Il est le fils du révérend William Emerson, pasteurunitarien, et de Ruth Haskins, son épouse. Il est prénommé Ralph Waldo en souvenir de son oncle maternel Ralph et de son arrière-grand-mère paternelle Rebecca Waldo. Il est le second des cinq fils qui ont survécu jusqu'à l'âge adulte[2]. Trois autres enfants — Phebe, John Clarke et Mary Caroline — sont morts dans l'enfance[3]. Emerson était entièrement d'ascendance anglaise et sa famille était en Nouvelle-Angleterre depuis le début de la période coloniale[4].
William Emerson meurt d'uncancer de l'estomac le. Ralph est alors élevé par sa mère et d'autres femmes intellectuelles de sa famille, comme sa tante Mary Moody Emerson qui a eu une grande influence sur le jeune Emerson. Elle vit avec la famille de manière irrégulière et, par la suite, a maintenu une correspondance suivie avec Emerson jusqu'à sa mort en 1863.
Il commence ses études à laBoston Latin School à l'âge de 9 ans. À 14 ans, en, il est admis à l'Université Harvard et obtient une bourse d'études. Au milieu de sa première année, Emerson a commencé à tenir une liste de livres qu'il avait lus et a commencé un journal dans une série de cahiers qui s'appelleraient "Wide World"[5]. Il a occupé différents emplois pour couvrir ses dépenses scolaires, y compris comme serveur et comme enseignant occasionnel travaillant avec son oncle Samuel et sa tante Sarah Ripley àWaltham[6]. Emerson ne s'est pas particulièrement démarqué en tant qu'étudiant[7]. Au début des années 1820, Emerson est alors enseignant à la School for Young Ladies (qui était dirigée par son frère William). Il passera ensuite deux ans dans une cabane de la section Canterbury de Roxbury, dans leMassachusetts, où il écrivit et étudia la nature.
En 1826, Emerson part à la recherche d'un climat plus chaud pour des raisons de santé. Il part d'abord àCharleston, en Caroline du Sud, mais trouve le climat encore trop froid[5]. Il part ensuite plus au sud, àSaint Augustine, enFloride, où il fait de longues promenades sur la plage et commence à écrire de la poésie.Il y fait la connaissance du princeAchille Murat, neveu deNapoléon Bonaparte. Murat et Emerson deviennent alors amis et s'engagent dans des discussions sur la religion, la société, la philosophie et le gouvernement. Emerson considérait Murat comme une figure importante de son éducation intellectuelle[8].
À St. Augustin, Emerson est également confronté pour la première fois à l'esclavage. Il assiste notamment à une réunion de la Société biblique alors qu'une vente aux enchères d'esclaves a lieu dans la cour à l'extérieur.
Emerson a été accepté à la Harvard Divinity School en 1824[9], et a été intronisé àPhi Beta Kappa en 1828. Après l'obtention de son diplôme, Emerson aide son frère au sein de l'école pour jeunes filles qui est installée dans la maison de leur mère. Lorsque son frère part àGöttingen faire des études dethéologie, Emerson prend l'école en charge, ce qui assure l'essentiel de ses revenus pendant plusieurs années. En mai 1828, son plus jeune frère William, qui avait travaillé avec l'avocatDaniel Webster, est envoyé enpsychiatrie auMcLean Hospital. Bien qu'il ait retrouvé son équilibre mental, il meurt en 1834, apparemment d'une tuberculose[5]. Un autre des jeunes frères d'Emerson, Charles, né en 1808, mourut en 1836, également de tuberculose[5].
