Né àNarbo Martius, enGaule (aujourd'huiNarbonne, en France), Sébastien est citoyen deMilan, enItalie. Militaire de carrière, il est pris d'affection par les empereursDioclétien etMaximien Hercule, qui le nommentcenturion. Durant lapersécution de Dioclétien, il est pourtant exécuté sur ordre des souverains pour avoir soutenu ses coreligionnaires dans leur foi et accompli plusieurs miracles. D'abord attaché à un poteau et transpercé de flèches, il est finalement tué à coups deverges après avoir miraculeusement guéri la première fois.
D'aprèsJacques de Voragine, saint Sébastien est originaire deNarbonne, enGaule, mais citoyen deMilan. Bien que fervent croyant, il est nommécenturion par les empereurs païensDioclétien etMaximien Hercule, qui lui vouent une grande affection. Sébastien n'embrasse toutefois la carrière militaire que dans le but d'aider ceux qui partagent avec lui lafoi chrétienne[2].
Accompagnant, un jour, deux prisonniers chrétiens, les jumeaux Marc et Marcellin, Sébastien les conforte dans leur foi, malgré l'insistance de leur famille, qui les presse d'abjurer le christianisme pour échapper aumartyre[3]. Impressionnée par les paroles de Sébastien, une femme muette nomméeZoé s'approche du militaire, qui lui rend alors la parole[4]. Cemiracle impressionne grandement les témoins de la scène, qui se convertissent ensuite en nombre, ce qui donne lieu à de nouvelles guérisons[5].
La nouvelle de ces événements ne tarde pas à se répandre et arrive bientôt jusqu'à Chromace, préfet de la ville deRome. Atteint d'une maladie grave, ce dernier sollicite l'aide de Sébastien et du prêtre Polycarpe, qui promettent de le guérir s'il permet la destruction d'un grand nombre d'idoles[5]. Ce n'est cependant qu'après que Chromace a renoncé à s'adonner à ladivination qu'il retrouve la santé, non sans qu'unange soit apparu dans son palais. Ce nouveau miracle amène la conversion de 4 000 personnes, issues de la maison du préfet[6].
Pendant ce temps, lapersécution contre les chrétiens s'intensifie et Sébastien est dénoncé par le préfet Fabien à l'empereurDioclétien[7]. Se sentant trahi, le souverain condamne Sébastien à être attaché à un poteau au milieu duChamp de Mars avant d'être percé de flèches par sesarchers.« Couvert de pointes comme unhérisson », Sébastien est ensuite laissé pour mort et abandonné[8]. Guéri de ses blessures, Sébastien retourne au palais impérial quelques jours plus tard. Il reproche alors à Dioclétien et àMaximien Hercule leur attitude vis-à-vis des chrétiens. Mais, loin de se repentir, les deux souverains le font battre à coup deverges, jusqu'à ce que mort s'ensuive. Son corps est ensuite jeté auxégouts pour empêcher les chrétiens de le vénérer[8]. Dès la nuit suivante, cependant, saint Sébastien apparaît àsainte Lucine, pour révéler où se trouve son corps. Sa dépouille est alors enterrée à Rome, auprès des apôtresPierre etPaul[8].
Certaines versions deLa Légende dorée situent la date du martyre de saint Sébastien« vers l’an du Seigneur 187 »[8], c'est-à-dire près d'un siècle avant laPersécution de Dioclétien, alors qued'autres indiquent l'année 287[9], ce qui correspond au règne deDioclétien, mais pas aux persécutions subies par les chrétiens.
D'aprèsLa Légende dorée, une terriblepeste frappe la péninsule italienne« au temps du roi Humbert » et la ville dePavie en est la principale victime. Alors que les morts s'accumulent, unange se manifeste aux habitants de la cité pour leur apprendre que l'épidémie prendra fin une fois qu'un autel dédié à saint Sébastien y aura été élevé. Une fois l'autel édifié dans l’église Saint-Pierre-aux-Liens, la peste disparaît et des reliques de saint Sébastien sont transportées deRome à Pavie, pour honorer le martyr[10].
Protecteur contre lapeste, saint Sébastien est parfois compté comme l'un des quatorzesaints auxiliaires (intercesseurs)[réf. nécessaire]. La connexion du martyre par « sagittation » (frappé de flèches) avec la peste n'est pas due au hasard : au début de l'Iliade,Apollon, le dieu-archer en colère, par ses flèches, envoie une pestilence contre lesAchéens :« L'arc d'argent lâcha son sifflement formidable. Le Dieu visa d'abord les mules, les chiens pieds-agiles, mais bientôt son trait tranchant dirigé vers les hommes vola, sans trêve brûlaient aux buchers, par milliers, les cadavres[15] ». (L'Iliade, chant 1, 49-52). » Mais dans lamythologie gréco-romaine, chaque pouvoir redoutable appelle le pouvoir inverse, le Dieu qui frappe peut être aussi celui qui guérit[16].
