Ne doit pas être confondu avecPaul Nizon.
Pour les articles homonymes, voirNizan.
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Formation | Lycée Henri-IV(à partir de) École normale supérieure(à partir de) Lycée Georges-Clemenceau Lycée Louis-le-Grand ![]() |
Activité | romancier, philosophe |
Conjoint | Henriette Nizan(d) ![]() |
Enfants | |
Parentèle | Emmanuel Todd (petit-fils) ![]() |
Parti politique | |
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Paul Nizan, né le àTours et mort au combat le àRecques-sur-Hem dans lePas-de-Calais, est unromancier,philosophe, etjournalistefrançais[2].
D'abord tenté par leroyalisme en raison de traditions familiales, il s'engage dans leParti communiste français, dont il devient l'un des principaux intellectuels dans lesannées 1930, et qu'il quitte en 1939 à la suite dupacte germano-soviétique signé par l'URSS avec l'Allemagne nazie. Cette rupture lui vaut les foudres duPCF, qui l'accusera longtemps d'avoir toujours été un traître et un vendu[3]. Cet état de fait contrariera pendant une vingtaine d'années la réception de son œuvre, jusqu'à sa« réhabilitation » symbolisée par la préface deJean-Paul Sartre à la réédition d'Aden Arabie.
Agrégé de philosophie, il obtient surtout du succès pour ses romans, mais aussi pour son pamphletLes Chiens de garde. Son œuvre comporte également de nombreuses critiques littéraires parues chaque semaine dans le journalL'Humanité, ainsi qu'un ouvrage de vulgarisation philosophique et des traductions de l'anglais et de l'allemand.
Sa mort à trente-cinq ans en fait pourJean-Paul Sartre un auteur éternellement jeune, qui n'a pas connu les compromissions de l'après-Seconde Guerre mondiale, et qui parle toujours aux jeunes révoltés :« À présent, que les vieux s'éloignent, qu'ils laissent cet adolescent parler à ses frères ». La célèbre phrase introductive du romanAden Arabie :« J'avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c'est le plus bel âge de la vie » devint un des slogans des étudiants enMai 68[4],[5],[6].
Il est le beau-père du journalisteOlivier Todd et le grand-père du sociologueEmmanuel Todd.
Paul ou Paul-Yves Nizan (né Paul, Pierre, Yves, Henri)[7],[8] est le fils de Clémentine Métour et de Pierre Nizan[9], ingénieur des chemins de fer, et le petit-fils d'un ouvrier d'originebretonne. Son appartenance à la petite bourgeoisie sera, pour lui, difficile à supporter, comme il ressort du portrait qu'il fait de son père dansAntoine Bloyé[10]. Il effectue ses études secondaires au lycée dePérigueux, où il est remarqué pour ses talents scolaires, puis aulycée Henri-IV à partir de 1917, et ses études supérieures (hypokhâgne et khâgne) aulycée Louis-le-Grand à partir d'octobre 1922, où il a pour camaradeJean-Paul Sartre, qui devient rapidement son meilleur ami[11],[12]. En 1923, il participe à une revue éphémère :La Revue sans titre, dans laquelle il fait paraître deux contes notamment imprégnés des surréalistes (Hécate ou la méprise sentimentale etComplainte du carabin qui disséqua sa petite amie en fumant deux paquets de Maryland) et une critique littéraire qui contient selon Anne Mathieu et François Ouellet« nombre des qualités stylistiques qui feront ses meilleures critiques postérieures ». Nizan, membre du comité directeur deLa Revue sans titre permet à Sartre de publier ses premiers écrits.
Reçu à l’École normale supérieure en 1924, il se lie aussi d'amitié avecRaymond Aron. Sartre se souviendra d'ailleurs plus tard de Nizan comme d'un beau jeune homme, toujours bien habillé et plaisant aux femmes :« Je ne me rappelle pas que personne ait désapprouvé les toilettes de Nizan ; nous étions fiers d'avoir un dandy parmi nous »[12]. Les deux amis partagent la même thurne, passent leur scolarité à travailler ensemble, à refaire le monde au bistro et à marcher dans Paris, si bien que Sartre note ironiquement que tout le monde les confondait, commeLéon Brunschvicg, qui le félicita pourLes Chiens de garde, ouvrage de Nizan[13].
