Militaire de carrière s'étant démarqué à l'École de guerre de ladoctrine dominante de l'offensive à outrance, il est sur le point de terminer sa carrière comme colonel lorsque laGrande Guerre éclate, en 1914. Chef militaire à l'action importante, il est généralement présenté comme le vainqueur de labataille de Verdun et, avecGeorges Clemenceau, comme l'artisan du redressement du moral des troupes après lesmutineries de 1917. RemplaçantNivelle en, il reste commandant en chef des forces françaises jusqu'à la fin de la guerre, bien que placé sous les ordres de son rivalFerdinand Foch nommé généralissime des troupes alliées après la rupture du front le.
Auréolé d'un immense prestige au lendemain de la guerre, il est le chef de l'armée d'après-guerre. En 1925, il commande personnellement les forces françaises combattant aux côtés de l'Espagne dans laguerre du Rif, remplaçant lemaréchal Lyautey. Devenuacadémicien en 1929, il occupe les fonctions deministre de la Guerre de à, puis est nommé ambassadeur enEspagne en 1939, alors que le pays est dirigé par legénéral Franco.
Henri Philippe Bénoni Omer Joseph Pétain naît le àCauchy-à-la-Tour, dans une famille de cultivateurs raisonnablement aisée[3], installée dans la commune depuis leXVIIIe siècle[4]. Il est le fils d'Omer-Venant Pétain (1816-1888) et de Clotilde Legrand (1824-1857)[4]. Il a quatre sœurs, Marie-Françoise Clotilde (1852-1950), Adélaïde (1853-1919), Sara (1854-1940) et Joséphine (1857-1862)[4]. Sa mèremeurt en couches en mettant au monde sa quatrième fille. Son père se remarie très vite avec Marie-Reine Vincent[5]. Trois autres enfants, demi-frère et sœurs, voient le jour : Élisabeth (1860-1952), Antoine (1861-1948)[c],[6] et Laure (1862-1945)[4].
Bien que son acte de naissance porte les prénoms Henri, Philippe, Bénoni, Omer et Joseph[7], c'est Philippe qu'il choisit et, tout au long de sa vie, il prend soin de rectifier[4].
Sa belle-mère néglige les enfants du premier lit de son mari et Philippe Pétain s'enferme dans le silence, ne parlant pas avant l'âge de trois ans[8]. Il est élevé par ses grands-parents maternels ; sa grand-mère lui apprend à lire. En 1867, à l'âge de11 ans, il entre au collège Saint-Bertin situé àSaint-Omer, à trente kilomètres de Cauchy, et y montre des qualités engéométrie,grec, etanglais. La famille est marquée par lecatholicisme. Philippe sert lamesse quotidienne commeenfant de chœur[9]. Un membre de la famille estcanonisé en 1881 parLéonXIII,Saint Benoît Joseph Labre ; un de ses oncles et deux de ses grands-oncles sontabbés[10],[11].
Cet environnement influence Philippe Pétain ; marqué à14 ans par ladéfaite de 1870, il décide d’être militaire[9],[d]. Son oncle paternel, l'abbé Legrand, le présente au châtelain du village deBomy, Édouard Moullart de Vilmarest, qui souhaitait financer les études d'un jeune villageois se destinant à une carrière militaire. Philippe Pétain prépare, au collège desDominicains d'Arcueil (1875), l'école deSaint-Cyr, où il entre en 1876.
Cinq ans sous-lieutenant, sept ans lieutenant, dix ans capitaine (promu en 1890), il gravit lentement les échelons militaires[12].
En 1883, il est affecté à une compagnie du3e BCP aufort de Châtillon-le-Duc dont il assure le commandement de mi 1887 à fin 1888.
Il est admis en 1888 à l'École supérieure de guerre et en sort breveté d'état-major deux ans plus tard au rang modeste de56e.
Plusieurs jeunes femmes de bonne famille (Antoinette Berthelin, Angéline Guillaume,Lucie Delarue, Marie-Louise Regad)[13] refusent ses demandes en mariage, car il n'est encore qu'un officier subalterne.
Sa vie personnelle est celle d'un homme à femmes : célibataire endurci jusqu'à son mariage avecEugénie Hardon à60 ans passés, il a de nombreuses maîtresses au cours de sa vie et fréquente souvent lesmaisons closes[8],[14].
Opinions personnelles avant la guerre
Élevé dans le catholicisme, mais ayant une vie personnelle « de garnison », confronté à une certaine morgue de ses supérieurs et des « bonnes familles », Pétain reste discret sur ses opinions, dans l'esprit de la « grande muette ». Sa carrière est lente dans l'armée assez aristocratique desannées 1890. Lors de l’affaire Dreyfus, le capitaine Pétain n'est pas antidreyfusard ; ultérieurement, il affirme à son chef de cabinet civilHenry du Moulin de Labarthète[15] :« J'ai toujours cru, pour ma part, à l'innocence de Dreyfus ». Il juge cependant que Dreyfus s’était mal défendu[16] et que sa condamnation était logique : l'idée queFélix Gustave Saussier etJean Casimir-Perier aient condamné Dreyfus en le sachant innocent l'aurait tourmenté[e][17], voire scandalisé d'après les deux ministres pétainistes,Henri Moysset etLucien Romier. En tout cas, il ne participe pas à la souscription en vue du« monument Henry »[18], ouverte par le journalantisémiteLa Libre Parole, d'Édouard Drumont, pour la veuve ducolonel Henry, responsable par ses faux de la condamnation ducapitaine Dreyfus[19],[20].
Philippe Pétain est promu dans la période de « républicanisation de l'armée » qui suit l'affaire Dreyfus : aide de camp deJoseph Brugère, général républicain nommégouverneur militaire de Paris par le gouvernement de défense républicaine dePierre Waldeck-Rousseau pour réduire l'influence antidreyfusarde dans l'armée[21], Pétain est également un proche dugénéral Percin, officier républicain impliqué dans l'affaire des fiches[22].
Le militaire Pétain s'occupe fort peu de la vie politique de l'époque, et reste très discret sur ses opinions personnelles. Au contraire de beaucoup de militaires, il ne s’engage à aucun moment, pas plus lors de l'affaire des fiches en 1904 que lors des débats sur laséparation des Églises et de l'État en 1905.
Cette image d'un militaire républicain d'aucun parti perdure dans l'entre-deux-guerres. Il ne semble pas avoir eu d'expression antisémite avant 1938 (en 1919, il signe une pétition demandant de« venir au secours des masses juives opprimées enEurope orientale »[23] et en 1938, une autre contre les persécutions en Allemagne).
Première carrière
Au début de sa carrière militaire, Philippe Pétain est affecté à différentes garnisons et ne participe à aucune descampagnes coloniales.
En 1900,chef de bataillon, il est nommé instructeur à l’École normale de tir du camp deChâlons-sur-Marne[24]. Il s’oppose à la doctrine officielle de l'époque qui veut que l'intensité du tir prime la précision et qui privilégie les attaques à labaïonnette pour l'infanterie et la poursuite à outrance pour la cavalerie[25]. Il préconise au contraire l'utilisation des canons pour les préparations et les barrages d'artillerie, afin de permettre la progression de l'infanterie, laquelle doit pouvoir tirer précisément sur des cibles individuelles[25]. Le directeur de l'école signale la« puissance de dialectique […] et l'ardeur […] »[25]« avec lesquelles il défend des thèses aussi aventurées »[25].
En 1901, il occupe un poste de professeur adjoint à l’École supérieure de guerre, à Paris, où il se distingue par ses idéestactiques originales et sa clarté d'exposition[26]. Il y est de nouveau de 1904 à 1907, puis de 1908 à 1911 reprenant sans ménagement le poste de titulaire de la chaire de tactique de l’infanterie àAdolphe Guillaumat.
Il s’élève alors violemment contre le dogme de la défensive prescrit par l’instruction de 1867,« l’offensive seule pouvant conduire à la victoire ». Il critique aussi le code d’instruction militaire de 1901 prônant la charge en grandes unités,baïonnette au canon, tactique en partie responsable des milliers de morts d’août et. Humiliés par la défaite de 1870, lesétats-majors se montrent volontiers bravaches et revanchards. À partir de 1911, l'État-major prône l'offensive à outrance[f]. Pétain, lui, préconise la manœuvre, la puissance matérielle, le mouvement, l’initiative :« le feu tue ». Ainsi, il déclare à un élève officier :« Accomplissez votre mission coûte que coûte. Faites-vous tuer s'il le faut, mais si vous pouvez remplir votre devoir tout en restant en vie, j'aime mieux cela. » Parmi les officiers rangés sous ses ordres, il est le, premier chef de corps deCharles de Gaulle, alorssous-lieutenant au33e régiment d'infanterie stationnée à Arras.
En, devant commenter, devant les officiers réunis, un exercice conçu par le généralGallet, qui, lors de manœuvres, a fait charger à la baïonnette des nids de mitrailleuses, qui naturellement tiraient à blanc, le colonel Pétain répond que le général commandant la1re division d'infanterie vient de montrer, afin de frapper les esprits, toutes les erreurs qu'une armée moderne ne doit plus commettre. Après avoir détaillé la puissance de feu des armes allemandes, il conclut par :« C’est par le feu qu’il faut détruire l’objectif avant de s’en emparer. Messieurs n’oubliez jamais que le feu tue ! »[27],[28].
Arrivé à Saint-Omer, Philippe Pétain, pourtant excellent cavalier, fait une mauvaise chute de cheval. Le docteur Louis Ménétrel (père deBernard Ménétrel) interdit l'amputation et sauve la jambe gauche de Pétain[31].
Adolphe Messimy, qui est redevenu ministre de la Guerre le et qui a pris pour chef de cabinet militaire le général Guillaumat, adresse le un refus augénéral Anthoine, venu solliciter la nomination de Pétain au grade de général.
Ses biographes identifient ce manque de reconnaissance comme un des éléments structurant la personnalité de Pétain. À58 ans, en, lecolonel Philippe Pétain s’apprête à prendre sa retraite après une carrière relativement modeste[h].
Investi le de la fonction degénéral commandant de corps d'armée, il prend le commandement du33e corps[32]. Affecté au secteur du front où il a grandi, il réalise des actions d’éclat lors de l'offensive en Artois effectuant la seule percée le () qu'il juge, à raison, inexploitable. En, investi de la fonction de général d'armée, il commande laIIe armée[32]. Ayant pourtant désapprouvé ouvertement l'offensive deJoffreen Champagne, il est au commandement d'une des deux armées engagées. Il obtient les meilleurs succès et fait stopper l'offensive quand les pertes deviennent importantes. Son souci d’épargner leurs vies le rend populaire parmi ses hommes.
Sous les ordres du futur maréchal Joffre et du général de Castelnau, il est l'un des8 commandants à labataille de Verdun, en poste du au. Son sens de l'organisation, soutenu par un réel charisme ne sont pas étrangers à l’issue victorieuse du combat, huit mois plus tard[réf. souhaitée], même si la ténacité de ses troupes, comme celle ducommandant Raynal aufort de Vaux, en a été le facteur décisif. Sa vision stratégique de la bataille lui fait comprendre que le meilleur soldat du monde, s’il n’est pas ravitaillé, évacué en cas de blessure ou relevé après de durs combats, est finalement vaincu.
Pétain met en place une rotation des combattants. Il envoie au repos les régiments épuisés qu'il fait remplacer par des troupes fraîches. Il organise des norias d’ambulances, de camions de munitions et de ravitaillement sur ce qui devient la « Voie sacrée » (terme de Maurice Barrès). Comprenant la valeur de l’aviation dans les combats, il crée en la première division de chasse aérienne pour dégager le ciel au-dessus de Verdun. Il réaffirme cette vision dans une instruction de :« L’aviation doit assurer une protection aérienne de la zone d’action des chars contre l’observation et les bombardements des avions ennemis […] »[34].
Il a tiré de cette période le titre de « vainqueur de Verdun », même si cette appellation a été surtout exploitée plus tard, sous lerégime de Vichy. Ce célibataire reçoit plus de 4 500 lettres d'admiratrices durant le premier conflit mondial[35].
Toutefois,Joffre,Foch etClemenceau attribuent la victoire de Verdun à Nivelle et à Mangin. Certains reprochent à Pétain son pessimisme[36],[j]. En fait, comme la réputation de Pétain s'affirme auprès des soldats après les erreurs de Nivelle (en 1917), il existe deux traditions de la victoire de Verdun, comme l'écritMarc Ferro, biographe de Pétain :« celle des chefs militaires et politiques, qui la mettent au crédit de Nivelle, et celle des combattants, qui ne connaissent que Pétain »[37].
Le, legénéral Nivelle, auréolé de lareprise des forts de Vaux et deDouaumont, prend la tête des armées françaises, alors queJoffre, nommé maréchal, est évincé du commandement. Le général Pétain est nommé chef d'état-major général, poste spécialement recréé pour lui. Il s’oppose à Nivelle, peu économe du sang de ses hommes, dont la stratégie d’offensive à outrance contraste avec le pragmatisme de Pétain.
Le commandement de Nivelle aboutit à labataille du Chemin des Dames, à la mi- durant laquelle 100 000 hommes sont mis hors de combat du côté français en une semaine. Devant cet échec et le sentiment des soldats qu'ils sont menés à la mort pour rien, le mécontentement gronde, provoquant desmutineries dans de nombreuses unités. Nivelle est renvoyé, et Pétain se trouve en situation de lui succéder, par sa réputation à Verdun et ses prises de position visant à limiter les pertes.
Philippe Pétain, alors général de division, photographié par Henri Manuel avant 1918.
Les mini-offensives de Pétain
Le, Pétain est nommé commandant en chef des armées françaises[38].
Après le massacre du Chemin des Dames et les mutineries, il décide d'opérer un changement de stratégie afin de redonner confiance aux soldats et améliorer leurs conditions de vie[39].
Son commandement est ainsi marqué par une augmentation du nombre depermissions et la fin des offensives mal préparées. Dans le même temps, Pétain fait condamner les soldats qui se sont mutinés, dont seule une minorité de meneurs seront fusillés, malgré les exigences d'une partie des hommes politiques.
Durant toutes ces attaques, il emploie de gros moyens d'artillerie et fait appel aux premiers chars d'assaut, à peine sortis des usines Renault, afin d'accompagner l'infanterie[39].
Malgré ces victoires, il refuse cependant de mener des projets d'offensives plus ambitieux, préférant attendre de disposer de chars en plus grand nombre ainsi que l'arrivée en première ligne des troupes américaines.« J'attends les chars et les Américains. » aurait déclaré Pétain[39].
Le, les Allemands rompent le front britannique enPicardie, menaçantAmiens. Pétain est un candidat possible au titre degénéralissime des troupes alliées, mais, avec l'appui des Britanniques, Clemenceau, qui le juge trop porté à la défensive et trop pessimiste, lui préfère Foch, partisan de l'offensive[40], lors de la conférence deDoullens du[37]. À cette conférence,Douglas Haig, représentant les Britanniques et soutenu par le représentant américain, exige et obtient que Pétain soit exclu de l'état-major inter-allié[réf. nécessaire]. Foch, à l’origine de la coordination des troupes alliées, en est désormais le chef suprême. Mais chaque commandant d'une armée nationale conserve le droit de faire appel de toute décision de Foch auprès de son gouvernement. Pétain conserve son rôle de général en chef des armées françaises, mais passe de fait sous les ordres de Foch.
Le, les Allemands percent le front français auChemin des Dames, legénéral Duchêne, qui bénéficie de la protection de Foch, ayant refusé d'appliquer la doctrine défensive prescrite par Pétain consistant à transformer la première position défensive en ligne d’alerte et de désorganisation, afin de reporter la résistance ferme sur la deuxième position quelques kilomètres en arrière[41]. L'armée française est contrainte de rétrograder sur la Marne. Pétain conseille la prudence, là où Foch choisit la contre-offensive, qui s'avèrera en juillet victorieuse. Foch, ne pouvant atteindre directement Pétain, fait limoger son major général, legénéral Anthoine. Le, leComité de guerre retire à Pétain, qui a refusé de sanctionner Anthoine, son droit d'en appeler au gouvernement en cas de désaccord avecFoch. Le, la nomination dugénéral Buat au poste de major général est imposée par Foch et Clemenceau à Buat et Pétain afin de rendre plus souples et plus efficaces les relations entre les états-majors de Foch et de Pétain, dans l'espoir que l'armée française obéisse directement à Foch[42].
En, la médaille militaire est attribuée à Pétain :« Soldat dans l’âme, n’a cessé de donner des preuves éclatantes du plus pur esprit du devoir et de haute abnégation. Vient de s’acquérir des titres impérissables à la reconnaissance nationale en brisant la ruée allemande et en la refoulant victorieusement »[43].
En, il prépare une grande offensive en Lorraine qui aurait mené les troupes franco-américaines jusqu’en Allemagne. Cette grande offensive, prévue à partir du, n’a pas lieu : contre son avis, Foch et Clemenceau ont accepté designer le l’armistice demandé par les Allemands[40].
