Après lesrévolutions en Italie début et enFrance en février, les États allemands rejoignent le soulèvement européen. Les révolutionnaires desÉtats allemands aspirent à l'établissement des libertés politiques ainsi qu'à l'unité nationale.
La révolution commence dans legrand-duché de Bade. Elle se propage en quelques semaines dans les autres États de la Confédération. Elle force la désignation degouvernements libéraux et l'élection d'unparlement national qui se rassemble dans laville libre de Francfort. Après les premiers succès du printemps 1848, le mouvement se fait plus défensif à l'été. L'automne 1848 et les campagnes pour la reconnaissance de laConstitution de Francfort de mai 1849 connaissent un nouveau pic de soulèvements, ayant localement des allures deguerre civile, mais ne peuvent empêcher l'échec de la révolution.
Les libéraux et les démocrates s'opposent au parlement de Francfort. Les premiers privilégient lamonarchie constitutionnelle ; les seconds donnent davantage d'importance à lasouveraineté du peuple. Enfin, les plus radicaux revendiquent unerépublique. Après de longs débats, ils s'entendent en sur un ensemble de droits fondamentaux et, en, sur une constitution. Le suivant, le roi de PrusseFrédéric-Guillaume IV refuse cependant la couronne impériale proposée par laKaiserdeputation et met ainsi fin aux espoirs d'unification. Cette tentative de création d'unÉtat-nation unifié et démocratique est violemment réprimée en par les troupes prussiennes et autrichiennes. La révolution de Mars se solde donc par un échec.La révolution est suivie par une période deréactions politiques. Les acquis de la révolution ne sont cependant pas négligeables, marqués par la fin de laféodalité et un fort développement de la presse. Elle est aussi souvent considérée comme essentielle pour le développement dumouvement ouvrier et duféminisme en Allemagne.
Un signe avant-coureur de la révolution de en Europe centrale est la crise de 1847 consécutive à la très mauvaiserécolte de l'année précédente. Dans les pays allemands, l'augmentation des prix des denrées agricoles entraîne desfamines et des révoltes de la faim presque partout[1]. La fraction la plus pauvre de la population composée desouvriers,artisans appauvris,travailleurs agricoles, etc., soutient les revendications des cercles démocratiques et libéraux[2]. Une autre conséquence de la crise est la diminution de la valeur de lamonnaie dans la commercialisation des produits industriels, ce qui cause, entre autres, le déclin dusecteur textile, encore largement dominé par l'artisanat[3].
Les Tisserandssilésiens (peinture deCarl Wilhelm Hübner, 1846).L'Éclaircissement d'une futaie, caricature contre le particularisme allemand et ses barrières douanières, première moitié duXIXe siècle.
Le secteur textile est encore le fait d'untravail à domicile généralisé : pour un faible salaire, nombreuses sont les familles des campagnes allemandes qui cèdent leur production à quelques riches entrepreneurs et propriétaires fonciers. Son déclin et généralement celui de l'ensemble de l'artisanat sont aussi dus à la progression de larévolution industrielle dans toute l'Europe[4], celle-ci bouleversant peu à peu les rapports sociaux, économiques et industriels de tout le continent autour du milieu duXVIIIe siècle sous l'effet desinventions techniques venant duRoyaume-Uni. De plus, il y a à cette époque une forte croissance démographique à la campagne comme à la ville résultant de l'augmentation de la productivité agricole, tandis que l'industrie ne peut employer un tel volume de main-d'œuvre, ce qui cause un taux de chômage extrêmement important et l'émergence d'unprolétariat. La main-d'œuvre excédentaire forme une« armée de réserve de travailleurs »[5]. Les villes étant en expansion continuelle, de plus en plus de personnes cherchent dutravail dans lesmanufactures et lesusines construites pour la fabrication de produits nouveaux et à bon marché grâce à uneproduction en série plus efficace[6].
Les conditions de vie et de travail dans les entreprises industrielles et leur environnement sont, en règle générale, des plus mauvaises auXIXe siècle[7]. Lesouvriers connaissent généralement les conditions misérables desghettos etbidonvilles, ayant à peine de quoi vivre, sanscouverture sociale, et sont menacés par le chômage[8]. Déjà quelques années avant la révolution de Mars se produisent régulièrement des émeutes locales contre les « barons d'industrie ». Par exemple, la« révolte des tisseurs[citation 1] » de enSilésie, une révolte de la faim destisserands deBielawa et dePieszyce, est considérée comme le premier soulèvement public significatif du prolétariat allemand, même s'il est réprimé en quelques jours par les troupes prussiennes[5]. Labourgeoisie aisée se voit, elle aussi, de plus en plus freinée dans son développement. En raison de la politiquedouanière des principautés, les possibilités delibre-échange sont très limitées. Dans les États allemands également, les aspirations à une libéralisation de l'économie et ducommerce se font entendre de plus en plus dans les premières décennies duXIXe siècle. Le est fondé leZollverein qui facilite le commerce entre les pays allemands. Cependant, à la fin desannées 1830, l'essor économique global[9] ne profite que peu aux couches de population les plus pauvres[10].
Cette politique de restauration a été décidée par la plupart des États européens lors du congrès de Vienne le[13](juste avant la défaite de labataille de Waterloo, fatale àNapoléon Bonaparte le), et doit restaurer les rapports politiques de la « société d'Ancien Régime » en Europe, tels qu'ils sont avant laRévolution française de 1789. Cela implique la prédominance de lanoblesse, le rétablissement de sesprivilèges, et le maintien d'un éclatement en différents États germaniques, malgré les désirs d'unification apparus durant la lutte contre l'armée napoléonienne[14],[15].
Carte politique de la Confédération germanique (1815-1866) et ses trente-neuf États fondateurs.
Sur le plan de la politique intérieure, dans le cadre de la restauration, les exigences de réformes libérales ou d'unification nationale sont étouffées, les mesures decensure renforcées et laliberté de la presse très diminuée[3]. Ainsi en, les œuvres de laJeune-Allemagne, un groupe de jeunes écrivains révolutionnaires, sont censurées ou interdites[16]. D'autres poètessociocritiques ounationalistes sont censurés, et pour certains contraints à l'exil, notamment vers la France ou la Suisse[16]. C'est le cas par exemple d'Heinrich Heine, deGeorg Herwegh, deGeorg Büchner (auteur dulibelle« Le Messager des campagnes hessoises » (Der Hessische Landbote) dont le mot d'ordre est« Paix aux chaumières, guerre aux palais ! » (Friede den Hütten, Krieg den Palästen![17]),[16], ou encore d'August Heinrich Hoffmann von Fallersleben (qui écrit le chant patriotiqueDeutschlandlied).
Heinrich Heine, aux opinions démocrates, est néanmoins réservé à l'égard dunationalisme exacerbé desBurschenschaften, et énonce à cette époque une formule prophétique et devenue célèbre« Ce n'est qu'un début. Là où on brûle des livres, on finit par brûler des hommes[citation 2]. » Celle-ci fait certes littéralement référence à laReconquista espagnole dans sa pièce de théâtreAlmansor, mais elle est également empreinte d'une expérience contemporaine, Heine ayant toujours été un poète critique à l'égard de son temps[21].
Les frasques de la fête de la Wartbourg attirent l'attention des autorités sur lesBurschenschaften qui subissent bientôt une répression grandissante. En 1819, cette répression prend une forme légale : lesdécrets de Carlsbad, en réaction à l'assassinat du poèteAugust von Kotzebue parKarl Ludwig Sand, un nationaliste fanatique, membre d'uneBurschenchaft[22]. Malgré l'interdiction et les persécutions, les membres desBurschenschaften restent souvent actifs dans la clandestinité. Des organisations se camouflent sous une apparence apolitique, comme lemouvement gymnique allemand (Turnbewegung) du« Turnvater Jahn », où on continue à la fois à développer des idées libérales inspirées desromantiques, mais aussi culturelles et nationales qui portent cependant des aspects contraires aux idées émancipatrices et à celles desLumières[23]. Ainsi, l'antisémitisme est très répandu dans ces groupes comme dans l'ensemble desBurschenschaften, signes précurseurs des concepts antisémites à base depréjugésracistes biologiques de la fin desannées 1870, auxquelsFriedrich Ludwig Jahn se reconnaît ouvert. Pendant leVormärz, l'expression de cette haine des juifs se matérialise par lesémeutes Hep-Hep de 1819. Elles commencèrent àWurtzbourg, mais s'étendent rapidement à presque tous les États allemands. Ces émeutes dirigées contre l'émancipation des Juifs en général et contre leur égalité économique en particulier, dégénèrent en bien des endroits enpogrom[24].
