Robert Lotiron naît en 1886 au 59,rue de Richelieu àParis, ses parents étant Rémy Lotiron (mort en 1930), négociant en dentelles et peintre amateur, originaire d'une famille de l'Allier établie àFontainebleau, et son épouse née Émilie Guillard, d'ascendancemâconnaise, fondatrice d'un magasin de modeavenue de l'Opéra[2]. En 1894, il apprend le jeu du violon, instrument dont il restera familier plus tard en continuant de le pratiquer honorablement au sein de quatuors d'amateurs[3]. Destiné à la reprise de l'affaire de négoce paternelle, Robert Lotiron effectue sans passion des études à cette fin en Angleterre de 1901 à 1903, l'attirance pour l'art qui sourd en lui étant issue, bien plus que des loisirs picturaux du père, de l'admirable collection impressionniste découverte chez le chirurgien-dentiste de la famille, le docteurGeorges Viau[4], installé au 47,boulevard Haussmann[3].
LaPremière Guerre mondiale voit en 1914 l'affectation de Robert Lotiron, dans laSomme et dans l'Oise (Noyon), au service automobile chargé du transport du matériel et de l'acheminement des combattants. Ses dessins d'alors se refusent à toute évocation apocalyptique : plutôt que« la description de l'horreur et plutôt que regarder la mort en face, Lotiron dessine les gestes quotidiens (lire, manger, nettoyer), les attitudes naturelles, la vie du régiment, comme s'il s'accrochait aux moindres preuves d'humanité. Les têtes sont songeuses, les teintes peuvent s'assombrir, mais on ne plonge pas dans le cauchemar. L'artiste-soldat reste un observateur fin et doué, sûrement pressé de retrouver de beaux sujets ». Plus tard, Lotiron dira :« libre d'engagement, je peins pour mon plaisir et mon tourment »[8].
En 1919, selon Basler, Robert Lotiron évolue vers un "naturalisme spiritualisé". Il intègre les artistes permanents de la galerie Marseille àParis, qui sontJean-Louis Boussingault,André Dunoyer de Segonzac etLuc-Olivier Merson avec qui il va être perçu, par le refus partagé dufauvisme ou, un peu plus tard en 1924, dusurréalisme, comme constituant les suiveurs du groupe de laBande noire. Définissant Robert Lotiron comme un« cubiste de charme », Gérald Schurr voit chez lui, plutôt que l'exemple deLouis Marcoussis, celui deGeorges Braque dans« la manière de fragmenter, d'insérer et d'approfondir les surfaces, de décomposer l'objet, d'ordonner ses compositions sur les thèmes des quais et des ponts de Paris »[9]. Claude Roger-Marx, pour sa part, ne manque pas de souligner la prédilection de l'artiste pour les petits formats :« Sentant qu'il était possible d'exprimer le meilleur de lui-même sur une surface limitée, Lotiron a concentré ses dons charmants dans des petitspaysages animés où son sens de la composition et de l'harmonie triomphe »[10].
Outre la capitale, les tableaux qu'il brosse autour de 1920 énoncent les habitudes estivales de Robert Lotiron dans la maison familiale deVillennes-sur-Seine : cette part de son œuvre restitue différents aspects du village, des communes environnantes (Orgeval,Poissy,Migneaux, Breteuil) et des travaux des champs. S'il reste également fidèle à la Bretagne, à laNormandie (en particulier le port deDieppe où il effectue un long séjour en 1921) et bien entendu à la ville de Paris, sa curiosité de sujets nouveaux le fera plus tard séjourner àMajorque (1924), enItalie et enEspagne (de 1933 à 1935), àIstanbul (1938)[5], offrant à Waldemar-George -qui le qualifie aussi de peintre "naïf"- d'écrire à son propos dès 1926 :« je ne me lasse pas de le redire, un des meilleurs paysagistes de notre temps »[11].
