SelonPindare,Hélios, leSoleil, est le premier à voir l'île sortir des eaux et la trouve si belle qu'il la prend sous sa protection. Quelque temps après, il s'unit à unenymphe locale appeléeRhodé qui lui donne sept fils et une fille.Kerkafos(en) ou Cercaphus, le deuxième fils, devient père de trois enfants, trois garçons dont les noms sontCamiros,Ialissos etLindos, qui fondent les trois premièrescités de l'île[2].
Les descendants d'Hélios sont les Héliades, mais d'aprèsStrabon, avant eux l'île aurait porté les noms d'Ophiusse (« île aux serpents »), de Stadie puis de Telchinis (« île desTelchines », divinitésendémiques du lieu).
Laville de Rhodes est située à l'extrémité nord de l'île, emplacement des ports commerciaux antiques et modernes. L'aéroport principal[5] est situé à 14 kilomètres au sud-ouest de la ville, à Diagoras.
En dehors de la ville de Rhodes, l'île est parsemée de petits villages et stations balnéaires, dontFaliráki,Lindos,Afántou, Kremasti, Haraki, Pefkos, Archangelos, Afantou, Koskinou,Kiotári, Lalyssos,Embona (Attavyros), Paradisi et Trianta (Ialysos).
Rhodes a subi de nombreuxséismes au cours de son histoire. Parmi les plus importants, on peut noter celui de 227 ou qui a détruit le célèbrecolosse de Rhodes, et celui du qui a détruit une grande partie de laville de Rhodes. Dans l'histoire récente, on se souvient des séismes qui ont frappé l'île le et le, ce dernier d'unemagnitude de 6,3.
Selon les sources antiques, l'île était initialement peupléede Lélèges et de Pélasges et les artefacts montrent qu'elle se trouvait dans la sphère d'influence de lacivilisation minoenne et avait des échanges avec l'Anatolie et l'Égypte antiques. L'hellénisation commence au milieu duXIe siècle av. J.-C. avec l'arrivée d'hypothétiques « Doriens »[7] qui auraient assimilé les populations antérieures. L'île connut une période de prospérité et de puissance dès lapériode archaïque. Les anciens appelaient l'îleAtabyria, à une époque oùZeus est surnomméAtabyrios sur l'île, dont il est la plus ancienne divinité. Les trois principales cités de Rhodes à cette époque étaient :Lindos sur la côte méditerranéenne de l'île,Camiros ou Kamiros etIalyssos sur lamer Égée.Camiros fut la première à frapper sa monnaie.
Naissance de la cité-État et émergence de la puissance rhodienne (470-228)
Elle rejoint en laligue athénienne et reste une puissance mineure durant cette période. Sous supervision d'Athènes jusqu'alors, Lindos, Camiros et Ialysos s'en détachent à la suite d'une rébellion en En ou, ces trois cités s'unirent pour former lacité-État de Rhodes, peut-être sous la supervision d'Hippodamos[8].
En, à la suite d'une révolte, Rhodes passe sous l'influence du roiMausole deCarie. On ne sait plus ensuite ce qui arrive à la cité jusqu'à sa conquête parAlexandre le Grand en
À la mort d'Alexandre en, l'île retrouve son autonomie et expulse sa garnisonmacédonienne, puis entretient des relations commerciales étroites avec le royaumeégyptien desLagides. Sa prospérité économique est très importante : ses vins sont exportés jusque dans les cités grecques duPont Euxin, comme le montrent de nombreuxtimbres amphoriques. Pendant lesguerres des Diadoques, l'île résiste ausiège queDémétrios Poliorcète leur a fait subir en, qu'elle commémore par l'édification d'unestatue colossale qui s'effondre77 ans plus tard lors du tremblement de terre de
Rhodes est aussi connue pour sa maîtrise des arts et notamment de la sculpture. Elle rayonne notamment grâce àCharès de Lindos (artiste à l’origine duColosse de Rhodes)[12], ou la statue duGroupe du Laocoon, réalisée par Hagésandros, Anthanadoros et Polydoros, tous artistes rhodiens[13].
Militairement, Rhodes participe à laseconde guerre de Syrie contre les Lagides, afin de brider leur puissance et permettre d'éviter l'apparition d'une puissance hégémonique dans la région. Si cette décision nuit à court terme aux revenus de la cité, il apparaît qu'elle s'en remet très vite[14].
Rhodes face au séisme et à ses conséquences (228-188)
En unséisme frappe lourdement la cité : le Colosse se fracture et tombe. Les murailles et les arsenaux sont, entre autres, détruits. Ce qui aurait dû être un désastre pour Rhodes se transforme pourtant en un immense gain de puissance grâce à la réaction rapide des grandes puissances hellénistiques qui investissent massivement pour la restauration de la cité.