Emerson rencontre sa première femme, Ellen Louisa Tucker, à Concord, dans le New Hampshire, le jour de Noël 1827 et l'épouse en 1829[5]. Le couple déménage à Boston, avec la mère d'Emerson, Ruth, qui les accompagne pour prendre soin d'Ellen, qui était déjà malade de la tuberculose[6]. Emerson étudie également la théologie et devient pasteurunitarien, avant de démissionner après un conflit avec les dirigeants de l'église. Emerson a été ordonné pasteur le[5]. Son salaire initial était de 1 200 $ par an (équivalent à 28 811 $ en 2019), passant à 1 400 $ en juillet[5] en cumulant la fonction d'aumônier de la législature du Massachusetts et membre de l'école de Boston. À peu près à la même époque, il perd sa jeune femme,Elena Louisa Tucker, qui meurt de tuberculose en. L'année suivante, le, Emerson visite la tombe de sa défunte et ouvre le cercueil[5].
Après la mort de sa femme, ses désaccords avec les responsables de l'Église au sujet de l'administration du service de communion et ses doutes au sujet de la prière publique le conduisent à démissionner en 1832.
En1835, Emerson achète une maison àConcord, épouse Lydia Jackson, et devient rapidement une des personnalités de la ville où il fait la connaissance deHenry David Thoreau. À l'automne 1837, Emerson demanda à Thoreau : « Tenez-vous un journal intime ? » Cette question fut une source d'inspiration pour Thoreau durant toute sa vie.
Il publie anonymement son premier livre,Nature, en. Il y expose notamment que « ce qui est le plus "utile" à l'homme est de contempler la nature sans en déranger l'ordonnancement, pour y devenir une "pupille transparente" »[10].
Un an plus tard, le, il fait un discours désormais célèbre devant le clubPhi Beta Kappa : « The American Scholar(en) ». Son discours tiendra lieu de déclaration intellectuelle d'indépendance des États-Unis et recommande vivement aux Américains de créer leur propre style d'écriture, libéré de l'Europe.
Il participe avec quelques autres intellectuels à la fondation du magazineThe Dial dont le premier numéro sort en1840 pour aider à la propagation des idéestranscendantalistes.
Son œuvre se situe aux confluents de deux grandes traditions, lepuritanisme et leromantisme.
Emerson perd son fils aîné Waldo atteint descarlatine, en1842. Sa douleur lui inspire deux œuvres majeures : le poèmeThrenody et l'essaiExperience.
À partir de 1867, la santé d'Emerson commence à décliner et il écrit beaucoup moins dans ses journaux[11]. Dès l'été 1871 ou au printemps 1872, il commence à éprouver des problèmes de mémoire[3] et souffre d'aphasie[12].
Auprintemps 1871, Emerson fait un voyage sur le chemin de fer transcontinental, à peine deux ans après son achèvement. En chemin, il rencontre un certain nombre de dignitaires, dontBrigham Young lors d'une escale àSalt Lake City. Il profite de son passage enCalifornie pour visiter leparc national de Yosemite et y rencontreJohn Muir[13].
La maison d'Emerson à Concorde prend feu le. Il appelle à l'aide des voisins et renonce à éteindre les flammes tout en essayant de sauver autant d'objets que possible[5]. L'incendie a marqué la fin de carrière de conférencier d'Emerson ; à partir de là, il ne donnera des conférences que lors d'occasions spéciales et seulement devant un public familier[5].
Tombe d'Emerson.
Pendant la reconstruction de la maison, Emerson fait un voyage en Angleterre, en Europe continentale et en Égypte. Il part le 23 octobre 1872 avec sa fille Ellen et ils reviennent aux États-Unis le[5].
Il est élu membre associé étranger de l'Académie des sciences morales et politiques en 1877. Les problèmes de mémoire étant devenus embarrassants pour Emerson, il cesse ses apparitions publiques en 1879. Le, Emerson sort marcher, alors qu'il avait apparemment pris froid, et est surpris par une pluie soudaine. Il souffre alors d'une pneumonie[5] et meurt six jours plus tard le. Il est enterré aucimetière de Sleepy Hollow, àConcord. Il est placé dans son cercueil revêtu d'une robe blanche offerte par le sculpteur américainDaniel Chester French.
