PsammétiqueIer Ouahibrê (Grec : Ψαμμήτιχος, Psammêtichôs) est unpharaon de laXXVIe dynastie ayant régné de 664 à 610 avant l'ère commune[1]. Il est l'un des rois égyptiens les plus importants du dernier millénaire avant l'ère commune en réussissant, vers 655 AEC, à réunifier l'Égypte après près de quatre cents ans de divisions et de conflits incessants. Sous son règne ont lieu d'importantes réformes administratives, à un retour marqué du pays sur la scène internationale et le début de l'ouverture au monde grec qui ne cessera de croître par la suite. PsammétiqueIer va ainsi servir de modèle à la plupart des rois égyptiens postérieurs, marquant ainsi clairement le début de ladernière période de l'histoire égyptienne avant ladomination grecque[3].
Son père,Nékao Ier, était le roi de Saïs d'une Égypte divisée et soumise successivement auxKoushites deTaharqa de laXXVe dynastie et auxAssyriens d'Assurbanipal. À la suite du départ des Assyriens après une campagne en 667/666 AEC, les roitelets et chefs du Nord, soutenus par Taharqa, créèrent des troubles et se révoltèrent face au pouvoir assyrien en chassant les fonctionnaires assyriens laissés sur place parAssurbanipal. Les Assyriens réprimèrent sévèrement ces révoltes et plusieurs de ces chefs et roitelets finirent déportés àNinive. Assurbanipal choisitNékao Ier, malgré sa participation aux troubles, comme représentant des roitelets et chefs du Delta dans le but de faciliter le contrôle de cette région à travers un intermédiaire, Nékao, plutôt qu'une multitude d'interlocuteurs. De plus, son fils, le futur roi PsammétiqueIer, est installé comme prince àAthribis, après que son prédécesseur Bakennefy a été déporté en Assyrie à la suite de la répression susmentionnée[8].
Le début du règne de Psammétique est donc difficile, étant réfugié chez les Assyriens. Ces derniers l'installent peu de temps après sur le trône de Saïs dès le début de l'année 663 AEC, mais Psammétique commence le décompte de ses années de règne à la mort de son père NékaoIer en fin d'année 664 AEC. Psammétique commence alors à unifier ledelta du Nil. Les détails de cette unification sont inconnus, la déportation à Ninive en 666 AEC de plusieurs dirigeants, dont le roitelettanitePétoubastis, ayant sans doute facilité cette unification. Certains de ces dirigeants se soumettent au roi saïte, dont Pmouï deBusiris, qui nomma d'ailleurs l'un de ses propres fils Psammétique et se qualifia de « son loué et aimé » (c'est-à-dire loué et aimé de Psammétique), ainsi qu'Akanosh deSebennytos, déjà allié de NékaoIer, qui est maintenu à la tête de la ville en tant que gouverneur. La dernière attestation d'un chef local est Padikhonsou dePharbaethos, attesté en l'an 8 sur une stèle de donation et qualifié de « prince, gouverneur, grand chef et commandant », mais le roi Psammétique tient bien son rang de roi sur la stèle, étant d'ailleurs représenté sur le cintre, Padikhonsou n'étant quant à lui que mentionné. Les autres villes du delta se voient quant à elle gouverner par des fonctionnaires nommés par Psammétique, comme Ousirnakht àLéontopolis et Padihormédénou àBubastis, deux anciennescapitales de laTroisième Période intermédiaire[10].
Si aucune résistance n'est mentionnée dans les sources égyptienne, elles ont dû avoir lieu et la prise du pouvoir sur l'ensemble de la Basse Égypte par Psammétique ne semble pas avoir été aussi évident. En effet, le soutien de mercenairescariens etioniens est mentionné par les sources grecques, mercenaires qui ont laissé des traces de leur passage en Égypte. D'ailleurs, selonHérodote[11], c'est un oracle qui aurait décidé que le vainqueur serait celui qui serait aidé par les « hommes de bronze »[12] venus de la mer.Strabon indique également que Psammétique a vaincu un certain Inarôs qui était probablement le prince d'AthribisInarôs Ier avec l'aide de mercenairesmilésiens. Enfin,Gygès deLydie envoya des soldats pour soutenir Psammétique entre 662 et 658 AEC. Cette aide égéenne n'est que le début d'une présence continue jusqu'à l'époque romaine[13].