Sur le plan politique, Paul Nizan cherche sa voie. Arrière-arrière-petit-fils d'un royaliste fusillé pendant la Révolution française, il s'inscrit auxCamelots du Roi, les jeunes de l'Action française[10]. En 1924, il collabore au seul numéro de la revueLes Faisceaux deGeorges Valois. Il adhère fin 1925 pour quelques mois au mouvement préfasciste de ce dernier, nomméLe Faisceau, premier partifasciste français aux accents syndicalistes-révolutionnaires. Il s'intéresse à la prise de pouvoir deBenito Mussolini en Italie, porte parfois la chemise du mouvement et invite un des économistes du groupe Le Faisceau à l’École normale pour le présenter aux élèves socialistes (Mussolini étant un ancien socialiste, l'idée existe d'une parenté entre fascisme et socialisme au moment de son arrivée au pouvoir), mais la réunion tourne mal[réf. souhaitée].
En cette année 1924, il lit égalementLénine, qu'il emprunte à la bibliothèque de l’École, et dont le programme lui semble moins fantaisiste. Georges Valois lui-même dissout très rapidement son groupe en considérant s'être trompé sur les vertus sociales du fascisme. La même année, Nizan voyage enItalie, alors qu'il s'est déjà rapproché ducommunisme, et ses lettres à sa fiancée Henriette Alphen montrent surtout son intérêt pour la résistance des communistes face au fascisme[14].
En 1926-1927, indécis politiquement et en proie à une dépression, il se rend comme précepteur àAden (Yémen)[14].
À son retour, il adhère auParti communiste et épouse Henriette Alphen (1907-1993), une cousine deClaude Lévi-Strauss née dans une famille juive bourgeoise[15]. Ils auront deux enfants, Anne-Marie (1928-1985), future épouse du journalisteOlivier Todd et mère du sociologueEmmanuel Todd, et Patrick (1930).
Il passe son Diplôme d'études supérieures avec un mémoire sur« la signification », puis traduit avec Sartre laPsychopathologie générale deKarl Jaspers. Sa réputation grandit dans le milieu universitaire[16]. Il participe notamment à laRevue marxiste et àBifur[17]. En1929, il est reçu5e à l'agrégation de philosophie[18]. Il fait son service militaire en 1930, puis l'Université réclame ses services et l'envoie comme professeur àBourg-en-Bresse[19].
La publication en1931 de son premier ouvrage,Aden Arabie (qui débute par les deux phrases devenues célèbres : « J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. ») lui permet de se faire un nom dans le milieu littéraire et intellectuel.
Il est nommé professeur de philosophie aulycée Lalande de Bourg-en-Bresse, dont il brossera le tableau dansPrésentation d'une ville[20]. Nizan se présente auxélections législatives françaises de 1932 (dans la circonscription de Bresse rurale) comme candidat du parti communiste et recueille 2,7 % des voix. La même année, il publieLes Chiens de garde, réflexion sur le rôle temporel de la philosophie etpamphlet contre ses anciens maîtres, en particulierHenri Bergson etLéon Brunschvicg, et s'engage avec d'autres artistes commeAndré Malraux[21], au sein du comité de soutien àThomas Olszanski,syndicaliste du Nord-Pas-de-Calais, déchu de la citoyenneté française à cause de ses engagements.
En1933, il publieAntoine Bloyé, où il évoque la « trahison de classe » (comment un homme en vient à « trahir » son groupe d'origine en gravissant les échelons sociaux). Ce livre est considéré par la critique comme le premier roman français relevant du « réalisme socialiste ».
La même année, il participe au lancement deCommune, revue de l’Association des écrivains et artistes révolutionnaires (A.E.A.R.), à laquelle collaborentHenri Barbusse,André Gide,Romain Rolland,Paul Vaillant-Couturier etLouis Aragon[22].
Il traduit également coup sur coup, toujours en 1933,L'Amérique tragique deDreiser etLes Soviets dans les affaires mondiales deLouis Fischer (en). Le premier livre analyse la situation des États-Unis pendant la crise financière, et appelle à imiter l'URSS pour s'en sortir ; le second fait le récit des relations internationales de l'URSS depuis lapaix de Brest-Litovsk jusqu'à la victoire deStaline surTrotsky[23].