En France, larévolution de Juillet de 1830, pendant laquelle lamaison de Bourbon représentée parCharles X est renversée, et au cours de laquelle les forces libérales instituent le« roi des Français » (et non « roi de France »)Louis-PhilippeIer, donne aussi un élan aux forces libérales en Allemagne et dans d'autres régions d'Europe[25]. Cela provoque dès 1830 des soulèvements dans plusieurs principautés allemandes, comme àBrunswick, enHesse-Cassel, dans leroyaume de Saxe et àHanovre, et conduit à l'adoption deconstitutions[26].
Insurrection de Francfort, gravure de François Georgin.
L'attaque de la Garde de Francfort[citation 3] du est la première tentative, menée par une cinquantaine d'étudiants, de déclencher une révolution dans toute l'Allemagne. L'action vise le siège duBundestag situé à l'époque àFrancfort-sur-le-Main et considéré par les démocrates comme un instrument de la politique de restauration. Après la neutralisation des deux postes de police de Francfort, les insurgés veulent capturer les envoyés des princes et ainsi favoriser le soulèvement de toute l'Allemagne. Révélée avant même de commencer, l'action tourne court, dès le début, après un échange de coups de feu qui fait quelques morts et blessés[28].
En Italie, en 1831, le révolutionnaire et patrioteGiuseppe Mazzini fonde la société secrèteGiovine Italia (Jeune Italie). Elle donne naissance à d'autres sociétés en Europe commeJunges Deutschland (Jeune-Allemagne) ou « Jeune Pologne ». Ensemble elles forment en 1834 la société secrète supranationaleGiovine Europa (Jeune Europe[29]).
En 1834,Georg Büchner etFriedrich Ludwig Weidig diffusent clandestinement lelibelleLe Messager des campagnes hessoises (Der Hessische Landbote[30]) avec le mot d'ordre « Paix aux chaumières, guerre aux palais ! » (Friede den Hütten, Krieg den Palästen!) dans legrand-duché de Hesse[16]. En 1837, la lettre de protestation solennelle desSept de Göttingen (groupe de professeurs d'université, libéraux notables, parmi lesquels on comptait lesfrères Grimm) contre la révocation de la constitution duroyaume de Hanovre, trouve un écho dans toute la Confédération germanique. Lesprofesseurs sont renvoyés et certains expulsés du pays[31],[32].
Guerre du Sonderbund et veille de la révolution de Mars
Les libéraux et démocrates des États allemands aspirent à la mise en place delibertés politiques par le biais deréformesdémocratiques ainsi qu'à l'unité nationale des principautés au sein de la Confédération germanique. Ils soutiennent particulièrement les idées dulibéralisme[35],[36].
Le facteur déclencheur de la révolution de Mars est larévolution française de 1848, à partir de laquelle l'étincelle révolutionnaire se propage rapidement aux États allemands limitrophes[37],[3]. Les événements aboutissent en France à la destitution du roiLouis-PhilippeIer qui s'éloigne de plus en plus des idées libérales et à la proclamation de laDeuxième République, ce qui amorce une agitation révolutionnaire qui tient le continent en haleine pendant plus d'un an et demi[11]. Des mouvements analogues se développent dans lepays de Bade, leroyaume de Prusse, l'Empire d'Autriche, l'Italie du Nord, leroyaume de Hongrie, leroyaume de Bavière et leroyaume de Saxe, tandis que se produisent des soulèvements et des rassemblements revendicatifs dans d'autres États et principautés. À la sortie de l'assemblée populaire deMannheim du, pendant laquelle les« revendications de Mars[citation 4] » sont formulées pour la première fois, les principales revendications de la révolution en Allemagne consistent en« 1. Armement du peuple avec libre élection des officiers, 2. Liberté de la presse inconditionnelle, 3. Cour d'assises selon l'exemple anglais, 4. Établissement immédiat d'un parlement allemand[38],[39]. » Lesdroits fondamentaux avec les« exigences du peuple[citation 5] » sont exigés durant l'assemblée d'Offenbourg de 1847 du12septembre, où lespoliticiensbadois radicaux-démocrates s'assemblent[40]. Le suivant, lors de laréunion d'Heppenheim, les libéraux modérés rédigent leur programme politique[41].
Dans certains pays de la Confédération germanique, comme les royaumes deWurtemberg et deHanovre, ou legrand-duché de Hesse, les princes cèdent rapidement au profit deministères de Mars d'orientation libérale, qui répondent en partie aux exigences révolutionnaires, en instituant notamment des cours d'assises, en abolissant la censure de la presse et en libérant les paysans[citation 6],[42]. Cependant, il ne s'agit souvent que de simples promesses. Ces concessions rapides aux révolutionnaires permettent à ces pays de connaître des années 1848 et 1849 relativement pacifiques[43],[44].
Dès mai et, les maisons princières affirment de plus belle leur volonté de restauration, si bien que les révolutionnaires des pays de la Confédération germanique se raidissent dans la défensive[46]. Au même moment, la défaite à Paris des insurgés desjournées de Juin constitue une victoire décisive pour lacontre-révolution. Elle influence fortement la suite de la révolution de Février en France ainsi que les événements révolutionnaires dans toute l'Europe[47]. Ce soulèvement des ouvriers parisiens en marque aussi historiquement la scission entre leprolétariat et labourgeoisie révolutionnaire[46].
Il est difficile d'établir un déroulement chronologique de la révolution dans son ensemble, car les événements ne peuvent pas toujours être mis en relation de manière univoque[48].
Frise chronologique de la révolution de Mars en 1848 pour la France, la Prusse, l'Autriche, le Grand-Duché de Bade et Francfort.Frise chronologique de la révolution de Mars en 1849.Frise chronologique de la révolution en Italie.La révolution de 1848 en Europe.
La prise deRastatt par les troupes prussiennes, le marque la fin de la révolution badoise et est traditionnellement considérée comme étant le point final de la révolution allemande de 1848-1849[49].
Représentation idéalisée deFriedrich Hecker (1811-1881).Lithographie contemporaine du combat de Kandern, depuis la perspective des révolutionnaires.Gustav Struve (1805-1870).
Le, une assemblée populaire se forme àMannheim qui, par ses revendications, pose les bases de la révolution à venir[50]. Parmi les révolutionnaires badois, c'est l'aile radicale-démocrate, assez représentative du mouvement, qui réclame les changements les plus extrêmes[51].
Menés par les avocatsFriedrich Hecker etGustav Struve, les révolutionnaires exigent entre autres la création d'unesouveraineté populaire de fait, l'abolition des privilèges, la fin de la censure, l'armement du peuple et un impôt sur le revenu progressif ; exigences qui sont reprises ailleurs par tous les mouvements sociaux-révolutionnaires et socialistes[38]. Le, laStändehaus du parlement deBade àKarlsruhe est occupée[52].
Struve et Hecker, en tant que représentants de l'aile gauche aupré-parlement de Francfort (qui doit préparer l'élection d'un parlement chargé de la rédaction d'une constitution) exigent une république allemande fédérative qui conduit à des changements politiques et sociaux. Un programme représentatif publié par Struve est cependant refusé par la majorité du pré-parlement[53].