De 1940 à 1945, Robert Lotiron rejoint sa famille àRueil-Malmaison où il peint tant les bords de la Seine que la campagne et les communes environnantes. Il réalise alors également un carton de tapisserie pour laManufacture des Gobelins et expérimente le travail sur porcelaine pour laManufacture de Sèvres[3]. Il est élu vice-président duSalon d'automne en 1945. En 1948, il aborde la lithographie en couleurs, sa méthode alors étant de reprendre une toile antérieure pour la réinterpréter sur la pierre dans une gamme de tons restreinte. Claude Roger-Marx évoque en ces lithographies« des réussites exceptionnelles, comme dans laNature morte au pichet faite d'un bleu lavande, d'un vert clair et d'un rouge-brique, comme encore laNature morte à la lanterne, faite d'un bleu, d'un rouge, d'un jaune et d'un vert »[12].
Jusqu'en 1965, Robert Lotiron se partage entre des retours en Bretagne (Plouha,Saint-Servan) et en Normandie (Barfleur,Granville,Dieppe), il va peindre les ports desPays-Bas et trouve cependant à rester fidèle à Paris. En 1966, l'artiste accepte l'invitation qui lui est faite de participer à la Quinzaine d'art en Quercy, àMontauban. Malade, il meurt le, un mois avant l'inauguration de l'exposition où il était attendu. Le qui suit, lors de l'assemblée générale du Salon d'automne, c'est à son confrèrePierre-Eugène Clairin qu'il revient de lui rendre hommage en évoquant le tempérament« résolu et passionné »[13] de Robert Lotiron, appelé dans sa postérité à demeurer perçu comme ayant été, avecHenri Le Fauconnier,Henri Hayden etPaul-Élie Gernez, de ces artistes qui, sans être les fondateurs ducubisme, en reçurent la fascination, puis s'en libérèrent tout en en conservant le sens affirmé de la forme[14].
Almanach de cocagne pour l'an 1921, dédié aux vrais gourmands et aux francs-buveurs, variété du calendrier gastronomique du maître-queux et écrivain culinaireÉdouard Nignon, les douze mois étant accompagnés de gravures originales sur bois de douze artistes différents dont Robert Lotiron, Éditions de La Sirène, 1921.
Id., Éditions de la Sirène, 1922.
Les Parallèles n°3, poème d'Henry Bataille, textes de Marc-Henri et premier chapitre inédit du livre deFernand FleuretHistoire de la bienheureuse Raton, fille de joie, portrait de Fernand Fleuret parAlice Halicka, illustrations, motifs décoratis et lithographie originale de Robert Lotiron, gravure sur cuivre parRoger de Valerio, Art et Médecine,.
Guy de Maupassant (préface deRené Dumesnil),L'inutile beauté, illustré de cinquante-cinq dessins et de huit hors-texte exécutés au pochoir par Robert Lotiron, en fin de volume suite de huit gravures sur Velin d'Arches par Robert Lotiron, tome VIII des œuvres complètes dee Guy de Maupassant, Librairie de France, 1936.
Robert Lotiron,Dix estampes originales, présentation deJean Alazard (deux eaux-fortes dans les six pages de texte), quatre eaux-fortes et six lithographies originales sous cartonnage à rabat, chaque estampe numérotée et signée, cent exemplaires sur vélin pur fil de Lana, collectionLes maîtres de l'estampe française contemporaine, Éditions Rombaldi, 1946.
Francis Jammes,L'Angelus de l'aube et l'Angelus du soir, soixante-quatorze lithographies originales de Robert Lotiron, Éditions M. Sautier, Paris, 1947.
Philippe Chabaneix,Musiques nouvelles, trente-deux lithographies originales de Robert Lotiron, deux cents exemplaires numérotés, Les Pharmaciens bibliophiles, 1958.
« Robert Lotiron ne ressemble qu'à lui-même ; la franchise de ses accents, la qualité de sa matière lisse et grasse, la justesse de ses valeurs le mettent hors de pair. » -Louis Vauxcelles[28].
