classesPolychaeta (vers marins hérissés) etOligochaeta (comprenant lesvers de terre) sontparaphylétiques : dans chaque cas, les groupes complets (clades) incluraient tous les autres groupes indiqués ci-dessous dans l'arbre. LesBranchiobdellida sont sœurs du clade des sangsues[12].
Les "Rhynchobdellida" constituent un groupe (paraphylétique) de sangsues aquatiques sans mâchoire, à trompe dévaginable (un proboscis musculaire en forme de paille perforant un organe dans une gaine rétractable). Rhynchobdellida était composée de deux familles :
Lesglossiphoniidae sont des sangsues d'eau douce aplaties, parasitant principalement de mollusques ou d’amphibiens et les vertébrés tels que les tortues, et capables de transporter leurs petits sous leur corps (comportement maternel unique parmi lesannélides)[13].
LesPiscicolidae sont des ectoparasites de poissons marins ou d'eau douce, avec des corps cylindriques et des ventouses antérieures généralement bien marquées, en forme de cloche[14].
Les "Arhynchobdellida" sont dépourvues de trompe et peuvent (ou non) avoir des mâchoires agrémentées de dents. LesArhynchobellides sont divisés en deux sous-groupes :
LesErpobdelliformes sont des sangsues vermiformes d'eau douce (ex :Erpobdellidae) ou amphibies. Carnivores elles sont dotées d'une bouche relativement grande et édentée, capable d'avaler entiers des mollusques, des larves d'insectes ou d'autres vers annélidés. Le genrePharyngobdella possède six à huit paires d'yeux tandis que le genreGnathobdella en a cinq paires[16].
Cet ordre regroupe des sangsues aquatiques ou terrestres présentant trois mâchoires dentées au niveau du pharynx. On y retrouve notamment la sangsue officinaleHirudo officinalis.
Le groupe d'annélides le plus ancien est celui despolychètes libres qui a évolué auCambrien, abondant dans lesschistes de Burgess il y a environ 500 millions d'années. Lesoligochètes ont évolué à partir despolychètes et les sangsues se sont ramifiées à partir desoligochètes. Les oligochètes et les sangsues ne se fossilisent pas bien du fait qu'ils sont dépourvus de parties dures[17]. Les premiers fossiles de sangsue connus datent de la période dujurassique, soit il y a environ 150 millions d'années, mais un fossile avec des anneaux externes, trouvé dans les années 1980 dans leWisconsin, avec ce qui semble être une grosseventouse, pourrait étendre l'histoire évolutive du groupe jusqu'auSilurien, il y a environ 437 millions d'années[18],[19].
la sangsue médicinale méditerranéenneHirudo verbena, également suceuse de sang de mammifères, également élevée, ayant les mêmes vertus que la précédente et souvent confondue avec elle[20] ;
la grande sangsue de l'Inde ou sangsue nasaleDinobdella ferox (littéralement la « sangsue féroce »), suçant le sang des mammifères en s'introduisant en particulier dans leur nez ;
La majorité des sangsues d'eau douce vivent dans les zones peu profondes et végétalisées au bord des étangs et des lacs, ou dans les marais et les eaux stagnantes des ruisseaux lents. Très peu d'espèces tolèrent une eau à courant rapide. Dans leurs habitats préférés, elles peuvent se reproduire jusqu'à des densités très élevées, avec plus de 10 000 individus par mètre carré enregistrés sous des pierres plates enIllinois. Certaines espèces entrent dans une période d'activité ralentie durant lasaison sèche et peuvent alors perdre jusqu'à 90% de leur poids corporel[7].
Plus de la moitié des espèces sont hématophages, c'est-à-dire qu'elles se nourrissent desang (hémato signifie « sang » etphage signifie « manger »), mais les autres espèces de sangsues sont des prédateurs carnivores d'autres invertébrés, ou consomment simplement les tissus mous de leurs proies ou d'autres aliments. Pour boire le sang, la sangsue s'accroche sur sa proie en suçant sa peau. Elle fait une petite morsure et y injecte sa salive. Sa salive a la fonctionnalité d'empêcher le sang decoaguler, ce qui lui permet de boire le sang pendant un bon moment[22].