Il est l'un des très rares acteurs militaires de premier plan de la Grande Guerre à n'avoir jamais voulu publier sesmémoires de guerre. En 2014 est publié un manuscrit inédit de Philippe Pétain qui retrace le conflit tel que Pétain l'avait vécu[46]. Les différents témoignages à son sujet,« au-delà des inévitables références au grand soldat soucieux de la vie de ses hommes, soulignent son caractère secret, son manque d'humour, sa froideur, son apparencemarmoréenne, terme qui revient souvent sous la plume des différents auteurs »[47]. L'historienJean-Louis Crémieux-Brilhac rappelle que« Pétain était, dès 1914-1918, un chef d'un pessimisme queClemenceau jugeaitintolérable, bien qu'il l'ait toujours couvert »[48].
« Le maréchal Pétain, généralissime des armées françaises fait son entrée àMetz », image tirée du magazineLectures pour tous du 1er janvier 1919
Entre-deux-guerres
Populaire, couvert d'honneurs, (le, il est élu membre de l’Académie des sciences morales et politiques), marié (le, à64 ans, avecEugénie Hardon,42 ans[k],[49],[50] sans descendance) Pétain devient progressivement la référence principale pour les anciens combattants pendant l'entre-deux-guerres, profitant de la mise à l'écart et des décès des autres maréchaux.
Il reste jusqu'en 1931 chef de l'armée (écartant Joffre puis Foch auquel il succède àl'Académie française), quelle que soit la majorité politique en place (en 1924, au moment ducartel des gauches il se serait opposé à l'hypothèse d'un coup d'État militaire envisagée parLyautey qu'il écarte du Maroc en acceptant d'intervenir personnellement lors de laguerre du Rif). Il a une influence majeure sur la réorganisation de l'armée entouré d'un cabinet dontde Gaulle est l’une des plumes.
Toutefois à partir de 1929, son opposition àMaginot l'écarte de la tête des armées au profit de la génération des collaborateurs de Foch (Weygand). Il s'appuie sur sa popularité auprès desligues pour obtenir, après le, le ministère de la Guerre, auquel il ne peut revenir en 1935 ni pendant leFront populaire. Le cabinetChautemps le choisit comme ambassadeur auprès de Franco après la fin de laguerre d'Espagne jusqu'en.
Général en chef de l'armée française et opposant à la ligne Maginot
Philippe Pétain en 1918.
Général en chef de l’armée française (il le reste jusqu’au), il estime en 1919 à 6 875 le nombre de chars nécessaires à la défense du territoire (3 075 chars en régiment de première ligne, 3 000 chars en réserve à la disposition du commandant en chef et800 chars pour le remplacement des unités endommagées).
Il écrit :« C’est lourd, mais l’avenir est au maximum d’hommes sous la cuirasse »[51].
De 1919 à 1929, avec la présence d'un ami au poste de chef d'état-major des armées (le général Buat jusqu'en 1923, puis après sa mortle général Debeney), il s'oppose à la construction de fortifications défensives, préconisant au contraire la constitution d'un puissant corps de bataille mécanisé capable de porter le combat le plus loin possible sur le territoire ennemi dès les premiers jours de la guerre. Il parvient à rester l'instigateur principal de la stratégie, obtenant, en, la démission du maréchalJoffre de la présidence de la Commission d'étude de l'organisation de la défense du territoire créée quinze jours plus tôt, et s'opposant, lors de la séance duConseil supérieur de la guerre du, à la construction d’une ligne défensive continue. Il y prône des môles défensifs sur les voies d’invasion.
Lors de la séance du, et contre l’avis deFoch, qui estime que Pétain donne à tort aux chars une importance capitale, il préconise et obtient l’étude de trois prototypes de chars (léger, moyen et lourd).
Il doit, cependant, finir par s'incliner et accepter la construction de laligne Maginot, lorsqueAndré Maginot, alors ministre de la Guerre, déclare, lors du débat parlementaire du :« ce n'est pas Pétain qui commande, mais le ministre de la Guerre ».
En 1925 et 1926, Pétain combat la révolte des forces d’Abd el-Krim, chef de la très jeunerépublique du Rif, auMaroc, contre leurs voisins espagnols. Pétain remplace avec peu d'égards le maréchal Lyautey, et commande les troupes françaises en campagne avec l'armée espagnole (450 000 hommes au total), dans laquelle se trouveFranco. Lacampagne est victorieuse, en partie grâce à l'emploi par les Espagnols d'armes chimiques sur les populations civiles[52],[53]. Abd el-Krim se plaignit à laSociété des Nations de l'utilisation par l'aviation française degaz moutarde sur lesdouars et les villages[54].
À partir de l’affectation deCharles de Gaulle au33e régiment d’infanterie commandé par Philippe Pétain, alors colonel, le destin des deux hommes s'est régulièrement croisé. Charles de Gaulle est affecté à ce régiment le à sa sortie de Saint-Cyr avec un grade de sous-lieutenant. En 1924, à l'occasion d'une visite à l'École de guerre, Pétain s'étonne de la faiblesse des notes attribuées à de Gaulle. Ses professeurs appréciaient peu l'indépendance de celui-ci, trait de caractère qu'il partageait avec Pétain. L'intervention de Pétain a probablement conduit à une rectification à la hausse desdites notes[55].
En 1925, Charles de Gaulle est détaché à l'état-major de Philippe Pétain, vice-président du Conseil supérieur de la Guerre. Pétain briguait l'Académie française et avait pu apprécier la qualité de la plume de De Gaulle en lisantLa discorde chez l'ennemi, publié en 1924. Il lui demande de préparer la rédaction d'un ouvrage sur l'histoire du soldat pour l'aider à soutenir sa candidature. De Gaulle prépare le livre,Le Soldat à travers les âges, qui est quasiment fini à la fin de l'année 1927 lorsque de Gaulle tient à l'École de guerre trois conférences remarquées, respectivement intitulées : « L'action de guerre et le chef », « Du caractère » et « Du prestige » en présence du Maréchal. Mais son opinion envers Pétain change en raison de l'attitude du Maréchal vis-à-vis deLyautey au moment de son éviction. Lorsqu'en Pétain veut faire retoucher le livre par un autre de ses collaborateurs, de Gaulle proteste énergiquement[56]. En 1929, Pétain succède àFoch à l'Académie française sans avoir eu besoin du livre. Pétain demande à de Gaulle d'écrire l'éloge de son prédécesseur sous la coupole, mais n'utilise pas le texte proposé.
En 1931, au retour duLiban, de Gaulle qui souhaitait une chaire d'enseignement à l'École de guerre est affecté contre son vœu auSecrétariat général de la Défense nationale (SGDN) àParis. Sollicité, Pétain répond à de Gaulle :« vous y serez employé à des travaux qui pourront certainement vous aider à faire mûrir vos idées »[57]. De Gaulle est en décalage stratégique et en conflit littéraire avec son supérieur ; Pétain, lui, considère qu'il a aidé au mieux son subalterne qui fait montre d'un peu trop d'orgueil. En 1932, de Gaulle dédie au maréchal Pétain son ouvrageLe Fil de l'épée :« Car rien ne montre mieux que votre gloire, quelle vertu l'action peut tirer des lumières de la pensée ». En 1938, de Gaulle réemploie le texte duSoldat à travers les âges pour rédiger son livreLa France et son armée. Pétain s'oppose à la publication de l'ouvrage, puis finit par y consentir après une explication de vive voix avec son ancien porte-plume, qui corrige toutefois la dédicace proposée par le maréchal. Celui-ci en garde une rancune tenace contre de Gaulle qu'il tient pour« orgueilleux, ingrat et aigri »[58].
Le, il est reçu à l'Académie française parPaul Valéry, dont le discours de réception, qui retrace sabiographie, rappelle et développe une phrase sur laquelle insistait Pétain, « le feu tue » et comporte des considérations sur la façon dont « la mitrailleuse a modifié durablement les conditions du combat à terre » et les règles de lastratégie. Le discours rappelle aussi les désaccords, dans le respect mutuel, entre Pétain et Joffre. Le discours de réception du maréchal Pétain est un hommage au maréchal Foch auquel il succède[59].
SelonJacques Madaule, Philippe Pétain s'opposa à l'élection à l'Académie française deCharles Maurras, qui sera un de ses plus grands défenseurs, et il félicitaFrançois Mauriac d'avoir fait campagne contre lui[60].
Philippe Pétain n'était pas ouvertement antisémite avant d'accéder au pouvoir : ainsi, il critiqua fermementLouis Bertrand, qui avait protesté contre l'élection d'André Maurois, unJuif, à l'Académie française, Maurois lui en fut reconnaissant[61]. Néanmoins, dans ses échanges de correspondance privée avec le couple Pardee, voisin américain de sa maison duVar, Philippe Pétain se plaignait des Juifs[8].
Inspecteur général de la défense aérienne
Le, il est remplacé par legénéral Weygand au poste de vice-président duConseil supérieur de la guerre (correspondant à la fonction de commandant suprême de l’armée), et nommé inspecteur général de la défense aérienne du territoire.
À ce titre, il écrit le àPierre Laval, alorsprésident du Conseil, pour lui demander la création d’une force aérienne puissante de défense et d’attaque, indépendante de l’armée de terre et de la marine. Il préconise pour cela de prélever250 millions defrancs sur les crédits alloués à la construction de la ligne Maginot.
Il reste influent dans le monde militaire et politique, et actif dans le mouvement antiparlementaire leRedressement français, qui souhaite unexécutif fort[8].
Sa présence, populaire parmi les anciens combattants qui avaient défilé, contribue à l'image d'union nationale voulue par Doumergue. Elle est symbolique de la fin du secondcartel des gauches : les gouvernements des deux années 1934/36 sont, le plus souvent une alliance des radicaux et des partis de centre-droit. Ils conduisent des politiques sensiblement déflationnistes, visant à réduire les déficits en diminuant les dépenses.
Puis, l'arrivée au pouvoir de Hitler conduit la France à abandonner progressivement sa politique de désarmement, même si simultanément les choix budgétaires contribuent à maintenir une pression à la baisse sur les crédits militaires. Les choix stratégiques défensifs absorbent en outre une forte partie des crédits. La polémique des années 1940 sur les responsables du retard du réarmement français (que Pétain attribuera lors duprocès de Riom àÉdouard Daladier etLéon Blum, ce dernier dénonçant en réplique que les dépenses militaires ont augmenté sous leFront populaire sans avoir jamais été aussi importantes sous les gouvernements précédents, et que dans le gouvernement Doumergue qui incluait Pétain comme ministre de la guerre, Pétain avait réduit de 20% les crédits militaires quand Hitler affichait ses ambitions guerrières[62]), et celle sur les choix stratégiques qui conduisirent à la défaite, expliquent la diversité des points de vue de l'historiographie évaluant le passage de Pétain au gouvernement.
La date du changement de politique budgétaire militaire est présentée avec des nuances : ainsi pour François Paulhac, entre 1934 et 1935, sous les gouvernements de centre droit, les dépenses d'armement sont réduites de 32 %, tandis que les crédits militaires n'augmentent qu'à partir de 1936, votés sans grande opposition, mis à part celle d'une partie de la droite[63]. PourRobert Frank, elles connaissent — après celui de 1924-1930/31 — un« second envol […] pendant la période de réarmement proprement dit, dès 1935, et surtout de 1936-1937 jusqu'à la guerre »[64].Jean-Luc Marret estime pour sa part que les réductions budgétaires ont cessé en 1934, sans qu'il y ait pour autant cette année-là d'importante augmentation de l'effort de défense. Le gouvernement de Gaston Doumergue — où Pétain est ministre de la Guerre — fait ainsi voter des crédits militaires de trois milliards de francs[65].
PourGuy Antonetti, la reprise des dépenses — qu'il situe en 1935 — est consécutive à l'inflexion de la politique étrangère, plus offensive, d'alliances renouées, entamée sous le gouvernement deGaston Doumergue (1934) et son ministre des Affaires étrangèresLouis Barthou puis sous le gouvernement dePierre Laval (1935)[66]. Un article de Philippe Garraud en 2005 consacré à la question du réarmement[67], estime que d'une manière générale,« le bilan de la politique d'armement de 1919 à 1935 est extrêmement limité et, durant toute cette période, les effectifs et le fonctionnement absorbent la plus grande part de budgets réduits » et que« le réarmement commence réellement en 1936 avec la mise en œuvre du programme partiel de 1935 et le plan des 14 milliards », tout en précisant qu'« au terme de cette période transitoire, l’année 1935 paraît néanmoins particulièrement importante, et même charnière : d’une part elle marque le début du réarmement français, même si la hausse du budget est encore limitée ; d’autre part, elle voit la mise au point de nombreux prototypes, qui commenceront à faire l’objet de commandes importantes l’année suivante »[67]. Concernant le réarmement, Jean-Luc Marret en situe les « premiers indices » à l'occasion de la réorientation de la politique étrangère française parLouis Barthou (en 1934) et parPierre Laval (en 1935)[68].
Pétain limite les travaux de la ligne Maginot, en estimant que lesArdennes sont une barrière naturelle difficilement franchissable par les Allemands. Le, il obtient le vote d’un crédit supplémentaire de1,275 milliard de francs pour la modernisation de l’armement[69],[70].
Partisan des chars de combat, il décide avant de l’adoption duchar B1 dont il avait fait faire les prototypes pendant son commandement. La même année, il décide aussi de l’adoption duchar D2 et de l’étude d’un char léger[69]. Soucieux de la formation des officiers supérieurs, il ordonne que tous les postulants à l’École supérieure de guerre effectuent des stages préalables dans des unités de chars et d’aviation[71],[69].
Le, convoqué devant laCommission des finances, il exprime ses vues sur la fortification et renouvelle ses réserves sur l’efficacité de laligne Maginot. Il explique ce qu’est pour lui la fortification : le béton est un moyen pour économiser les effectifs, l’essentiel consistant dans une armée puissante, sans laquelle elle n’est qu’une fausse sécurité. Le but de la fortification est de permettre le regroupement des troupes pour l’offensive ou la contre-offensive. Il aura cette phrase :« la ligne Maginot ne met pas à l’abri d’une pénétration de l’ennemi, si l’armée n’est pas dotée de réserves motorisées aptes à intervenir rapidement ». Il soutient pourtant le principe de cette ligne. SelonRobert Aron, les conceptions stratégiques qu'il défend à cette époque sont conformes à son expérience de la Grande Guerre, ainsi :
« […] Entre les deux guerres, les conceptions stratégiques qu’il va défendre et imposer à l’Armée française sont encore strictement conformes à son expérience du début de l’autre conflit : il ne croit pas au rôle offensif des tanks ni aux divisions blindées. Il préconise l’édification de la ligne Maginot, derrière laquelle nos combattants de 1939 vont se croire à l’abri et attendront paisiblement l’offensive allemande, qui se déclenchera ailleurs[72]. »
Le, il convaincLouis Germain-Martin, ministre des Finances, de signer le « plan Pétain pour 1935 » d'un montant de 3,415 milliards de francs, qui prévoit notamment la construction de 1 260 chars[69]. La chute du Gouvernement, et le remplacement du maréchal Pétain par legénéral Maurin, partisan de chars lourds et lents, retarderont la mise en œuvre de ce plan de plusieurs mois.
Après son expérience ministérielle, Pétain jouit d’une très grande popularité, à droite comme à gauche. En témoigne en 1935, la célèbre campagne lancée parGustave Hervé intitulée« C’est Pétain qu’il nous faut ». Le fait de vouloir faire appel en cas de péril au maréchal Pétain n'est pas une spécificité de la droite ; le radical-socialistePierre Cot déclara dès 1934[73] :« Monsieur le Maréchal, en cas de péril national, la France compte sur vous ».
Membre du Conseil supérieur de la guerre
Il participe par la suite auConseil supérieur de la guerre[l], où il soutient la politique de guerre offensive promue par lecolonel de Gaulle, qui fut un temps son « porte-plume », préconisant la concentration dechars dans des divisions blindées.
Il écrit dans laRevue des Deux Mondes du :« Il est indispensable que la France possède une couverture rapide, puissante, à base d’avions et de chars […] ». Et lors d'une conférence à l’École de Guerre en :« Les unités mécanisées sont capables de donner aux opérations un rythme et une amplitude inconnus jusqu’ici […] L’avion, en portant la destruction jusqu’aux centres vitaux les plus éloignés fait éclater le cadre de la bataille […] On peut se demander si l’avion ne dictera pas sa loi dans les conflits de l’avenir […] »[74]. Ainsi que dans la préface d'un ouvrage dugénéral Sikorsky :« Les possibilités des chars sont tellement vastes qu’on peut dire que le char sera peut-être demain l’arme principale »[75].