Selon les pays, saint Sébastien est considéré comme le saint patron des soldats en général et desfantassins (armée de terre) en particulier, desgardes suisses, desconquistadores, mais aussi des athlètes et, en France, desarchers[20] en particulier, et par extension des officiers depolice[21].
En Provence, saint Sébastien est un saint debravade (avec saintPancrace, saintJean, SaintGeorges...), jeu de combat rituel accompagnant la fin des processions (luttes, courses et poursuites, batailles à coups de mottes de terre, de fruits, de fleurs, pétards et décharges de mousquets...)[22].
Saint Sébastien est le patron de nombreuses confréries médiévales dont encore quelques-unes subsistent encore, notamment la Confrérie Saint-Sébastien deBligny-sur-Ouche enCôte-d'Or, l'ordre des chevaliers de Saint Sébastien de Soissons (depuis l'an 825).[réf. nécessaire]
AuMoyen Âge, saint Sébastien est généralement représenté par les artistes comme un vieillard barbu. Son plus ancien portrait connu est unemosaïque réalisée entre527 et565 : elle se trouve dans la basiliquebyzantineSant'Appolinare Nuovo deRavenne et montre le martyr au milieu de vingt-cinq autres saints[23]. Dans cette œuvre, Sébastien est doté d'uneauréole et tient dans la main unecouronne de laurier, qui symbolise sa victoire sur le martyre. Il n'a en revanche ni flèche, niarcher qui pourraient rappeler les souffrances auxquelles il a survécu[24]. Les références au martyre par sagittation ne commencent en réalité à apparaître que vers l’an1000, mais elles s’imposent progressivement jusqu’à faire oublier que saint Sébastien est mort sous des coups de bâton[25].
À une époque où les hommes croient que lapeste et les autres maladies se répandent par l'air, à la vitesse des flèches mortelles, cette représentation de saint Sébastien n'a rien de surprenant[26]. De fait, comme le montre l'inscription présente sur la fresque deBenozzo GozzoliSaint Sébastien protégeant le peuple de San Gimignano (« Sancte Sebastiane Intercede Pro Devoto Populo Tuo » c'est-à-dire « Saint Sébastien intercède pour ton peuple dévot »)[27], le martyr apparaît d'abord comme un intercesseur entreDieu et les hommes en période d'épidémie[28]. Il n'est donc pas surprenant de le compter parmi les saints les plus souvent représentés durant la période suivant laPeste noire[29].
L’idée selon laquelle saint Sébastien pourrait intercéder auprès des malades de la peste viendrait deLa Légende dorée deJacques de Voragine de la fin du XIIIe siècle. Dans son récit de la vie du saint, il place pour la première fois en appendice deux miracles post mortem dont l’un d’eux est emprunté à l’Histoire des Lombards dePaul Diacre. Il y explique qu’en 680 alors que la peste ravageait Rome et Parvie « quelqu’un eut la révélation que cette peste ne s’apaiserait pas tant que ne serait pas construit un autel au martyr saint Sébastien dans la basilique du bienheureux Pierre, dite « aux Liens ». Ce qui fut fait : les reliques du bienheureux martyr Sébastien furent apportées de Rome, aussitôt on construisit l’autel dans la basilique et la peste cessa »[30].
On peut également faire un autre lien entre le martyre de Sébastien et la peste. En effet d’aprèsHomère, les flèches du dieuApollon étaient capables de porter la maladie et en particulier la peste. Ainsi pendant la guerre de Troie il aurait donné son arme au Troyen Pandaros qui répand alors la peste dans le camp grec. Les flèches frappant le saint sont donc vues comme des flèches porteuses de peste.
Les images de sagittation du saint se font alors plus violentes, l’accent est mis sur les blessures causées par les flèches et la souffrance du martyr. Le supplice est décrit beaucoup plus précisément et l’iconographie du « hérisson » montrant le corps du saint entièrement recouvert de flèches se développe. Par exemple ce terme est repris dans une oraison du poète Gilles Li Muisis vers 1349 :
« Il repousse le vêtement des êtres terrestres, Sa peau semblable à celle des hérissons Est transpercé de flèches Toi qui avec ces dards Secours les Italiens, Par tes pieuses intercessions Assiste tes serviteurs, Remarquable martyr. »
AuXVe siècle, les représentations artistiques de saint Sébastien évoluent considérablement, le faisant passer d'homme d'âge mur barbu et constellé de flèches à adolescent musclé au corps presque intact. Des peintres commeLe Sodoma,Le Pérugin ouAmico Aspertini font ainsi le choix de montrer le jeune martyr sous des traitspresque féminins, quasiment nu et avec un corps tendrement sculpté. Pour de nombreux critiques d'art, qui font une lecturehomoérotique du saint Sébastien duCinquecento, les flèches qui hérissent son corps apparaissent alors comme des symbolesphalliques ou des instrumentssadomasochistes plutôt que comme de simples armes[32],[33]. Quant au drap qui recouvre ses parties génitales, il sert moins à les cacher qu'à suggérer au spectateur la présence dupénis (Le Pérugin,Saint Sébastien (vers1500),Paris,musée du Louvre)[34].