En tant que conférencier et orateur, Emerson — surnommé le« Sage de Concord » — devient la principale voix de la culture intellectuelle aux États-Unis de son époque.James Russell Lowell, rédacteur en chef de l'Atlantic Monthly et de laNorth American Review, a estimé dans son livreMy Study Windows (1871), qu'Emerson était « le conférencier le plus attrayant d'Amérique »[15].
Le travail d'Emerson a non seulement influencé ses contemporains, tels queWalt Whitman etHenry David Thoreau, mais également les penseurs et les écrivains aux États-Unis et dans le monde jusqu'à aujourd'hui[16]. Parmi les penseurs notables qui reconnaissent l'influence d'Emerson figurentNietzsche,Proust, etWilliam James, le filleul d'Emerson, etMaurice Maeterlinck.
Emerson avait une passion pour le génie deMontaigne et il dit un jour àAmos Bronson Alcott qu’il voulait écrire, comme lui, un livre« drôle, rempli de poésie, de théologie, de choses journalières, de philosophie, d’anecdotes, de scories ». CommeGoethe, Emerson cherche d’abord dans une « science » de la nature la réponse à la question sur la place de l’homme.
Une bonne part de ses intuitions lui viennent de son étude des religions orientales, notamment l’hindouisme, leconfucianisme et lesoufisme.
Parmi tous les penseurs qui peuvent aujourd’hui se réclamer d’Emerson, citonsJones Very,Stanley Cavell qui rapproche ce qu’il appelle le« perfectionnisme émersonien »[17] de la morale qui traverse certaines œuvrescinématographiques (que Cavell réunit dans le genre des« comédies de remariage »). Ceperfectionnisme du sujet politique, qui a pour caractéristique notable de ne pas êtreélitiste, influença encore profondément lenietzschéisme (Emerson fait partie des grandes lectures de jeunesse du fameux philosophe[18], dont leZarathoustra est un rustique raillant les savants et les connaisseurs purs).
Essais de philosophie américaine, trad. de Emile Montégut. Paris, Charpentier, 1851[19]Comprend :Confiance en soit, Art, Histoire, Amour, Amitié, Prudence, Héroïsme, Compensation, Lois spirituelles, Cercles, Intelligence, L'Âme suprême, Utilité des grands hommes
Sept essais d'Emerson, trad. de J. Will, avec une préface deMaurice Maeterlinck, Bruxelles, P. Lacomblez, 1894[20]Comprend :Confiance en soi-même, Compensation, Lois de l'esprit, Le poète, Caractère, L'Âme suprême, Fatalité
Société et Solitude, trad. de Marie Dugard. Paris, Armand Colin, 1911, VIII-293 p.[21]Comprend :La Civilisation ; L'Art ; La Vie domestique ; Les Travaux et les Jours ; Le Courage ; Le Succès ; La Vieillesse
Pages choisies, trad. de Marie Dugard. Librairie Armand Colin, Paris, 1908 ; réédité aux éditions Astra, Paris, 1976
Essais politiques et sociaux, trad. de Marie Dugard. Librairie Armand Colin, Paris 1926Comprend :L'Homme réformateur, Conférence sur le temps présent, Le Conservateur, La Politique, L'Aristocratie, L'Éducation, La Guerre, La Femme, Le prédicateur, Le Scholar, La Destinée de la république, La Souveraineté de l'éthique
La Confiance en soi et autres essais, trad. de Monique Bégot, postface de Stéphane Michaud, Rivages poche/Petite Bibliothèque, 2000Comprend :La Nature, La Confiance en soi, Dons et présents, L'Amour, Montaigne ou le sceptique
Essais : Nature, Confiance et autonomie, Cercles, L’Âme suprême, Le Transcendantaliste, L’Intellectuel américain, Le Poète, L’Art,Michel Houdiard Éditeur, 2000.