Le, il dit, devant le présidentLebrun, dans un discours à l’École supérieure de Guerre :« Il est nécessaire de tenir le plus grand compte des perspectives ouvertes par l’engin blindé et par l’aviation. L’automobile, grâce à la chenille et à la cuirasse, met la vitesse au service de la puissance […] La victoire appartiendra à celui qui saura le premier exploiter au maximum les propriétés des engins modernes et combiner leur action ». En 1938, il préface le livre du généralLouis ChauvineauUne invasion est-elle encore possible, qui prônait l'utilisation de l'infanterie et des fortifications comme moyens de défense, face au « front continu ». Dans cette préface, Pétain considérait que l'utilisation des chars et des avions ne modifiaient pas les données de la guerre[76] :« Cela tient à ce qu'il s'est appuyé sur la base solide et inattaquable de données positives fournies par la technique : le front continu est une réalité qu'il y a péril à méconnaître (…) On perçoit encore certaines tendances à reprendre la doctrine de la guerre de mouvement dès le début des opérations, suivant les idées en honneur avant 1914. L'expérience de la guerre a été payée trop cher pour qu'on puisse revenir impunément aux anciens errements ».
Pétain est recruté à l'École libre des sciences politiques en 1938 pour diriger un cycle d'études sur la défense nationale et les affaires militaires[77]. Il y donne un cours d'histoire militaire, où il promeut les cuirassés et sa doctrine militaire sur la base de récits de la Première Guerre mondiale[78].
À l’instigation des grands chefs militaires (Foch,Joffre), les gouvernements de la fin desannées 1920 vont affecter d’importants efforts budgétaires à la construction de lignes de défense. Cette stratégie est symbolisée par la coûteuse, et de surcroît incomplèteligne Maginot car interrompue à la frontièrebelge.
Winston Churchill, dans son ouvrage sur laSeconde Guerre mondiale[79], émet l'avis que la ligne Maginot aurait pu être d'une très grande utilité si elle avait été correctement exploitée. Elle lui paraissait justifiée compte tenu, en particulier, du rapport numérique entre les populations de la France et de l'Allemagne[79].Winston Churchill juge« extraordinaire qu'elle n'ait été prolongée au moins le long de laMeuse »[79] et indique :« […] Mais le maréchal Pétain s'était opposé à cette extension […]. Il soutenait avec force que l'on devait exclure l'hypothèse d'une invasion par les Ardennes en raison de la nature du terrain. En conséquence, on écarta cette éventualité »[79].
Après le succès de la guerre-éclair menée par les Allemands via les Ardennes, Pétain ne pouvait plus ignorer que ladébâcle de 1940 était aussi due aux « grands chefs militaires », dont les autorités gouvernementales n’avaient fait que suivre les orientations stratégiques. Ilfit pourtant juger les hommes politiques en charge avant 1940 comme « responsables » exclusifs de la défaite.
La France reconnaît officiellement le nouveaugouvernement franquiste le[80]. Le, Pétain est nomméambassadeur de France en Espagne. Hostile auxnationalistes espagnols, la gauche française proteste au nom de la réputation« républicaine » du maréchal.L'Humanité honore ce dernier en regard du« général félon »Franco tandis que dansLe Populaire du,Léon Blum décrit Pétain comme« le plus noble, le plus humain de nos chefs militaires », formule qui sera largement exploitée et décontextualisée après laSeconde Guerre mondiale par les partisans de la réhabilitation de l'ancien « chef de l'État français »[81]. Pour l'heure, la nomination de Pétain — qui jouit d'un grand prestige en Espagne — vise à améliorer l'image de la République française en atténuant le souvenir du soutien hexagonal auxrépublicains espagnols pendant laguerre civile[82].
Le, le maréchal présente seslettres de créance au ministre de l'Intérieur,Serrano Súñer, qui le reçoit très froidement[83]. Selon l'historien Michel Catala, Pétain gardera le souvenir de ce mauvais accueil et ses liens vis-à-vis de Franco resteront très critiques, malgré la propagande ultérieure dépeignant des rapports privilégiés entre lerégime de Vichy et la dictature duCaudillo[83]. Dans l'immédiat, Pétain a pour mission d'assurer la neutralité de l'Espagne en vue du prochain conflit européen[83]. Au nom du rapprochement diplomatique de la France avec l’Espagne, il lui incombe de superviser, dans le cadre desaccords Bérard-Jordana, le rapatriement àMadrid des réserves d'or de laBanque d’Espagne, de l'armement républicain[84] ainsi que des œuvres d'art[85] que l’ancienne République espagnole avait transférés à l'abri en France durant laguerre civile. L'ambassadeur de France sait s'entourer d'une équipe de qualité mêlant personnel diplomatique chevronné et officiers militaires dévoués[86]. En quelques mois, le maréchal se réconcilie avec l'élite espagnole. Sa présence active dans le pays a pour conséquence un renforcement de l'image de la France, en dépit d'une presse espagnole très francophobe[87].
Philippe Pétain, ambassadeur de France à Burgos, est accueilli par une délégation d'anciens combattants à son arrivée auPerthus. Une du journalExcelsior,.
Malgré de nombreuses réticences du côté français, notamment en raison de tensions militaires franco-espagnoles au Maroc en mars-, Pétain engage son autorité auprès duprésident du ConseilDaladier afin de réaliser les accords Bérard-Jordana, conditionsine qua non exigée par les autorités franquistes[88]. La France finit par céder, sans obtenir de contreparties significatives. La déclaration officielle de neutralité de l'Espagne le semble couronner les efforts français, mais résulte davantage du réalisme deFranco tenant compte des faibles capacités militaires espagnoles consécutives à la guerre civile. La« détente de façade de l'été 1939 » masque l'échec de la politique de conciliation française visant à obtenir des relations de bon voisinage et un accord militaire entre les deux pays. Si le Caudillo incline prudemment vers une neutralité de fait, il ne desserre pas pour autant ses liens avec leTroisième Reich et l'Italie fasciste[89].
Conscient de la fragilité de la neutralité espagnole, Pétain affirme que celle-ci« dépendra beaucoup » de l'attitude de la France. Son« objectif stratégique principal » demeure la réconciliation« à n'importe quel prix avec l'Italie et l'Espagne afin de concentrer tous les efforts de la France contre l'Allemagne », souligne Michel Catala. Du reste, le maréchal exprime depuis son souhait d'abandonner sa mission plénipotentiaire[90]. Le rétablissement partiel des rapports commerciaux et culturels franco-espagnols dans les derniers mois de 1939 et les premiers mois de 1940 ne modifie pas l'ambiguïté de la position franquiste vis-à-vis de l'Axe et de la France[91]. Tout au plus Pétain peut-il être crédité d'une amorce de normalisation — « superficielle et éminemment provisoire » — des relations franco-espagnoles[92].
En dépit de l'insuccès de sa stratégie vis-à-vis de Franco,« la réussite personnelle de Pétain est indéniable » puisqu'il confirme son autorité sur les militaires français et établit son aptitude à imposer ses vues augouvernement, en sus d'acquérir une réputation de fin diplomate. Or Michel Catala doute que le maréchal ait réalisé le fiasco de sa mission d'ambassadeur, eu égard à sa futurepolitique allemande à Vichy où il fera« preuve de la même obstination et du même aveuglement à poursuivre une politique de concessions afin d'obtenir des améliorations des conditions d'armistice »[93].
Homme du recours à l'armistice
Pendant la drôle de Guerre : un recours possible
Philippe Pétain vers 1940.
À la déclaration de guerre, en, le maréchal Pétain, depuis Madrid, refuse une proposition du président du ConseilÉdouard Daladier d'entrer au gouvernement, et il se tient prudemment à l'écart des sollicitations officielles. Cette proposition avait été inspirée par le président de laChambre des députés, le radical-socialisteÉdouard Herriot, comme condition à son acceptation éventuelle du ministère des Affaires étrangères[94].
Cependant, Pétain ne fait nullement mystère de son hostilité personnelle à la guerre contre Hitler.« Autant il est certain qu'il n'a eu aucune part dans les intrigues tramées en vue d'une paix de compromis, autant il est manifeste qu'il a, depuis le début, son rôle dans les calculs de Laval et de certains membres du complot de la paix », souligne l'historienJean-Louis Crémieux-Brilhac[95].
Chef de file des parlementaires « défaitistes »,Pierre Laval songe ainsi précocement à un gouvernement Pétain dont il serait le chef réel, et expose fin à l'un de ses interlocuteurs :« Je n'ai pas, comme on dit, partie liée avec Pétain, mais je sais son prestige. […] Qu'est-ce qu'on lui demandera ? D'être un dessus de cheminée, une statue sur un socle. Son nom ! Son prestige ! Pas davantage »[96].
Le, un rapport de l'ambassadeur d'Italie note que« le maréchal Pétain fait figure de représentant de la politique de paix en France […] Pétain croit que, même en cas de victoire, la France n'en recueillerait pas les fruits. Si la question de la paix devenait aiguë en France, Pétain y jouerait un rôle »[96].
Arrivé au pouvoir le, la situation militaire se dégradant, le président du ConseilPaul Reynaud songe également à utiliser le prestige du maréchal Pétain auprès des Français et lui propose en vain, début mai, d'entrer au gouvernement[97]. Jugeant la situation favorable pour lui, Pétain accepte de revenir à Paris et d'intégrer le gouvernement note l'historien Gérard Boulanger[réf. souhaitée].
Au moment de retourner aux responsabilités, le maréchal« partage le mépris de la droiteantiparlementaire pour le régime qui l'a couvert d'honneurs. […] La France selon son cœur est la France paysanne dont il est issu, respectueuse des hiérarchies et de l'ordre établi, telle qu'il souhaitera la faire revivre à Vichy. Ses vues politiques sont courtes : il ne supporte pas les bavardages politiciens ; il reproche aux instituteurs socialistes d'avoir favorisé l'antipatriotisme, comme auFront populaire d'avoir favorisé le désordre. Son bon sens proverbial va de pair avec une grande ignorance et des vues simplistes en matière de politique étrangère. […] Il ne voit rien de plus enHitler qu'unGuillaumeIIplébéien ; il ne doute pas qu'on puisse s'accommoder avec lui moyennant quelques sacrifices », analyse Jean-Louis Crémieux-Brilhac[48]. De surcroît, l'action de Pétain est marquée par uneanglophobie et undéfaitisme déjà sensibles en 1914-1918[48].
Vice-président du Conseil pendant l'invasion de 1940
Le, une semaine après l'offensive allemande, Pétain, alors âgé de84 ans, est nommé vice-président du Conseil dans legouvernement de Paul Reynaud. Franco lui avait conseillé de ne pas accepter d’apporter sa caution à ce gouvernement. PourReynaud, il s'agit de remonter le moral des Français, de resserrer les rangs et de renforcer sa propre image au parlement[98]. Cette nomination est bien accueillie dans le pays, au Parlement et dans la presse, quoiqu'elle reçoive moins de publicité que celle deWeygand comme généralissime, ou que celle deGeorges Mandel, partisan de la résistance à tout prix, comme ministre de l'Intérieur[99].
Comme la plupart de ses ministres ou des parlementaires, Paul Reynaud sous-estime le vieil homme initialement taciturne et passif qu’est Pétain, et il n’imagine pas qu’il puisse jouer plus qu’un rôle purement symbolique[100].
Cependant, dès le, dans une note à Paul Reynaud, Pétain refuse de considérer les chefs militaires comme responsables de la défaite, et rejette la responsabilité du désastre sur« les fautes que [le pays] a et que nous avons tous commises, ce goût de la vie tranquille, cet abandon de l'effort qui nous ont amenés là où nous sommes »[101]. Cette interprétation moraliste de la défaite n'est pas sans annoncer les appels à la contrition nationale et la politique d'ordre moral qui caractériseront le régime de Vichy.
Le, il fait preuve d’anglophobie et de pessimisme devant l’ambassadeur américainBullit. Accusant l'Angleterre de ne pas fournir une aide suffisante à la France en péril, il lui explique qu'en cas de défaite« le gouvernement français doit faire tout son possible pour venir à composition avec les Allemands, sans se préoccuper du sort de l’Angleterre »[99]. Le6, il ne réagit pas lorsque le généralSpears, représentant deChurchill auprès du gouvernement français, l'avertit que si la France s'entendait avec l'Allemagne,« elle ne perdrait pas seulement son honneur, mais, physiquement, elle ne s’en relèverait pas. Elle serait liée à une Allemagne sur la gorge de laquelle nos poings ne tarderont pas à se refermer »[102].
À partir du, alors que la bataille de France est perdue et le gouvernement replié enTouraine, Pétain se fait ouvertement l'un des avocats les plus constants de l’armistice au sein du gouvernement. Ce jour-là, il lit au Conseil des ministres une note dans laquelle il déclare qu’il n’est aucunement question pour lui de quitter la France pour poursuivre la lutte[103].
Le,Paris est occupé par l’armée allemande. Le Gouvernement, leprésident de la République et les Assemblées sont alors réfugiés àBordeaux. Pétain s'y confirme comme le chef de file des partisans de l’armistice, et met sa démission dans la balance.
Pétain s'oppose auprojet de fusion entre les gouvernements britannique et français.
Président du Conseil et armistice
Le, se croyant en minorité au sein du Conseil des ministres, à tort semble-t-il[104],[105],Paul Reynaud présente la démission du Gouvernement et suggère, suivi en cela par les présidents duSénat et de la Chambre des députés, de confier la présidence du Conseil au maréchal Pétain, choix aussitôt approuvé par le président de la RépubliqueAlbert Lebrun (voirgouvernement Philippe Pétain)[103]. Il semble avoir espéré qu'un échec de Pétain à obtenir l’armistice lui permette de revenir très vite au pouvoir.
Le, suivant le conseil énoncé le par le généralMaxime Weygand, chef d’état-major des armées, Pétain fait demander aux Allemands, par l'intermédiaire du gouvernement espagnol, les conditions d'un armistice[103].
Pétain lisant un discours radiodiffusé, vers 1940-1944.Une deLa Petite Gironde rapportant le discours de Pétain du.
Depuis le micro de laradio Lafayette dulycée Longchamps de Bordeaux[106], il enregistre un discours radiodiffusé où il déclare, alors qu'il n'a fait que demander les conditions d'un armistice et que les négociations n'ont pas commencé :« C’est le cœur serré que je vous dis aujourd'hui qu’il faut cesser le combat »[107],[108],[109]. Le discours a un effet désastreux sur le moral des troupes et précipite de fait l’effondrement des armées françaises. Du à l’entrée en vigueur de l’armistice le25, les Allemands font ainsi plus de prisonniers que depuis le début de l’offensive le[110].
Dans le même discours, Pétain anticipe la création de son propre régime en déclarant qu’il fait« don de sa personne à la France »[103]. Le, dans un nouveau discours[111] rédigé, tout comme le premier, par l'intellectuel dereligion juiveEmmanuel Berl, il annonce les tractations en vue de l'armistice. Il en détaille les motifs, ainsi que les leçons que, selon lui, il faudra en tirer. Il y fustige« l'esprit de jouissance » :« […] Depuis la victoire [de 1918], l'esprit de jouissance l'a emporté sur l'esprit de sacrifice. On a revendiqué plus qu'on n'a servi. On a voulu épargner l'effort ; on rencontre aujourd'hui le malheur ».
L’armistice est finalement signé le dans laclairière de Compiègne, après avoir été approuvé par le Conseil des ministres et le président de la République[103].
Le, Pétain annonce les conditions « sévères » de l'armistice et décrit les territoires qui seront sous contrôle allemand. La démobilisation fait partie de ces conditions. Il annonce :« C'est vers l'avenir que désormais nous devons tourner nos efforts. Un ordre nouveau commence […] ». Les causes de la défaite sont à rechercher selon lui dans l'esprit de relâchement :« Notre défaite est venue de nos relâchements. L'esprit de jouissance détruit ce que l'esprit de sacrifice a édifié […] »[112],[113],[114].
Le, le Gouvernement s’installe dans la région deClermont-Ferrand puis, en raison des capacités d’hébergement limitées, déménage à nouveau le pourVichy, en zone non occupée par l’armée allemande[115]. Cette ville présentait les avantages d’un réseau téléphonique extrêmement performant et de la présence d’une multitude d’hôtels qui furent réquisitionnés pour abriter les différents ministères et les ambassades.
Le,une loi, dite « constitutionnelle »[116],[117],votée par les deux Chambres (569 voix pour,80 voix contre[118],20 abstentions,176 absents et1 ne prenant pas part au vote) réunies enAssemblée nationale au casino de Vichy« donne tous pouvoirs au gouvernement de la République, sous l'autorité et la signature du maréchal Pétain », sans contrôle de l’Assemblée, avec pour mission la promulgation d’une nouvelle Constitution. Celle-ci ne verra jamais le jour[119].
L'« État français » (nouveau nom officiel de la France, remplaçant la dénomination « République française ») allait donc demeurer un État provisoire.
La constitutionnalité de cette réforme fut contestée pour plusieurs motifs, dont le fait que la Constitution ne peut pas être modifiée sous la menace directe d'un ennemi. Surtout, la confusion de tous les pouvoirs (constituant, législatif, exécutif et judiciaire) entre les mêmes mains était contraire aux fondements même deslois constitutionnelles de 1875, fondées sur une séparation des pouvoirs. Il en résulta un régime anti-démocratique, sans constitution et sans contrôle parlementaire.
