Pour les articles homonymes, voirAlibert.
Ne doit pas être confondu avecRaphaël Albert.
Garde des Sceaux, ministre de la Justice | |
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Nom de naissance | Henri Albert François Joseph Raphaël Alibert |
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Henri Albert François JosephRaphaël Alibert, né le àSaint-Laurent-Lolmie[1] (Lot) et mort le àParis7e[2], est unjuriste ethomme politiquefrançais d'extrême droite. Ministre durégime de Vichy, il a contribué à mettre en place unelégislation antisémite.
Fils de Auguste Alibert, propriétaire, et de Isabelle Picard, Henri Albert François Joseph Raphaël Alibert nait le 17 février 1887au lieu Estournel commune deSaint-Laurent-Lolmie, dans une vieille famille catholique traditionaliste duRouergue[1]. Il poursuit ses études auCaousou àToulouse, avant de rejoindre la faculté droit de Paris.
Monarchiste catholique[3], il participe aux troubles lors de laQuerelle des Inventaires, ce qui l'empêche de présenter des concours d'accès à la fonction publique. Juriste de formation, il soutient une thèse à la faculté de droit de l'université de Paris surLes Syndicats, associations et coalitions de fonctionnaires en 1909. Spécialiste dudroit administratif, il est nommé maître des requêtes auConseil d'État[4].
En 1917, il est chef de cabinet d’Henry Lémery, ministre dans legouvernement Clemenceau[4]. En 1924, il démissionne de son poste de maître de requête et travaille pour l'industrielErnest Mercier[4]. Proche d’Anatole de Monzie, il rejoint le Comité technique de la réforme d'État, créé parJacques Bardoux. Il continue d'enseigner à l'École libre des sciences politiques[5]. Il est membre du conseil d'administration originel duRedressement français[6] en 1927.Lucien Romier lui succède au secrétariat général du mouvement[7]. Il se présente sans succès auxélections législatives de 1928 dans l'arrondissement de Pithiviers[8],[9]. Intéressé par les idées deCharles Maurras, il est proche de l'Action française, mais, en raison de la condamnation de ce mouvement par le pape en 1926, il n'en fait pas partie[10]. En 1928, à la demande duduc de Guise, prétendant orléaniste à la couronne de France exilé à Bruxelles, il devient précepteur de son filsHenri[3] afin de lui enseigner ledroit et l'économie politique. Il écrit pour la revue du comte de Paris,Questions du Jour, en 1934. Il est invité à discourir aux dîners desAffinités françaises[4], en 1933 et en 1935[11],[12],[13],[14].
Il devient, sous leFront populaire en 1936, arbitre des négociations entre patronat et syndicats, pour les entreprises métallurgiques de la région parisienne[15]. Au milieu de 1937, recommandé par Henry Lémery, il devient proche dumaréchal Pétain[16], le conseille, entre autres, en matière de droit et de politique[17] et se vante d'en être le professeur[10]. Sa vision de la politique s'accorde avec celle de Pétain : selon l'historienneBénédicte Vergez-Chaignon, elle est« négative, voire méprisante […] ; avec une pointe de pessimisme hargneux »[10] et on trouve sous sa plume des propos tels que :« la politique est devenue un océan d'ordures. Malheureusement, elle est tout en France »[10]. Il considère aussi ladémocratie de la même manière :« Il y a très peu d'idées dans une élection […], il y a des préjugés, des passions, il y a des intérêts. »[10]
À la fin des années 1930, il est suspecté d’appartenir àla Cagoule[18], organisation terroriste d'extrême droite.
Lorsque Pétain, alorsambassadeur de France enEspagne franquiste, désireux de rentrer en France reprendre sa place[19] au Conseil supérieur de la Défense nationale[20], refuse la proposition deDaladier de rentrer dans songouvernement dès la déclaration deguerre, en et pensant à ses propres projets politiques[19], Alibert lui rend visite avec Henry Lémery[21].