Sangsue de montagne japonaise Haemadipsa zeylanica, une espèce se nourrissant de sang
Ainsi sur 73 espèces de sangsues connues en Amérique du Nord, la plupart se nourrissent de chironomidés,oligochètes,amphipodes etmollusques. Leurs larves sont supposées toutes se nourrir dezooplancton, certaines de manière spécialisée (ex :Motobdella montezuma s'est spécialisée dans le parasitage d'amphipodes planctoniques qu'elle détecte par des capteurs mécanoperceptifs)[23].
Les autres espèces sont ectoparasites temporaires et se nourrissent d'un repas de sang prélevé sur des poissons, tortues, amphibiens, crocodiliens, oiseaux d'eau, mammifère (dont humains à l'occasion)[23]. La plupart de ces espèces prédatrices grandissent en 2 ou 3 étapes, chacune conditionnée à un repas de sang, et elles ne se reproduiront qu'une fois avant de mourir[23]. Mais au moins deux espèces nord-américaines se sont montrées capables de se reproduire plusieurs fois in vitro bien que présentant dans la nature un phénotype ne se reproduisant qu'une fois avant de mourir[23].
Comme les oligochètes tels que les vers de terre, les sangsues ont unclitellum, sont hermaphrodites, respirent par lapeau et n'ont pas de cerveau centralisé, mais leur corps est plus dense (plus de tissu conjonctif) tout en étant plus élastique dans les 3 dimensions. Il n'a pas de poils externes, il se termine par une ou deux ventouses (des organes de succion) qui l'aident dans ses déplacements, et leur segmentation externe ne reflète pas la segmentation interne de leurs organes.
Beaucoup d'espèces se montrent très plastiques et capables de s'adapter à des modifications significatives de leur environnement (certaines espèces survivent ainsi jusqu'à 60 jours en situation d'anoxie[23]) et comptent parmi les derniers organismes à survivre dans des cours d'eau très pollués (avec lestubifex, certainschironomes et quelques communautés dominées par des bactéries), tout en supportant l'extrême inverse (c'est-à-dire une eau sursaturée en oxygène)[23]. Elles sont considérés comme desmarqueurs biologiques etbioindicateurs d'une mauvaisequalité de l'eau[24].
Beaucoup d'espèces supportent aussi une période d'exondation à condition que leur environnement soit néanmoins assez humide.
Bouche et suçoirSangsue et son système nerveuxLes larves de certains insectes peuvent être confondues avec des sangsues ; ici, il s'agit de larve de simulies (Simulium sp.) et non de sangsuesLe nombre, la taille et la position des yeux font partie des critères d'identification des genres et espèces.Coupe transversale d'une sangsue
Le corps d'une sangsue au repos est aplati dorso-ventralement, de forme ovale ou allongée selon son niveau de contraction.
Il est très élastique et très flexible (ce qui en fait un modèle intéressant pour labiomimétique).Les seuls organes habituellement visibles de l'extérieur sont la ventouse antérieure, contenant l'ouverture de la bouche, et parfois la ventouse postérieure, servant à la fixation (certaines espèces sont pourvues d'une ventouse à chaque extrémité du corps).
Segmentation : Le corps des sangsues est segmenté en plusieurs dizaines d'anneaux (ou segments)
Les sangsues sonthermaphrodites, c'est-à-dire qu'elles sont à la fois mâles et à la fois femelles[22]. Les sangsues ne peuvent néanmoins pas s'autoféconder.
Leurs organes sexuels externes sont tous deux situés sur la ligne médiane de l'abdomen, à peu de distance de la tête. L'organe mâle est positionné le plus en avant. La zone des segments portant ces organes est dite « ceinture ».
Le pénis quand il fait saillie a la forme d'un fil de couleur claire (8 mm environ chez la sangsue médicinale), qui émerge du corps en traversant un fourreau[25]. Il est relié via un cordon spermatique à de nombreuxtesticules (dix-huit, neuf de chaque côté chez la sangsue médicinale). Selon Ebrard, l'immersion de l'annélide dans du vinaigre ou de l'eau chaude fait apparaitre le pénis et fait légèrement gonfler le contour de l'orifice vaginal, sinon ce dernier est inapparent (hormis lors des premiers moments suivant l'accouplement ou la pose d'un cocon)[25].