Ce régime sera qualifié de« dictature pluraliste » parStanley Hoffmann, qui démontre, entre autres, les aspects dictatoriaux dans une publication parue en 1956[120]. D'autres auteurs, commeRobert Aron,Robert Paxton etMarc Ferro, évoquent, au sujet de Pétain, des dictateurs[121] tels queSalazar[122],[123],[124] et son régime[122],Franco[123],[124], voireMussolini[124]. Pour Aron :« La première [période du pouvoir de Vichy], qui va de l'armistice au, est celle où Pétain peut encore avoir l'illusion d'être un chef d'État autoritaire, qui ne doit rien à personne et dont le pouvoir en France est presque l'équivalent de celui des dictateurs Salazar au Portugal, Franco en Espagne, ou Mussolini en Italie »[124].
Selon Paxton,« Pétain lui-même se trouvait plus de points communs avec Franco et Salazar qu'avec Hitler »[123], tandis que pour Ferro c'est l'exemple de Salazar qui inspire le programme du maréchal, ainsi :« le régime [qu'il] institue évoque effectivement plutôt le salazarisme […] »[122] et :« Les régimes deKemal,Horthy, Franco, avaient ses préférences par rapport à celui de Mussolini du fait de la dualité Mussolini-Victor-EmmanuelIII et selon l'idée qu'il se fait de son pouvoir : « le Maréchal n'a de compte à rendre qu'à sa conscience », mais de loin il préférait celui de Salazar […] »[125].
Installation du régime
Pouvoir personnel
Acte constitutionnel numéro 2 fixant les pouvoirs du chef de l'État français, signé par Pétain le, Archives nationales de France.
Pierre Laval lui dit un jour :« Connaissez-vous, Monsieur le Maréchal, l'étendue de vos pouvoirs ? […] Ils sont plus grands que ceux deLouisXIV, parce queLouisXIV devait remettre ses édits au Parlement, tandis que vous n'avez pas besoin de soumettre vos actes constitutionnels au Parlement, parce qu'il n'est plus là »[124], Pétain répondit :« C'est vrai »[130].
Aux traditionnels attributs régaliens (droit de grâce, nominations et révocations des ministres et des hauts fonctionnaires), Pétain ajoute en effet des droits tout à fait inédits, même du temps de la monarchie absolue. Il peut ainsi rédiger et promulguer seul une nouvelle Constitution, il peut désigner son successeur (qui est le vice-président du Conseil), il« a la plénitude du pouvoir gouvernemental, il nomme et révoque les ministres et secrétaires d'État, qui ne sont responsables que devant lui »[127] et il« exerce le pouvoir législatif, en conseil des ministres […] »[127]. Les lois, adoptées de sa seule autorité, sont promulguées sur la formule :« Nous, maréchal de France, le Conseil des ministres entendu, décidons… ». Par prudence, par contre, Pétain évite de s’attribuer le droit de déclarer la guerre seul : il doit pour cela consulter les éventuelles assemblées.
Drapeau français durant le régime de Vichy[131],[132].
Lafrancisque, emblème personnel de Philippe Pétain, utilisée comme symbole officieux du régime de Vichy[133].
Marque de commandement de Philippe Pétain, chef de l’État français, ornée de la francisque et de ses sept étoiles de maréchal de France.
Jusqu’en, Pétain reste à la fois chef de l’État et chef du gouvernement en titre,Pierre Laval,Pierre-Étienne Flandin et l'amiralFrançois Darlan n’étant que vice-présidents du Conseil. Il gouverne de manière autoritaire.
Ainsi, le, il évince brusquement Pierre Laval du pouvoir, non par désaveu de la politique de collaboration avec l’Allemagne nazie menée par ce dernier, mais par irritation devant sa manière trop indépendante de la conduire. Il est remplacé par Flandin. Parallèlement, Pétain signe la révocation de nombreux maires, préfets et hauts fonctionnaires républicains, dont le préfet d'Eure-et-Loir,Jean Moulin, et le président de laCour des comptesÉmile Labeyrie[134].
Le Maréchal supprime précocement tous les contre-pouvoirs institutionnels à son autorité, et tout ce qui rappelle trop le régime républicain, désormais honni. Le mot même deRépublique disparaît. Les libertés publiques sont suspendues, tout comme les partis politiques, à l’exception de ceux descollaborationnistes parisiens, qui subsistent enzone nord. Les centrales syndicales sont dissoutes, les unions départementales subsistantes unifiées dans une organisation corporatiste du travail. Lafranc-maçonnerie est mise hors-la-loi.
Toutes les assemblées élues sont mises en sommeil ou supprimées, les Chambres aussi bien que lesconseils généraux. Des milliers de municipalités, dont les maires qui n'ont pas voulu signer un serment d'allégeance (non pas à l'État, mais à Pétain lui-même) sont destituées, et remplacées par des « délégations spéciales », nommées par décret du pouvoir central, et dont la présidence revient à des personnalités présentant les garanties exigées du maréchal. Des juridictions d’exception sont mises en place.
Par ordre de Pétain, les journaux reçoivent la consigne d'annoncer, en gros caractères et sur5 colonnes,« le châtiment des responsables » présumés de ladéfaite[135] ().
Le, Pétain promulgue la création de la Cour suprême de justice (dite« cour de Riom »), juridiction d'exception chargée de conduire le procès des hommes politiques et du généralMaurice Gamelin que le maréchal estime responsables de l'impréparation et de ladéfaite militaires du pays.Léon Blum,Édouard Daladier et le général Gamelin sont ainsi arrêtés. De surcroît, Pétain envisage de faire condamnerPaul Reynaud etGeorges Mandel mais ceux-ci, également incarcérés, ne peuvent pas être inclus dans la procédure de Riom[136]. Censé servir la propagande vichyste en jugeant les ministres duFront populaire et, au-delà, les institutions démocratiques de laTroisième République comme seuls comptables de la débâcle, leprocès de Riom tourne à la confusion des accusateurs, devenus à leur tour accusés. Blum et Daladier bousculent les juges par leur connaissance des dossiers relatifs à la défense nationale, rappelant notamment la responsabilité dugouvernement Doumergue, dont Pétain faisait partie en tant que ministre de la Guerre, dans la réduction des crédits militaires en 1934[137],[138]. Somme toute, le, Pétain reporte le procèssine die par un« décret laconique »[139]. Les accusés, toujours en instance de jugement, demeurent internés. Fin, le régime de Vichy cède devant les exigences des autorités allemandes qui, sous prétexte d'empêcher une tentative de libération américaine, transfèrent les prisonniers sur le territoire duReich[140],[141].
Par ailleurs, dès le, Vichy fait condamner à mort parcontumaceCharles de Gaulle (même si Pétain prétend qu'il veillera à ce que la sentence ne soit pas appliquée[142],[143],[144]) puis ses compagnons, qui sont déchus de la nationalité française avec ceux qui les rejoignent. Des procès iniques sont intentés à diverses personnalités républicaines, ainsi àPierre Mendès France, condamné en à Clermont-Ferrand pour une prétendue « désertion » (l'affaire duMassilia, bateau-piège), avecJean Zay et quelques autres.
À l’automne 1941, grâce à des lois ouvertement antidatées, Vichy envoie à laguillotine plusieurs prisonnierscommunistes, dont le députéJean Catelas, en représailles à des attentats anti-allemands[145].
Culte du chef et popularité
Imagerie de propagande : sous la devise « Travail, Famille, Patrie », le portrait de Pétain en médaillon soutenu par unefrancisque au-dessus d'une scène représentant la France rurale et industrielle, 1942.Une mère de famille avec des enfants tenant le portrait de Pétain.
Jouant le plus possible sur la réputation du « vainqueur de Verdun », le régime exploite le prestige du maréchal et diffuse unculte de la personnalité omniprésent : les photos du maréchal figurent dans les vitrines de tous les magasins, sur les murs des cités, dans toutes les administrations, ainsi qu’aux murs des classes dans tous les locaux scolaires et dans ceux des organisations de jeunesse. On le retrouve jusque sur les calendriers desPTT. Le rôle deBernard Ménétrel, médecin et secrétaire particulier du maréchal est prédominant dans cette action de communication et de propagande.
Le visage du chef de l’État apparaît aussi sur lestimbres[146] et les pièces de monnaie, tandis que les bustes deMarianne sont retirés des mairies. La Saint-Philippe, chaque, est célébrée à l’instar d’une fête nationale. Un hymne à sa gloire, le célèbreMaréchal, nous voilà ![147], est interprété dans de nombreuses cérémonies en lieu et place deLa Marseillaise. En-dehors des nombreuses rues débaptisées car promouvant des hommes ou des valeurs honnies par le régime, de 750 à 1000 rues et places sont renommées en l’honneur du maréchal[148], jamais de façon imposée mais jamais non plus de façon spontanée[149].
À qui douterait, des affiches de propagande proclament :« Êtes-vous plus Français que lui ? » ou encore« Connaissez-vous mieux que lui les problèmes de l’heure ? ».
Toute une littérature, relayée par la presse sous contrôle et par maints discours officiels ou particuliers, trouve des accents quasi-idolâtres pour exalter le maréchal comme un sauveur messianique, pour célébrer son « sacrifice », pour le comparer àJeanne d'Arc ou àVercingétorix, pour vanter l’allant et la robustesse physique du vieillard, ou encore la beauté de ses célèbres yeux bleus. Un chêne pluri-centenaire reçoit son nom enforêt de Tronçais. De nombreuses rues sont débaptisées et prennent son nom sur ordre.
Le serment prêté par les titulaires de laFrancisque prévoit :« Je fais don de ma personne au maréchal Pétain comme il a fait don de la sienne à la France. » HenriPourrat, salué par leprix Goncourt en 1941 pour son livreVent de Mars, devient le chantre officiel du nouveau régime et se fait l'hagiographe du chef de l'État français avec la sortie de son livreLe Chef français publié parRobert Laffont en 1942[153].
Affiche vichyste - Le don à la patrie juin 1940.
La popularité du maréchal ne repose cependant nullement sur le seul appareil de propagande. L’intéressé sait l’entretenir par de nombreux voyages à travers toute lazone sud, surtout en 1940-1942, où des foules considérables viennent l’acclamer. Il reçoit de nombreux présents de partout ainsi qu'un abondant courrier quotidien, dont des milliers de lettres et de dessins des enfants des écoles. Pétain entretient aussi le contact avec la population par un certain nombre de réceptions àVichy, ou surtout par ses fréquents discours à la radio. Il sait employer dans ses propos une rhétorique sobre et claire, ainsi qu’une série de formules percutantes, pour faire mieux accepter son autorité absolue et ses idées réactionnaires :« La terre, elle, ne ment pas »,« Je hais ces mensonges qui vous ont fait tant de mal » (),« Je vous ai parlé jusqu’ici le langage d’un père, je vous parle à présent le langage d’un chef. Suivez-moi, gardez confiance en la France éternelle » ().
« La terre, elle, ne ment pas. » Imagerie depropagande du régime de Vichy.
Basés à Paris[156], les« ultras de laCollaboration »[157] se montrent généralement hostiles à Vichy et à larévolution nationale, qu’ils jugent trop réactionnaires et pas engagés assez loin dans l’appui à l’Allemagne nazie. Cependant, à la suite dePhilippe Burrin etJean-Pierre Azéma, l’historiographie récente insiste davantage sur les passerelles qui existent entre les hommes de Vichy et ceux de Paris.
Un ultra-collaborationniste comme le futur chef de laMilice française,Joseph Darnand, est ainsi pendant toute l’Occupation un inconditionnel fervent du Maréchal. Le chef fasciste françaisJacques Doriot proclame quant à lui jusqu’à fin 1941 qu’il est« un homme du Maréchal ». Son rivalMarcel Déat a essayé en 1940 de convertir Pétain à son projet de parti unique et de régime totalitaire, s’attirant de ce dernier une fin de non-recevoir (« un parti ne peut pas être unique ») ; déçu, Déat quitte définitivement Vichy et agonit désormais Pétain d'attaques dans son journalL’Œuvre, à tel point que le maréchal, en 1944, se débrouille pour ne jamais contresigner sa nomination comme ministre. D'autres entourent Pétain de leur vénération sans bornes, telsGaston Bruneton, chargé de l’action sociale auprès des travailleurs français en Allemagne (volontaires et forcés) en étroite collaboration avec le DAF (Front allemand du travail), ou encore se voient confier des fonctions importantes par Vichy.
Programme de révolution nationale
Choix prioritaire du maréchal Pétain
Projet d'affiche conçu pour promouvoir la révolution nationale et stigmatiser laTroisième République prétendument en proie au capitalisme, au communisme, à l'affairisme, aux juifs et aux francs-maçons. Illustration de R. Vachet, Centre de propagande de la révolution nationale d'Avignon.Page deHymnes & pavillons dʼIndochine, une brochure illustrée sur les dirigeants, lesdrapeaux et leshymnes nationaux de la France de Vichy (État français) et de ses colonies enIndochine française, publiée par Les Presses de Imprimerie d'Extrême Orient (IDEO) àHanoï dans l'actuelViêt Nam, pendant laSeconde Guerre mondiale en décembre 1941. Figure une citation de Pétain sous son portrait :« Je vous sais dévoués à la France — Aimez la… Aimez aussi votre petite Patrie parce que cela vous aidera à mieux comprendre et mieux aimer la grande ».
Instaurant un régime contre-révolutionnaire et autoritaire, le régime de Vichy veut réaliser une « révolution nationale », à fortes consonancesantisémites, qui rompt avec la tradition républicaine et instaure un ordre nouveau fondé sur l’autorité, lahiérarchie, lecorporatisme, l’inégalité entre lescitoyens. Sa devise « Travail, Famille, Patrie », empruntée aux « Croix-de-Feu », remplace le triptyque « Liberté, Égalité, Fraternité ». Dès l’été 1940, un discours du maréchal Pétain prévient que le nouveau régime« sera une hiérarchie sociale. Il ne reposera plus sur l'idée fausse de l'égalité naturelle des hommes, mais sur l'idée nécessaire de l'égalité des « chances » données à tous les Français de prouver leur aptitude à « servir ». »[158],[159],[160].
La révolution nationale est la priorité de Pétain, dont il fait son affaire personnelle, et qu'il encourage par ses discours et ses interventions en Conseil des ministres. Cependant, dès, il avoue à la radio« la faiblesse des échos qu’ont rencontré » ses projets, parmi la masse de la population. À partir du retour au pouvoir de Laval en, la révolution nationale n’est plus à l’ordre du jour.
Philippe Pétain. Photographie officielle couleur titrée sur papier, imprimerieDraeger, vers 1941.
L’historiographie récente, depuis les travaux d'Henri Michel,Robert Paxton ouJean-Pierre Azéma, tend à montrer que le désir de pouvoir enfin « redresser » la France à sa façon a poussé largement Pétain, en, à retirer la France de la guerre par l’armistice. Cette thèse est également développée parHenri Guillemin, pour qui Pétain poursuivait dès 1934 des objectifs de politique intérieure. C’est également lui qui le pousse à accepter l’entente avec le vainqueur : la révolution nationale ne peut prospérer que dans une France défaite, car c'est la défaite qui rend caduques les institutions républicaines qui l'ont provoquée et justifie la nécessité d'une telle révolution. Pour les pétainistes, une victoire alliée signifierait de plus le retour des Juifs, des francs-maçons, des républicains et des communistes.
Selon ces historiens, Pétain néglige aussi le péril et la contradiction qu’il y a à entreprendre ses réformes sous le regard de l’occupant. Cette illusion est d’ailleurs dénoncée dès l’époque par laFrance libre dugénéral de Gaulle, mais également par nombre derésistants, dont certains avaient pu au départ être tentés par le programme de Pétain, mais qui estiment dangereux de se tromper sur les priorités et vain d'entreprendre des réformes, tant que les Allemands ne sont pas chassés du pays.
En,François Valentin, le chef de laLégion française des combattants, nommé à ce poste par Pétain lui-même, rejointLondres, enregistre et fait diffuser à laBBC un message retentissant dans lequel il fait son autocritique et dénonce la faute grave du maréchal et de ses fidèles :« On ne reconstruit pas sa maison pendant qu’elle flambe ! »[161]
Mais, si les historiens ont déterminé les intentions de Pétain, ce n'était pas toujours le cas des personnes vivant à l'époque, et, si Pétain conduisit par exemple une politique antisémite, ceux qui l'admiraient n'avaient pas forcément de telles idées. Enfin, les « vichysto-résistants »[162], souvent séduits par la révolution nationale mais hostiles à la collaboration et à l'occupant, furent nombreux.
Texte dustatut des Juifs, annoté de la main de Pétain (page 1).Archives Mémorial de la Shoah.Marque obligatoire bilingue allemand-français à afficher sur la devanture des entreprises juives, France,.
Les premières mesures sont prises par la loi du qui dissout les sociétés secrètes et interdit la franc maçonnerie en France et dans toutes les colonies et territoires sous mandat français.