« Des peintres paysagistes modernes, Lotiron est celui qui a le sens le plus juste des mesures harmonieuses. » -Waldemar-George[29]
« Lotiron est maître de sa couleur à laquelle il donne sa qualité et son poids dans la forme, depuis les tons vibrants et nourris des jours ensoleillés jusqu'aux tons fluides et légers des temps de pluie. Il est maître de sa composition dans l'expression même. Il est, enfin, acquis à la lumière qu'il étage en harmonies puissantes et volontaires. » - Charles Fegdal[30]
« Sans à-coups, sans ratés, Lotiron progresse et fortifie de plus en plus ses dons. Personne ne sait comme lui jouer des blancs, agencer des verts dont l'intensité n'aboutit jamais à l'aigreur ; et il arrive à rendre tout l'azur d'un ciel d'été, sans user de ces bleus durs et opaques que certains paysagistes feraient mieux de laisser aux lessiveuses. Il n'est pas une toile de Lotiron qui n'ait son parfum, ne respire l'odeur du jour et de l'heure où elle a été exécutée. À elles seules, les petites figures que l'artiste dispose dans ses tableaux suffiraient à prouver son talent. Bien que réduites à une silhouette, elles sont d'une vérité étonnante, n'ont rien du mannequin inerte et complaisant. Il ne faudrait pas négliger, enfin, les nus que Lotiron a mêlés à ses paysages. On devinait que l'envie de peindre la figure le tenait. On peut assurer à l'artiste qu'il est parvenu, en ce domaine, à une maîtrise qu'il s'est acquise comme peintre de paysage. » -François Fosca[15]
« Rien n'est plus savoureux que la touche large et grasse de cet amoureux manieur de pâte pour construire, par plans simples et nets sans sécheresse, qu'il plante son chevalet à Dieppe ou àDordrecht, à Chatou ou àGrenelle, ou qu'il évoque les scènes de moissons et de vendanges dont les grandes dimensions ne compromettent jamais ni la fraîcheur ni le style qui assurèrent le juste succès de ses petits paysages. » -George Besson[31]
« Lotiron ne garda qu'un sens toujours net des plans lumineux, mais il les traduisit avec une finesse aiguë d'observation. » -René Huyghe et Jean Rudel[32]
« Son amitié pour Roger de la Fresnaye l'oriente pour un temps vers lecubisme : cette exégèse linéaire marquera de manière indélébile ses paysages lorsqu'il se tournera plus tard vers un réalisme impressionniste. » -Gérald Schurr[33]
↑a etbPatrick-F. Barrer,L'histoire du Salon d'automne de 1903 à nos jours, Éditions Arts et Images du Monde, 1992. En pages 203-205, le détail des œuvres envoyées par Roger Lotiron au Salon de 1910 à 1965.
↑a etbCollectif,Un siècle d'art moderne. L'histoire du Salon des indépendants, Denoël, 1984.
↑René Arcos, « L'Exposition internationale de Genève »,L'Amour de l'art, 1921,pp. 85-93.
↑ Comité Montparnasse,Exposition de peintres et sculpteurs de l'École de Paris, catalogue vendu au profit des œuvres des 14e et 6e arrondissements, juin 1951.
Jacques Lethève et Françoise Gardey,Inventaire du fonds français après 1800, tome quatorzième, Bibliothèque nationale - Département des estampes, 1967(consulter en ligne,pp. 482-494).
Catherine Puget et Daniel Morane,L'estampe en Bretagne, 1889-1960, Éditions du musée de Pont-Aven, 2006.
Michel Charzat,La Jeune peinture française, 1910-1940, une époque, un art de vivre, Hazan, 2010.
Sous la direction de Chantal Duverget (préface dePierre Daix, textes de Valérie Pugin,Alain Girard et Sophie Bernard,George Besson, itinéraire d'un passeur d'art, Somogy Éditions d'art, 2012.
Isabelle Collet et Marie Montfort,L'école joyeuse et parée - Murs peints des années 30 à Paris, collection « Petites capitales - Histoire de l'art », Éditions Paris Musées, 2013.
Colette Bal-Parisot,Peindre la banlieue de Corot à Vlaminck, 1850-1950, Éditions du Valhermeil, 2016.