Le, il devient directeur du cabinet civil du maréchal Pétain[22], nommé augouvernement Reynaud. Le, le maréchal est nomméprésident du Conseil (chef dugouvernement) par le présidentLebrun, Raphaël Alibert devientsous-secrétaire d'État à la présidence du Conseil où il succède àPaul Baudouin. Il est à l'origine de l'arrestation sur de fausses accusations, le, deGeorges Mandel, précédentministre de l'Intérieur redevenu parlementaire (donc jouissant de l'immunité)[23], hostile à la demande d'armistice. Sur interventions du président de la République,Albert Lebrun et des présidents duSénat et de laChambre des députés, Pétain est contraint de recevoir Mandel, lequel lui fait rédiger, sous sa dictée, une lettre d'excuses[23]. Dans les journées séparant lademande d'armistice de sa signature, le, Alibert est très actif pour appuyer Pétain afin que le président de la République et le Gouvernement, en totalité ou en partie, ne quittent pas le territoire métropolitain pour l'Afrique du Nord ; utilisant même pour ce faire des méthodes fallacieuses (mensonges sur l'avancée des troupes allemandes à l'adresse du président Albert Lebrun, utilisation abusive du papier à en-tête du « maréchal de France » pour éditer une note ordonnant aux ministres de rester chez eux et de ne surtout pas quitter Bordeaux, attitude consistant à« parler à la place du maréchal ») afin, selon lui,« [de] sauver la légitimité exclusive de Pétain et [de préserver] ses chances ultérieures de prendre la direction du pays. »[24]
Au lendemain de la signature de l'armistice, Alibert obtient de Pétain l'entrée dePierre Laval au gouvernement[25]. Il l'appuie dans sa volonté de se débarrasser de la représentation nationale et propose avec lui de réunir le Sénat et la Chambre des députés enAssemblée nationale pour avoir l'approbation d'une révision constitutionnelle menant à l'abolition du présent régime, affirmant :« rien ne doit subsister de ce personnel parlementaire et maçonnique »[26]. Ce qui se traduit par levote des pleins pouvoirs constituants à Philippe Pétain, le, donnant lieu à laloi constitutionnelle établissant, avec lespremiers actes constitutionnels qui suivent, lerégime de Vichy. L'exposé des motifs et le texte de cette loi, proposés par Laval, portent la marque d'Alibert qui a participé à leur rédaction[27]. Lors des journées précédant le vote, Alibert s'emploie à faire barrage à un groupe de25 sénateurs désireux de présenter un projet concurrent à Pétain[28]. La paternité de la rédaction des deux premiers actes constitutionnels du par lesquels Pétain se désigne chef de l'État et fixe ses pouvoirs,abolissant de fait le régime républicain, est contestée[29]. Selon Alibert, Pétain en serait l'auteur principal, lui-même n'ayant procédé qu'à quelques retouches, selonPaul Baudouin, ministre des Affaires étrangères, Laval et Alibert en seraient les auteurs en dehors de toute consultation des autres ministres (bien qu'il indique dans ses Mémoires avoir conseillé Pétain sur ce sujet)[29]. À son procès, Laval désignera Alibert (alors en fuite) comme seul responsable[29]. Compte tenu des faibles connaissances juridiques du maréchal Pétain et du fait qu'Alibert est un juriste éminent conseillant Laval et Pétain depuis de nombreuses années, sa version consistant à minimiser sa participation est des plus douteuses[30].
Il est nommégarde des Sceaux dugouvernement de Vichy[31] du au et met en place avec son directeur de cabinet Pierre de Font-Réaulx[32] les premierstextes constitutionnels du régime de Vichy[30].
Il est à l'origine des textes de lois régissant l'organisation professionnelle sur un modèlecorporatif[33] ; la loi du, créant descomités d'organisation par branche de production, caractérisée par une tutelle importante de l'État et des dirigeants influents des différents secteurs, fait fonctionner l'économie française pendant la guerre et se« révélera impossible à supplanter par la suite »[33].
Début, il met en place laCour suprême de justice. À la même époque, Pétain, en principe responsable de la rédaction d'une nouvelle Constitution, le charge des travaux préparatoires, mais Alibert n'a que peu de temps à leur consacrer et, lorsqu'il quitte le gouvernement, son travail n'est pas retenu[34].
Le, il promulgue la loi de dissolution des « sociétés secrètes » (franc-maçonnerie et autres)[35].
Dès le début du régime de Vichy, le « statut » desJuifs est envisagé[36] ; ainsi, à leur propos, Alibert déclare le au ministre du Travail,Charles Pomaret :« Je prépare un texte aux petits oignons »[32],[37],[38]. Mais, le régime craignant une éventuelle incompréhension de l'opinion à« une législation ouvertement raciste[37] », les textes sont différés au profit de lois discriminantes pour les Français de naturalisation récente[37]. Ces lois visent implicitement et en premier lieu les Juifs venus d'Europe centrale naturalisés depuis moins de quinze ans[37]. Alibert fait donc réviser lesnaturalisations avec laloi du 22 juillet 1940 et le même jour, il crée une commission de révision des 500 000 naturalisations prononcées depuis 1927, ce qui entraîne un retrait de lanationalité pour 15 000 personnes dont 40 % deJuifs[37],[39],[40].