L'Amitié, postface et trad. de Thomas Constantinesco, ÉditionsAux Forges de Vulcain/Essais, 2010
Anatomie des Anglais, trad. de Pierre Chavannes, Paris, Rivages poche/Petite Bibliothèque, 2010
Société et Solitude, trad. de Thierry Gillybœuf, Paris, Rivages poche/Petite Bibliothèque, 2010
Les Travaux et les Jours, trad. de Jean-Paul Blot, Éditions Fédérop, 2010
David Henry Thoreau, Ralph Waldo Emerson,Correspondance, éd. bilingue, Paris, Édition du Sandre, 2010
Le Discours aux étudiants en théologie de Harvard, trad. de Raphaël Picon. Nantes, Éditions Cécile Defaut, 2011
La Nature, éd. Allia, 2011 ; éd. Folio sagesses, 2023
Le Scholar américain, trad. de Pierre Monette, Montréal, Triptyque, 2013
Compter sur soi, trad. de Stéphane Thomas, éd. Allia, 2018, 80 p.
Thomas Carlyle, Ralph Waldo Emerson,Correspondance (1834-1872), trad. fr. E.-L. Lepointe, Archives Karéline, 384 p., 2018(ISBN978-2357481183)
La Destinée et les Illusions, trad. de Marie Dugard, révisée et annotée par Laurent Folliot, Paris, Rivages poche/Petite Bibliothèque, 2019Deux essais tirés deLa Conduite de la vie
Emerson est le sujet d'une discussion entre le caporal Timothy E. Upham et le capitaine John H. Miller lors de leur halte dans la vieille église dans le filmIl faut sauver le soldat Ryan.
Une citation d'Emerson ("Une cohérence stupide est le hobgobelin des petits esprits") est évoquée dans la comédieEt plus si affinités (Next stop Wonderland) de Brad Anderson.
↑Emerson,Nature, cité par Olivier Clerc :Éthique et droit de la préservation de la nature sauvage dans l'Union européenne, Bruylant, Bruxelles, 2021, page 83 (1ère partie - Rémanence de la nature sauvage, chapitre 1er - Persistance historique d'un naturalisme philosophique, section 2 - Éthique naturaliste : exigence d'une vie « conforme à la nature ».)
↑Antonia Birnbaum, « Une éducation au point de vue cosmopolitique : Nietzsche disciple d’Emerson »,La lettre des écoles supérieures d’art,,p. 5(lire en ligne).
↑Ralph WaldoEmerson,Essais de philosophie américaine ; traduits en français et précédés d'une introduction par Émile Montégut,(lire en ligne)
Pierre Cérésole,Les Forces de l’esprit : Emerson, Imprimerie coopérative, La Chaux-de-Fonds, 1930
Thomas Constantinesco,Ralph Waldo Emerson: L'Amérique à l'essai, préf. Mathieu Duplay, Paris, Éditions de la Rue d'Ulm, coll. Offshore, 267 p., 2012(ISBN978-2728804733)
Joel Porte(en),Representative Man: Ralph Waldo Emerson in His Time, New York, Oxford University Press, 1979
Barbara Packer,Emerson’s Fall: A New Interpretation of the Major Essays, New York, Continuum, 1982
Joel Porte, Saundra Morris (dir.),The Cambridge Companion to Ralph Waldo Emerson, Cambridge, Cambridge University Press, 1999
François Brunet et Anne Wicke (dir.),L’Œuvre en prose de Ralph Waldo Emerson, Paris, Armand Colin/VUEF-CNED, 2003
Lawrence Buell,Emerson, Cambridge, Harvard University Press, 2003
Stanley Cavell,Emerson’s Transcendental Etudes, David Justin Hodge (éd.), Stanford, Stanford University Press, 2003
Stanley Cavell,Qu’est-ce que la philosophie américaine ? De Wittgenstein à Emerson, trad. par Christian Fournier et Sandra Laugier, Gallimard, « Folio », 2009
Stanley Cavell,À propos du prétendu pragmatisme de Wittgenstein et Emerson, Association Diderot