Par décret pris quelques jours après la loi, les sièges des obédiences sont occupés par la police et les lieux d'exercice (temples maçonniques) sont fermés. En, le gouvernement oblige tous les agents publics à faire une déclaration, afin de servir le nouveau régime, certifiant qu'ils ne sont pas francs maçons ; s'ils le sont, ils se retrouvent exclus de la fonction publique ou de l'armée.
Les secondes mesures sont notamment dirigées contre les Juifs dès la loi du, bien que le maréchal semble avoir été imperméable à l'antisémitisme avant la guerre : il soutint la candidature d'André Maurois à l'Académie française, fut représenté à l'enterrement d'Edmond de Rothschild en 1934, fut témoin au mariage de l'économiste israéliteJacques Rueff en 1937 et le parrain de sa fille en 1938[61].
Dès la troisième semaine de, ainsi, des mesures sont prises pour écarter des fonctionnaires juifs, et une commission est fondée pour réviser et annuler des milliers denaturalisations accordées depuis 1927. En, sans aucune demande particulière de la part des Allemands, des lois d’exclusion adoptées à la hâte contre lesJuifs sont promulguées[163] (voir l’article :régime de Vichy).
Selon le témoignage du ministre des Affaires étrangèresPaul Baudouin[164], Pétain a personnellement participé à la rédaction dustatut des Juifs et insisté pour qu’ils soient par exemple davantage exclus du milieu médical et de l'enseignement. Le brouillon originel de ce texte, qui est redécouvert en, annoté de la main du maréchal, prouvant ainsi son implication personnelle[165], confirme bien que Pétain a durci la version première et fait étendre l'exclusion à la totalité des Juifs de France, alors qu'elle ne devait concerner d'abord que les Juifs ou descendants de Juifs naturalisés après 1860[166].
Les textes discriminatoires du sont durcis le : ils excluent ainsi les Français de « race juive » (déterminée par la religion des grands-parents) de la plupart des fonctions et activités publiques. Des quotas sont fixés pour l’admission des Juifs aubarreau, dans le monde universitaire ou médical. Lors du statut du, la liste des métiers interdits s’allonge démesurément.
Auprès du maréchal se pressent des hommes de tous bords, mêlant de façon baroque, au sein de sa« dictature pluraliste »[120], des technocrates modernistes et des révolutionnaires déçus du marxisme aussi bien que des maurrassiens et des réactionnaires. Pétain cependant manifeste personnellement des orientations proches deL’Action française (seul journal qu’il lise quotidiennement[réf. nécessaire]) et cite surtout en exemple à ses proches les régimes conservateurs et cléricaux deSalazar et deFranco, qu’il connaît personnellement depuis 1939.
Parallèlement au développement d’un pouvoir centralisé, le maréchal se consacre au « relèvement de la France » : rapatriement des réfugiés, démobilisation, ravitaillement, maintien de l’ordre. Mais loin de se limiter à gérer lesaffaires courantes et à assurer la survie matérielle des populations, son régime est le seul enEurope à développer un programme de réformes intérieures, indépendant des demandes allemandes.
Certaines mesures prises à cette époque ont survécu, comme la création d’un ministère de la Reconstruction, l’unification du permis de construire, la transformation du service géographique des armées enIGN en, l’étatisation des polices municipales par une loi en en vue de faciliter le contrôle des populations, ou encore une politique familiale, déjà amorcée par laIIIe République finissante et prolongée sous laIVe République. D’autres dispositions sont adoptées : campagne contre l’alcoolisme, interdiction de fumer dans les salles de spectacle, inscription de lafête des Mères au calendrier. D’autres encore portent la marque des projets réactionnaires du chef de l’État, comme la pénalisation desrelations homosexuelles avec des personnes mineures. De nombreux étrangers supposés« en surnombre dans l’économie française » sont incorporés de force dans desGroupes de travailleurs étrangers (GTE). Les Écoles normales, bastion de l’enseignement laïc et républicain, sont supprimées à la fin de l'année 1940 et le baccalauréat devient alors obligatoire pour pouvoir enseigner dans l'enseignement primaire, le futur instituteur se formant alors « sur le tas » en étant en stages pendant plus d'une année, dans les écoles maternelles ou élémentaires. Les lois des11 et contre l’emploi des femmes en renvoient des milliers au foyer de gré ou de force. Ledivorce est rendu nettement plus difficile, et le nombre de poursuites judiciaires et de condamnations pour avortement explose littéralement par rapport à l’entre-deux-guerres[168]. En, apparaît le premier statut général des fonctionnaires civils. Rompant avec l'usage existant depuis près de cinquante ans qui accordait lagrâce présidentielle aux femmes condamnées à mort, il la refuse àÉlisabeth Lamouly qui est guillotinée en, quatre autres femmes seront ainsi châtiées dont l'avorteuse,Marie-Louise Giraud, qui sera guillotinée en[169]. Autre rupture avec laIIIe République, les rapports étroits noués avec les Églises : Pétain, personnellement peu croyant, voit commeMaurras en la religion un facteur d’ordre, et ne manque pas d’assister à chaque messe dominicale à l’église Saint-Louis de Vichy.
Dans l’optique de la « restauration » de la France, le régime de Vichy crée très tôt, sous la direction deJoseph de La Porte du Theil, un fidèle très proche du maréchal Pétain, des camps de formation qui durent six mois et qui deviendront plus tard lesChantiers de la jeunesse française. L’idée est de réunir toute une classe d’âge (en remplacement du service militaire interdit par les Allemands), et, à travers une vie au grand air, par des méthodes proches duscoutisme, leur inculquer les valeurs morales du nouveau régime (culte de la hiérarchie, rejet de la ville industrielle corruptrice), ainsi que la vénération à l’égard du chef de l’État.
D’autres moyens de contrôle sont également mis en place dans le domaine économique, comme les Comités professionnels d’organisation et de répartition, ayant un pouvoir de juridiction sur leurs membres ou un pouvoir de répartition des matières premières, pouvoir capital en ces temps de restrictions généralisées.
À destination des ouvriers, Pétain prononce le un important discours àSaint-Étienne, où il expose sa volonté de mettre fin à la lutte des classes en prohibant à la fois lecapitalismelibéral et la révolutionmarxiste. Il énonce les principes de la futureCharte du travail, promulguée en. Celle-ci interdit à la fois les grèves et lelock-out, instaure le système du syndicat unique et lecorporatisme, mais met aussi en place des comités sociaux (préfiguration descomités d'entreprise) et prévoit la notion de salaire minimum. La Charte séduit de nombreux syndicalistes et théoriciens de tous bords (René Belin,Hubert Lagardelle). Mais elle peine à entrer en application, et ne tarde pas à se briser sur l’hostilité de la classe ouvrière au régime et à ces idées, l’aggravation des pénuries, l’instauration duService du travail obligatoire (STO) en, et enfin sur la lutte menée contre elle par les syndicats clandestins de laRésistance intérieure française.
Véritables enfants chéris de Vichy, les paysans passent cependant longtemps pour les vrais bénéficiaires du régime de Pétain. Lui-même propriétaire terrien en sa résidence deVilleneuve-Loubet, un vaste domaine agricole qu'il gère lui-même[170], le maréchal affirme que« la terre, elle, ne ment pas », et encourage le retour à la terre — politique soldée sur un échec, moins de 1 500 personnes en quatre ans tentant de suivre ses conseils. LaCorporation paysanne est fondée par une loi du[171],[172],[173]. Une partie des membres se détache du régime fin 1943 et lui font aussi servir de base à la création d'un syndicalisme paysan clandestin fin 1943, laConfédération générale de l'agriculture (CGA)[172] qui voit le jour officiellement le, lors de la dissolution de la Corporation paysanne par les autorités et qui se prolongera sous la forme de laFNSEA en 1946[174].
Développant fréquemment et complaisamment la vision doloriste d’une France « décadente » qui expie maintenant ses « fautes » antérieures, Pétain entretient les Français dans une mentalité de vaincu :« Je ne cesse de me rappeler tous les jours que nous avons été vaincus » (à une délégation,), et manifeste un souci particulier pour les soldats prisonniers, images mêmes de la défaite et de la souffrance :« Je pense à eux parce qu’ils souffrent […] », (Noël 1941). Selon son chef de cabinet,Henry du Moulin de Labarthète, le tiers du temps de travail quotidien du maréchal était consacré aux prisonniers. De ces derniers, Vichy rêvait de faire les propagateurs de la révolution nationale à leur retour.
La période consécutive à l’armistice voit aussi la création de la « Légion française des combattants » (LFC), à laquelle sont ensuite agrégés les « Amis de la Légion » et les « Cadets de la Légion ». Fondée par le très antisémiteXavier Vallat le, elle est présidée par le maréchal Pétain en personne. Pour Vichy, elle doit servir de fer de lance de la révolution nationale et du régime. À côté des parades, des cérémonies et de la propagande, les Légionnaires actifs doivent surveiller la population, et dénoncer les déviants et les fautifs de « mauvais esprit ».
Au sein de cette légion se constitue un Service d’ordre légionnaire (SOL) qui s’engage immédiatement dans la voie ducollaborationnisme. Cet organisme est commandé parJoseph Darnand, héros de la Première Guerre mondiale et de la campagne de 1940, et fervent partisan de Pétain (sollicité en 1941 de joindre la Résistance, il refuse, selon le témoignage deClaude Bourdet, parce que « le Maréchal » ne comprendrait pas). Ce même organisme devient en la « Milice française ». À la fin de la guerre, alors que Vichy est devenu un régime fantoche aux ordres des Allemands, la Milice qui compte au maximum 30 000 hommes, dont beaucoup d’aventuriers et de droit-communs, participe activement à la lutte contre la Résistance, avec les encouragements publics du maréchal Pétain comme dePierre Laval, son président officiel. Haïe de la population, la Milice perpètre régulièrement délations, tortures, rafles, exécutions sommaires, qui se mêlent à d’innombrables vols, viols, voies de faits sur la voie publique ou contre des fonctionnaires.
Pétain attend le pour les désavouer dans une note à Darnand, trop tardivement pour que ce dernier soit dupe.« Pendant quatre ans », rappellera Darnand dans sa réponse caustique au maréchal,« vous m’avez encouragé au nom du bien de la France, et maintenant que les Américains sont aux portes de Paris, vous commencez à me dire que je vais être la tache de l’Histoire de France. On aurait pu s’y prendre avant ! ».
Collaboration d’État
Le maréchal Pétain écoutant la voix de son maître. Parodiant un célèbrelogo canin, la caricature est signéeArthur Szyk, New York, 1941[175].
Sur le plan de la politique extérieure, Pétain a retiré d’emblée le pays du conflit mondial en cours, et affecte de croire que ce dernier ne concerne plus du tout la France. S’il refuse jusqu’au bout toute rentrée dans la guerre aux côtés d’un des deux camps, il ne refuse pourtant pas le combat contre lesAlliés chaque fois qu'il en a l'occasion et annonce dès, son intention de reprendre par la force les territoires sous autorité de laFrance libre[176]. Il pratique donc une « neutralité dissymétrique » qui profite aux Allemands. Il choisit en effet de s’entendre avec le vainqueur et imagine que la France, avec son empire colonial, sa flotte et sa bonne volonté à coopérer, peut obtenir une bonne place dans une Europe durablement allemande. Ceci peut être perçu comme une certaine naïveté de la part de Pétain : dans l’idéologie nazie, la France était en effet l’ennemie irréductible de l’Allemagne, elle devait être écrasée et ne pouvait en aucun cas bénéficier d’une quelconque place privilégiée à ses côtés.
Il est bien établi, depuis les travaux d'Eberhard Jäckel[177] et surtout deRobert Paxton, que Pétain a activement recherché et poursuivi cettecollaboration avec l’Allemagne nazie. Elle ne lui a pas été imposée. Moins intéressé par la politique extérieure que par larévolution nationale, sa vraie priorité, Pétain laisse Darlan et Laval mettre en œuvre les volets concrets de la collaboration d’État. Mais l’une est en réalité le revers de l’autre, selon les constats concordants de l’historiographie contemporaine : les réformes vichystes n’ont pu se mettre en place qu’en profitant du retrait de la France de la guerre, et elles ne sauraient survivre à une victoire alliée. Par ailleurs, le « mythe Pétain »[178] est indispensable pour faire accepter à bien des Français la collaboration. Le prestige du vainqueur de Verdun, son pouvoir légal sinon légitime, brouillent en effet dans les consciences en désarroi la perception des devoirs et des priorités.
Situation de la France sous le gouvernement de Philippe Pétain :
en juillet 1940, selon les accords de Montoire, le pays est coupé en quatre : zone occupée, zone libre (séparées par une ligne de démarcation),Alsace-Moselle annexéede facto par leReich, et deux départements du Nord sous l'administration militaire allemande de Bruxelles ;
en novembre 1942 la zone occupée allemande s'étend : à la zone initiale (dite « zone Nord ») s'ajoute la majeure partie de la zone libre (dite « zone Sud » à partir de) ; simultanément l'Italie occupe la plupart des territoires à l'est duRhône et laCorse ; Philippe Pétain choisit cependant de rester en France et de poursuivre la Collaboration avec l'aide de Pierre Laval, tandis que l'amiral Darlan, alors à Alger, prend le parti des Alliés (mais meurt assassiné peu après) ;
en octobre 1943 les Italiens se retirent, la zone occupée allemande s'étend à tout le pays, mais simultanément la Corse se libère ; la Collaboration s'intensifie ;
durant l'été 1944, à partir du 6 juin, la plus grande partie du territoire est libérée par les forcesAlliées et celles de laRésistance : Philippe Pétain et son gouvernement sont alors transportés par les Allemands àSigmaringen.
Après avoir affecté pendant trois mois de rester neutre dans le conflit en cours entre l’Axe et leRoyaume-Uni, Pétain engage personnellement et officiellement, par son discours radiodiffusé du, le régime de Vichy dans lacollaboration[179],[176], à la suite de l’entrevue de Montoire du, durant laquelle il rencontraHitler[180]. Cette « poignée de main de Montoire », sera par la suite largement diffusée aux actualités cinématographiques, et exploitée par la propagande allemande.
Certes, l’armistice avait permis, en un premier temps, de limiter l’occupation allemande à lamoitié nord et ouest du territoire. Mais l’autonomie de lazone sud est toute relative, car Pétain, avec ou sans discussion préliminaire, plie le plus souvent devant les exigences des autorités allemandes, quand son gouvernement ne va pas spontanément au-devant de celles-ci.
Cette collaboration d’État entraîne plusieurs conséquences. Le maréchal, alors que son prestige reste immense, s’interdit de protester, au moins publiquement, contre les exactions de l’occupant et de ses auxiliaires français ou contre l’annexion de fait, contraire à la convention d’armistice, de l’Alsace et de laMoselle. Aux parlementaires des trois départements, qu’il reçoit le alors que commence l’incorporation massive et illégale des Français d'Alsace et de Lorraine, dits lesmalgré-nous dans laWehrmacht, il ne conseille que la résignation. La veille, il avait fait remettre par Laval une protestation officielle, qui restera sans suite.
Legénéral Weygand, connu pour son hostilité à la collaboration, ayant été limogé en, Pétain obtientune entrevue avec Göring àSaint-Florentin le[181]. Mais c'est un échec, les Allemands refusant de céder à ses demandes : extension de la souveraineté de Vichy à toute la France sauf l'Alsace-Lorraine, réduction des frais d'occupation et du nombre de prisonniers de guerre et renforcement des moyens militaires de l'Empire[182].
En, sous la pression allemande, mais aussi parce qu’il est déçu des maigres résultats de Darlan, Pétain accepte le retour au pouvoir dePierre Laval, désormais doté du titre de « chef du gouvernement ».
Il n’y a pas de différence en politique extérieure entre un « Vichy de Pétain » et un « Vichy de Laval », comme l’ont suggéréAndré Siegfried,Robert Aron[réf. souhaitée] ouJacques Isorni. S’il n’a aucune affection personnelle pour Laval, Pétain couvre sa politique de son autorité et de son charisme, approuve ses orientations en Conseil des ministres, et même parfois les mots de ses discours. Ainsi celui du où Laval prononce ces mots retentissants :« Je souhaite la victoire de l’Allemagne parce que, sans elle, lebolchevisme, demain, s'installerait partout » :Charles Rochat a témoigné par écrit pour la Haute Cour de justice que Pétain les avait avalisés, en faisant même changer un « Je crois » initial en un « Je souhaite » encore plus critique[183].
En, devant une délégation de visiteurs àVichy, Pétain assure qu’il agit« main dans la main » avec Laval, que les ordres de ce dernier sont« comme les [siens] » et que tous lui doivent obéissance« comme à [lui-même] ». Lors du procès de Pétain, Laval déclarera sans ambiguïté qu’il n’agissait qu’après en avoir déféré à l'avis du maréchal : tous ses actes avaient été approuvés préalablement par le chef de l’État.