Le, Hecker et Struve prennent la route en essayant de promouvoir leurs idées en chemin. En Allemagne du sud-ouest, leur action est appelée « soulèvement d'Hecker »[citation 7]. Ainsi àConstance, ils prétendent avoir proclamé la république le avec le professeur de faculté de BonnGottfried Kinkel et d'autres sympathisants ; cependant, aucun des trois journaux de Constance ne mentionne le discours en question. Le cortège d'Hecker[citation 8], composé d'environ 1 200 hommes, se met en route vers lefossé rhénan[54], où il veut fusionner avec un cortège, dit« Légion des démocrates allemands[citation 9] », mené par le poète révolutionnaire de gaucheGeorg Herwegh et sa femme Emma qui joue le rôle d'éclaireuse ; tout cela en vue de marcher sur la capitale badoiseKarlsruhe et ainsi d'étendre à partir de là la république à tout le grand-duché de Bade. Mais les deux groupes sont en peu de temps vaincus et dispersés par l'armée régulière : celui d'Hecker le dans un combat àKandern et celui de Herwegh, une semaine plus tard, àDossenbach[53]. Hecker parvient à s'exiler auxÉtats-Unis[55],[56].
En, àLörrach, une nouvelle insurrection menée parGustav Struve échoue également. Avec ses partisans, il tente de proclamer la république le[57], mais est défait dès le 24[58]. La suite du développement révolutionnaire dugrand-duché de Bade se réduit aux algarades auparlement de Francfort. Struve est arrêté[52] et condamné à une peine d'emprisonnement avec quelques autres révolutionnaires lors d'un procès pourhaute trahison, et n'est libéré que lors des troubles de.
En, après l'échec du parlement à Francfort, il y eut de nouveaux soulèvements dans des États allemands, dont le grand-duché de Bade, appelés les« soulèvements de mai ». Les démocrates veulent ainsi obtenir par la force, dans une constitution impériale, la reconnaissance de leurs gouvernements respectifs[59].
Le, la garnison badoise se mutine dans la forteresse deRastatt[60]. Peu de temps après, le grand-ducLéopoldIer de Bade fuit enAlsace-Lorraine[59]. Le, un gouvernement provisoire dirigé par le politicien libéralLorenz Brentano prend le pouvoir[61]. Cela mène à des combats contre des troupes de la Confédération et l'armée prussienne sous les ordres du« prince de la mitraille[citation 10],[62] » Guillaume de Prusse, le futur empereur allemandGuillaumeIer. L'armée révolutionnaire badoise cède devant la supériorité des troupes prussiennes[49],[63].
En, les révolutionnaires badois sont sous les ordres du général révolutionnaire polonaisLudwik Mierosławski, un stratège et un soldat expérimenté de la révolution. Au cours de la révolution de Mars, il a déjà conduit des soulèvements en Pologne dont, en 1848, le soulèvement de laprovince de Posnanie contre la domination prussienne. Mierosławski abandonne cependant dès le le commandement des troupes révolutionnaires badoises ; il est déçu par l'attitude frileuse du gouvernement de Brentano, qui mise sur des négociations et retarde l'armement général du peuple. Cela mine le moral des troupes, Mierosławski conclut que la situation militaire ne permet pas la victoire de la république badoise[64],[65].
Le, la forteresse de Rastatt tombe après trois semaines de siège, ce qui met un terme à la révolution badoise[49]. 23 révolutionnaires sont exécutés, d'autres commeGustav Struve,Carl Schurz ouLorenz Brentano sont purement exilés. En tout, environ 80 000 Badois quittent leur pays après la révolution, c'est-à-dire environ 5 % de la population[49].
La caractéristique majeure de la révolution badoise, par opposition aux autres soulèvements de laConfédération germanique, est la fermeté avec laquelle la revendication d'une république démocratique est défendue[68]. En effet, dans les commissions et les parlements révolutionnaires des autresprincipautés de la Confédération germanique, unemonarchie constitutionnelle héréditaire est privilégiée[69].
De jeunes combattants sur les barricades, en 1848 à Berlin.Caricature de l'attaque de l'arsenal de Berlin.La dissolution de l'assemblée nationale prussienne, représentation contemporaine (novembre 1848).
Sous la pression des événements révolutionnaires ayant lieu àBerlin depuis le, le roiFrédéric-GuillaumeIV de Prusse fait des concessions dans un premier temps. Il consent à la mise en place d'unLandtag, à introduire la liberté de la presse, à supprimer les barrières douanières et à réformer laConfédération germanique. Le, après la lecture de la loi en question, deux tirs surviennent des rangs de l'armée et dispersent des milliers de citoyens qui sont réunis sur la place duchâteau de Berlin. Cela provoque d'abord un mouvement de panique puis des combats sur les barricades et dans les rues de Berlin entre les révolutionnaires et l'armée régulière prussienne ; les rebelles réussissent dans un premier temps à l'emporter. Le, les troupes sont retirées de Berlin sur l'ordre du roi. Ces combats ont pour conséquence plusieurs centaines de morts et plus d'un millier de blessés, des deux côtés[70],[71],[72].
Au vu du nombre des victimes, le roi honore les révolutionnaires tués. Le, il s'incline devant les corps exposés des« victimes de Mars » (Märzgefallenen), avant qu'ils ne soient enterrés le au« cimetière des victimes de Mars[citation 11] », et il se montre en public avec un bandeau aux couleurs de la révolution (noir, rouge et or). Cette manœuvre sert surtout à gagner du temps : en utilisant le vocabulaire des révolutionnaires et en allant dans leurs sens, il s'assure de calmer une révolution aux conséquences incertaines. Dans un appel à« Mon peuple et la nation allemande », il promit la dissolution de la Prusse dans l'Allemagne[citation 12]. Le, un ministère de Mars libéral est mis en place, qui ne peut cependant pas s'imposer face à la noblesse et à l'armée. Le, le premier ministreLudolf Camphausen présente sa démission. Son ministre des financesDavid Hansemann est alors chargé de former un nouveau gouvernement dont le ministre-président estRudolf von Auerswald. Ce gouvernement dure jusqu'au, date à laquelle est appeléErnst von Pfuel, militaire de formation, à la tête du gouvernement[73].
Fin, lorsque les troubles se sont un peu calmés, le roi entreprend un revirement réactionnaire. Le, avec« l'attaque de l'arsenal[citation 13] », le bouillonnement révolutionnaire reprend : le peuple prend les armes de l'arsenal[74]. Le, le généralFrédéric Guillaume comte de Brandebourg est nomméministre-président de Prusse[75],[76]. Une semaine plus tard, les troupes royales entrent à Berlin[77]. Le député conservateurOtto von Bismarck se trouve parmi les personnes qui participent activement à cette contre-révolution ; il devient plus tard ministre-président de Prusse, puischancelier impérial de l'Empire allemand, fondé en 1871[78]. Les négociations de l'assemblée nationale prussienne, menées depuis le pour l'obtention d'une constitution (promise sans cesse depuis 1815 par le roi de PrusseFrédéric-Guillaume IV et ses successeurs), sont infructueuses. L'ébauche de constitution présentée en, lacharte Waldeck, qui prévoit quelques réformes libérales-démocrates, est rejetée autant par les députés conservateurs que par le roi[79].
Les 10 et, le roi fait disperser par l'armée l'assemblée nationale prussienne[77]. Le, il ordonne la dissolution de l'assemblée nationale, qu'il a fait déplacer àBrandebourg et accorde le jour-même une constitution, bien en dessous des revendications de la révolution de Mars[75],[80]. Le pouvoir royal reste ainsi intact. Le roi s'octroie un droit deveto suspensif contre chaque décision du Landtag prussien, aussi bien que le droit de dissoudre le parlement à tout moment. Le gouvernement prussien[citation 14] n'est pas responsable devant le parlement, mais seulement devant le roi. Néanmoins, laconstitution dite« octroyée » contient quelques concessions libérales tirées de la charte Waldeck, qui sont cependant modifiées dans les mois suivants[76],[81].
À la fin du mois de, l'assemblée nationale est remplacée par la deuxième chambre des députés prussienne. Unsystème des trois classes est mis en place, afin d'assurer la suprématie des grands propriétaires. Ce droit de vote inégalitaire reste en vigueur jusqu'en 1918[82],[83].
Cette réaction aboutit avant tout à des mouvements de protestation dans les provinces occidentales de Prusse[59]. Dans les anciennes circonscriptions à dominante libérale ou catholique de laprovince de Rhénanie et de laprovince de Westphalie, de multiples députés démocrates sont élus à la chambre des députés prussienne. Les troupes du roi ont cependant, au plus tard en, repris le dessus sur la révolution, avec l'échec du soulèvement d'Iserlohn en Westphalie et de celui de l'attaque de l'arsenal dePrüm en Rhénanie[84].
