Philippe V dit « le Long » (vers -Abbaye royale de Longchamp,),roi de France de1316 à sa mort, etde Navarre, sous le nom dePhilippe II, durant la même période, est le quatorzième et avant-dernier monarque de la dynastie dite desCapétiens directs. Il est également le premier de cette dynastie à ne pas avoir hérité du titre de roi par son père, mettant fin au « miracle capétien ».
Philippe V meurt dedysenterie en 1322, sans héritier mâle pour lui succéder. C'est donc son frère,Charles IV, bénéficiant du précédent créé par Philippe en 1316, qui lui succède sur le trône.
Philippe le Long est le second fils du roi de FrancePhilippe IV le Bel et de son épouse la reineJeanne Ire de Navarre. Son père lui accorde lecomté de Poitiers en apanage en 1311. Les historiens modernes ont décrit Philippe comme un homme « d'une intelligence et d'une sensibilité considérables » et « le plus sage et le plus capable politiquement » des trois fils de Philippe le Bel[1]. Philippe est influencé par les troubles qu'a subis son père en 1314, ainsi que par les difficultés rencontrées par son frère aîné,Louis X, ditle Hutin[2]. Au cœur des problèmes de Philippe IV et de Louis X se trouve la levée de taxes en dehors des périodes de crises[2].
Le, Philippe épouseJeanne[3], la fille aînée d'Othon IV,comte palatin de Bourgogne, et deMahaut,comtesse d'Artois. Initialement, c'est Louis X qui devait épouser Jeanne, mais Philippe le Bel choisit finalement de lui faire épouserMarguerite de Bourgogne[4]. À la mort de son père, en 1303, Jeanne devient comtesse de Bourgogne, puis, après la mort de sa mère, en 1329, comtesse d'Artois. Par ce mariage, Philippe de Poitiers est lui-même comte palatin de Bourgogne et peut briguer la dignité impériale. Les historiens modernes ont peu de preuves précisant si le mariage de Philippe et de Jeanne a été heureux, mais le couple a beaucoup d'enfants en très peu de temps[5]. Par ailleurs, Philippe a été exceptionnellement généreux dans les cadeaux qu'il a faits à son épouse[4] et s'est assuré que les terres et les dons financiers qu'il lui a faits ne lui soient pas repris à sa mort[6]. Ainsi, Jeanne de Bourgogne reçoit plusieurs palais ainsi que des bijoux. De plus, Philippe lui accorde, en 1318, les propriétés de tous les Juifs de Bourgogne[7].
Au début de l'année 1314, Jeanne est impliquée dans l'affaire de la tour de Nesle. Sa cousine, Marguerite de Bourgogne, et sa sœur, Blanche de Bourgogne, sont convaincues d'adultère, respectivement avec Philippe d'Aunay, écuyer de la maison Valois, et avec son frère Gautier d'Aunay, bachelier du comte de Poitiers lui-même, et cela, sous le témoignage de la reine d'Angleterre,Isabelle, sœur de Philippe[8]. Pour sa part, Jeanne est soupçonnée d'avoir eu connaissance des adultères de Marguerite et de Blanche, voire de complaisance. Emprisonnée au donjon duchâteau de Dourdan pour s'y repentir, elle ne cesse de protester de son innocence[9]. En 1315, Jeanne est blanchie par leParlement de Paris, sans doute grâce à l'influence de Philippe, et est autorisée à retourner à la cour. On ignore encore pourquoi Philippe l'a tant soutenue. Certains suggèrent qu'il était inquiet de perdre la Bourgogne s'il venait à divorcer de Jeanne. D'autres avancent des lettres passionnées écrites à son épouse pour preuve que Philippe était véritablement épris d'elle[9].
Le, Philippe est sacré roi dans l'église Saint-Remi-de-Reims[11]. La majorité des barons de France n'est pas présente au sacre et des troubles éclatent enChampagne et en Bourgogne[12]. En conséquence, Philippe V réunit le lesÉtats généraux à Paris[3]. Réussissant à faire interpréter en sa faveur la coutume qui sera formalisée plus tard sous les aspects de laLoi salique, Philippe obtient que l'assemblée déclare qu'il est mieux placé au trône que sa nièce Jeanne, car séparé deSaint Louis par deux générations contre trois pour Jeanne, et que « femme ne succède pas au royaume de France ». Cette proclamation officielle se fait en dépit de l'opposition de certains barons, dontCharles de la Marche — dernier fils de Philippe le Bel et frère cadet de Philippe V — et la duchesseAgnès de Bourgogne, fille de saint Louis, qui protège les droits de sa petite-fille Jeanne[10].
Il est à noter que, contrairement à une légende très répandue, à aucun moment, la « loi salique » n'est évoquée dans les débats à cette époque, mais que ce fait et les suivants (succession deCharles IV en 1328) établiront une pratique usuelle d'exclusion des femmes de la succession qui ne sera « officialisée » avec cette référence aux Francs saliens que sousCharles VI, en 1388.
