Il a travaillé deux fois dans la chaire de philosophie de l'université Monash (Melbourne), où il a créé le centre debioéthique. En 1996, il se présenta sans succès en tant que candidatVert pour lesénat australien. En 2004, il fut reconnu comme l'humaniste australien de l'année par le Conseil des sociétés humanistes australiennes. En dehors du milieu universitaire, Singer est surtout connu pour son livreLa Libération animale, considéré comme le livre fondateur des mouvements modernes dedroits des animaux. Ses positions sur des questions de bioéthique développées dansRethinking Life and Death : The Collapse of Our Traditional Ethics etQuestions d'éthique pratique ont également suscité la controverse, notamment auxÉtats-Unis et enAllemagne. Singer est partisan de l'altruisme efficace dont il décrit les principes dansThe Life You Can Save (2009) etThe Most Good You Can Do (2015 - paru en français sous le titreL'Altruisme efficace en 2018).
Les parents de Singer,juifsviennois, échappent à l'annexion de l'Autriche et prennent la fuite en Australie en 1938. Ses grands-parents paternels sont déportés àŁódź et il n’y a dès lors plus aucune nouvelle d'eux. Son grand-père maternel meurt dans lecamp de concentration de Theresienstadt.
Peter Singer étudie au Scotch College de Melbourne, puis se dirige vers des études de droit, d'histoire et de philosophie à l'université de Melbourne où il obtient unBaccalauréat ès lettres en 1967, et unMaster of Arts pour son mémoire intitulé « Why should I be moral? » (« Pourquoi devrais-je être moral ? ») en 1969. Il reçoit alors une bourse d'études pour l'université d'Oxford ; son travail sur ladésobéissance civile, supervisé par R.M. Hare, est sanctionné par unBachelor of Philosophy en 1971, et publié en livre en 1973 sous le titreDemocracy and Disobedience.
Dans une interview donnée en 2006 au magazineMother Jones, Singer déclare êtrevégétarien :« Je ne mange pas de viande. Je suis végétarien depuis 1971. »[2]
Son livreLa Libération animale de 1975[3] a influencé les mouvements modernes de protection des animaux. Dans son ouvrage, il argumente contre lespécisme : la discrimination arbitraire entre lesespècesanimales sur la seule base de leur appartenance d'espèce[4].
Le spécisme est en général en faveur des membres de l'espèce humaine et en défaveur des animaux non-humains. La thèse de Singer est que l'appartenance à une espèce particulière n'est pas une propriété moralement pertinente. Singer propose que la sensibilité soit le critère pertinent d'appartenance à la communauté morale : tous les êtres sensibles doivent être considérés comme moralement égaux, en ce sens que leurs intérêts doivent être pris en compte de manière égale.
Il conclut en particulier que le fait d'utiliser des animaux pour se nourrir est injustifié car cela entraîne une souffrance disproportionnée par rapport aux bienfaits que les humains tirent de cette consommation ; et qu'il est donc moralement obligatoire de s'abstenir de manger la chair des animaux (végétarisme), voire de consommer tous les produits issus de leur exploitation (véganisme).
Cela ne l'empêche pas d'apporter son soutien à la firmeMcDonalds dans sa quête dubien-être animal — après avoir longtemps défendu le végétarisme contre cette entreprise. Selon lui, puisqu'il est impossible de faire disparaître les systèmes industriels du jour au lendemain, d’une part du fait de leur puissance mais aussi de leurs capacités à nourrir le monde et à fournir les hamburgers que les gens sont supposés vouloir manger et sont en mesure d’acheter, le mieux pour tout le monde est que ces systèmes soient moins mauvais. Agrandir les cages est donc considéré par Peter Singer comme une avancée[5].
Singer préconise l'altruisme efficace. Il considère que les habitants des pays développés ont le devoir d'utiliser une part de leur richesse pour réduire les souffrances des personnes vivant dans la pauvreté absolue, et que de plus ils devraient donner cette richesse de la manière la plus efficace possible, c'est-à-dire celle qui réduirait le plus de souffrance. Comme il le note dans son essaiFamine, Affluence, and Morality (non traduit en français mais que l'on pourrait traduire ainsi:Famine, richesse et moralité (1972),
« s’il est en notre pouvoir d’éviter que des choses mauvaises arrivent, sans pour cela sacrifier quoi que ce soit d’importance morale comparable, nous devons, moralement, le faire. […] si je marche à côté d’un étang peu profond et que je vois un enfant qui s’y noie, je dois entrer dans l’eau et en sortir l’enfant. Cela voudra dire salir mes vêtements, mais c’est insignifiant[6]. »
Ainsi, dit Singer, si l'on accepte de salir ses vêtements pour sauver l'enfant de la noyade, l'on devrait aussi accepter de donner de l'argent pour réduire les souffrances des personnes vivant dans la pauvreté au lieu d'acheter des habits ou d'autres biens non essentiels. Il poursuit :
« La frontière traditionnelle entre devoir et charité ne peut pas être tracée […] à la place où nous la traçons habituellement. Donner de l’argent [à des organisations caritatives] est considéré comme un acte de charité dans notre société. […] Les gens ne se sentent honteux ou coupables d’aucune manière dans le fait de dépenser de l’argent pour de nouveaux vêtements ou une nouvelle voiture au lieu de le donner pour le secours à la famine. Cette façon de considérer le sujet ne peut pas être justifiée. Quand nous achetons de nouveaux vêtements, pas pour avoir chaud mais pour être “bien habillé”, nous ne satisfaisons aucun besoin important. Nous ne sacrifierions rien de significatif si nous continuions à porter nos anciens vêtements, et donnions l’argent au fonds de secours pour la famine. En faisant cela, nous empêcherions que quelqu’un meure de faim. »
Peter Singer se prononce pour ledroit à l'avortement, en utilisant cependant une approche qui le distingue de l'argumentation classique : en cohérence avec sa théorie éthique, il propose que le droit d'un être à la vie est fondamentalement lié à la capacité qu'il a à manifester des préférences, elles-mêmes liées à la possibilité de ressentir duplaisir ou de ladouleur[7].