Par la suite, de plus en plus de conjurations se forment dans les régions polonaises de Russie, de Prusse et d'Autriche, ayant pour but d'établir de nouveau une Pologne autonome. À la suite de larévolution de Juillet de 1830 en France, il y a une insurrection dans la partie russe, qui est cependant un échec[34].
En 1846, un soulèvement polonais préparé secrètement dans le grand-duché de Posnanie est découvert et étouffé dans l'œuf[34]. Son meneur, le révolutionnaire polonaisLudwik Mierosławski, est fait prisonnier et condamné à mort en au procès polonais[citation 15] de Berlin, mais ensuite gracié avec sept autres personnes le, et sa peine est convertie en détention à vie[86].
Après les combats des 18 et à Berlin, quatre-vingt-dix révolutionnaires polonais, dont Mierosławski etKarol Libelt, sont relâchés de laprison de Moabit[87]. Au premier stade de la révolution de Mars, qui est ressentie en Europe comme lePrintemps des peuples, une attitude pro-polonaise prédomine encore parmi les révolutionnaires, qui salue et encourage les insurrections en Posnanie[88]. Peu après sa libération, en avril et, Mierosławski se place à la tête du soulèvement de la Posnanie contre la domination prussienne, qui est à présent ressentie comme étrangère[65]. Le soulèvement se dirige contre l'intégration des régions majoritairement polonaises aux votes pour l'élection duparlement de Francfort, et ainsi contre l'incorporation d'une partie de la Pologne au sein d'un État national allemand. Un objectif plus lointain est la réunification de toute la Pologne[89]. À cet égard, la révolution en Posnanie vise également la libération du royaume de Pologne, nomméRoyaume du Congrès, qui est depuis 1831 une province sous la domination indirecte de la Russie[90].
Au cours du déroulement de la révolution en Prusse, où les forces conservatrices ont de nouveau progressivement gagné une position déterminante, l'enthousiasme initial pour la Pologne se mue en une position nationaliste[88]. En outre, le roi de PrusseFrédéric-Guillaume IV ne veut pas risquer une guerre avec la Russie à cause du soulèvement en Posnanie[91]. Le9mai1848, l'insurrection enPosnanie est écrasée par lestroupes prussiennes, largement supérieures, etMierosławski est de nouveau arrêté. Sur intervention de la France révolutionnaire, il est amnistié peu après et expulsé en France — jusqu'à ce que, en juin 1849, il soit appelé par les révolutionnaires badois qui veulent le placer à la tête de leur armée révolutionnaire (voirci-dessus[86]).
Après la révolution de 1848, les Polonais de Prusse reconnaissent qu'un soulèvement violent ne conduit jamais au succès. Comme méthode pour maintenir leur cohésion nationale et en parade à la politique degermanisation de la Prusse, le« travail organique[citation 16] » prend une importance toujours grandissante au sein du désormais État prussien constitutionnel[92].
Le 25 mai, les étudiants de la Légion académique, des gardes nationaux et des ouvriers élèvent plus de 160 barricades dans le centre de Vienne.Barricade sur la Michaelerplatz dans la nuit du 26 au, toile d'Anton Ziegler, 1848.Les étudiants sont les ressorts de la révolution et l'aula de la vieille université (aujourd'hui Académie des Sciences) est de plus en plus le centre du mouvement révolutionnaire.Poste de garde des étudiants de la Légion universitaire de la vieille université en 1848, toile de Franz Schams.
Dans l'Empire desHabsbourg et l'État plurinational de l'Empire d'Autriche, la monarchie est pas menacée par de violents soulèvements en Autriche, c'est-à-dire l'État central de l'Empire, et par d'autres troubles révolutionnaires, comme enBohême, enHongrie et enItalie du Nord[93]. Leroyaume de Sardaigne soutient militairement les révolutionnaires. Alors que les soulèvements hongrois, bohémiens et italiens visent entre autres à l'indépendance vis-à-vis de la domination autrichienne, la révolution autrichienne a pour objectif un changement libéral et démocratique de la politique du gouvernement, et la fin de laRestauration[94],[95],[96].
Caricature contemporaine de la fuite deMetternich ().La promesse d'une Constitution deFerdinandIer du.
1847-1848 est pour l'Autriche un hiver de famine pour les plus défavorisés[97]. Dans les milieux ouvriers également, la colère contre le système politique devient très forte. Des œuvres commeNouveaux esclaves[citation 17] d'Alfred Meissner ouPourquoi nous sommes pauvres[citation 18], ainsi qu'un poème deKarl Isidor Beck donnent une image parlante de la colère et du désespoir qui règnent dans la population.
Finalement, la révolution éclate en Autriche le avec l'attaque de laStändehaus àVienne et des attentats de révolutionnaires socialistes contre des magasins et des usines dans les faubourgs[98]. La chansonCe qui nous vient d'en haut[citation 19], où« haut (Höh) » désigne la police et les casernes, devient la chanson de la révolution. Elle est chantée aujourd'hui encore par diverses fraternités d'étudiants pour commémorer la participation de la légion académique. Avant l'attaque de laStändehaus, la colère contre le système policier et les revendications des révolutionnaires pour une transformation constitutionnelle de la monarchie et la mise en place d'une constitution dans les pays autrichiens a déjà été exprimées le dans un discours rédigé par le chef nationaliste hongroisLajos Kossuth[50].
Le soir du, le chancelierMetternich, âgé de74 ans, détesté par les socialistes et les réformateurs, démissionne[93] et s'enfuit enAngleterre. Cet événement inspire notamment Hermann Rollett, qui écrit le poèmeLe Tilleul de Metternich[citation 20].
Le, l'empereurFerdinandIer d'Autriche fait ses premières concessions : il consent à l'établissement d'une garde nationale et lève la censure. Le lendemain, il précise à ce sujet qu'il a« octroyé une totale liberté de la presse[citation 21] » et il promet également par décret une constitution[99].
Le, le premier gouvernement est formé ; son ministre de l'intérieurFranz von Pillersdorf esquisse uneconstitution à laquelle on donne son nom par la suite[citation 22], et qui est rendue publique pour l'anniversaire de l'empereur, le[93]. Cette constitution ne va pas assez loin selon les révolutionnaires. Lebicamérisme et le système électoral pour l'élection duReichstag publié le provoquent notamment l'indignation, et mènent ainsi à de nouvelles perturbations (révolution de mai). En raison de la pétition du, cette constitution est réaménagée : leReichstag ne doit plus être constitué que d'une seule chambre et celle-ci doit être déclarée« constituante », c'est-à-dire qu'elle a la charge d'établir une constitution définitive[100],[101]. La constitution de Pillersdorf reste en vigueur de façon provisoire. L'empereur, dépassé par les émeutes qui s'intensifient, part se mettre en sécurité àInnsbruck[100],[93].
Les événements qui ont lieu enHongrie à partir du, pendant lesquels le soulèvement hongrois dirigé parLajos Kossuth mène à un affrontement contre les troupes impériales puis par la suite à l'assassinat du ministre de la Guerre autrichienTheodor Baillet von Latour le, provoquent à Vienne la troisième phase de la révolution autrichienne, appeléeinsurrection viennoise d'octobre 1848. Au cours de son développement, les citoyens, étudiants et travailleurs viennois parviennent à prendre la capitale après que les troupes du gouvernement s'enfuirent. Mais les révolutionnaires ne peuvent la garder en leur pouvoir que pendant une courte période[100],[96].
Le, Vienne est encerclée par des troupescontre-révolutionnaires venant deCroatie, sous les ordres du BanJosip Jelačić, et dePrague, sous les ordres du maréchalAlfred de Windisch-Graetz. Malgré la résistance farouche quoique désespérée de la population viennoise, la ville est reprise par les troupes impériales en une semaine. Quelque 2 000 insurgés sont tués. D'autres meneurs de l'insurrection viennoise d'octobre sont condamnés à mort ou à de longues peines de prison[104],[79].
