Pour les articles homonymes, voirBernard.
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Décès | (à 87 ans) Paris ![]() |
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Enfants | Samuel-Jacques Bernard Gabriel Bernard de Rieux Louise Marie Madeleine Guillaume de Fontaine Marie Anne Louise Fontaine Françoise-Thérèse Guillaume de Fontaine(d) Bonne-Félicité Bernard(d) ![]() |
Propriétaire de | Hôtel de Samuel Bernard(d),château de Méry-sur-Oise,château de Boulainvilliers,château de Coubert ![]() |
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Samuel Bernard, comte deCoubert (1725), né àSancerre le29 octobre[1], ou le[2], et mort àParis le, est unfinancier etarmateur négrierfrançais.
Issu d'une familleprotestante, il débute comme marchand de drap àParis. Devenu « marchand banquier », il fait fortune à la fin duXVIIe siècle, en achetant les bâtiments pris par lescorsaires et grâce à latraite négrière. Il se convertit au catholicisme à larévocation de l’Édit de Nantes. Il est, dans lesannées 1700, l'un des hommes les plus riches d'Europe et devient le principal banquier du royaume. Anobli et comblé d'honneurs, il s'attache à marier ses enfants dans les plus grandes familles de lanoblesse deFrance.
Samuel Bernard naît àSancerre dans une familleprotestante d'originehollandaise. Très jeune, il côtoie le milieu artistique. Son grand-père était peintre dans lefaubourg Saint-Germain à Paris, et son père est lepeintre,graveur etminiaturisteSamuel-Jacques Bernard (1615-1687). Membre de l'Académie royale de peinture et de sculpture à sa création en1648, celui-ci en est nommé professeur en1655. Selon les souvenirs apocryphes de lamarquise de Créquy, il « avait embrassé la secte d'Arminius [et] avait été contraint à s'expatrier. »
Du mariage de ses parents, célébré le autemple de Charenton, naissent neuf enfants ; tous sont baptisés àCharenton, selon lerite réformé.
Les premières années de sa vie se passent dans une relative quiétude[2]. EnFrance, l'Édit de Nantes (1598) reconnaît la liberté de culte auxprotestants. Cependant, contrairement à son père et son grand-père avant lui, Samuel Bernard ne semble pas disposé pour les arts. Il est davantage attiré par le commerce. Son père étant amené à travailler pour lanoblesse et lagrande-bourgeoisie protestante parisienne, le jeune Samuel est fasciné par les tenues vestimentaires luxueuses que ces personnes revêtent[3]. Il est séduit par le côté artistique de cette industrie autant que par les perspectives financières qu'elle offre[Note 1].
Aussi, après avoir été apprenti pendant trois ans, il devient en1676, à l'âge de 25 ans, « maître mercier grossiste pour draps d'or, d'argent et de soie de Paris »[3]. Il exerce ce métier quelques années et réalise d'importantsprofits – quoique sans commune mesure avec sa fortune future. Mais son tempérament aventureux l'incite à prendre des risques et il devient « marchand banquier » (grossiste en marchandises diverses)[3].
Le contexte politique enFrance est alors tendu. LaFronde, les guerres menées parLouis XIV – laGuerre de Dévolution en1667-1668 et laguerre de Hollande entre1672 et1678 – et les scandales financiers (notamment celui lié ausurintendant des financesFouquet en1666) ont considérablement entamé leTrésor royal. En1672, pour financer la campagne de Hollande, Louis XIV fait appel àColbert. Bien qu'hostile aux emprunts « qui dévorent l'avenir au profit du présent », ce dernier doit s'y résoudre.
Sur le plan religieux, les guerres successives avec lesProvinces-Unies ravivent les suspicions envers lesprotestants, très présents dans l'industrie et dans le commerce[4], dans la première moitié des années 1680, aboutissant à la proclamation par le Roi de l'Édit de Fontainebleau en1685, révoquant l'Édit de Nantes.