Rafle du billet vert par la police française en 1941
Sur la base des recensements effectués, 6 694 Juifs étrangers, des Polonais pour la plupart, des hommes de 18 à60 ans habitant en région parisienne, reçoivent une convocation pour « examen de situation » (le billet vert), les sommant de se rendre, accompagnés d'un proche, dans divers lieux de rassemblement le. Plus de la moitié (3 747) obéissent et sont aussitôt arrêtés pendant que la personne qui les accompagne est invitée à aller leur chercher des affaires et des vivres. Ils sont transférés en autobus à lagare d'Austerlitz et déportés le jour même par quatre trains spéciaux vers les camps d'internement du Loiret (à peu près 1 700 àPithiviers et 2 000 àBeaune-la-Rolande)
Dans leur très grande majorité, les victimes de cette opération sont déportées lors des premiersconvois de juin et et assassinées àAuschwitz-Birkenau.
En, les Allemands exécutent48 otages enreprésailles après la mort de Karl Hotz,Feldkommandant des troupes d'occupation du département de Loire-Inférieure. À la suite de ces représailles qui soulèvent l’indignation générale, Pétain a des velléités secrètes de se constituer lui-même comme otage à laligne de démarcation, mais son ministrePierre Pucheu l’en dissuade vite au nom de la politique de collaboration, et le maréchal ne fait finalement de discours que pour blâmer les auteurs d’attentats et appeler les Français à les dénoncer.
Carte postale illustrée d'une poule blanche ("Notre Mère L'Europe") avec des poussins portant différents drapeaux européens. Plusieurs poussins sont indécis et un poussin britannique en colère se dirige vers un piège portant un drapeau américain et uneétoile de David. La légende indique "Pâques 42".
Lorsque fin, Laval informe le Conseil des ministres de la prochaine mise en œuvre de larafle du Vélodrome d'Hiver, le procès-verbal témoigne que Pétain agrée comme « juste » la livraison de milliers de Juifs aux nazis. Puis le, la zone sud devint le seul territoire de toute l’Europe d’où des Juifs, souvent internés par Vichy depuis 1940 dans les très durs camps deGurs,Noé,Rivesaltes, furent envoyés à la mort alors même qu’aucun soldat allemand n’était présent.
Maintenantantisémite, Pétain s’est opposé en à l'introduction en zone sud du port obligatoire de l’étoile jaune, mais il n’a pas protesté contre son introduction en zone nord, et en zone sud son gouvernement fait apposer le tampon « Juif » sur les papiers d’identité à partir de fin 1942. En, comme les Allemands pressent Vichy de retirer en bloc la nationalité française aux Juifs, ce qui aurait favorisé leur déportation, lenonce le fait prévenir discrètement que« le pape s’inquiète pour l’âme du Maréchal », ce qui impressionne le vieil homme et contribue à l’échec du projet[184]. En tout, 76 000 Juifs parmi lesquels 11 000 enfants, non réclamés au départ par les Allemands, ont été déportés de France sous l’Occupation, dont 80 % ont été arrêtés par la police française. Un tiers avait la nationalité française. Seuls 3 % survivront aux déportations dans les camps de concentration.
« Tant que la zone libre n'est pas occupée, on y respire mieux [pour les Juifs] que dans la zone Nord. Qui le nierait ? Surtout pas ceux qui ont vécu cette triste période. De là cette conclusion : Vichy a sacrifié les Juifs étrangers pour mieux protéger les Juifs français, mais sans Pétain, les Juifs de France auraient subi le même sort que ceux deBelgique, desPays-Bas ou dePologne. Pendant deux ans, ils ont d'une certaine manière bénéficié de l'existence de l'État français »[185]. Pour l'avocatSerge Klarsfeld cet« argument tombe » lorsque l'on constate l'implication personnelle de Pétain dans la politique antisémite dès[165].
Le, Pétain promulgue la première loi fondant leService du travail obligatoire, complétée par celle du. LeSTO organise en une dizaine de mois le départ forcé de plus de 600 000 travailleurs français, qui vont renforcer malgré eux l'Allemagne nazie.
Après le tournant de
Lorsque les Alliésdébarquent en Afrique du Nord le, auMaroc, àOran et dans le port d'Alger, Pétain donne officiellement l’ordre de les combattre, en déclarant :« La France et son honneur sont en jeu. Nous sommes attaqués. Nous nous défendons. C'est l'ordre que je donne. » L'existence même de Vichy est alors en cause : si les forces de Vichy ne résistent pas à l'invasion alliée, les Allemands envahiront inéluctablement la France non occupée et le reste de l'Afrique du Nord[186]. Pendant quelques jours, les Alliés doivent donc faire face à une authentique résistance de la part de l'Armée de Vichy, obéissant aux ordres de ses chefs[187].
En réaction à ce débarquement, le, violant la convention d’armistice, les Allemands envahissent lazone sud. Pétain refuse l'idée de gagner l'Afrique du Nord, d'ordonner à la flotte deToulon d’appareiller, de replacer la France dans le camp des Alliés. Pour justifier sa décision, il va en privé jusqu'à invoquer que son médecin lui a déconseillé de prendre l’avion… Il veut surtout pouvoir continuer à« servir d'écran entre le peuple de France et l'occupant ». Il proteste contre cette invasion par une déclaration plusieurs fois diffusée sur les ondes. En fait, soulignent Robert Paxton et R. Franck, il reste fidèle à son choix de 1940, associant étroitement retrait de la guerre, collaboration et révolution nationale[réf. souhaitée].
Sa décision déçoit d'innombrables Français qui croyaient encore en un hypothétique « double jeu » secret du maréchal et s'imaginaient qu'il souhaitait en secret préparer la reprise de la lutte et la revanche contre l'ennemi. Nombre d’entre eux se détachent du régime de Vichy tout en conservant généralement leur respect pour la personne du maréchal Pétain et vont parfois gonfler les rangs clandestins des« vichysto-résistants »[162] inspirés notamment par les générauxGiraud etde Lattre de Tassigny. Le surnom de« Maréchal Pétoche »[188],[189], dont certains l’avaient affublé, se répand.
La dissidence de la plus grande partie de l'Empire, la fin de la « zone libre », lesabordage de la flotte française à Toulon, le, la dissolution de l’armée d'armistice font perdre à Vichy ses derniers atouts face aux Allemands. En maintenant sa politique de collaboration, Pétain perd beaucoup de la popularité dont il jouissait depuis 1940, et laRésistance s’intensifie malgré le durcissement de la répression.
Pétain fait officiellement déchoir de la nationalité française et condamner à mort ses anciens fidèlesFrançois Darlan etHenri Giraud, qui sont passés au camp allié en Afrique du Nord. Il ne proteste à aucun moment lorsque fin 1942, puis à nouveau à l’automne 1943, une vague d'arrestations frappe son propre entourage et écarte de lui un nombre important de conseillers et de fidèles dontMaxime Weygand,Lucien Romier ouJoseph de La Porte du Theil, interné en Allemagne. Il consent des délégations croissantes de pouvoirs àPierre Laval, redevenu son dauphin, qui place ses fidèles à tous les postes-clés et qui obtient de lui, à partir du, de signer seuls les lois et les décrets.
Fin 1943, voyant le sort de l’Axe scellé, Pétain tente de jouer en France le rôle du maréchalBadoglio en Italie, lequel en, après avoir longtemps servi le fascisme, a fait passer le pays du côté allié. Pétain espère ainsi qu’un nouveau gouvernement moins compromis aux yeux des Américains, doté d’une nouvelle constitution pourra, au « jour J », écarter le généralde Gaulle du jeu et négocier avec les libérateurs l’impunité de Vichy et la ratification de ses actes[réf. souhaitée].
Le, alors que Pétain s'apprête à prononcer le lendemain un discours radiodiffusé par lequel il annoncerait à la nation une révision constitutionnelle selon laquelle il reviendrait à l'Assemblée nationale de désigner son successeur, ce qui aurait remis en cause le statut officiel de dauphin de Laval, les Allemands, par l'intermédiaire du consul généralKrug von Nidda, bloquent ce projet[190],[191],[192].
Les FTPF font don de leur p…. Un membre des Francs-tireurs et partisans expédie Pétain, à coup de pied dans le derrière, vers l'autre rive du Rhin. Un milicien minuscule s'agrippe à la canne du maréchal. Carte postale éditée par les Francs-tireurs et partisans français, vers 1944.
Après six semaines de « grève du pouvoir », Pétain se soumet. Le projet de constitution républicaine est finalisé et approuvé par Pétain le (Projet de constitution du) mais il ne fut jamais promulgué. Pétain accroît encore les pouvoirs de Laval tout en acceptant la fascisation progressive de son régime par l’entrée au gouvernement deJoseph Darnand,Philippe Henriot etMarcel Déat (, et).
Dans les derniers mois de l’Occupation, Pétain affecte désormais d’être un simple « prisonnier » des Allemands, tout en continuant à couvrir en fait de son autorité et de son silence la collaboration qui se poursuit jusqu’au bout, ainsi que les atrocités de l’ennemi et de la Milice française. Auprintemps 1944 encore, Pétain ne condamne jamais les déportations, les rafles et les massacres quasi-quotidiens, se taisant par exemple sur lemassacre d'Ascq, où86 civils sont massacrés par lesWaffen SS dans leNord, près deLille[réf. nécessaire].
Par contre, il ne manque pas de dénoncer « les crimes terroristes » de laRésistance ou les bombardements alliés sur les objectifs civils. Il encourage les membres de laLégion des volontaires français (LVF) qui combattent enURSS sous uniformeallemand, leur garantissant dans un message public qu’ils détiennent« une part de notre honneur militaire ».
Le, il est informé dudébarquement en Normandie alors qu'il est àSaint-Étienne en tournée de réconfort à la suite desbombardements dans le Sud-Est et le Centre-Est de la France. Il prononce un discours radiodiffusé qui a été enregistré le à la demande des Allemands, donnant à ses compatriotes des consignes de neutralité[193]. En, il tente de déléguer l’amiralAuphan auprès deDe Gaulle pour lui transmettre régulièrement le pouvoir sous réserve que le nouveau gouvernement reconnaisse la légitimité de Vichy et de sauvegarder« le principe de légitimité que j’incarne »[194].« Aucune réponse ne fut donnée à ce monument de candeur »[195].
Le, les Allemands, en la personne deCecil von Renthe-Fink, « délégué spécial diplomatique duFührer auprès du chef de l'État français », demandent à Pétain de se laisser transférer enzone nord[196]. Celui-ci refuse et demande une formulation écrite de cette demande[196]. Von Renthe-Fink renouvelle sa requête par deux fois le 18, puis revient le 19, à11 h 30, accompagné du général von Neubroon qui lui indique qu'il a des« ordres formels deBerlin »[196]. Le texte écrit est soumis à Pétain :« Le gouvernement du Reich donne instruction d’opérer le transfert du chef de l’État, même contre sa volonté »[196]. Devant le refus renouvelé du maréchal, les Allemands menacent de faire intervenir la Wehrmacht pour bombarder Vichy[196]. Après avoir pris à témoin l'ambassadeur de Suisse,Walter Stucki, du chantage dont il est l’objet, Pétain se soumet, et« […] lorsqu'à19 h 30 Renthe-Fink entre dans le bureau du Maréchal, à l'hôtel du Parc, avec le général von Neubronn, le chef de l’État est en train de surveiller la confection de ses valises et de ranger ses papiers »[196]. Le lendemain,, il est emmené contre son gré par l’armée allemande àBelfort puis, le, àSigmaringen dans le sud-ouest de l'Allemagne[197], où s’étaient réfugiés les dignitaires de son régime notammentFernand de Brinon, ouJean Filiol qui rejoint Joseph Darnand et installe son QG à Kraunchenwies tout près de Sigmaringen[198].
À Sigmaringen, Pétain refuse d’exercer encore ses fonctions et de participer aux activités de laCommission gouvernementale présidée parFernand de Brinon. Il se cloître dans ses appartements, tout en préparant sa défense après avoir appris que laHaute Cour de justice française se dispose à le mettre en accusation par contumace[199].
Le, après avoir obtenu des Allemands qu'ils le conduisent enSuisse, et des Suisses qu'ils l'acceptent sur leur territoire, Pétain demande à regagner la France. Par l'intermédiaire du diplomateCarl Burckhardt, le gouvernement suisse transmet cette requête au général de Gaulle. Legouvernement provisoire de la République décide de ne pas s'y opposer. Le, les autorités suisses lui font rejoindre la frontière puis il est remis aux autorités françaises le. Le généralKœnig est chargé de le prendre en charge àVallorbe. Le maréchal est ensuite interné aufort de Montrouge[200].
Jacques Isorni raconte qu'il apportait au maréchal Pétain des billets d'une femme alors qu'il était à la prison de Montrouge[201].
Leprocès du maréchal Pétain[202],[203] débute le devant laHaute Cour de justice créée le. Après que six autres magistrats se sont récusés, le tribunal est présidé parPaul Mongibeaux[m], promu à cette occasion par le gouvernement provisoire du général de Gaulle, premier président de laCour de cassation, assisté du président de lachambre criminelle à la Cour de cassation Donat-Guigne, et Picard, premier président de laCour d'appel. Tous trois avaient prêtéserment de fidélité au maréchal[204]. Leministère public est représenté par le procureur généralAndré Mornet, président honoraire de laCour de cassation. L’instruction est assurée parPierre Bouchardon, président de la commission de la Haute Cour, choisi personnellement par de Gaulle. Le jury de vingt-quatre personnes est constitué de douze parlementaires (et quatre suppléants) et de douze non-parlementaires issus de la Résistance (et quatre suppléants)[205]. Ce jury est choisi dans deux listes, la première étant celle de cinquante parlementaires n'ayant pas voté les pleins pouvoirs à Pétain, la deuxième étant composée de personnalités de la Résistance ou proches d'elle[206]. La défense use de son droit de récusation pour quelques noms sortant du tirage au sort[205], notammentRobert Pimienta etLucie Aubrac[207].
Après récusations de la défense, les jurés sont[208] :
Défendu parJacques Isorni,Jean Lemaire et lebâtonnier Fernand Payen[209], Philippe Pétain déclare le premier jour qu’il avait toujours été un allié caché dugénéral de Gaulle et qu’il n’était responsable que devant la France et les Français qui l’avaient désigné et non devant la Haute Cour de justice. Dans ces conditions, il ne répondra pas aux questions qui lui seront posées. Viennent déposer de nombreuses personnalités en tant que témoins soit à charge :Édouard Daladier,Paul Reynaud,Léon Blum,Pierre Laval, soit à décharge : legénéral Weygand, le pasteurMarc Boegner, ou encore l’aumônier des prisonniers de guerreJean Rodhain, seul homme d'Église à témoigner à décharge[210].
Le procès s’achève le à quatre heures et demie du matin. Suivant les réquisitions du procureur généralAndré Mornet[211], la cour déclare Philippe Pétain coupable d’intelligence avec l’ennemi et dehaute trahison. Elle lecondamne à mort, à l'indignité nationale, et à la confiscation de ses biens, assortissant toutefois ces condamnations du vœu de non-exécution de la sentence de mort, en raison de son grand âge[212].
Le verdict de la Haute Cour de justice[213] reconnaît Philippe Pétain coupable d'indignité nationale et le condamne à la dégradation nationale[214] ; cette décision emporte« la destitution de toutes fonctions, emplois, offices publics et corps constitués / la perte de tous grades dans l'armée »[215],[216]. À la fin du procès, il se dépouille de son uniforme[217] avant d'être incarcéré, mais c’est avec ce même uniforme qu’il fut inhumé en 1951.
Philippe Pétain est emprisonné aufort de montagne du Portalet, dans lesPyrénées-Atlantiques (alors : département des Basses-Pyrénées), du au. L'unique photo de Pétain enfermé dans ce lieu a été prise clandestinement par Michel Larre, chargé de l'entretien du fort à cette époque[221]. Pendant le régime de Vichy, ce fort avait servi de lieu de détention de plusieurs personnalités politiques. Il est transféré aufort de Pierre-Levée à l'île d'Yeu, au large de laVendée. Il est, hormis ses gardiens, le seul occupant du fort. Son épouse, installée à son tour dans l’île, bénéficie d’un droit de visite quotidien.
Au cours de ces années, les avocats de Philippe Pétain et plusieurs dignitaires étrangers, parmi lesquels l'ancien roiÉdouardVIII et la reineMary, réclament sa libération auprès des gouvernements successifs. Ceux-ci, emmêlés dans l'instabilité politique de laQuatrième République, préfèrent ne pas se risquer dans une démarche sensible pour l'opinion publique. Début, le président américainHarry Truman réclame, sans succès, sa libération, proposant de lui accorder l'asile politique auxÉtats-Unis[222].