Parmi les victimes desexécutions sommaires, figure notamment le député populaire gauche-libéral et républicain duParlement de Francfort,Robert Blum, qui est exécuté le en dépit de sonimmunité diplomatique et est ainsi élevé au rang desmartyrs de la révolution[79]. Cet événement est repris dans laChanson deRobert Blum qui est surtout chantée dans les États allemands en dehors de l'Autriche.
C'est ainsi que la révolution en Autriche est matée. La constitution élaborée en mars n'entre jamais en vigueur[79]. Cependant, les événements qui suivent en Hongrie et en Italie demeurent un obstacle à la prétention de François-Joseph d'imposer son pouvoir dans l'ensemble de l'Empire des Habsbourg[106].
L'année 1848 est marquée par l'abolition de courte durée de la censure. En conséquence, on publie une multitude d'œuvres, les magazines se multiplient puis disparaissent et la culture écrite se modifie radicalement.La Presse libre ![citation 23] deFriedrich Gerhard,Le Censeur mort[citation 24] deMoritz Gottlieb Saphir,Police secrète[citation 25] deFerdinand Sauter ouChanson du censeur[citation 26] permettent de dresser un tableau de cette ambiance de renouveau. On critique aussi sévèrement le système existant. On en trouve des exemples dans certaines œuvres deJohann Nestroy commeLiberté à Krähwinkel[citation 27], dans les poèmes politiques d'Anastasius Grün ou dans les écrits deFranz Grillparzer.
Série d'images représentant des scènes du soulèvement de Prague.
LaBohême est également touchée par la vague révolutionnaire. Le,František Palacký, l'une des figures du nationalisme tchèque, refuse de s'associer aux révolutionnaires allemands dans une lettre adressée au Parlement de Francfort. Il adopte cette position au nom de l'austroslavisme, à savoir la création d'unÉtat confédéral dont Vienne sera la capitale. Il écrit ainsi que« si l'Empire d’Autriche n'existait pas depuis longtemps, il faudrait l'inventer, dans l'intérêt même de l'Europe et dans celui de l'humanité »[107]. Puis, entre le 2 et le se tient lecongrès panslave auquel assistent 350 participants tchèques, polonais, moraves, croates, serbes et slovaques[108], sous la présidence de Palacký. Ils réclament la conversion de la« Monarchie du Danube » en un État confédéral garantissant l'égalité des droits entre les peuples.
La revendication d'un État national tchèque est expressément rejetée, les Moraves (des Allemands) craignant de se retrouver en minorité face aux Tchèques. Ils demandent seulement, à la place, des droits d'autonomie vis-à-vis du gouvernement central autrichien, et refusent l'intégration dans un État allemand[95]. L'empereurFerdinandIer d'Autriche refuse strictement chacune de ces revendications. Ainsi, le, les révolutionnaires tchèques commencent leur soulèvement àPrague contre la suprématie autrichienne. L'insurrection est écrasée le par les troupes autrichiennes menées parAlfred de Windisch-Graetz[109].
EnHongrie, les nouvelles de la révolution à Vienne arrivent le.Lajos Kossuth fait alors une déclaration devant le parlement hongrois pour réaffirmer ses revendications libérales[110]. Le, une délégation hongroise se rend à Vienne y transmettre ses souhaits[111]. Le lendemain, leStadthalterbeirat (l'organe administratif suprême de la partie hongroise de l'empire d'Autriche), impressionné par 20 000 manifestants, satisfait les« douze points » de revendication des intellectuels hongrois radicaux rassemblés autour deSándor Petőfi (notamment un ministère et un parlement hongrois indépendants deVienne, le départ de toutes les troupes autrichiennes deHongrie, la mise en place d'une armée nationale hongroise et la création d'une banque nationale) et fait ainsi réellement duroyaume de Hongrie un État indépendant[71]. Lajos Kossuth succède le au ministre-président libéralLajos Batthyány. Les révolutionnaires hongrois empêchent, à la suite des événements révolutionnaires autrichiens, l'empereur FerdinandIer d'être reconnu roi de Hongrie[96].
Fin août,Josip Jelačić est nommé gouverneur deCroatie. Le, il déclare la guerre à la Hongrie. Le 29, ses troupes sont repoussées àPákozd par les Hongrois[112].
Le décret impérial octroyant la constitution de Mars pour la Hongrie comme pour l'Autriche débouche le sur un soulèvement pour l'indépendance[113]. Afin d'écraser l'insurrection, l'armée impériale, menée parAlfred de Windisch-Graetz, marche sur la Hongrie. Mais, devant l'armée révolutionnaire renforcée par descorps franc et des émigrants polonais, elle se retire le.
Cependant, les autres États européens ne reconnaissent pas l'indépendance de la Hongrie. Ainsi, les troupes russes prêtent assistance à l'armée autrichienne et, ensemble, elles écrasent la révolution hongroise[106]. Le, les dernières unités hongroises capitulent àVilágos[116]. Dans les semaines qui suivent, plus de cent meneurs du soulèvement hongrois sont exécutés àArad. Le, les derniers révolutionnaires hongrois capitulent face aux Autrichiens dans la forteresse deKomárom[117]. Le, au jour anniversaire de la révolution d'octobre àVienne, l'ancien ministre-président Batthyány est exécuté àPest[118],[117].
Lajos Kossuth, le représentant politique le plus important du mouvement de libération hongrois, s'exile en. Jusqu'à sa mort àTurin en 1894, il plaide pour l'indépendance de la Hongrie[115].
AuXIXe siècle, après la fin de l'hégémonie napoléonienne en Europe et dans les principautés italiennes, l'Italie est composée de différents États. Les régions d'Italie du Nord (Lombardie,Émilie (duchés deParme et Plaisance et deModène et Reggio),grand-duché de Toscane etrépublique de Venise) sont sous domination autrichienne. À partir des années 1820 a lieu les soulèvements duRisorgimento, mouvement qui aspire à un État unitaire italien et s'oppose ainsi à la domination autrichienne en Italie du Nord[96]. À la suite de larévolution de Juillet, dans les années 1830, plusieurs soulèvements sont initiés dans différentes régions italiennes par des groupes clandestins comme ceux gravitant autour des groupes radicaux-démocrates partisans duRisorgimento deGiuseppe Mazzini etGiuseppe Garibaldi, mais tous échouent[29].
À l'époque de la révolution de Mars, ces révolutionnaires jouent également un rôle important en Italie. Lesthèses deMazzini d'uneItalie unie et libre au sein d'uneEurope des peuples libérée des dynasties monarchiques, qui sont diffusées par lejournal interditGiovine Italia, n'ont pas seulement une influence sur lesrévolutions des États italiens, mais sont aussi significatives pour les courants radicaux-démocrates dans de nombreuses autres régions d'Europe[29].
Le premier détachement de volontaires à l'ancienne gare-sud deVienne (Gloggnitzer Bahn), avant leur départ pour apporter un soutien à l'armée deRadetzky enItalie.Départ des volontaires pour l'Italie le, toile d'Alois Schönn.
Les événements révolutionnaires de 1848 ont un fort retentissement, non seulement en Italie du Nord, mais aussi dans d'autres provinces d'Italie. En déjà, de premiers soulèvements de combattants pour la liberté ont lieu enSicile, àMilan, àBrescia et àPadoue contre la suprématie desBourbons au sud et des Autrichiens au nord, qui s'intensifient le àVenise et àMilan le 18. Les combats durent cinq jours dans la capitale lombarde. Finalement, les révolutionnaires déclarent l'indépendance de laLombardie vis-à-vis de l'Autriche, et son rattachement auroyaume de Sardaigne. Cette situation mène à laguerre entre le royaume de Sardaigne et l'Autriche[119].
Le, le roiCharles-Albert de Sardaigne a déjà concédé dans son État une constitution représentative d'inspiration française, avec laquelle il introduit unemonarchie constitutionnelle, de façon à tirer profit de l'élan révolutionnaire pour unifier l'Italie sous son règne. Le, malgré leurs premiers succès, les troupes du roi Charles-Albert sont défaites par les Autrichiens menés par le maréchalJoseph Radetzky lors de labataille de Custoza[114],[96]. Selon l'armistice du, la Lombardie doit retourner à l'Autriche et seule Venise demeure insoumise. Les révolutionnaires italiens ont déclaré la ville indépendante le et proclamé larépublique de Saint-Marc, dirigée parDaniele Manin[119].