Au moment de larévocation de l'Édit de Nantes, il abjure leprotestantisme en la paroisse Saint-Michel deSaint-Denis, le.
La même année, il crée laCompagnie de Guinée, à la demande deLouis XIV[5], et étend ses intérêts à latraite des Noirs.Il dispose aussi d'une flotte denavires négriers basée àLa Rochelle.
Pendant ces années, les affaires de Samuel Bernard connaissent une grande expansion[6].
Jusqu'en1695, il est engagé dans des opérations debanque. Il est chargé par le gouvernement de faire remettre leurs traitements aux ambassadeurs à l'étranger. Ces opérations, malaisées en temps de paix en raison des problèmes de conversion et des risques inhérents au transport de sommes en numéraire, étaient encore plus risquées en temps de guerre[7]. Il se substitue alors auTrésor royal et verse les salaires de vingt-et-un ambassadeurs de France, en prenant au passage de confortables commissions[Note 2]. Devenant de plus en plus influent à laCour de France, il parvient à s'attacher la reconnaissance de plusieurscontrôleurs généraux, notamment celle deMichel Chamillart.
À cette époque, il se met àtrafiquer (c'est-à-dire racheter) les prises descorsaires royaux, encouragé notamment par des décisions dePontchartrain,ministre de la Marine deLouis XIV de 1690 à 1691, autorisant la mise en vente des marchandises saisies en piraterie[8]. En1696, il est associé à laCompagnie des Indes à l'achat des marchandises saisies sur des bateaux anglais, ce qui lui permet de réaliser des bénéfices considérables[Note 3]. Mais, se rendant compte de l'état réel des finances de la Compagnie, il décide de la quitter, tout comme son associéAntoine Crozat[6].
En effet, dans les années1690, laFrance est en proie à desfamines régulières[Note 4]. Samuel Bernard profite des relations d'affaires qu'il possède à l'étranger, notamment avec des marchands protestants émigrés[6], pour importer des denrées dont la France manque. Il importe entre autres du blé[Note 5], et l’État lui confie des vaisseaux moyennant des frais d'affrètement avantageux[6]. En plus de son réseau de correspondants à l'étranger, il bénéficie d'une organisation financière remarquable. En effet, il est à l'époque l'un des seuls à pouvoir effectuer des virements, grâce à la confiance des banquiers étrangers. Ce faisant, il réduit les délais de manière importante, ce qui constitue un avantage sur ses concurrents. Il emploie à l'époque une dizaine de personnes pour ses affaires.
Au tournant du siècle, il est en possession d'une immense fortune et samaison de banque est considérée comme l'une des plus importantes du pays. Il parvient en une vingtaine d'années, et grâce à une capacité de travail hors du commun[Note 6], à une position influente parmi les sphères gouvernementales. Son réseau de correspondants en France, en Europe et en Amérique latine, lui permet d'être au courant des variations destaux de change et des prix desmatières premières.
De grand marchand, il devient, après1700, grand banquier pour le compte duTrésor royal et finance notamment laguerre de Succession d'Espagne, de1700 à1714. Grâce à la confiance qu'il inspire, il parvient à emprunter dans des pays en guerre avec la France[Note 7], notamment enSuisse et enHollande. Il fournit ainsi au Trésor royal deux cents millions de livres. Les gains énormes qu'il retire de ces prêts[Note 8] font de lui un homme puissant. Leduc de Saint-Simon le qualifie alors de« le plus fameux et le plus riche banquier de l’Europe »[8].
Ayant compris que le commerce, pour se développer, avait besoin que lesbillets de banque aient une valeur stable, et que cette condition ne pouvait être remplie que par la création d'unebanque royale, Samuel Bernard défend – en 1706-1707 – l'idée d'une telle banque. Il bénéficie alors du soutien deTrudaine et deCaumartin et avait rallié à lui lecontrôleur général des finances,Nicolas Desmarets. Mais, préoccupé par la guerre auxPays-Bas, le roi s'y oppose. C'est leRégent qui demandera à l'ÉcossaisJohn Law de créer une telle banque à partir de 1716[Note 9].