Pour se faire comprendre, Singer énonce d'abord lesyllogisme suivant qui peut, selon lui, traduire l'argument central des opposants au droit à l'avortement :
« Il est mal de tuer un être humain innocent. Un fœtus humain est un être humain innocent. En conséquence, il est mal de tuer un fœtus humain[8]. »
Il observe dans ses ouvragesRethinking Life and Death (Repenser la vie et la mort) etPractical Ethics (Questions d'éthique pratique) que si l'on accepte sans discuter lesprémisses, l'argument est valide pardéduction. Les défenseurs du droit à l'avortement dont parle Singer remettent traditionnellement en cause la deuxième prémisse : le fœtus ne serait pashumain ouvivant avant la naissance. Singer oppose que ledéveloppement est un processus progressif, dont il n'est pas possible d'extraire un instant particulier à partir duquel la vie humaine commencerait.
L'argument de Singer en faveur du droit à l'avortement est en ce sens original : plutôt que de s'attaquer à la deuxième prémisse, il interroge la première, niant qu'il est nécessairement mal d'interrompre la vie d'un humain innocent[9] :
« [The argument that a fetus is not alive] is a resort to a convenient fiction that turns an evidently living being into one that legally is not alive. Instead of accepting such fictions, we should recognise that the fact that a being is human, and alive, does not in itself tell us whether it is wrong to take that being's life »
« [L'argument selon lequel le fœtus ne serait pas vivant] recourt à une fiction commode qui fait d'un être à l'évidence vivant un être légalement non vivant. Au lieu d'accepter une telle fiction, nous devrions reconnaître que le caractère humain, et vivant, d'un être ne nous dit pas en soi s'il est mal ou non de prendre sa vie. »
Singer soutient que la défense ou l'opposition au droit à l'avortement devraient reposer sur un calcul utilitariste qui pondère les préférences de la femme et celles dufœtus, la préférence étant tout ce qui est de nature à être recherché ou évité ; à tout bénéfice ou dommage causé à un être correspond directement la satisfaction ou la frustration d'une ou plusieurs de ses préférences.
La capacité à ressentir de la douleur ou de la satisfaction étant un prérequis pour avoir une préférence de quelque nature que ce soit, et un fœtus âgé de 18 semaines ou moins n'ayant selon Singer pas la capacité de ressentir de la douleur ou de la satisfaction, il n'est pas possible pour un tel fœtus de manifester la moindre préférence. Dans ce calcul utilitariste, rien ne vient donc peser contre la préférence d'une femme à avoir un avortement. En conséquence, l'avortement est moralement permis.
À propos de l'infanticide, Singer considère que les nouveau-nés ne possèdent pas encore les caractéristiques essentielles qui font une personne : larationalité, l'autonomie et laconscience de soi[10]. Le meurtre d'un nouveau-né n'est donc pas équivalent à celui d'une personne, c'est-à-dire à celui d'un être qui veut continuer à vivre[11].
En 1989 et 1990, un cours donné à l'Université de Duisbourg et Essen par le professeur Hartmut Kliemt fut annulé à la suite de manifestations contre l'inclusion de questions d'éthique pratique dans le matériel du cours. Les manifestants condamnaient le point de vue de Singer sur le fait que l'euthanasie de nourrissons souffrant des formes les plus graves despina bifida devrait être légalement autorisée si les parents le désirent[12].
DansRethinking Life and Death, il approfondit les dilemmes créés par les avancées de la médecine. Il traite notamment de lavaleur de la vie humaine et de l'éthique de laqualité de vie.
Singer a vécu personnellement la complexité de certaines de ces questions. À propos de sa mère, touchée par lamaladie d'Alzheimer, il expliquait partager avec sa sœur la responsabilité des décisions à prendre, mais que s'il était seul arbitre, sa mère ne continuerait peut-être pas à vivre[14].
↑Dardenne, É., Giroux, V., & Utria, E. (Eds.). (2017). Peter Singer et la libération animale: quarante ans plus tard. Presses universitaires de Rennes.
↑Voir Jocelyne Porcher, Défendre l’élevage, un choix politique », 2012.