Unequestion rhétorique (ou question oratoire) est unefigure de style qui consiste à poser unequestion n'attendant pas de réponse, cette dernière étant connue par celui qui la pose[1].
La question oratoire, ou « interrogation oratoire », est la forme la plusrhétorique de la question et de l'assertion déguisée. Ainsi le poète français Marcel Courault la nomme « fausse interrogation »[2]. Paradoxalement, cette figure a en effet une valeur affirmative, en dépit d'un tour souvent négatif :
« Ah ! Fallait-il en croire une amante insensée ? Ne devais-tu pas lire au fond de ma pensée ? »
Elle se fait à l'oral avec uneintonation spécifique, qui renforce la réponse que sa production sous-entend. En effet, le locuteur de la question oratoire n'attend pas de réponse.
Néanmoins, la figure peut conduire à des effets complexes, comme celui produit par une autre figure de style : l'euphémisme. En effet, la fausse question peut permettre d'atténuer des propos blessants ou choquants, voire des accusations. Elle est ainsi employée par les avocats, lors desplaidoiries ou lors desréquisitoires, pour masquer notamment l'horreur de certains faits jugés (un crime par exemple).
La stupéfaction peut également être un effet permis par la question oratoire. Cependant, dans bien des emplois littéraires de cette figure, il existe souvent un exercice habile, une espèce de « trucage » de l'auteur pour décrire une scène sans instaurer un cadre descriptif, à l'insu du lecteur en quelque sorte. Ainsi dansLe Cid,Corneille nous donne à voir une scène sans recourir à une description ou desdidascalies : en usant seulement de questions rhétoriques professées par le personnage parlant :
« Elvire, où sommes-nous ? Et qu'est-ce que je vois ? Rodrigue en ma maison ! Rodrigue devant moi ! »
Cette séquence alterne symétriquement deux questions rhétoriques dans un même vers, marquant la stupéfaction de Chimène, puis dans le second vers, deux réponses permettant de décrire la scène : la présence de Rodrigue.
Dans certains contextes (syndicaux, politiques, militaires, etc.), les questions rhétoriques animent lesharangues du locuteur.
Enrhétorique, la question rhétorique peut amener deux types de manœuvres oratoires :
soit amener le public à prendre une décision (délibération) ;
soit en s'interrogeant soi-même on feint de proposer une objection (dubitation).
L'art oratoire propose un exercice de rhétorique nommé « subjection » qui consiste à user de questions oratoires et de réponses immédiates fournies par le même locuteur, afin notamment de faire croire avoir obtenu l'aveu de l'adversaire. Cet exercice appelé également « hypobole » dévoile toute la force de cette figure, très courante du reste à l'oral :
« Que veux-tu que je fasse ? Je ne peux quand même pas... »
« Je me demande comment cet homme est devenu si riche :lui a-t-on laissé un ample patrimoine ?Tous les gens de son père ont été vendus.Lui est-il survenu quelque héritage ?Non, tous ses parents l'ont déshérité... »
Ici, l’auteur alterne questions rhétoriques et réponses immédiates, ne permettant pas à l'adversaire de se défendre.
Socrate, par sa méthode dite de lamaïeutique use de la question rhétorique, qui ponctue sans cesse ses dialogues philosophiques :
« Est-ce que, dans ces choses où nous sommes des inutiles, nous serons desphiloi pour quelqu'un, et est-ce que quelqu'un nous aimera ? - Certes, non. »
Pierre Fontanier l'appelle :« interrogation figurée » car il y voit une manœuvre du locuteur à son allocutaire qui le place dans l'impossibilité de pouvoir ni nier ni répondre.
En linguistique moderne (pragmatique), on appellequestion rhétorique une question qui attend une réponse dichotomique : soitoui soitnon, par opposition aux questions indirectes, qui attendent une réponse construite comme dans« Avez-vous l'heure ? ». L'interlocuteur ne répondra pasoui mais donnera l'heure. Bien que synonymes, les deux occurrences ne doivent pas être confondues.
↑Marcel Courault, 1957,Les Voies de la composition française : manuel pratique de l'art d'écrire, Tome 2 (La Phrase, le style), Paris,Hachette, 1957, collection Classiques Hachette.