En1708,Louis XIV, qui ne peut compter que sur son crédit, lui fait l'honneur de le recevoir dans lesjardins du château de Marly. Pour que le roi n'eût pas à s'abaisser à recevoir en audience le financier, Desmarets organise une petite mise en scène qui a lieu àMarly :
En effet,Desmarets qui n'était pas parvenu à convaincre Samuel Bernard de concéder un nouveau prêt au Trésor, demande au Roi de flatter ce dernier pour le faire changer d'avis. Bernard revient enchanté de sa promenade avec le Roi, et accorde à Desmarets les crédits que celui-ci lui demandait.
En1709, il se tire d'une vraiebanqueroute àLyon, à l'époque la première place financière de France, où il ne peut pas tenir ses engagements. Soutenu par l’État, qui ne pouvait se permettre la faillite d'un financier si influent et si important pour ses finances, il parvient à un accord avec ses créanciers, bien que celui-ci soit en sa défaveur[10].
En1715, la situation des finances du royaume devient intenable. La dette s'élève alors à 2,7 milliards delivres[11], soit l'équivalent d'une dizaine d'années de recettes. Le lancement d'emprunts en cascade ayant entraîné depuis 1704 une spéculation importante de la part definanciers et d'agents de change mais aussi de nombreux commis de l’État, la plupart d'entre eux sont interpellés à la mort deLouis XIV dans le cadre de l'opération du visa, et certains sont même envoyés àLa Bastille. En1716, Samuel Bernard échappe aux poursuites en restituant six millions de livres à l'État.
Sa fortune assurée et son influence sur les finances du gouvernement établie, Samuel Bernard va chercher une reconnaissance, que l'argent seul ne pouvait lui apporter[Note 10].
Il est anobli en 1699 par lettres du roiLouis XIV, qui le fait en 1702chevalier de l'Ordre de Saint Michel. En 1706, il achète en outre une charge deconseiller-secrétaire du Roi, Maison et couronne de France en laGrande chancellerie de France, charge anoblissante au premier degré, qu'il conserve jusqu'à sa mort[12]. En 1730, il reçoit encore un brevet deconseiller d'État.
Sasoif de distinctions[13], dont il est lui-même conscient[Note 11], ne s'arrête pas là.
Alors qu'il est marié avec sa première épouse Magdelaine Clergeau, il entame une relation avec Marie-Anne-Armande Carton (Mme Fontaine), également mariée[Note 12], qu'il comble de cadeaux et d'attention et avec qui il aura trois enfants entre1706 et1712.
Le, il lui achète la terre etseigneurie de Passy, et dépense300 000 livres pour restaurer le château et y aménager unjardin à la française[14], commande qu'il passe à l'architecteJules-Robert de Cotte.
Le, il achète la terre deCoubert (Seine-et-Marne) avec sonchâteau, qu'il fait reconstruire de1724 à1727, peut-être parGermain Boffrand. En1725, il est fait « comte de Coubert » parLouis XV. Le comté de Coubert passe après lui à son fils,Samuel-Jacques Bernard (1686-1753), puis au fils de celui-ci, Oliver-Samuel-Jacques Bernard (1730-1801), qui le conserve jusqu'à la Révolution. Lechâteau de Coubert a été détruit vers 1820.
Le 5 novembre 1737, il achète,place des Victoires, l'hôtel duPrésident Henault, où il meurt un an plus tard et qui passe après lui à son filsGabriel Bernard de Rieux, puis au fils de celui-ci,Anne Gabriel Bernard de Boulainvilliers, lequel le vend le 20 mai 1784[15]. Cet hôtel a été détruit en 1883 pour achever le percement de larue Étienne Marcel[16].
Il possède aussi un vaste hôtel particulierrue Notre-Dame des Victoires et acquiert la seigneurie deGlisolles enNormandie, en1731.