Au tournant de l'an 9, la mainmise de Psammétique sur le delta est assurée et ce dernier se tourne alors vers la valllé du Nil encore soumise, nominalement à tout le moins, aux Koushites, comme l'atteste une stèle de donation de l'an 8 deTanoutamon retrouvée àThèbes. Psammétique prend d'abord le contrôle d'Héracléopolis, ville stratégique de Moyenne-Égypte, proche duFayoum, carrefour des flux caravaniers et fluviaux. Son dirigeant est alors soumis, et n'est plus attesté par la suite et est réduit àdes fonctions de police[14].
Aux alentours des ans 10 et 11, le roi engagea une campagne dans une zone allant des franges occidentales du delta auFayoum, comme l'atteste une stèle de Saqqarah-Sud. Le conflit s'est peut-être d'ailleurs étendu à la pointe occidentale du delta où, selonDiodore, Psammétique aurait poursuivi ses opposants avant de les battre à nouveau àMomemphis. Cependant, en l'état de ce témoignage, il est difficile de faire la différence entre les tribus libyennes venant de l'extérieur et celles déjà installées, parfois depuis très longtemps, dans la vallée du Nil et qui auraient pu se révolter contre le pouvoir pharaonique[16].
Concernant les relations extérieures entre l'an 9 et le milieu du règne, notamment avec la Nubie et l'Assyrie, elles ne sont pas claires mais ne semblent pas indiquer de rapports conflictuels. Le roi semble avoir en effet effectué une expédition au sud, vers la Nubie, à en croire une représentation sur des blocs dutemple de Mout àKarnak. Cette expédition avait été menée par le général Samtoutefnakht, déjà mentionné précédemment et a rapporté des produits (ocre, fruits de palmier) qui ne correspondent pas vraiment à un butin de guerre. Quant à l'Assyrie, l'Égypte s'en était émancipée, ce qui a mené à un certain mécontentement d'Assurbanipal. L'Égypte n'est d'ailleurs plus mentionnée comme une province assyrienne dès 639 AEC (soit l'an 26 de Psammétique). Cependant, l'émancipation égyptienne ne signifie pas un renversement d'alliance, puisque, d'une part, aucune coalition anti-assyrienne n'est mise en place dans les années qui suivent, et que, d'autre part, la position égyptienne d'allié de Ninine dans l'avant-dernière décennie duVIIe siècle AEC est bien attesté[18].
Grâce à cette réunification égyptienne accompagnée d'une sécurisation du pays à la fois intérieure et extérieure, Psammétique a pu engager une réforme en profondeur de l'administration. Il nomma donc des fonctionnaires fidèles dans les différentes villes qu'il pouvait déplacer de ville en ville au gré des besoins, évitant par ailleurs la création de dynasties locales. Les provinces ont également été redécoupées, permettant un maillage plus étroit du territoire. Cette réorganisation territoriale est accompagnée d'une réforme des services centraux : levizir du Sud perd une partie de ses fonctions dès la moitié du règne, tandis que les fonctions judiciaires dans le delta sont confiées à une multitude de vizirs, ces vizirs avaient donc des fonctions bien plus réduites que ceux duNouvel Empire[19]. Psammétique fait deMemphis sa capitale et réorganise l’administration. Il nomme deux gouverneurs àHéracléopolis en Moyenne-Égypte et àEdfou en Haute-Égypte.