La santé mentale de Philippe Pétain décline à partir de la fin desannées 1940[223], les moments de lucidité devenant de plus en plus rares. Après avoir pris position en ce sens dès 1949[224], le général de Gaulle déclare le àOran, dans un discours prononcé place d'Armes devant une foule d'environ huit mille personnes, qu'« il est lamentable pour la France, au nom du passé et de la réconciliation nationale indispensable, qu'on laisse mourir en prison le dernier Maréchal »[225],[226]. Eu égard à cette situation, après un examen médical réalisé par le professeurRené Piedelièvre[227], leConseil supérieur de la magistrature, présidé parVincent Auriol, président de la République, en vue d’adoucir une fin prévisible, autorise le « l’élargissement » du prisonnier et son assignation à résidence« dans un établissement hospitalier ou tout autre lieu pouvant avoir ce caractère ». Le, il est transféré dans la maison privée de l'ancien conseiller général de l'île d'Yeu Paul Luco (au 27 rue Gabriel-Guist'Hau dePort-Joinville, décrétée pour l'occasion annexe de l'hôpital militaire de Nantes)[228].
Tombe de Philippe Pétain sur l'île d'Yeu. Entourée de thuyas et de cyprès, la simple dalle en granit blanc surmontée d'une croix en bois est devant le mur ouest du cimetière, tournée le dos à la mer dans le sens inverse des 1 700 autres tombes, positionnement lié au fait qu'il était condamné de l'indignité nationale[229], sanction qui ne l'empêche pas d'être inhumé en petite tenue militaire et que la mention de la dignité de maréchal de France soit gravée en lettres majuscules noires[230].
Le, Philippe Pétain meurt àPort-Joinville, à l'âge de95 ans. Veillé parJean Rodhain, il est inhumé le surlendemain dans le cimetière de la même commune[210].
La translation de la dépouille du maréchal Pétain à lanécropole de Douaumont à côté de Verdun est réclamée à plusieurs reprises par l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain (ADMP) à partir de 1951, au nom de la « réconciliation nationale ». Cette demande procède du souhait de Pétain, écrit dans sontestament de 1938, celui de reposer auprès des centaines de milliers de soldats français qui sont tombés pendant labataille de Verdun. L'association organise notamment une pétition en ce sens en, soutenue par de très nombreuses associations d'anciens combattants de 1914-1918, qui recueille près de 70 000 signatures. Les gouvernements français successifs s'opposent à cette demande. Elle vise, selon l'analyse d'Henry Rousso,« d'oublier le maréchal de 1940 au profit du général de 1916, d'utiliser la mémoire des anciens combattants de la Grande Guerre, pour qui Pétain reste l'homme du « On les aura ! », au profit d'une idéologie »[231].
Dans la nuit du, le cercueil du maréchal Pétain est enlevé par des membres de l’extrême droite, à l'instigation deJean-Louis Tixier-Vignancour, ancien de l’OAS, afin de transférer sa dépouille à Douaumont. Malgré les précautions prises, l'enlèvement est découvert quelques heures plus tard ; il fait rapidement la une des médias français et mobilise les autorités. Le commando abandonne alors sa route vers Verdun, trop risquée, et rejoint Paris. Le cercueil est dissimulé dans un garage deSaint-Ouen tandis que Tixier-Vignancour tente de négocier le transfert de la dépouille auxInvalides.Hubert Massol, chef du commando, se rend finalement le, après l'arrestation de ses complices et donne la cache du cercueil. Celui-ci est ramené à l'île d'Yeu le lendemain et ré-inhumé après une brève cérémonie. La tombe est cette fois bétonnée[232].
Sa tombe est vandalisée une à deux fois par an[238], ce qui donne lieu à des dépôts de plainte[239],[240],[241].
Position de l'opinion publique à son égard
De la Grande Guerre à 1940
Militaire à la réussite tardive, Pétain doit son premier prestige moins à son rôle à Verdun qu’à sa gestion de la crise du moral en 1917. En arrêtant les offensives inutilement meurtrières, et en libéralisant le régime des permissions, il gagne et conserve auprès des hommes et jusque dans certains cercles pacifistes la réputation d’un chef compréhensif et soucieux d’épargner le sang des soldats. Même si certains[242] rappellent (pour l’exalter ou pour le dénoncer) son rôle de « fusilleur » desmutins de 1917, c’est cette réputation qui se maintient pendant l’entre-deux-guerres.
Pendant ces années, il évite de prendre des partis trop tranchés, ce qui lui ménage même dans les milieux républicains voire de gauche la réputation d’un militaire modéré et politiquement fiable. Peu clérical au contraire d’unFoch ou d’unCastelnau, il ne se mêle pas de la crise de 1924, où ce dernier prend la tête d’un mouvement de masse contre l’anticléricalisme du gouvernementHerriot ; il évite de dénoncer en public leFront populaire et l’Espagne républicaine ; il est informé du complot de la « Cagoule » visant à renverser la République et à porter un militaire prestigieux (lui-même ouFranchet d’Esperey) à la tête de l’État, mais se garde de s’y compromettre (1937). En 1939, lorsqu’il est nommé ambassadeur auprès de Franco,Léon Blum proteste dansLe Populaire qu’on envoie au dictateur espagnol« ce que nous avons de meilleur ». Seul le colonelde Gaulle soupçonne qu’il prend goût au pouvoir, et confie :« Il acceptera n’importe quoi, tant le gagne l’ambition sénile »[243].
En,Paul Reynaud ne se méfie pas davantage de Pétain quand il l’appelle à la vice-présidence du Conseil. Or, après s’être d’abord longuement tu, Pétain prend la tête des partisans de l’armistice.
Maréchalistes, pétainistes et opinion pendant l’Occupation
Il est hors de doute qu’une majorité de Français, sonnés par la déroute d’une armée qu’ils croyaient invincible, ont accueilli l’armistice comme un soulagement, de même que le maintien d’un gouvernement français dirigé par un sauveur providentiel et susceptible à leurs yeux de faire écran entre eux et l’occupant. Très peu ont perçu sur le coup que le retrait de la guerre condamnait le pays à une longue occupation nécessitant l’entente avec le vainqueur. Par ailleurs, souligneOlivier Wieviorka, ni l’essentiel des Français ni la majorité des parlementaires à luivoter les pleins pouvoirs ne voulaient lui donner ainsi mandat pour exclure les Juifs, briser l’unité nationale ou atteler la France au char allemand[244].
Contrairement à une légende encore tenace, il n’y a pas eu non plus en 1940 « quarante millions de pétainistes »[245] qui seraient devenus en 1944 quarante millions de gaullistes[246].
La distinction deStanley Hoffmann entre « maréchalistes » et « pétainistes » s’est imposée en effet à l’historiographie contemporaine. Les « maréchalistes » font confiance à Pétain comme bouclier des Français. Beaucoup plus minoritaires, les « pétainistes » approuvent en plus son idéologie réactionnaire et sa politique intérieure, voire lacollaboration d’État.Maurras lui-même diagnostique publiquement sans fard dès le décalage entre le soutien de l’opinion publique à la personne du Maréchal et la méfiance ou l’opposition face à l’œuvre derévolution nationale[247] :« Un très net et très fort courant d’affection nationale s’était déchaîné. Il allait croissant. Seulement il allait à l’homme, il s’arrêtait devant l’œuvre ».
Nombre de résistants de la première heure furent ainsi un temps maréchalistes par erreur, croyant que Pétain jouait double-jeu et qu’en préparant la revanche, ils répondaient à ses vœux secrets.Henri Frenay ou le journal clandestinDéfense de la France citent ainsi élogieusement Pétain en 1941-1942, avant de revenir de leurs illusions et de dénoncer son rôle comme équivoque et néfaste[réf. nécessaire].
D’autres encore, les« vichysto-résistants »[162], ont participé aurégime de Vichy et à la mise en œuvre de sa politique avant de se détourner de lui surtout après, tout en gardant leur respect pour Pétain et pour tout ou partie de ses idées. Souvent, ils n’ont pas d’objection de fond à faire à celles-ci, mais considèrent que le moment choisi pour les appliquer est inapproprié, tant que l’Allemand occupe encore le territoire[248].
Si beaucoup de « collaborationnistes parisiens » méprisent Vichy et son chef qu’ils jugent trop réactionnaires et toujours trop peu engagés aux côtés duTroisième Reich, nombre des ultras de la collaboration sont de très fervents fidèles de Pétain, dont ils estiment relayer les appels publics à collaborer avec l’occupant : ainsiJoseph Darnand ou encoreJacques Doriot qui se dit « un homme du Maréchal » jusqu’à fin 1941. Un groupuscule clairement pro-nazi de zone nord se baptise même les « Jeunes du Maréchal ». De nombreux ultras sont d’ailleurs plus ou moins précocement nommés membres du gouvernement Pétain à Vichy : ainsiGaston Bruneton,Abel Bonnard,Jean Bichelonne,Fernand de Brinon, et plus tardPhilippe Henriot ouMarcel Déat.[réf. nécessaire]
Les travaux pionniers dePierre Laborie et de nombreux historiens permettent aujourd’hui de mieux cerner l’évolution de l’opinion publique sous Vichy. Généralement, larévolution nationale, souci premier de Pétain, intéresse peu les Français, et « patine » dès 1941. Lacollaboration est très largement rejetée, mais beaucoup croient à tort que le maréchal est de bonne foi et veut protéger les Français, voire qu’il est forcé par les Allemands à collaborer ou même prisonnier d’un entourage « collabo ». Reprenant le thème ancestral du bon monarque trompé par ses mauvais ministres, la masse des Français distingue entre le maréchal et ses ministres, à commencer par le très impopulairePierre Laval, unanimement haï, et chargé seul de toutes les turpitudes et de tous les échecs du régime.[réf. nécessaire]
Nombre de Français ne font toutefois pas la différence, qu’ils soient résistants ou non. Dans bien des écoles, l’instituteur néglige d’apprendre aux élèves leMaréchal, nous voilà !. Globalement, le prestige de Pétain est nettement plus faible chez les ouvriers que chez les paysans ou dans la bourgeoisie, et encore faut-il apporter de nombreuses nuances. Les prisonniers de guerre, coupés depuis 1940 de la réalité française et choyés par la propagande du régime, sont en général restés maréchalistes ou pétainistes plus longtemps que les autres Français. Si la grande majorité de l’épiscopat français est restée très maréchaliste voire pétainiste jusqu’en 1944, les catholiques ont été, avec les communistes, une des catégories les plus engagées dans laRésistance. Enfin, lazone sud,« royaume du Maréchal »[252] est beaucoup plus marquée par la présence de Pétain et de son régime que lazone nord, où le chef de l’État, Vichy et larévolution nationale sont des réalités bien plus lointaines. Dans sonNord-Pas-de-Calais natal, coupé de l’Hexagone et dirigé depuisBruxelles, Pétain ne jouit avec son régime d’aucune considération : l’Occupation y est d’emblée trop brutale, pire que celle déjà subie entre 1914 et 1918, l’anglophilie traditionnelle trop forte, pour laisser la moindre place aux thèmes de la collaboration et du « redressement » intérieur[réf. nécessaire].
Le, lorsque Pétain vient pour la première fois à Paris en quatre ans, une foule nombreuse l'acclame et chanteLa Marseillaise[253],[254].
Les sondages d’opinion effectués à l’automne 1944 ne montrent pas une nette majorité de Français favorables à la condamnation du « traître » Pétain, cependant, la proportion exigeant la peine capitale ne cesse d'augmenter au fil des mois. À la question posée de savoir s'il faut infliger une peine au maréchal, les réponses sont les suivantes[255] :
en, un sondage de l'IFOP recueille 58 % de réponses négatives, 32 % de positives et 10 % sans opinion[réf. nécessaire] ;
en, un nouveau sondage chiffre à 28 % la population des Français favorables à la peine de mort, tandis que les opposants à toute peine ne sont plus que 22 %[réf. nécessaire] ;
en, à l'ouverture du procès, un sondage recueille 76 % d'opinions favorables à la condamnation dont 37 % à la peine de mort. Le taux des opposants à toute peine est tombé à 15 %.[réf. nécessaire]
LePCF mena quant à lui une virulente campagne contre « Pétain-Bazaine », assimilant ainsi le chef de Vichy au fameux traître de laguerre de 1870. La condamnation de Pétain au châtiment suprême, puis sa grâce, furent majoritairement approuvées[256].
Cependant, une ordonnance du nie la légalité du régime de Vichy et réaffirme la légalité républicaine à compter du. La nullité de la législation de Vichy est précisée à l’article 2 du texte :« Sont, en conséquence, nuls et de nul effet tous les actes constitutionnels, législatifs ou réglementaires, ainsi que les arrêtés pris pour leur exécution, sous quelque dénomination que ce soit, promulgués sur le territoire continental postérieurement au et jusqu’au rétablissement du gouvernement provisoire de la République française »[257].
Entre janvier 1944 et août 1945, Monique Guyot (1906 -2001), directrice de la pension Sainte-Marie, un établissement pour enfants situé àVillard-de-Lans (Isère), est l'auteure d'un journal intime dénomméJournal d'une pétainiste. Celui-ci présente, avec le prisme de sa propre opinion (anti allemande et anti résistance car pétainiste), les faits survenus dans le village et leMassif du Vercors durant cette période. Il est publié aux Presses Universitaires de Grenoble avec des annotations de l'historien Philippe Laborie et reste un témoignage « in situ » de l'admiration de certains français pour le maréchal Pétain durant cette période[258],[259].
Après la Seconde Guerre mondiale
Au procès Pétain, l’avocatJacques Isorni avec ses confrèresJean Lemaire et lebâtonnier Fernand Payen lance la légende du « détournement de vieillard » : Pétain aurait été abusé parPierre Laval qui aurait profité de son grand âge. Sous laIVe République, leRPF gaulliste emploie la fameuse phrase deCharles de Gaulle dans ses mémoires :« la vieillesse est un naufrage »,« la tragédie est que le Maréchal est mort en 1925 et que personne ne s’en est aperçu ». L’historienÉric Roussel, entre autres, a montré que ce jugement gaullien n’explique en rien les choix du chef de l’État français, et qu’il n’a en réalité qu’une finalité électorale : pour rallier le plus possible de voix contre le « régime des partis » honni, les gaullistes doivent rallier les ex-pétainistes sans se déjuger de leur action dans la Résistance, d’où cette excuse commode de Pétain par l’âge de l’intéressé.
En réalité, comme le montrentMarc Ferro,Jean-Pierre Azéma ouFrançois Bédarida, les choix de Pétain étaient parfaitement cohérents et bénéficiaient d’appuis dans les milieux les plus divers de la société.Yves Durand souligne qu’il bâtissait son régime comme s’il avait du temps devant lui, sans se soucier de la possibilité de sa disparition prochaine[260]. Quant aux fameuses « absences du Maréchal » rapportées parJean-Raymond Tournoux,Marc Ferro ouJean-Paul Brunet (il se mettait à disserter soudain sur le menu du jour ou le temps dehors face à des visiteurs), il s’agissait surtout d’une tactique pour éluder les questions gênantes en jouant du respect qu’inspirait sa qualité d’octogénaire. Au reste, à la fin de son régime, tant les observateurs[261] que lesultras de la collaboration[262] louaient encore publiquement sa santé et sa clarté d’esprit.
PourRobert Paxton, le journalisteRobert Aron aurait contribué à lancer la légende parallèle de « l’épée et du bouclier » : Pétain aurait tenté de résister pied à pied aux demandes allemandes, et secrètement cherché à aider les Alliés, pendant que de Gaulle préparait la revanche ; d’autre part, il y aurait un « Vichy de Pétain » opposé au « Vichy de Laval ». Ces deux thèses sont les chevaux de bataille des apologistes de la mémoire de Pétain, mais ces distinctions ont volé en éclats à partir de la parution de son livreLa France de Vichy en 1973[263]. Archives allemandes puis françaises à l’appui, les historiens actuels démontrent, à sa suite, que lacollaboration a été recherchée par Pétain, alors qu'Adolf Hitler n’y croyait pas et n’a jamais voulu traiter la France en partenaire. Si la collaboration n’est pas allée aussi loin qu’elle aurait pu, c’est bien en raison des réticences de Hitler, et non grâce à une quelconque résistance de Pétain aux demandes de l’occupant. Ainsi, la collaboration répondait aux choix fondamentaux et intangibles de Pétain comme de Laval, que le maréchal a nommé et laissé agir en aidant son gouvernement de son charisme. Quant au fameux « double jeu » du maréchal, il n’a jamais existé. Les quelques sondages informels qu’il a autorisés avec Londres, fin 1940, n’ont eu aucune suite[264],[265], et ne pèsent rien au regard de son maintien constant de la collaboration d’État jusqu’à la fin de son régime, à l’été 1944.
Loin d’avoir protégé les Français, selon les historiens[263],[266], Pétain a accru leurs souffrances en permettant aux Allemands de réaliser à moindres frais leurs objectifs : livraisons de Juifs dans le cadre de laShoah[267],[268], répression de laRésistance, envoi forcé de main-d’œuvre auSTO, pillage alimentaire et économique. Avec son peu de troupes, de fonctionnaires et de policiers, jamais l’occupant n’aurait vu ses projets aboutir sans le concours indispensable des autorités de Vichy, et sans le prestige de Pétain, qui maintenait les Français dans le doute ou dans la conviction qu’ils faisaient leur devoir en collaborant. 80 % des 76 000 Juifs de France déportés et exterminés par les nazis dans lescamps de la mort ont ainsi été arrêtés par la police française[269].