Le, il achète aussi à sa belle-famille lemarquisat de Méry-sur-Oise, dont ildote sa plus jeune fille, lorsqu'il la marie en 1733, à l'âge de 13 ans.
Devenu un grand propriétaire foncier, il s'attache à marier ses enfants et ses petits-enfants dans la meilleurenoblesse de robe etd'épée, en leur accordant desdots importantes. Il offre à ces occasions des réceptions où se pressent les gens du monde et les gens de lettres. Sa maison est réputée pour la bonne chère et les bonnes bouteilles qui y sont servies[17].
À l'époque de son remariage, en 1720, il fait sculpter son buste dans le marbre parGuillaume Coustou. Ce buste est aujourd'hui auMetropolitan Museum of Art deNew-York[18].
En 1726, moyennant7 200 livres, Samuel Bernard fait peindre son portrait parHyacinthe Rigaud. Cette œuvre de grande taille (1,66 m sur 2,65 m) le représente vers la fin de sa vie, assis et en pied. Reproduite à l'époque, en 1729, en gravure, elle est aujourd'hui conservée auMusée national du château de Versailles[19].
Un pastel exécuté en 1699 parJoseph Vivien est généralement considéré comme étant son portrait[20]. Cette œuvre se trouve aujourd'hui auMusée des Beaux-arts de Rouen.
Samuel Bernard décède le à Paris, à l'âge de 87 ans, dans son hôtel de laplace des Victoires (cf.Marais-Louvre : Hôtels particuliers de la place des Victoires ; il avait aussi un hôtelrue Notre-Dame des Victoires), des suites d'uneartérite dont il souffrait depuis trois ans[21]. Il est inhumé à Paris dans l'église Saint-Eustache. En 1787, ses ossements sont transférés auxcatacombes de Paris[22].
À sa mort, il laisse une immense fortune, évaluée à 33 millions de livres[23], que se partagent ses descendants[24]. L'aîné de ses fils reçoit le comté deCoubert, le plus jeune la terre deGlisolles et l'hôtel de la rue Notre-Dame des Victoires.
À sa maîtresse, Madame Fontaine, il laisse « le château de Passy, deux immeubles à Auteuil, 355 marcs 6 onces de vaisselle en argent et la remise gracieuse de ses dettes et emprunts »[21].
Il comptait parmi ses débiteurs une centaine de familles nobles en France et à l'étranger, mais également de membres de la haute bourgeoisie française, un grand nombre d'hommes politiques, de fonctionnaires et de magistrats. Mais, grand seigneur, « par diplomatie et parfois poussé par un sentiment de bonté, Samuel Bernard savait oublier l'argent qu'on lui devait »[21]. En mariant ses descendants dans des familles nobles, il avait aidé celles-ci à redorer leur blason.
Samuel Bernard épouse en 1681 Magdelaine Clergeau, fille de Pierre Clergeau, bourgeois de Paris, et Hélène Métayer, faiseuse demouches de larue Saint-Denis. Issue d'un milieu relativement modeste, comme lui, elle décède en 1716 à Paris, de lapetite vérole.
Il en a pour enfants :
Veuf, Samuel Bernard se remarie dans la chapelle duchâteau de Méry-sur-Oise en avec Pauline de Saint-Chamans, sœur de sa belle-fille. Elle est la fille de François de Saint-Chamans, marquis deMéry, et deBonne de Chastellux. Beaucoup plus jeune que lui, elle décède le, à l'âge de 68 ans. Dont :
Pendant son premier mariage, il a également trois filles naturelles nées deMarie-Anne-Armande Carton Dancourt, diteManon, fille de l'acteurFlorent Carton Dancourt, et épouse de Jean-Louis-Guillaume Fontaine (1666-1714), commissaire et contrôleur de la Marine et des Guerres au département des Flandres et de Picardie, mari accommodant qui reconnut ses filles :
Figure | Blasonnement |
![]() | d'azur à l'ancre d'argent, senestrée en chef d'une étoile du même, rayonnante d'or[26],[27],[28]. |