En plus des dons matériels, la cité de Rhodes reçut des exemptions de droit dans les ports syracusains et séleucides. Ces avantages étaient en réalité plutôt profitables aux bienfaiteurs puisque cela leur permettait d'ouvrir leur commerce grâce à la puissance rhodienne. Le séisme qui a frappé Rhodes fut en réalité l'occasion pour les royaumes alentour d'affirmer leurs partenariats économiques avec la cité ou bien de développer et renforcer leurs relations grâce à l'évergétisme.
Durant cette période, Rhodes joue également un grand rôle contre lapiraterie qu'elle combat activement. Elle est d'autant mieux reconnue pour cela que les autres puissances hellénistiques, notamment les Lagides, lui ont délégué ce rôle contre rémunération et ne s'investissent pas dans ce combat. Ce rôle conduit à une guerre maritime entre Rhodes et laCrète, île connue pour sa large pratique de la piraterie.
La flotte rhodienne acquiert par conséquent une grande réputation qui lui vaut d'être appelée à l'aide en contreByzance[22] qui voulait mettre en place un péage dans le détroit duBosphore. Cette guerre révèle les nombreux liens diplomatiques qu'a tissés Rhodes : elle appelle à ses côtés laBithynie et les Lagides, lui permettant de signer un traité de libre circulation dans le Bosphore sans même déployer son armée.
Par la suite Rhodes participe à plusieurs négociations de traités de paix notamment entre Ptolémée etAntiochos. Ce rôle de diplomate permet à Rhodes d'exercer une grande influence dans la région.
Les institutions rhodiennes sont peu connues mais Diodore a décrit Rhodes comme étant la cité grecque la mieux gouvernée[23]. La cité de Rhodes est une démocratie. Elle possède une Ecclésia, c’est-à-dire une assemblée composée des citoyens de la cité. Le rôle de cette assemblée est de discuter, d’étudier les textes proposés par le Conseil et de les voter à mains levées. Elle se réunit une fois par mois au théâtre.
Le Conseil, élus par les membres de l’assemblée pour six mois, a plusieurs fonctions. Comme dit précédemment, il prépare les textes discutés à l’assemblée. Il gère aussi les affaires courantes, la diplomatie de la cité et peut avoir des fonctions judiciaires. Le Conseil est dirigé par cinqprytanes, élus eux aussi par les membres de l’assemblée pour six mois. Les prytanes ont aussi des pouvoirs militaires.
En ce qui concerne la justice, la cité a des jurés indemnisés qui rendent la justice. La justice rhodienne a d’ailleurs une très bonne réputation dans le monde grec[24].
En, la bataille d'Apamée, opposant les Romains, Pergame, la Macédoine et Rhodes contre les Séleucides d'Antiochos III, s'achève par unevictoire romaine. L'Asie Mineure est libérée de l'influence séleucide, et les alliés de Rome obtiennent d'importantes récompenses. Rhodes obtient laCarie et laLycie, étendant donc saPérée considérablement. Son territoire est d'une taille équivalent à celui d'un roi mineur, chose rarissime pour une cité.
De plus, l'influence reçue par cette victoire sur les cités grecques d'Asie Mineure est très importante, lui permettant une grande ingérence dans leurs affaires :Milet est par exemple quasiment co-gérée par Rhodes[25]. Rhodes devient un arbitre auprès des cités grecques, allant négocier la paix entre l'Étolie et les Romains, établir des alliances avec plusieurs cités, se présentant comme garante de la liberté grecque. L'apogée de ces relations diplomatiques est la recréation de laLigue des Insulaires dont elle prend la présidence comme seul chef véritable. Il s'agit d'une confédération d'États payant tribut à Rhodes et patrouillant contre les pirates. Cette ligue permet à Rhodes un champ d'opérations navales bien plus étendu, et une flotte beaucoup plus puissante[14].
Cependant Apamée n'a pas que des conséquences positives sur Rhodes. Si l'annexion de la Carie, depuis longtemps sous influence rhodienne, ne pose pas de problème, la Lycie, possédant déjà une forte identité (car regroupant auparavant une majorité de leurs cités dans une confédération), se voit comme alliée de Rhodes et non sujette. Cela provoque un refus de l'annexion et une rébellion permanente contre les Rhodiens dès Il faut à Rhodes d'importantes troupes et beaucoup d'argent pour la réprimer en
Mais cette révolte redémarre presque immédiatement grâce à la reconnaissance de leur statut « d'amis et d'alliés » par les Romains à la suite d'une ambassade lycienne à Rome. Ce revirement est dû à l'influence grandissante des Rhodiens dans la région, gênant les Romains. De plus Rhodes reste indépendante vis-à-vis de Rome, contrairement à Pergame, deuxième grande puissance de la région. La révolte n'est matée qu'en
Les actions romaines provoquent la montée d'un sentiment anti-romain très important ainsi que le rapprochement de la cité avec la Macédoine et les Séleucides pour faire barrage aux ambitions romaines dans la région. Ces mesures lui valent une forte hostilité romaine.