Relations internationales dans la seconde moitié du règne
Lors de la seconde moitié du règne, l'Égypte devient active sur le plan internationale, que ce soit auProche-Orient ou enNubie. Le règne de Psammétique marque un tournant, que ce soit dans le rapport de l'Égypte avec le Proche-Orient ou la configuration politique de cette région. Le roi s'était contenté de mettre en place un glacis à sa frontière orientale, puisque c'est par là que sont venues de nombreuses invasions dans les décennies précédentes et c'est peut-être pour cette raison qu'il pritAshdod en l'an 28. Mais dès la décennie 630-620 AEC, la situation évolua fortement avec le retrait de l'Assyrie en Syrie et en Palestine, conséquence des guerres fratricides entre les fils d'Assurbanipal,Assur-etil-ilâni etSîn-shar-ishkun. L'Assyrie est par ailleurs menacée par leroyaume babylonien deNabopolassar et celui desMèdes deCyaxare, ainsi que par des raids deCimmériens et deScythes[20].
L'Égypte profite donc de l'occasion pour s'installer plus durablement et plus profondément dans le couloir levantin. Psammétique fait d'ailleurs face auroi judéenJosias qui profitait de la retraite assyrienne pour appliquer une politique d'expansion vers le nord. Psammétique prend toutefois le contrôle de lavia maris, c'est-à-dire la voie de la côte vers la Syrie. C'est peut-être à cette occasion que le roi égyptien affronta les Scythes, peut-être en Palestine vers 622-622 AEC, comme le mentionneHérodote[21],[22]. C'est peut-être à ce moment-là que Josias devint un allié du roi égyptien : il aurait en effet envoyé des troupes au roi égyptien lors d'une campagne contre lepays de Koush[22]. Quelques années plus tard, le roi semble avoir contracté une alliance avec l'Assyrie en voie de pleine décomposition. L'Égypte envoie en 616 AEC une armée en Syrie et prend le contrôle de la région allant deMegiddo àKarkemish sur l'Euphrate, menaçant ainsi les armées babylonniennes. Une nouvelle armée est envoyée en 610, année même du décès du roi, pour aller aider le dernier roi assyrienAssur-uballit II qui ne contrôle plus qu'un petit territoire autour d'Harran. Les armées égyptiennes sont toutefois défaites et l'espace mésopotamien sera dès lors aux mains desBabyloniens et desMèdes[22].
Psammétique joua un grand rôle dans l'ouverture de l'Égypte à la culture grecque, rôle dont les auteurs grecs ont eu conscience. En effet, il est le premier à avoir fait appel à des mercenaires égéens (Lydiens,Cariens etIoniens), et ce, dès le début de son règne. Cette politique de faire appel à des mercenaires égéens est peut-être dû à une méfiance envers les troupes d'origine libyenne (lesMâchaouach) dont la fidélité restait incertaine. Toujours est-il que cette politique sera poursuivie par ses successeurs, ce qui jouera par ailleurs des tours à son arrière-petit-filsApriès, que l'armée remplaça par son général et qui devint le roiAhmôsis II. Si certaines troupes des armées égyptiennes étaient toujours constituées uniquement de Libyens, comme celles postées à la pointe occidentale du delta, d'autres uniquement constituées d'Égéens sont installées sur la branchepélusiaque du Nil, en aval deBubastis[24].
Le roi semble avoir été surtout actif dans le nord du pays. Sa capitale, Saïs, a été l'objet de toutes les attentions du roi qui a agrandi le temple dédié à la déesseNeith et y a fait construire sa propre tombe. Une stèle de donation de l'an 11 montre également que le roi a doté généreusement le temple de la déesse. Toutefois, l'état de délabrement avancé de la ville ne permet que difficilement de mesurer l'ampleur des réalisations du roi dans cette ville. Le roi a également été actif àTanis où il a érigé un kiosque à colonnes et un petit temple secondaire. ÀTell el-Balamoun, des aménagements dans le téménos sont attribuables au début de laXXVIe dynastie et un petit temple comporte des dépôts de fondation au nom du roi. ÀMendès, une stèle de donation au nom du roi a été découvert, indiquant peut-être une activité royale plus importante dans cette ville dont il ne reste que peu de choses. Des éléments architecturaux au nom du roi ont également été découverts àHermopolis Parva,Busiris etPharbaethos[26].