Or, d'après l'historienne d'artJanet Cox-Rearick(en), cette lecture homoérotique de la figure de saint Sébastien est déjà commune à laRenaissance. Pour elle, il existe d'ailleurs, à l'époque, une tradition littéraire qui lie le prénom du martyr à l'homosexualité, comme le suggère l'usage qu'en faitWilliam Shakespeare dansLa Nuit des rois etLes Deux Gentilshommes de Vérone[35]. Pas étonnant, donc, que l'historien d'artLouis Réau conclue qu'à partir duXVe siècle,« il ne reste plus [à saint Sébastien] que le patronage compromettant et inavouable des sodomites ou homosexuels, séduits par sa nudité d'éphèbeapollinien, glorifié par Le Sodoma » (1958)[36].
Dans la seconde moitié duXIXe siècle, c'est dans la littérature que la figure de saint Sébastien s'impose. Des écrivains homosexuels commeWalter Pater,Oscar Wilde,John Addington Symonds,Marcel Proust,Frederick Rolfe ouJohn Gray(en) adoptent alors le personnage du martyr, qui se transforme, sous leur plume, enmotif organisateur ou en simple représentation du paria[17]. La publication deTwo Sonnets, for a Picture of Saint Sebastian the Martyr by Guido Reni par Rolfe en1891 est ainsi tellement empreinte d'homoérotisme qu'elle déclenche un scandale dans la société victorienne[39].
Les photographes homosexuels aussi s'emparent de la figure de saint Sébastien.Frederick Holland Day réalise ainsi plusieurs clichés représentant le martyr sous les traits de beaux adolescents musclés entre1905 et1907[40]. Il en va de même pourOscar Gustave Rejlander, qui réalise, vers1867, unMartyre de saint Sébastien dont la critique ne manque pas de remarquer la musculature[41], ou pourElisar von Kupffer(en), qui prend plusieurs autoportraits en saint Sébastien avant de les traduire en peintures[42].
Tout au long duXXe siècle, de nouveaux écrivains homosexuels et bisexuels reprennent la figure de saint Sébastien. Le martyr joue ainsi un rôle important dans la vie du poète espagnolFederico García Lorca[43]. On le retrouve ensuite chezTennessee Williams, qui publie notamment un poème intituléSan Sebastiano de Sodoma (1958), dans lequel le martyr est présenté comme l'amant deDioclétien[44]. Par la suite, Williams choisit également de prénommer Sébastien le héros homosexuel deSoudain l'été dernier (1958)[45]. L'écrivain japonaisYukio Mishima est quant à lui fasciné par le portrait de saint Sébastien, depuis sa découverte, à l'adolescence, d'une reproduction du martyr parGuido Reni. Non seulement cette découverte est un moment important de son autobiographie,Confession d'un masque (1949), mais elle pousse par ailleurs l'écrivain à se faire photographier sous les traits du saint en1968[46].
Par la suite, la figure de saint Sébastien est encore utilisée par une multitude d'artistes homosexuels, parmi lesquels on peut nommer le couple de photographes françaisPierre et Gilles.
On trouve donc dans les représentations contemporaines du saint une mise en avant de thèmes tels que la sensualité et l’homosexualité. En effet comme l’explique l’expert en sexologie Igor Kon : « There is even an opinion that this saint has been homosexual. St. Sebastians has attracted the attention of sexual minority groups and there has been evidence to this »[47].
Mosaïque de labasilique Saint-Apollinaire-le-Neuf (Ravenne, Italie), datée entre 527 et 565. Elle représente un cortège de 26 martyrs, dirigé par saintMartin et incluant saint Sébastien. Les martyrs sont représentés en style byzantin, dépourvus de toute individualité, et tous dotés d’une expression identique ;
Mosaïque de l’église Saint-Pierre-aux-Liens àRome, 682. Sébastien y est barbu, vêtu d'une armure d’or sur une tunique brodée, et tient à la main une couronne gemmée.