Lors de latroisième guerre macédonienne, Rhodes tente ainsi d'intervenir à Rome en faveur dePersée, ce qui conduit Rome à la considérer comme alliée des Macédoniens. Ainsi la défaite de Persée entraîne de très lourdes sanctions contre Rhodes : ils perdent la Carie et la Lycie, y compris les cités détenues avant Apamée. De plus la Ligue des Insulaires est dissoute, l'influence extérieure rhodienne très fortement réduite. Pour finir, la création du port franc de Délos détourne une partie du trafic maritime de la cité, provoquant une chute de ses revenus.
En, après de multiples ambassades, Rhodes obtient le pardon de Rome en signant une alliance, consacrant la diminution de l'indépendance de la cité. Afin d'éviter toute sanction, la cité suit à la lettre toute demande de Rome et requiert l'autorisation pour toute intervention extérieure, comme le montrent les ambassadeurs envoyés à Rome pour avoir l'autorisation d'importer du blé de Sicile ou d'annexer la cité de Calynda en Carie.
Militairement, Rhodes en est très affaiblie, Polybe rapportant les difficultés de l'île à affronter les Crétois en, et doit demander des fonds et de l'aide extérieure pour en sortir[26]. Enfin, le tremblement de terre de touche fortement la cité et lui fait abandonner la cité de Camiros. Elle sera redécouverte auXIXe siècle parAlfred Biliotti(en) etAuguste Salzmann et étudiée par des archéologuesdanois,français,anglais,italiens et grecs. Ces fouilles révèlent une culture orientalisante, exprimée notamment à travers uneorfèvrerie exubérante[27], assimilée dans un premier temps à de l’artphénicien[28].
Le statut de Rhodes s'améliore en, lors de l'offensive deMithridate VI suivi par de nombreuses cités d'Asie mineure. Rhodes reste fidèle à Rome et repousse le siège de Mithridate, lui permettant d'obtenir après la guerre le statut de ville libre et exempte d'impôts[29]. De plus, Rome n'ayant pas de flotte permanente dans la région, Rhodes reste importante pour fournir flotte et équipage en cas de besoin, et son savoir-faire naval reste très réputé.
Attaquée par lesArabes sousMuʿāwiya en 654, elle est occupée par eux en 673 et utilisée comme une base pendant lepremier siège deConstantinople en 674-678. Sa population s'expatrie alors sur le continent, enAnatolie. Après la paix de 678-679 entre l'Empire byzantin et leCalifat omeyyade, l'île est rendue à Byzance, ses habitants y reviennent et elle est rattachée authème desCibyrrhéotes.
Après laprise de Constantinople par lescroisés en 1204 et la dislocation de l'Empire, l'aristocrate localLéon Gabalas transforme l'île en État indépendant. Sa diplomatie consiste à garder l'équilibre entreVenise et l'empire de Nicée. En 1243, son frèreJean Gabalas lui succède. Les Génoisenvahissent Rhodes en 1248 mais en sont chassés deux ans plus tard par les Byzantins qui lui rendent le statut de province.
Ils fortifient la ville, construisant les impressionnantes murailles encore existantes. Une section du rempart construite au début duXIVe siècle est appelée « muraille des Juifs »[30]. En effet, l'assignation desJuifs (appelés « Rhodiotes ») à un quartier particulier (unghetto) est attestée dès l'époque hospitalière.
Dans la partie basse de la ville de Rhodes, leCollachium, les Hospitaliers construisent lepalais des grands maîtres et les « auberges », résidences organisées par « langues »[31], situées sur l'actuelle rue des Chevaliers, qui servaient aux Hospitaliers arrivant d'Europe de l'Ouest. Leur architecture est remarquable par ses volumes, par la beauté de la pierre, par les éléments demodénature tels que les caissons[32]. L'auberge de France a été restaurée parAlbert Gabriel à partir de 1910[33].
À son apogée, la communauté juive compte pour un tiers de la population totale de l'île[35].
À partir de 1936, la présencefasciste italienne sur l'île se fait plus oppressante. En 1938, leslois raciales fascistes sont appliquées mais la vie de la communauté juive continue sans trop de difficultés.
En 1943, les bombardements britanniques sur l'île commencent mais aucune mesure antisémite n'est encore imposée. Tout change le lorsque les Allemands, qui occupent l'île, décident de regrouper tous les Juifs de Rhodes dans une caserne. Les derniers Juifs séfarades de Rhodes sontimmédiatement déportés, le, pourLe Pirée puisAuschwitz-Birkenau[36] où ils sont exterminés à leur arrivée.
Placée sous protectorat britannique après lacapitulation allemande, l'île passe sous souveraineté grecque en 1948.
En 1961, Rhodes partage leprix de l'Europe avecSchwarzenbek. Elle voit ensuite le développement d'une importante industrie touristique, favorisée par celui du transport aérien. En 2022, deux millions et demi de touristes visitent l'île (pour130 000 résidents). Ce ratio de20 vacanciers pour1 habitant fait émerger la question dusur-tourisme[37].
La municipalité de Rhodes est le résultat de la fusion, en 2011, des dix anciennes municipalités de l'île, lesquelles deviennent des districts municipaux. Ils regroupent 43 villes et villages.
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