Proclamation de la république de Saint-Marc devant lepalais des Doges, le, lithographie de Sanesi, vers 1850.
En, lorsque les insurgés fomentent unputsch contre le grand-ducLéopoldII de Toscane de lamaison des Habsbourg, la guerre est relancée. Celle-ci tourne de nouveau en faveur des Autrichiens menés par Radetzky, lors de labataille de Novare contre l'armée de Sardaigne[114],[113], forte de 100 000 hommes. Le mouvement d'unification italien est ainsi momentanément anéanti, et la prédominance autrichienne en Italie du Nord est, pour l'essentiel, de nouveau restaurée. Le roiCharles-Albert de Sardaigne abdique au profit de son fils,Victor-Emmanuel II, et part en exil auPortugal. Le nouveau roi conclut le à Milan untraité de paix avec l'Autriche[119].
Dans de nombreuses régions non-autrichiennes d'Italie, il y a également en 1848-1849 des troubles révolutionnaires ; dans leroyaume des Deux-Siciles par exemple, où les soulèvements de poussent le roiFerdinand II à se doter d'une constitution le[96].
En, le papePie IX fuitRome et abandonne lesÉtats pontificaux devant les troubles qui s'intensifient. Il se replie àGaète, sur la côte du royaume des Deux-Siciles. Le, les révolutionnaires romains menés par un triumvirat comprenantGiuseppe Mazzini proclament laRépublique romaine dans les États pontificaux. Le, la révolution romaine est écrasée par les troupes françaises essentiellement, mais aussi espagnoles et autrichiennes[121] aux ordres des gouvernements de partis cléricaux, ce qui provoque, cependant, des protestations en France, comme àLyon. Par la suite, le pouvoir du comité exécutif est transféré auxcardinaux. Ce n'est qu'en 1850 que le pape revient ; il annule une grande partie de ses réformes de 1846 et met en place des mesures particulièrement réactionnaires dirigées contre les libéraux[96].
À partir du, il y a enBavière une recrudescence de troubles et de soulèvements à visée démocratique et libérale. Le roiLouisIer de Bavière cède le à certaines revendications des révolutionnaires et convoque un cabinet plus libéral. Cependant, le roi se trouve dans une situation délicate en raison d'une liaison non conforme à son rang avec la prétendue danseuse espagnoleLola Montez, qui lui fait délaisser en partie les affaires d'État. Cette affaire expose également Louis aux critiques des camps conservateur et catholique. Le, Lola Montez est bannie deMunich. Il y a de nouveaux troubles lorsque le bruit court que la danseuse est de retour. À la suite de cela, le, le roi abdique au profit de son filsMaximilien II de Bavière[122],[52].
Après l'échec de laConstitution de Francfort, survient enRhénanie-Palatinat (qui appartenait autrefois à la Bavière) le soulèvement palatin de. Au cours de ce soulèvement, la Rhénanie-Palatinat est temporairement séparée du pouvoir bavarois. Cependant l'insurrection est rapidement écrasée par l'armée prussienne[59].
Dans leroyaume de Saxe il y a, à la suite des événements révolutionnaires, un changement de ministres et quelques réformes libérales[123]. Après que le roi de Saxe refuse la constitution de l'empire votée àFrancfort le, il y a unsoulèvement àDresde le[124].
La figure centrale de ce soulèvement d'environ 12 000 insurgés est l'anarchiste russeMikhaïl Bakounine[124]. La Saxe est un bastion des démocrates radicaux, organisés au sein des« associations de Mars »[citation 28], le drapeau rouge flotte donc au côté de celui noir-rouge-or[125]. Comme le déclareStephan Born, la lutte pour la constitution est secondaire, la souveraineté du peuple est plus importante à ses yeux[126].
Après que le roi fuit la ville pour se réfugier dans laforteresse de Königstein, que les chambres sont dissoutes et que les ministres se retirent, les révolutionnaires forment un gouvernement provisoire. Les troupes saxonnes sont pour la plus grande partie dans leduché de Holstein. Le gouvernement saxon en fuite se tourne vers la Prusse pour obtenir de l'aide. Les troupes prussiennes et les unités militaires régulières saxonnes restées sur place écrasent l'insurrection le après des combats de rue acharnés[124].
Holstein et Schleswig ; première guerre dano-allemande
Prise d'assaut des barricades par l'armée prussienne sur laKonstablerwache à Francfort le. Lithographie de E. G. May d'après un dessin de Jean Nicolas Ventadour.
Fin, un soulèvement allemand national se produisit dans les duchés nordiques deSchleswig et deHolstein, après que le roiFrédéric VII de Danemark, sous l'influence desnationaux-libéraux danois, a voulu faire adopter une constitution commune auRoyaume de Danemark et aux duchés de Schleswig et de Holstein. Ces duchés dépendent à l'époque du roi danois en sa qualité de duc. Le Holstein, en tant quefief allemand, est cependant membre de laConfédération germanique depuis 1815, tandis que le Schleswig est un fief du Royaume de Danemark. Les nationaux-libéraux allemands craignent l'incorporation du Schleswig dans le Danemark et forment un gouvernement provisoire. Il est reconnu par leBundestag de laConfédération germanique àFrancfort avant même l'ouverture duParlement de Francfort, toutefois l'absorption formelle du Schleswig dans la confédération est évitée. À la suite de la formation du gouvernement nationaliste, la première guerre dano-allemande commence. À la demande de la confédération, les troupes prussiennes, dirigées par leGeneralfeldmarschallFrédéric von Wrangel, parviennent jusqu'auJutland[127].
Cette manœuvre conduit à une pression diplomatique sur la Prusse de la part de laRussie et duRoyaume-Uni qui menacent de soutenir militairement leDanemark. La Prusse cède et le roi Guillaume IV conclut l'armistice de Malmö avec le Danemark le[128]. Le retrait des troupes de la Confédération germanique du Schleswig et du Holstein ainsi que la dissolution du gouvernement provisoire deKiel y sont prévus[129].
Cette action arbitraire de la Prusse conduit à une crise au sein du Parlement de Francfort, qui a commencé entre-temps à siéger. Il devient clair que les moyens et l'influence du Parlement sont minimes. Il est soumis au bon vouloir de la Prusse et de l'Autriche. Puisque le Parlement ne dispose d'aucun moyen de poursuivre la guerre contre le Danemark sans la Prusse, il se voit contraint d'approuver l'armistice le[129]. Cette approbation a pour conséquence de nouveaux troubles dans toute l'Allemagne, et plus particulièrement à Francfort. Puis, les troupes prussiennes et autrichiennes sont envoyées à Francfort contre ce qui dégénère en combats de barricades. Lors de ces affrontements, il n'est plus tellement question du Schleswig-Holstein pour les insurgés, mais désormais, et de manière grandissante, de la défense de la révolution elle-même[130].
Après queFriedrich Daniel Bassermann a exigé le au parlement de Bade[citation 29] une représentation populaire au sein duBundestag de la Confédération germanique[131], cette revendication se propage au-delà du parlement et ainsi, le, l'assemblée d'Heidelberg se conclut par une invitation à unpré-parlement[citation 30]constituant[39]. Après que leBundestag de la Confédération germanique a réagi à la pression publique en accordant la liberté de la presse, il essaie aussi de regagner sur-le-champ la souveraineté de la constitution et de la représentation parlementaire en reconnaissant la nécessité d'une révision de l'Acte confédéral allemand et de la mise en place ducomité des dix-sept afin d'élaborer une nouvelle base à la constitution pour une Allemagne unie[131]. Le « pré-parlement », au sein duquel les libéraux ont le dessus sur la gauche radicale, décide dans les premiers jours d'avril de travailler en commun avec la Confédération germanique et d'amorcer avec elle les élections pour une assemblée nationale constituante afin de donner un cadre juridique au mouvement[39]. Lecomité des cinquante est mis en place pour représenter le mouvement révolutionnaire auprès duBundestag, et celui-ci appelle les États de la Confédération germanique à mettre en œuvre l'élection de l'assemblée nationale. Elle se réunit pour la première fois le en l'église Saint-Paul de Francfort et élit le libéral modéréHeinrich von Gagern comme président[37].