ÀMemphis, le roi a été actif dans letemple de Ptah et la maison du taureauApis selon Hérodote, particulièrement avec l'érection de la porte sud de l'enceinte de Ptah. Toutefois, la seule trace du roi dans la ville est une statue dePtah. En revanche, le roi est mieux attesté du côté duSérapéum, où le roi s'était investi. Sous son règne eut lieu l'enterrement d'un taureau Apis en l'an 21, dans les « petits souterrains », puis en l'an 52 dans les « grands souterrains », dont il est l'inaugurateur. Il semble en effet que les « petits souterrains » se soient effondrés sous son règne et qu'il procéda au creusement des « grands souterrains » qui furent utilisés jusqu'à l'époque ptolémaïque[27].
Le torse de la statue du roi découverte à Héliopolis.
Le roi a également été actif àHéliopolis, dont certaines traces de ses activités ont été retrouvées àAlexandrie (la ville a en effet été partiellement dégarnie au profit de la nouvelle capitale desLagides). Il convient de noter deux éléments : premièrement une série de murs-bahuts dont le décor évoque les offrandes aux dieux de la ville ; deuxièmement, une statue colossale de plus de 6 mètres de Psammétique lui-même ornait l'avant du temple d'Atoum-Rê[28]. Faite enquartzite, la statue découverte le 9 mars 2017 est aujourd'hui fragmentaire, avec le buste, le bas de la tête et la couronne immergés dans le sous-sol boueux[29]. L'identification au roi PsammétiqueIer est due à la mention d'un des noms du pharaon à la base de la statue[30],[31],[32],[33],[34] La tête et le torse ont été transférés auGrand Musée égyptien[29].
Hors du Delta, les traces du roi sont plus minces. ÀEl Kab, le roi fait reconstruire le temple de la déesseNekhbet et décorer ses cryptes, œuvre plus tard usurpée parAhmôsis II. Des éléments architecturaux montrent qu'il a également été actif àAbydos,Coptos,Athribis,Esna,Edfou etÉléphantine. Quant à Thèbes, c'est surtout sa filleNitocris Ire qui est attestée, notamment par des chapelles àKarnak dédiées respectivement à Osiris Nebânkh-Dihabsed et Osiris Padedânkh. Cependant, le roi est lui aussi attesté par de nombreux blocs épars aujourd'hui conservés dans les réserves de Karnak, qui montrent une certaine activité dans les temples, dont le réaménagement des magasins d'offrandes au sud du lac sacré d'Amon. Un torse de statue et un sphinx provenant de la cachette de la cour duVIIe pylône sont tout ce qu'il reste de la statuaire royale du règne[35].
Le roi est décédé après cinquante-quatre ans de règne, vers 610 AEC. Selon un texte démotique, le jour de la mort du roi aurait été marqué par une éclipse, ce qui permettrait de dater plus précisément ce jour au 22 mars 610 AEC. Certains ont émis l'hypothèse, sans preuve aucune, que le roi serait mort à l'étranger, lors de sa dernière campagne en Syrie. En 610 AEC, c'est donc son filsNékao II qui lui succède[7].
Le roi est enterré dans la tombe qu'il s'était faite construire dans l'enceinte du temple deNeith àSaïs, en avant du temple proprement dit. Rien ne subsiste de la tombe elle-même, mais quelques ouchebtis parvenus dans les collections occidentales ont été attribués au roi, bien que ces attributions soit sujettes à débat[7].
↑« Inscription reveals colossus unearthed in Cairo slum not of Ramses II, more likely Pharaoh Psamtek I »,Australian Broadcasting Corporation,(lire en ligne, consulté le)
↑Bel Trew, « Statue found in Cairo may be biggest ever from the Late Period »,The Times,(lire en ligne, consulté le)