En 1317, Philippe V réédite un acte promulgué par son père en 1311, qui condamne l'aliénation et le vol des ressources royales et des postes administratifs dans les provinces[2]. En 1318, sa légitimité sur le trône étant définitivement assurée, il va plus loin, en établissant dans un nouvel acte une distinction entre le domaine royal français — l'ensemble des terres et des titres qui appartiennent en permanence à la couronne — et les terres et titres qui ont été confisqués par la couronne pour une raison ou une autre[2]. Ainsi, si la couronne doit accorder de nouvelles terres aux nobles, les terres données par le roi proviennent forcément de terres auparavant confisquées. Cette mesure se révèle à double tranchant, car elle renforce à la fois les pouvoirs inaliénables de la couronne, tout en rassurant également les nobles que leurs terres sont garanties à moins qu'elles ne viennent à être confisquées pour un quelconque crime ou délit[2]. En pratique, Philippe ne s'est pas entièrement conformé à ses principes autoproclamés sur l'octroi de terres et de titres royaux, mais il a été beaucoup plus conservateur dans ces domaines que ses prédécesseurs immédiats[13].
Philippe doit également faire face à des difficultés avec son beau-frère, le roi d'AngleterreÉdouard II. Comme le comte de Flandre, Édouard doit rendre l'hommage au roi de France, pour les terres qu'il possède enGascogne. Le roi d'Angleterre est peu enclin à respecter cette tradition féodale, puisqu'il est lui-même souverain et que la Gascogne a depuis un certain temps coupé les liens avec la couronne de France[12]. Édouard n'a pas rendu l'hommage à Louis X et décline initialement la demande de Philippe V, qui est réputé être plus favorable aux Anglais que Louis[12]. En 1319, Philippe autorise Édouard à rendre l'hommage par procuration, mais le somme de le rendre lui-même en 1320[12]. Le, en lacathédrale d'Amiens, Philippe V reçoit l'hommage simple du roi d'Angleterre pour le duché de Gascogne, lecomté de Ponthieu et la ville deMontreuil[24]. Philippe insiste également pour qu'Édouard lui fasse un serment de fidélité personnelle, une demande qui va au-delà des règles traditionnelles. Édouard s'y refuse, mais cet épisode marque le début de tensions entre la France et l'Angleterre pour les possessions continentales desPlantagenêts, qui vont s'aggraver après la mort de Philippe, en 1322.
Philippe se trouve àPoitiers en, alors qu'il effectue une visite dans le sud du royaume afin d'y réformer le système fiscal. Il est informé que la peur des lépreux se diffuse. Philippe publie un édit ordonnant que tout lépreux coupable d'empoisonnement soit brûlé et que ses biens soient confisqués par la couronne[38]. Le tour du sud du royaume et les plans de réformes, bien que loués par les historiens modernes, créent une opposition locale importante. Cette impopularité du roi coïncide selon les historiens avec l'éclatement de la violence[39]. Le déchainement de la violence à l'encontre des lépreux met le roi dans une situation difficile, car il ne peut ni cautionner ni condamner la persécution. En effet, la première option pourrait conduire à davantage de violence tandis que la seconde porterait atteinte à l'autorité royale[40]. Certains Juifs quittent la France en raison de la peur des lépreux mais Philippe refuse de signer un quelconque édit, ce qui limite ainsi l'impact de la violence[41],[42],[43],[44].
Atteint dedysenterie et defièvre quarte à partir d', Philippe est soigné à l'aide de bois et d'un clou de laVraie Croix, ainsi que d'un bras deSaint Simon[45]. Après un bref répit, il meurt à l'âge de29 ans à l'abbaye de Longchamp, près de Paris, dans la nuit du au, après cinq mois de souffrance. Il est inhumé dans labasilique Saint-Denis, tandis que ses viscères sont déposées aucouvent des Jacobins de Paris. Sa sépulture à Saint-Denis, comme celles de tous les autres princes et dignitaires reposant en ce lieu, sera profanée par lesrévolutionnaires le.
En vertu du précédent qu'il a invoqué en 1316 pour s'emparer du trône, Philippe, mort sans descendant mâle, a pour successeur son frère cadetCharles IV le Bel. Charles meurt également sans descendant mâle en 1328, ce qui conduit finalement à la revendication du trône de France parÉdouard III d'Angleterre — petit-fils de Philippe le Bel par sa mère Isabelle — en 1337 et au déclenchement de laguerre de Cent Ans.
↑Jean Duvernoy,Le registre d'inquisition de Jacques Fournier, évêque de Pamiers, 1318-1325 : manuscrit Vat. Latin no 4030 de la Bibliothèque vaticane -- publié avec introduction et notes par Jean Duvernoy, Paris,Privat, 1965-1972, Introduction.
↑(en)Elizabeth A. R.Brown,« The King's Conundrum : Endowing Queens and Loyal Servants, Ensuring Salvation, and Protecting the Patrimony in Fourteenth-Century France », dans John Anthony Burrow et Ian P. Wei,Medieval Futures : Attitudes to the Future in the Middle Ages (recueil d'articles), Woodbridge, The Boydell Press,(ISBN9780851157795),p. 130 etnote 30.
Isabelle Guyot-Bachy,« Expediebat ut unus homo moreretur pro populo : Jean de Saint-Victor et la mort du roi Philippe V », dans Françoise Autrand, Claude Gauvard et Jean-Marie Moeglin (éditeurs),Saint-Denis et la royauté : mélanges offerts à Bernard Guenée : Études offertes à Bernard Guénée, Paris, Publications de la Sorbonne,(lire en ligne),p. 493-504.