Toute une série de lois à caractèrexénophobe etantisémite, dites « lois Alibert »[41], sont également promulguées en plus de celle du :
Ces lois ont un but démonstratif, visant, par exemple pour les interdictions professionnelles, les secteurs que les tenants de la propagande antisémite décrivent comme« dénaturés par l'invasion juive »[42] et sont considérées comme une partie de la réponse à la« question juive »[42]. Parmi ces lois, celle du, abrogeant un décret-loi de 1939 (Décret-loi ditMarchandeau du)[43] contre la diffamation et l'injure envers les groupes raciaux ou religieux, redonne libre cours au déchaînement de l'antisémitisme[42].
Alibert fait partie des signataires dustatut des Juifs d'. Bien qu'il se défende d'avoir participé à sa rédaction, désignantMarcel Peyrouton (qui niera également après la guerre en être l'auteur, indiquant avoir simplement mis en forme le texte d'Alibert),Paul Baudouin évoque le« statut préparé par Alibert » » (dans son ouvrageNeuf mois au gouvernement, avril à, publié en 1948) et, selon le témoignage dePierre Gerlier, cardinal-archevêque de Lyon, Alibert« avait pris [en] entièrement à son compte la législation raciale et la jugeait opportune »[44].
Véritable mentor politique du maréchal Pétain[45] et faisant partie de sa« garde rapprochée »[46], il participe au renvoi dePierre Laval le[47].
L'expulsion contre leur gré de près de 100 000 Lorrains, mis dans des trains à destination deLyon par les hommes deJosef Bürckel, l'indigne profondément ; Alibert accueille avec émotion un convoi en gare de Lyon et est à l'origine du communiqué du dans lequel le gouvernement réfute la propagande nazie — cette dernière ayant affirmé le caractère volontaire de leur départ — et proteste contre cette violation des lois humaines les plus élémentaires[48],[49]. Le communiqué de Vichy est interdit en zone occupée, et Laval s'en excuse auprès des Allemands, se plaignant de l'antigermanisme intransigeant d'Alibert[48].
Fin 1940, un complot ministériel est ourdi dans le but d'écarter Laval des affaires. En effet, la politique decollaboration apparaît comme une impasse dans laquelle le ministre des Affaires étrangères entraine l'État français ; les proches de Pétain le jugent complaisant avec les demandes des Allemands et déplorent le manque de résultats sur laligne de démarcation, lesfrais d'occupation et leretour des prisonniers de guerre[50]. D'autre part,Marcel Déat conduit depuis Paris une campagne de presse contre les pétainistes (« un quarteron de doctrinaires abrités derrière le maréchal »), accusés de mener« la plus extravagante entreprise de réaction que la France ait jamais connue ». Alibert,« imbécile rejeté par le suffrage universel », est particulièrement visé. Ce faisant, Déat prépare les esprits à un remaniement ministériel au profit des fidèles de Laval[51].
Le garde des Sceaux est dans un premier temps tenu à l'écart des préparatifs par les conjurés, qui craignent son caractère emporté. Néanmoins, il est prévu de lui faire porter la responsabilité d'un éventuel échec, sa réputation sulfureuse decagoulard pouvant accréditer une telle accusation[52]. Raphaël Alibert, qui a eu vent des préparatifs, est mis dans la confidence le 13 décembre à 16h00 ; il s’engage à annuler l'acte constitutionnel n°4ter qui fait de Laval le successeur de Pétain[53]. Dès le début, il est partisan de l'exécution de Laval, maisMarcel Peyrouton s'y oppose, craignant un revirement tardif de Pétain[54]. Une heure plus tard, il commande augénéral de La Laurencie l'arrestation de Déat (« La maréchale arrive à la ligne de démarcation ; allez l’accueillir »), ce qui est effectif aux premières lueurs du jour[55]. Le soir venu, Alibert ordonne l'arrestation de Laval aucolonel Groussard qui force les appartements du ministre à l'hôtel du Parc avec ses Groupes de protection. Il appuie ledocteur Martin qui recommande le jugement immédiat de Laval au tribunal deGannat ou sa mise à mort ; toutefois,Bernard Ménétrel et legénéral Laure manquent de détermination[54]. Trois jours plus tard,Otto Abetz fait libérer Laval[56].
Le, Alibert est écarté du nouveaucabinet mené par l'amiral Darlan, qui souhaite relancer la politique de collaboration[57],[58]. En effet, son hostilité aux Allemands et sonnationalisme d'Action Française en font un obstacle non négligeable aux exigences nazies[59]. Le limogeage des artisans du coup du est un gage donné par Darlan aux Allemands, lui permettant de leur faire miroiter le retour prochain de Laval aux affaires[57]. Le renvoi d'Alibert marque également l'arrêt des réformes les plus ambitieuses de laRévolution nationale, les Allemands voyant d'un fort mauvais œil ce programme de redressement patriotique[60].