De plus, en excluant de sa propre initiative des catégories entières de la communauté nationale (Juifs, communistes, républicains, francs-maçons, et bien sûr résistants), Pétain les a rendues plus vulnérables à la répression allemande, et a écarté d’emblée ces catégories de son hypothétique protection, tout comme lesAlsaciens-Mosellans, abandonnés et pour nombre d'entre eux morts ou blessés à vie à cause d'Hitler, dans les mains d'un pouvoir ennemi. Aussi Pétain apparaît-il aujourd’hui aux historiens, selon le mot deJean-Pierre Azéma, comme « un bouclier percé ».
Depuis 1945, huit demandes en révision du procès Pétain ont été rejetées, ainsi que la demande répétée du transfert de sa dépouille àDouaumont. Dans une note àAlexandre Sanguinetti, le, legénéral de Gaulle, alors président de la République, signifia ainsi sa position sur cette question :
« Les signataires de la « pétition » relative au « transfert » des restes de Pétain à Douaumont n'ont aucunement été mandatés par les 800 000 anciens combattants pour s'emparer de cette question politique. Ils ne sont mandatés que pour faire valoir les intérêts spécifiques de leurs associations. Le leur dire[270] »
En 1995, le présidentJacques Chirac reconnut officiellement la responsabilité de l’État dans larafle du Vélodrome d'Hiver et, en 2006, pour les90 ans de labataille de Verdun, son discours mentionna à la fois le rôle de Pétain dans la bataille et ses choix désastreux de la Seconde Guerre mondiale[272].
Une longue bataille judiciaire a eu lieu d' à au sujet de la mémoire du maréchal Pétain.Jacques Isorni etFrançois Lehideux avaient fait paraître le dans le quotidienLe Monde un encart publicitaire intitulé « Français, vous avez la mémoire courte »[n], dans lequel, au nom de l'Association pour défendre la mémoire du maréchal Pétain et l'Association nationale Pétain-Verdun, ils prenaient sa défense.
À la suite d'une plainte déposée par l'Association nationale des anciens combattants de la Résistance pour apologie de crimes ou délits de collaboration avec l'ennemi, leprocureur de la République prit un réquisitoire définitif de non-lieu le, mais le juge d'instruction renvoya, une semaine plus tard, les parties devant le tribunal correctionnel de Paris, qui relaxa les prévenus le — jugement confirmé par laCour d'appel de Paris le. L'arrêt de la Cour d'appel fut cassé par laCour de cassation le. La Cour d'appel de Paris se déjugea le en déclarant les constitutions de parties civiles recevables ; elle infirma le jugement de relaxe, et condamna les prévenus à un franc de dommages et intérêts et à la publication de l'arrêt dansLe Monde. Le pourvoi en cassation déposé par les prévenus fut rejeté par la Cour le.Enfin, le (par l'arrêt Lehideux et Isorni contre France) laCour européenne des droits de l'Homme décida par quinze voix contre six qu'il y avait eu violation de l'article 10 de laConvention européenne des droits de l'Homme — portant sur la liberté d'expression : l'opinion majoritaire chez les juges fut qu'il devait être possible de présenter un personnage, quel qu'il soit, sous un jour favorable et de promouvoir sa réhabilitation — au besoin en passant sous silence les faits qui peuvent lui être reprochés — et que la condamnation pénale subie en France par les requérants était disproportionnée[273].
Point de vue de Charles de Gaulle
« Toute la carrière de cet homme d’exception avait été un long effort de refoulement. Trop fier pour l’intrigue, trop fort pour la médiocrité, trop ambitieux pour être arriviste, il nourrissait en sa solitude une passion de dominer, longuement durcie par la conscience de sa propre valeur, les traverses rencontrées, le mépris qu’il avait des autres. La gloire militaire lui avait, jadis, prodigué ses caresses amères. Mais elle ne l’avait pas comblé, faute de l’avoir aimé seul. Et voici que, tout à coup, dans l’extrême hiver de sa vie, les événements offraient à ses dons et à son orgueil l’occasion tant attendue de s’épanouir sans limites, à une condition, toutefois, c’est qu’il acceptât le désastre comme pavois de son élévation et le décorât de sa gloire […] Malgré tout, je suis convaincu qu’en d’autres temps, le maréchal Pétain n’aurait pas consenti à revêtir la pourpre dans l’abandon national. Je suis sûr, en tout cas, qu’aussi longtemps qu’il fut lui-même, il eût repris la route de la guerre dès qu’il put voir qu’il s’était trompé, que la victoire demeurait possible, que la France y aurait sa part. Mais, hélas ! Les années, par-dessous l’enveloppe, avaient rongé son caractère. L’âge le livrait aux manœuvres de gens habiles à se couvrir de sa majestueuse lassitude.La vieillesse est un naufrage. Pour que rien ne nous fût épargné, la vieillesse du maréchal Pétain allait s’identifier avec le naufrage de la France[274]. »
Cours d'Infanterie enseigné à l'École supérieure de Guerre (1911), présentation par le général (CR)Jean Delmas, éditions du Cosmogone, 2010,XIV-210 pages.
La Bataille de Verdun, Paris, Payot, 1929,157 pages.
La Crise morale et militaire de 1917, note préliminaire parAlfred Conquet, Nouvelles éditions latines / NEL, 1966,160 pages.
Un chêne remarquable de laforêt de Tronçais, située non loin de Vichy, reçut son nom durant la période de l'État français. Après la libération, l'arbre fut rebaptisé « Chêne de la Résistance ».
Notes et références
Notes
↑Nominativement à partir du, date à laquellePierre Laval devient vice-président du Conseil et forme un gouvernement.
↑Dont l'un des fils, Hermant () sera tué devant Douaumont, le.
↑Son grand-oncle lui écrit notamment :« Mon cher neveu, je ne souhaite qu'une chose : c'est que toujours dans la famille il y ait des hommes qui portent la croix ou l'épée. »
↑Pour Louis-Dominique Girard, qui fut l'un de ses proches collaborateurs.
↑De même, le futurmaréchal Fayolle, qui a lui aussi fait évoluer l'enseignement de l'École supérieure de guerre, prend une modeste retraite de général de brigade le.
↑Georges Clemenceau écrit dans ses mémoires :« S'il m'est demandé de répondre à la question :« Quel est le vainqueur de la bataille de Verdun ? », je dirai que celle-ci a été gagnée par le général Nivelle heureusement secondé par le général Mangin. »
↑Divorcée de François Deherain ; un fils, Pierre, était né de cette union. Pétain l'avait précédemment demandée en mariage en 1901.
↑Les maréchaux de France (Pétain et Franchet d'Espèrey) sont membres par principe du Conseil supérieur de la guerre.
↑HervéPinoteau,Le chaos français et ses signes : Étude sur la symbolique de l'État français depuis la Révolution de 1789, La Roche-Rigault, Presses Sainte-Radegonde,, 514 p.(ISBN2-908571-17-X),p. 424.
↑L’historien britanniqueSebastian Balfour dansÉtreinte mortelle, Éditions Península, ainsi queRolf-Dieter Müller dans son livreGiftgas Gegen Abd El Krim: Deutschland, Spanien und der Gaskrieg in Spanisch-marokko, 1922-1927.
↑Omar Mezoug,« Chronique du livre de Courcelle-Labrousse et Marmié », « La guerre du Rif, Maroc 1921-1926 », dansLa Quinzaine littéraireno 973,,p. 26.
↑La France et le désarmement, Jean-Luc Marret, Éditions L'Harmattan, 1998,page 133 :« Les décisions prises en 1934, bien que le gouvernement Doumergue ait été engagé dans une lutte déflationniste, de faire voter des crédits militaires pour 3 milliards de francs […] montrèrent que s'il n'y avait pas encore augmentation importante de l'effort de défense, il n'y avait plus de réductions budgétaires ».
↑a etbPhilippeGarraud, « La politique française de réarmement de 1936 à 1940 : priorités et contraintes »,Guerres mondiales et conflits contemporains, Paris, Presses universitaires de France,no 219,,p. 87-102(lire en ligne).
↑abc etdWinston Churchill,The Second World War, Plon, 1948-1954 ; rééd.La Seconde Guerre mondiale, Le Cercle du Bibliophile, 12vol. , 1965-1966,t. deuxième, « L'orage approche – La « Drôle de guerre », 1939-1940 »,chap. V,p. 78-79.
↑Il déclare àHenry du Moulin de Labarthète, son directeur de cabinet civil :Une condamnation de principe, et ce sera tout !,Henry du Moulin de Labarthète,Le Temps des illusions : souvenirs (-), Genève, Constant Bourquin, à l’enseigne du cheval ailé,, 416 p.
↑Jean-PierreDournel,« De Gaulle et la Résistance dans les manuels scolaires », dansDe Gaulle, Vendroux, la Résistance dans le Nord de la France, Artois Presses Université,(lire en ligne),p. 39–51.
↑Richard Vassakos, « Une revanche symbolique dans le Royaume du maréchal. La toponymie urbaine sous Vichy : premiers bilans d’une recherche »,Nouvelle revue d’onomastique,no 61,,p. 263(lire en ligne).
↑Christian Faure,Le Projet culturel de Vichy, Folklore et révolution nationale, 1940-1944, Presses Universitaires de Lyon et Éditions du CNRS, 1989,336 p..
↑Jean-Louis Clément,Les évêques au temps de Vichy – Loyalisme sans inféodation– Les relations entre l'Église et l'État de 1940 à 1944, Éditions Beauchesne, 1999,279 p.(ISBN978-2-7010-1355-8),[lire en ligne],p. 37-38.
↑sciences-sociales.ens.fr, Julien Kurtz, Matthieu Pujuguet, Jacques-Benoit Rauscher,Les politiques agricoles de 1939 à 1958 : D’une agriculture protégée à une agriculture dirigée, Ens Cachan[lire en ligne].
↑sciences-sociales.ens.fr, Julien Kurtz, Matthieu Pujuguet, Jacques-Benoit Rauscher,Les politiques agricoles de 1939 à 1958 : D’une agriculture protégée à une agriculture dirigée, Ens Cachan[lire en ligne]
« […] [En mars 1945] La CGA est une confédération composée de 7 branches dont la FNSEA, qui majoritaire, ne peut cependant pas imposer sa loi et seule la CGA est reconnue par les pouvoirs publics comme représentative du monde paysan […] ».« 1946 janvier-février. L’épreuve de vérité pour la CGA a lieu en 1946 quand les paysans sont appelés à élire librement les représentants à la FNSEA. Dans la plupart des régions ces élections sont interprétées comme un référendum sur les nouvelles institutions agricoles. Deux tendances se dessinent alors dans le monde agricole : la FNSEA plus droite d’un côté et de l’autre la CGA. Ce sont deux visions de l’agriculture qui s’affrontent […] »
↑Eberhard Jäckel,Frankreich in Hitlers Europa – Die deutsche Frankreichpolitik im Zweiten Weltkrieg, Deutsche Verlag-Anstalg GmbH, Stuttgart, 1966 ; traduction :La France dans l'Europe de Hitler (préface deAlfred Grosser, traduction de Denise Meunier), éd. Fayard, coll. « Les grandes études contemporaines », 1968,554 p. ; cité parStanley Hoffmann dans sa préface àLa France de Vichy,Paxton 1999,p. 41.
↑Il déclare notamment :« C’est dans l’honneur et pour maintenir l’unité française, une unité de dix siècles, dans le cadre d’une activité constructive du nouvel ordre européen, que j’entre aujourd’hui dans la voie de la collaboration […] Cette collaboration doit être sincère […] ».
↑Cette entrevue ne fit l'objet d'aucun compte rendu officiel, mais on sait que seul le principe de la collaboration fut établi sans qu'aucun engagement ne soit pris d'aucune part. Il est d'ailleurs important de souligner que cette entrevue intervint en même temps que les débats de la commission d'armistice entre la France et l'Allemagne, tout en étant totalement distincte.Cf. : Marc Ferro,Questions sur la Seconde Guerre mondiale, Éditions Complexe, 2007,p. 38.
↑André Kaspi, Ralph Schor, « La Seconde Guerre mondiale : chronologie commentée », Éditions Complexe, 1995(ISBN2870275919),p. 252.
↑André Béziat,Franklin Roosevelt et la France (1939-1945), L'Harmattan, 1997(ISBN2738460704),p. 160-161.
↑Louis Aragon popularisera l’expression en la reprenant dans son poèmeJ’écris dans un pays dévasté par la peste lorsqu’il décrit« Mis en coupe réglée au nom du Roi Pétoche/Un pays de frayeur en proie aux loups-garous. »
↑Afin d'en référer à son gouvernement, le consul général allemandKrug von Nidda, mis au courant, bloque le projet. Il aurait été averti par le ministre des Affaires étrangèresRibbentrop qu'un délai était nécessaire pour étudier le texte. La nouvelle du refus définitif fut ensuite apportée à l'hôtel du Parc par le représentant allemand à Vichy.
↑Pierre Nicolle,Cinquante mois d'armistice, Éditions André Bonne,p. 288.
↑Charles de Gaulle,Mémoires de guerre, Le salut : 1944-1946, Éd. Plon, 1959(ISBN978-2-266-16750-5) ; nouvelle édition : Pocket, Paris, chapitre : « L'ordre »,p. 137.
↑« Il me pressait de lui donner des détails. Les détails me conduisirent à l'histoire de Mme de... Un amour secret l'avait unie au Maréchal pendant des années et des années. Je dus apporter ses billets à la prison de Montrouge, mais en me cachant et le Maréchal en se cachant pour les lire. La Maréchale l'ayant surpris et, m'étant fait tancer par elle, j'avais refusé d'apporter d'autres billets. Il avait alors prononcé ce mot désespéré :« Continuez de me les apporter, je les lirai au cabinet. » »inJacques Isorni,La Fièvre verte, Flammarion,,p. 143.
↑Le procès du maréchal Pétain, texte intégral duJournal officiel, trois volumes, Éditions du Trident.
↑Léon Werth,Impression d'audience : Le procès Pétain, Viviane Hamy, 2011.
↑DocumentaireOn a volé le maréchal (réalisateur : Cédric Condom, auteur :Jean-Yves Le Naour), 2012, 52'.
↑« Aujourd’hui […] il y a un vieillard dans un fort ; un vieillard dont moi et beaucoup d’autres reconnaissons qu’il a rendu jadis de grands services à la France. Nous ne l’oublions pas et nous ne devons pas l’oublier. Je l’ai dit à Verdun même. Pourquoi ce vieillard mourrait-il sans qu’il ait pu revoir un arbre ou une pelouse ? Je ne crois pas que ce soit une très grande chose que de l’y condamner. Voilà ma conviction. Je crois que le moment est venu de faire le nécessaire. Il faut laisser mourir entouré d’une certaine dignité un homme qui a porté à certains moments la gloire de la France et qui, pour s’être terriblement trompé, n’en est pas moins à l’heure qu’il est un vieillard inoffensif. » Conférence de presse du général de Gaulle du,Le Monde,, citée parBénédicte Vergez-Chaignon,Pétain, Perrin, 2014.
↑C'est ce que montre par exemple le jugement deSimone de Beauvoir : « Pétain : le responsable de la répression de Verdun, l’ambassadeur qui avait couru féliciter Franco de sa victoire, un intime ami des Cagoulards », dansLa Force de l’âge, Gallimard, 1960,p. 510.
↑Olivier Wieviorka, « Une défaite inévitable ? Les causes de la défaite de 1940 (conférence) », surchrd.lyon.fr,(consulté le) :« le vote du 10 juillet est un vote d’adhésion. Mais, dirait Robert Paxton, adhésion à quoi ? […] des attentes extrêmement diverses et souvent contradictoires convergent vers Pétain (52’05’’). »
↑Titre du tome 2 de 'La grande histoire des Français sous l'Occupation' (juin 1940-juin 1941) par Henri Amouroux.
↑Jean-Marie Flonneau, « L'évolution de l'opinion publique de 1940 à 1944 » dansJean-Pierre Azéma etFrançois Bédarida (dir.),Le Régime de Vichy et les Français, Paris, Fayard, 1992,p. 506-522.
↑« Étapes douloureuses » (Ce décalage entre l’appui à la personne du Maréchal Pétain et l’opposition ou la méfiance envers la politique menée par Vichy est diagnostiquée sans fard par Maurras en décembre 1942.),Candide,,p. 1(lire en ligne).
↑« Allocution de Monseigneur Valerio Valeri » (« demandons à la divine providence de vous conserver dans cette vigueur de corps et d’esprit dont donnez à tous un si magnifiques exemple »),L’action française,,p. 1(lire en ligne).
↑Winston Churchill,The Second World War, Plon, 1948-1954 ; rééd.La Seconde Guerre mondiale, Le Cercle du Bibliophile,12 vol., 1965-1966,t. IV, « L'heure tragique, l'Angleterre seule, 1940 »,chap. XI,p. 203-227.
Des papiers personnels de Philippe Pétain sont conservés auxArchives nationales, site de Pierrefitte-sur-Seine, sous la cote 415AP :Inventaire du fonds.