Plusieurs auteurs ont déduit de leurs observations que lors d'un accouplement de sangsues médicinales, un seul individu est fécondé, qui ensuite déposera seul un cocon (on n'a pas observé de cocons déposés sans un intervalle d'au moins24 h selon E. Ebrard[25] qui ajoute qu'un cocon peut être déposé par un individu isolé jusqu'à dix mois après sa fécondation).
La plupart des espèces secrètent uncocon protecteur en même temps que les œufs.Ce cocon est fixé à une surface dure[26].
Quelques espèces de sangsues fixent leurs œufs (gros et àvitellus abondant), directement sur leur face ventrale et protègent les embryons et les larves avec leur corps. D'autres encore forment des cocons qu’elles transportent et protègent de leur corps jusqu’à l’éclosion puis les jeunes restent fixés plusieurs semaines sous le corps du parent jusqu’à ce qu’ils soient autonomes.
L'ocytocine et/ou une substance apparentée trouvées chez plusieurs espèces de sangsues[27] semblent jouer un rôle dans le cycle de la reproduction de ces espèces[28].
Les sangsues sont localement très communes et nombreuses en zones tropicales, plus rarement en zone tempérée.
On signale parfois des densités inhabituelles de sangsues, comme dans lelac des Dagueys àLibourne, en France, en 2010 (lac où était prévu avant 2012 un pôle nautique devant accueillir des compétitions nationales et internationales d'aviron, qui a été interdit à la baignade en 2010 à la suite d'une pullulation d'une petite sangsue de l'espèceHelobdella stagnalis, espèce qui a aussi été signalée pullulant dans lelac de Tibériade en Israël[29]).
Elles étaient collectées oucultivées autrefois pour effectuer dessaignées, mais sont également utilisées aujourd'hui pourdrainer le sang de régions du corps où leretour sanguin s'effectue mal (image de gauche).
Des sangsues ont été utilisées pour prévoir le temps, via notamment unbaromètre à sangsues, sans succès durable.
Les sangsues d'intérêt médicinal sont protégées dans de nombreux pays à cause de leur diminution, liée à la destruction de leur habitat et à la pollution.
Jusqu’à la fin duXIXe siècle, plus de cinquante millions de sangsues médicinales peuplaient les mares et les étangsfrançais.Pour les récolter, les gens entraient dans les marais avec des cuissardes et un bâton. Ils frappaient l'eau violemment, ce qui attire les sangsues qui s'accrochaient aux jambières ou nageaient à la surface[31]. Un autre moyen était de faire descendre des animaux (ânes par exemple) dans l'eau et de récolter sur eux les sangsues qu'ils attiraient. Aujourd'hui, il en existe très peu en France à l'état sauvage (notamment dans le massif central, en Lozère etla région d'Île-de-France à Brunoy[réf. nécessaire]). L'assèchement des marais a fait énormément de tort à l'espèce. La pollution — engrais, pesticides et herbicides — a fini de l'achever.
Quatre entreprises dans le monde (Russie, France, Allemagne etPays de Galles) font encore l'élevage de quelques espèces à des fins médicinales ; c'est l'hirudiniculture.
Une nouvelle espèce (transcaucasienne) en a été décrite en2005, qui correspond à ce qu'on avait jusqu'ici considéré comme une variété orientalis de lasangsue médicinale[32].
Les sangsues ne transmettent pas de parasites nuisibles pour l'humain. Leur estomac peut toutefois renfermer des bactéries susceptibles d'infecter la plaie si on retire brutalement le parasite. Des réactions allergiques peuvent par ailleurs survenir[37].
Il arrive parfois que les sangsues (en particulier lesDinobdella ferox) s'introduisent dans les orifices naturels comme la bouche, le nez, l'oreille, le vagin ou le pénis. Cette situation (l'hirudiniase) peut s'avérer très dangereuse car la sangsue obstrue progressivement les voies respiratoires en se gonflant de sang. Elle peut également provoquer des hémorragies[38].
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Leech depositing cocoon, youTube, Ohio State University ; Mise en ligne le (en réalité : fabrication du cocon : 1 h, durcissement/coloration environ, 5 heures)(en)