Après son départ du gouvernement, Alibert est réintégré auConseil d'État mais échoue à en obtenir la vice-présidence, y occupant une simple fonction de conseiller ; amer, il déplore l'aveuglement de Pétain et son entourage[57].
En 1945, lors de l'instruction de sonprocès, le maréchal Pétain, déclarant qu'« un chef de l'État ne peut pas tout connaître de ce qui se passe autour de lui […] » se défausse, entre autres, sur Alibert, lequel fait« figure de véritable tête de Turc[61] » et est l'objet d'une condamnation bien plus impitoyable de sa part queDarnand etLaval[61] bien qu'il ne fût resté que huit mois au gouvernement.
À laLibération, il fuit enBelgique[62]. Il est condamné à mort parcontumace, à ladégradation nationale à vie et à laconfiscation de ses biens le[63],[62]. Il est finalementamnistié en 1957[62].
Il décès à son domicile, 215 bisboulevard Saint-Germain dans le7e arrondissement de Paris, le 5 juin 1963[2],[62] et est inhumé dans la10e division ducimetière du Montparnasse.
Il est le petit-neveu du baronJean-Louis Alibert (1768-1837), créateur de l’Académie de médecine et médecin deLouis XVIII etCharles X[64].
Le 12 juin 1913,auditeur au Conseil d'État et résidant au 81rue Madame dans le 6e arrondissement de Paris, il se marie en premières noces à lamairie du 7e arrondissement de Paris avec Marie Marguerite Camille Chaudé, domiciliée au 215 bisboulevard Saint-Germain et vivent ensemble à cette adresse. Le divorce est prononcé par jugement du tribunal de la Seine le 29 avril 1948[65].
Le 17 octobre 1960, il épouse en secondes noces, sa première épouse Marie Marguerite Camille Chaudé toujours à la mairie du 7e arrondissement de Paris[1].
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
Raphaël Alibert | |||||
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Précédé par | Suivi par | ||||
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Gouvernement Pétain(16 juin - 10 juillet 1940) | |||||
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Sous la présidence deAlbert Lebrun | |||||
Ministre d'État, vice-président du Conseil | Camille Chautemps | ![]() Philippe Pétain Président du Conseil | |||
Ministre d'État | |||||
Justice | Charles Frémicourt | ||||
Défense nationale | Maxime Weygand | ||||
Guerre | Louis Colson | ||||
Marine marchande et militaire | François Darlan | ||||
Air | Bertrand Pujo | ||||
Affaires étrangères | Paul Baudouin | ||||
Intérieur | |||||
Finances etCommerce | Yves Bouthillier | ||||
Colonies | Albert Rivière | ||||
Éducation nationale | Albert Rivaud | ||||
Travaux publics etInformation | Ludovic-Oscar Frossard | ||||
Agriculture et Ravitaillement | Albert Chichery | ||||
Travail etSanté publique | |||||
Anciens combattants et Famille française | Jean Ybarnégaray | ||||
Transmissions | André Février | ||||
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(← REYNAUD) Gouvernement précédent •••• Gouvernement suivant (LAVAL V →) |
Gouvernement Laval V(16 juillet - 13 décembre 1940) | |||||
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Sous la présidence du chef de l'ÉtatPhilippe Pétain | |||||
Justice | Raphaël Alibert | ![]() ![]() Pierre Laval Vice-président du Conseil | |||
Finances | Yves Bouthillier | ||||
Affaires étrangères | Paul Baudouin | ||||
Ravitaillement etAgriculture | Pierre Caziot | ||||
Production industrielle etTravail | René Belin | ||||
Défense nationale | |||||
Intérieur | |||||
Instruction publique et Beaux-Arts | Émile Mireaux | ||||
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(← PÉTAIN) Gouvernement précédent •••• Gouvernement suivant (FLANDIN II →) |
GouvernementFlandin II(14 décembre 1940 - 9 février 1941) | |||||
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Sous la présidence du chef de l'ÉtatPhilippe Pétain | |||||
Affaires étrangères | Pierre-Étienne Flandin | ![]() ![]() Pierre-Étienne Flandin Vice-président du Conseil | |||
Justice | Raphaël Alibert | ||||
Finances | Yves Bouthillier | ||||
Présidence du Conseil | Paul Baudouin | ||||
Agriculture | Pierre Caziot | ||||
Production industrielle etTravail | René Belin | ||||
Défense nationale | Charles Huntziger | ||||
Intérieur | Marcel Peyrouton | ||||
Marine | François Darlan | ||||
Éducation | Jacques Chevalier | ||||
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