L'assemblée nationale établit lePouvoir central provisoire le, un gouvernement faisant office d'exécutif pour le parlement, et reprend le pouvoir étatique duBundestag[132]. Le poste de chef de l'exécutif (régent impérial) est attribué àJean-Baptiste d'Autriche, connu pour ses opinions libérales. Le princeCharles de Linange est nommé ministre-président de ce nouveau « ministère de l'empire »[133]. L'Empire allemand se substitue à laConfédération germanique le 12 juillet lorsque leBundestag transfère son pouvoir et ses compétences à la nouvelle autorité. À cette occasion, l'ensemble des États allemands reconnuaissent le gouvernement provisoire du Reich. Cependant, lors des mois suivants, les plus grands États allemands n'acceptent pas toujours les décrets et les lois fédérales.
Évolution des différentes fractions au sein de l'hémicycle[134].
Le parlement de Francfort doit préparer l'unité allemande et élaborer la constitution de l'empire[128]. Au sein de ce parlement, la plupart des membres sont issus de labourgeoisie : de grands propriétaires cultivés, de hauts fonctionnaires, de professeurs, d'officiers, de magistrats, d'avocats, etc. Pour cette raison, le parlement est affublé de surnoms peu flatteurs par le peuple goguenard :« parlement des notables » ou« parlement des professeurs »[135],[136]. Dans le cadre du travail parlementaire, différentsgroupes parlementaires se forment bientôt. Ils sont baptisés en fonction des cafés où leurs membres se rencontrent après ou entre les séances pour convenir de leurs propositions et de leurs idées. À l'exception d'un grand groupe de députés qui n'appartiennent pas aux factions (33 % des députés en), deux ailes idéologiques et deux partis centristes se constituent. Leur répartition au sein du parlement est la suivante en : la gauche démocratique[citation 31], le centre gauche, le centre droit et la droite conservatrice[137],[138]. La première, également appeléedie Ganzen à l'époque, est composée des fractions duDeutscher Hof (8 %), duDonnersberg (7 %) auxquels se joint ennovembre leNürnberger Hof. À partir de début1849, elle est globalement réunie au sein de l'Association centrale de Mars duquel naquit leparlement croupion allemand[citation 32]. Le deuxième groupe est celui decentre gauche parlementaire-libéral[citation 33], également appeléedie Halben. Il est composé duWürttemberger Hof (6 %) et duWestendhall (7 %), puis duAugsburger Hof (7 %) à partir deseptembre. Il s'unit avec le centre droit enfévrier 1849 au sein du groupeWeidenbusch. Le troisième groupe est lecentre droit constitutionnel-libéral[citation 34] : à partir d'août, avec le détachement duLandsberg (6 %), il est absorbé par la grande fractionCasino (21 %). Avec lecentre gauche, il forme laliberale Mitte (centre libéral), connu sous le nomdie Halben. Début1849, une partie de lafraction Casino fusionne avec les fractions dedroite pour former lePariser Hof. Enfin, la droite conservatrice[citation 35] est principalement composée de conservateursprotestants. Ils siègent au départ dans laSteinernen Haus, puis ils sont connus à partir deseptembre comme la fraction duCafé Milani (6 %).
Leparlement de Francfort voit s'opposer leslibéraux,die Halben, et les démocrates,die Ganzen. Les premiers, plus modérés, acceptent le compromis avec les monarques et privilégient lamonarchie constitutionnelle héréditaire adoptant soit lasolution petite-allemande (sans l'Autriche), soit lasolution grande-allemande (avec l'Autriche) ; tandis que les seconds plus intransigeants donnent plus d'importance à la souveraineté du peuple et donc à un régime fortement parlementaire. Les plus radicaux d'entre eux revendiquent la mise en place d'une république. Les libéraux redoutent dans ce cas une« république rouge », l'anarchie et une nouvelleterreur[139]. La solution grande-allemande a les faveurs des démocrates[137].
Les groupes parlementaires débattent vivement sur le droit deveto à accorder à l'exécutif sur les décisions du parlement. La majorité souhaite un veto suspensif, mais certains libéraux commeFriedrich Christoph Dahlmann souhaitent attribuer un veto absolu pour faciliter l'acceptation du titre impérial au roi de Prusse. Un autre débat concerne le suffrage, les plus radicaux réclamaient lesuffrage universel masculin direct secret, tandis que les libéraux, par peur des démagogues, lui préféraient unsuffrage censitaire[140],[141],[142].
Le désaccord des députés paralysant le parlement, il vient à manquer unpouvoir exécutif capable de faire appliquer les décisions (qui échouent souvent en raison des initiatives individuelles de l'Autriche ou de la Prusse[135]). Cela mène à plusieurs crises, comme la guerre contre le Danemark au sujet de la question du Schleswig-Holstein.
Vote de la constitution, puis refus de la couronne impériale
Schéma de la structure de l'État allemand unifié prévue dans la Constitution du Parlement de Francfort de 1849.
Malgré tout, le parlement se prononce le pour un ensemble de droits fondamentaux[143], puis, le, vote laConstitution de Francfort avec une majorité de 42 voix. Pour ce vote, les libéraux du centre-droit s'allient à ceux du centre-gauche, on parle de« pacteSimon-Gagern[citation 36],[134] ». Elle prévoit unemonarchie constitutionnelle héréditaire, une unification avec lasolution petite-allemande dont le roi de Prusse sera l'empereur, le suffrage universel direct et secret, ainsi qu'unveto suspensif[33].
Le, lorsque le roi de PrusseFrédéric-Guillaume IV refuse la dignité d'empereur que lui propose ladéputation impériale[citation 37], le Parlement de Francfort est de fait un échec[129],[144]. Vingt-neuf des États de moyenne puissance approuvent la Constitution. L'Autriche, laBavière, laPrusse, laSaxe etHanovre la refusent. Les députés prussiens et autrichiens quittent le Parlement lorsqu'ils sont révoqués par leur gouvernement[59].
Dissolution du« parlement croupion » le à Stuttgart : desdragons wurtembergeois dispersent la manifestation des députés maintenus dehors (illustration d'un livre de 1893).
Afin de faire toutefois aboutir la Constitution dans lesLänder isolés malgré le renforcement de la contre-révolution, il y a en mai 1849 dans certains centres révolutionnaires des« soulèvements de mai » dans le cadre de lacampagne pour la Constitution du Reich[citation 38]. Ces soulèvements créent un deuxième sursaut révolutionnaire radicalisé qui prend des proportions semblables à une guerre civile dans certaines régions de la Confédération, par exemple lepays de Bade et leroyaume de Saxe[145]. LeParlement de Francfort perd la plus grande partie de ses membres en raison des révocations et d'autres défections, et se retire àStuttgart le sans les députés prussiens et autrichiens sous la forme d'unparlement croupion[citation 32]. Il reste 130 députés[146]. Le, ce parlement est violemment dissous par les troupes duWurtemberg. C'est avec la défaite des derniers combats révolutionnaires du àRastatt que la révolution de Mars est définitivement mise en échec[59],[49].
Friedrich Jucho, l'administrateur du domaine de l'Assemblée nationale, en fuite. Caricature au tournant de l'année 1849/1850La déroute duPrintemps des peuples en 1849 caricaturée par Ferdinand Schröder dans leDüsseldorfer Monatshefte sous le titre dePanorama de l'Europe en août MDCCCXLIX, (1849).
Après l'échec de la révolution, une contre-révolution réactionnaire triomphe. Dans la décennie qui suit 1848, appelée « ère réactionnaire », s'établit de nouveau une période de Restauration, qui ne prend cependant pas tout à fait les proportions de la répression de Metternich pendant leVormärz[147],[148].
Après son échec provisoire lors de laconférence d'Olmütz de 1850[151], l'idée d'uneunion de la petite Allemagne est imposée et réalisée« d'en haut » par les puissances conservatrices dominantes menées par la Prusse sous la direction d'Otto von Bismarck en tant queministre-président de Prusse à partir de 1862, après les trois guerres d'unification allemande menées par la Prussecontre le Danemark,contre l'Autriche etcontre la France. En 1871, à la suite de la victoire de la Prusse sur la France, le roi Guillaume de Prusse est couronné premier empereur allemand àVersailles sous le nom deGuillaumeIer et l'Empire allemand est proclamé ; jusqu'en 1890, le chancelier impérial Bismarck joue un rôle prépondérant dans sa politique[152]. L'influence de la révolution dans le processus d'unification est indéniable[148].