Peinture deBenozzo Gozzoli,Scènes de la vie desaint Augustin, 1465, église San Agostino à San Gimignano. Sébastien y abrite les habitants de la ville sous son manteau déployé, soutenu par des anges, contre les flèches de la peste lancées du haut du ciel par Jésus. Le rapprochement s'impose ici avec la Vierge de Miséricorde ;
D'autres représentations de saint Sébastien par Guido Reni parmi les sept qu'il a peintes, sont exposées à Gênes (Palazzo Rosso, 1618) et Madrid (musée du Prado, 1618) ;
Peinture d'Antoine van Dyck,Les Préparatifs du martyre de saint Sébastien, vers1617-1618,musée du Louvre, Paris
Il est un des personnages centraux deFabiola (Fabiola ou L'église des Catacombes), écrit en 1854 par le cardinalNicholas Wiseman ;
DansLa Confusion des sentiments deStefan Zweig, une allusion est faite à l'homosexualité du professeur par le biais d'une représentation du saint. C'est l'un des nombreux indices semés par l'auteur tout au long de la nouvelle, dont l'homosexualité est le thème principal, sans jamais que le mot ne soit prononcé ;
DansLe Malfaiteur, deJulien Green, publié en 1956, le personnage principal, homosexuel, tente d'écrire un essai sur l'iconographie de Saint Sébastien.
Dans son livreConfessions d'un masque,Mishima évoque un tableau deGuido Reni qui éveille le narrateur à sa sexualité. L'auteur lui-même s'est fait photographier dans la posture du martyr.
La vie de saint Sébastien a également fait l’objet, en1976, d’une libre adaptation filmée de Paul Humfress etDerek Jarman,Sebastiane, entièrement tournée enlatin et qui aborde le thème de l’homosexualité ; le saint est joué parLeonardo Treviglio ;
Saint Sébastien percé de flèches apparaît dans plusieurs œuvres :
En 1943, dans le filmVaudou (I walked with a Zombie), réalisé parJacques Tourneur, saint Sébastien est représenté dans le jardin des Hollands, et c'est également le nom de l'île fictive dans les Caraïbes où se déroule la scène ;
en 1991, dans l'épisodeSéparés par l'amour (Bart's Friend Falls in Love) de lasaison 3, après queMilhouse et Samantha Stanky aient été découverts enlacés, par le père de cette dernière, elle est transférée de l'École élémentaire de Springfield à l'écoleSaint Sebastian's School for Wicked Girls ;
en 2005, dans l'épisodeLe Père, le Fils et le Saint d'esprit (Father, Son and Holy Guest-Star) de lasaison 16, une version très libre du martyre de saint Sébastien est racontée dans un livreLa Vie des saints en bande dessinée lu parBart Simpson en cachette pendant un cours de catéchisme ;
En 1993, le chanteur Devin Townsend incarne cette figure sur la pochette de l'albumSex & Religion de Steve Vai ;
En 1994, dans le filmBlown Away avecTommy Lee Jones, l'image de saint Sébastien apparaît plusieurs fois, à travers des symboles (flèches) ou une statue ;
En 1994, dans le clip deZombie desCranberries, la chanteuseDolores O'Riordan, est accolée à un arbre, entourée de petits archers, dans une scène clairement inspirée par le martyre de saint Sébastien ;
En 1996, dans le film canadienLes Feluettes (Lilies), on assiste à la répétition d'une pièce de théâtre rejouant le martyre du saint qui tient une place prépondérante dans le scénario, les thèmes et l'iconographie.
↑Karim Ressouni-Demigneux, « La personnalité de saint Sébastien : exploration du fonds euchologique médiéval et renaissant, du IVe au XVIe siècle »,Mélanges de l'école française de Rome,,p. 568(lire en ligne)
↑Karim Ressouni-Demigneux, « La personnalité de saint Sébastien : exploration du fonds euchologique médiéval et renaissant, du IVe au XVIe siècle »,Mélanges de l'école française de Rome,,p. 574(lire en ligne)
JacquesDarriulat,Sébastien le renaissant : Sur le martyre de saint Sébastien dans la deuxième moitié du Quattrocento, Paris, Lagune,, 253 p.(ISBN2-909752-07-0)
KarimRessouni-Demigneux,Saint Sébastien, Paris, éd. du Regard, coll. « L'art du regard »,, 79 p.(ISBN2-84105-118-8)
KarimRessouni-Demigneux,La Chair et la flèche : Le regard homosexuel sur saint Sébastien tel qu'il était représenté en Italie autour de 1500, mémoire de maîtrise de l'université Paris-I,(lire en ligne)
Joël Meyniel,Saint Sébastien et le symbolisme dans l'archerie traditionnelle, éditions Emotion primitive, 2006
Michel Borsotto, Bernadette Griot,La Chapelle Saint-Sébastien de Coaraze, L'Amourier éditions 2015(ISBN978-2-36418-027-7) en vente à l'office de tourisme de Coaraze. Les peintures ésotériques de la voûte intriguent.