Lesacre est une cérémonie religieuse qui se déroule dans une cathédrale conférant à un individu un caractère sacré (parfois même divin), le distinguant ainsi des autreslaïcs. Cette sacralisation la rend ainsi distincte ducouronnement qui est l'acte civil qui met le dernier sceau au contrat politique passé entre le prince et le peuple. Seules quelques monarchies sacrales actuelles (Royaume-Uni,Japon) ont gardé cette coutume.
Les Français ont tendance à se référer au sacre d'un roi, tandis que les Anglais parlent en général de son couronnement (coronation), à la manière des Allemands (die Krönung, quoique les Allemands mentionnent plus volontiersdie Weihe que les Anglaisthe consecration outhe sacring)[1].
Au sens littéraire du terme, selon la définition du dictionnaireLarousse[2] le sacre est une « cérémonie religieuse pour le couronnement des rois, des empereurs ». Cependant, cette définition semble trop restrictive : comme l’a montré Jean Birot dansLe Saint-Empire (du couronnement de Charlemagne au sacre de Napoléon) en 1903[3] , le sacre est aussi à définir comme un moyen d’articulation entre les pouvoirs temporel et spirituel (articulation notamment entre le Pape et l’Empereur) prenant en compte des considérations morales et politique : le sacre est donc à la fois un cérémonial mais au-delà, un moyen d’affirmation et d’articulation politique qui était tout à fait non négligeable. Jean Birot montre que dans le cadre de Napoléon, ce dernier insista fortement sur l'aspect des traditions de l'antiquité et du Moyen Âge pour créer une « monarchie universelle ». En outre, et selon les propos de David Chanteranne dans son ouvrageLe Sacre de Napoléon[4], le couronnement, à la différence du sacre, ne dépend pas de l’autorité du pouvoir religieux, tandis que le sacre, lui, y est intimement lié.
Au milieu duVIIIe siècle, c'est lemaire du palais Pépin le Bref, fils deCharles Martel, qui inaugura la pratique du sacre religieux pour les rois de France ; au préalable, il voulut s'assurer du soutien de la plus haute autorité spiritiuelle de l'Occident : lepape. Il envoya d'abordBurchard,évêque de Wurzbourg, etFulrad, l'abbé de Saint-Denis en ambassade auprès du papeZacharie. Celui-ci répondit que l'ordre divin était troublé car le maire du palais disposait de la réalité du pouvoir alors qu'il n'en avait pas la légitimité. Les derniers rois mérovingiens n'exerçaient en effet plus aucune autorité effective (image d'Épinal desrois fainéants).
L'Église affirme alors qu'elle doit donner la légitimité du pouvoir par le rituel du sacre. Le modèle est l'onction que reçut le roiDavid parSamuel dans l'Ancien Testament. Le sacre de Pépin le Bref eut lieu en mars751 àSoissons où « les évêques présents l’oignirent du saint chrême » en plusieurs endroits du corps. L'élection par le peuple et les grands (aristocrates) du royaume demeure, mais avec les successeurs carolingiens, elle perd de son importance.
En échange de son accord de principe, lepape avait espéré l'appui armé du carolingien face aux menaceslombardes. En753, le papeÉtienne II est contraint de se réfugier en Gaule où il demande l'intervention de Pépin le Bref. Ce dernier lui donne alors la promesse d'une intervention armée contre les Lombards. En échange, le pape lui confère le titre de « patrice des Romains » (c'est-à-dire protecteur de Rome) et le sacre une seconde fois àSaint-Denis le. Cette fois-ci, les deux fils de Pépin dont le futurCharlemagne sont sacrés des mains même du pontife qui bénit aussi Berthe, l'épouse de Pépin. Par la suite, Pépin Le Bref tient sa promesse et engage plusieurs expéditions en Italie. Les territoires abandonnés par les Lombards forment ladonation de Pépin qui constitueront l'embryon desétats pontificaux, le temporal de Saint-Pierre.
Le sacre de Pépin le Bref a plusieurs implications fondamentales :
un changement dynastique : les Carolingiens règnent en France jusqu'en987. Le dernier roi mérovingien,Childéric III, est enfermé dans un monastère.
les Carolingiens ont obtenu le soutien du pape et de l'Église. Ils doivent en retour assurer leur défense.
avec le sacre de 754, toute la dynastie carolingienne est sacrée.
par le sacre, le roi se trouve au-dessus de tous les autres laïcs.
Sous l’empire carolingien, l’élection est tombée en désuétude, sans pour autant disparaître : elle est rappelée lors du sacre par une acclamation, mais elle n’est plus qu’une formalité. Lecouronnement impérial, remis à l'ordre du jour par Charlemagne en800, est distinct du sacre. Il a lieu en général à Rome, en présence du pape.
Le rituel du sacre ne se fixa que progressivement : la description des gestes et des paroles prononcées au cours du sacre se nommeordo. Les clercs en ont rédigés plusieurs :
ordo de saint Louis (XIIIe siècle) : remise deséperons et d'une épée en présence des 12pairs de France. Les acclamations du peuple présent dans la cathédrale de Reims remplacent l'ancienne élection. Baiser de paix. Au cours du sacre, le roi reçoit ses insignes de pouvoir (regalia). Si le roi est marié, le sacre de la reine a lieu juste après.[réf. nécessaire]
Josef J. Schmid,Sacrum Monarchiae Speculum – der Sacre Ludwigs XV. 1722: monarchische Tradition, Zeremoniell, Liturgie, Éd. Aschendorff, Munster 2007,(ISBN3-402-00415-1).
↑GeorgesBlondel, « Jean Birot. — Le Saint-Empire (du couronnement de Charlemagne au sacre de Napoléon). — Paris, Lecoffre, 1903 »,Revue internationale de l'enseignement,vol. 46,no 2,,p. 369–370(lire en ligne, consulté le)