L'échec des objectifs nationalistes de la révolution de Mars[153] détourne souvent l'attention des succès certains et des progrès durables qui sont atteints dans les années de la Révolution et sur lesquels la contre-révolution victorieuse ne peut revenir, comme en premier lieu la fin définitive de l'ordre féodal[147]. Une grande partie de la population rurale et paysanne adhère aux revendications d'abolition duservage héréditaire et des redevances féodales, ce qui la conduit à participer aux mouvements de, en particulier en Autriche[154].
Un autre succès certain des années révolutionnaires est l'abolition de la justice inquisitrice secrète des périodes de la Restauration et duVormärz. L'exigence du caractère public de la juridiction répressive et de la cour d'assises fait partie des revendications fondamentales de Mars. Sa mise en place conduit à une amélioration durable de l'équité juridique. LaConstitution prussienne est également un acquis certain[148].
Première édition du magazine satiriqueKladderadatsch ().
De plus, pendant la Révolution, à la suite de l'assouplissement de la censure, une presse plus ou moins pluraliste émerge. Le nombre de journaux politiques passe ainsi de 118 en 1847 à 184 en 1850. En Autriche, il n'y a que 79 journaux avant la révolution, contre 388 ensuite. Dans toute l'Allemagne, le nombre de journaux a atteint 1 700 en 1848[155]. Ceux de gauche comme de droite gagnent en influence sur les actualités politiques. À gauche, on peut citer par exemple le journal publié parKarl Marx, laNeue Rheinische Zeitung (Nouvelle Gazette rhénane), qui est interdit le[156]. Le centre modéré est entre autres représenté par laDeutsche Zeitung (Journal allemand) et la droite par laNeue Preußische Zeitung (Nouvelle Gazette prussienne) à la création de laquelleOtto von Bismarck est associé[157]. C'est avec leKladderadatsch (Patatras) que voit le jour le l'un des premiers grandsmagazinessatiriques d'Allemagne[158],[159].
Influences sur les différentes mouvances politiques et associatives
Le rétablissement de la liberté associative en Allemagne a pour conséquence la formation de nombreuses associations, politiques notamment. Elles peuvent être classées en associations ouvrières, démocratiques, constitutionnelles, catholiques, rurales, et groupes d'intérêt citoyens[160], les associations conservatrices étant peu développées[161]. Les premières, rassemblées dans lafraternité générale des travailleurs allemands fondée le à Berlin[162],[163], sont au nombre de 170, pour un total de 15 000 membres au début de 1849[164]. C'est la première organisation de travailleurs présente dans plusieurs régions en Allemagne : elle a notamment un rôle important dans l'émergence dessyndicats[165]. Les associations démocratiques, également nommées« populaires[citation 39] », sont à leur apogée, au nombre d'environ 200 pour 200 000 membres[166]. Début1849, elles se rassemblent pour former l'Association centrale de Mars qui, enmars, compte 950 associations et 500 000 adhérents[167]. Les associations constitutionnelles, appelées aussi« patriotiques[citation 40] », rassemblent les libéraux[168]. Elles sont moins importantes en nombre d'adhérents que les associations populaires[169], leur association nationale rassemble ainsi, en, 160 associations locales[168]. Les associations catholiques, dites aussi« Pi », sont aussi très répandues : dans le seulpays de Bade, il y a 400 associations pour 100 000 membres[170]. Les associations rurales[citation 41], présentes seulement enSilésie, se regroupent enaoût 1848 dans leHauptristikalverein. Elles sont au nombre de 200, pour 200 000 membres[171]. Enfin, le mouvement ouvrier est naissant[172].
Les nouveaux mouvements réclamant une émancipation, en particulier lemouvement ouvrier et lesféministes, n'ont pas eu un poids important dans la révolution. Ils ne sont pas directement représentés au parlement, tout au plus la gauche libéral-démocrate bourgeoise défend leurs intérêts. La révolution a cependant fortement influencé leur développement[173].
En ce qui concerne les féministes, le la journaliste et avocate du droit des femmesLouise Otto-Peters fonde le journal politiqueFrauen-Zeitung (Journal des femmes), où elle appelle au regroupement des ouvrières au sein d'associations afin de défendre leurs intérêts[174],[175].
Unepériode de réaction suit directement la révolution, marquée par les procès contre les démocrates et les communistes, et par la censure et le contrôle de l'administration[176]. Elle laisse cependant rapidement la place à une ère pluslibérale diteNeue Ära entre1849 et1866. Elle voit notamment les forces libérales se renforcer et se rassembler en 1861 dans le premier parti politique allemand : leparti progressiste allemand[177]. Toutefois, Wolfgang Siemann note que toutes ces associations politiques préfigurent les partis politiques modernes. Il faut par ailleurs définir avec précision le terme de « parti » pour déterminer quel est le premier parti allemand[178].
La plupart des démocrates radicaux, quand ils n'ont pas été emprisonnés ou exécutés, se sont exilés[179]. Les années 1848-1849 voient une vague d'émigration massive. Pendant les années 1847, 1848 et 1849, respectivement 78 800, 59 000 et 61 700 Allemands émigrent, surtout vers les États-Unis[180]. Lesémigrants y sont désignés par le nom deForty-Eighters ce qu'on peut traduire par « quarante-huitards ». Beaucoup de ces émigrés s'impliquent dans la vie démocratique locale[49]. Ainsi ils sont nombreux à soutenirAbraham Lincoln lors des élections présidentielles américaines, à combattre l'esclavage ou à prendre part à laguerre de Sécession au côté des États du Nord de 1861 à 1865. Certains font également une carrière politique commeLorenz Brentano[181] ouCarl Schurz (ministre de l'intérieur de 1877 à 1881[182]).
Les autres démocrates radicaux, qui sont restés en Allemagne ou qui y sont revenus après l'amnistie de 1862, rejoignent massivement le mouvement ouvrier et lasocial-démocratie[183].
D'abord mis au ban, par leroyaume de Prusse notamment[184], l'Empire allemand se considère comme l'aboutissement de la révolution de Mars, mais en sous-estime l'influence et ne suit pas son esprit. Ainsi le parlement national et une partie de la constitution sont repris des acquis de la révolution de Mars[185]. Toutefois les droits fondamentaux ne sont pas inscrits dans la constitution mais seulement assurés au moyen de lois[186].
Les causes de l'échec de la révolution ont longtemps été analysées[139]. Pêle-mêle, on peut citer le dualisme austro-prusse, qui empêche toute évolution ; la division entre les libéraux et les démocrates ; le rejet de la révolution par les bourgeois et les libéraux de peur de la voir se transformer en nouvelleTerreur française[139] ; le manque de soutien des autres grandes puissances européennes ; le choix personnel du roi de PrusseFrédéric-Guillaume IV, qui est trop vu comme l'homme providentiel ; et la rapide victoire en Mars, qui donne aux députés des attentes irréalistes comme la création simultanée d'un État-nation, la proclamation des droits fondamentaux et d'acquis sociaux. Botzenhart dit résumer la pensée deDieter Langewiesche,Hans-Ulrich Wehler et Siemann en disant qu'il y a trop de problèmes à régler. Il ajoute que les difficultés de laRévolution française, alors que là-bas la situation est plus simple, montre combien la tâche est difficile[148]. Nipperdey expose les « pour » et les « contre » de la politique des libéraux et conclut que la faute n'est à imputer ni aux démocrates ni aux libéraux puisque leur mésentente est inévitable et que les éléments contraires sont trop nombreux[139].
Heimat (film, 2013) d'Edgar Reitz :Heimat : Chronique d'un rêve (Die andere Heimat : Chronik einer Sehnsucht) etHeimat : L'Exode (Die andere Heimat : Die Auswanderung), préquelle à la mini-sérieHeimat, pour la période Vormärz (1815-1848)
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