En 1934-1935, Nizan et son épouse Henriette séjournent un an enURSS ; fréquentant surtout lesapparatchiks, ils ne croient pas à la réalité desfamines soviétiques ni dugoulag. Nizan participe au premier congrès de l'Union des écrivains soviétiques, et est également chargé d'organiser le séjour d’écrivains amis, telsAndré Malraux (avec qui il devient très lié),Louis Aragon ouRomain Rolland. Après le congrès, il s'efforce de maintenir la « flamme antifasciste » et de renforcer l'image d'une Union soviétique humaniste. Il développe dans différents articles notamment les thèmes de la naissance de « l'Homme nouveau », le bonheur de la jeunesse soviétique au travail ou encore la volonté de paix de l'URSS[24]. Alors que des voix commencent à dénoncer l'absence de liberté d'expression en URSS et que certains s'inquiètent de la nature policière du régime, Nizan propage les mérites du « socialisme humain » au pays de Staline et fait partie de ceux qui permettent au Parti de sortir de son isolement[24].
Ses publications se succèdent durant les années suivantes :Le Cheval de Troie[25],La Conspiration (prix Interallié) ainsi que les contributions à différentes revues et journaux d'obédience communiste : il écrit dansL'Humanité entre1935 et1937, puis dans le quotidienCe soir entre 1937 et 1939. Il rédige notamment des articles sur la politique étrangère et des critiques littéraires.
En, il rompt avec le PCF à la suite de la signature dupacte germano-soviétique. Sa lettre àJacques Duclos est très sèche :« Je t'adresse ma démission du P. C. français. Ma situation de soldat mobilisé me dispense de rien ajouter de plus[26]. »
Son motif n'est pas un jugement moral contre l'URSS[27], il reproche au contraire au PCF d'avoir manqué de cynisme :« il n'y a que les événements qui me confirmeront ou m'infirmeront. Mais non les arguments du type moral. Ce n'est pas parce que je croyais « mal » de la part de l'URSS son accord avec Berlin que j'ai pris la résolution que j'ai prise. C'est précisément parce que j'ai pensé que les communistes français ont manqué du cynisme politique nécessaire et du pouvoir politique de mensonge qu'il eût fallu pour tirer les bénéfices les plus grands d'une opération diplomatique dangereuse. Que n'ont-ils eu l'audace des Russes[28] ? »
Au fond, selonSimone de Beauvoir avec qui il est lié, il se sent trahi. Ses camarades communistes ne lui avaient pas soufflé mot de ce qui se tramait : il pensait qu'ils l'avaient délibérément maintenu dans l'ignorance et il en avait été blessé à mort[29]. Dans une lettre du 8 décembre 1939 à Jean-Paul Sartre, il commente encore l'épisode :« Tout cela est impubliable avant longtemps. Les romans mêmes sont censurés d'une manière qui donne le vertige et je ne pourrais point expliquer maintenant les raisons qui m'ont fait démissionner du Parti communiste[29]. »
Le, il meurt au combat auchâteau de Cocove àRecques-sur-Hem, au début de laSeconde Guerre mondiale, lors de l'offensive allemande contre Dunkerque. Son dernier manuscrit n’a pas été retrouvé.
Paul Nizan est enterré à lanécropole nationale de la Targette, àNeuville-Saint-Vaast (carré B, rangée 9, tombeno 8189).
À la suite de sa rupture avec le Parti communiste, il subit des attaques nombreuses et violentes de la part du parti : en mars 1940,Maurice Thorez signe, dans le journalDie Welt, l'édition allemande de l'organe de laTroisième Internationale, un article intitulé « Les traîtres au pilori », et qualifie Nizan « d'agent de la police ». Durant l'Occupation, un texte émanant du PCF clandestin parle du « policier Nizan[30] ». L'offensive s'amplifie après la guerre ;Louis Aragon participe activement à la marginalisation de Nizan avec son livreLes Communistes (1949), roman dans lequel il apparaît comme un traître sous les traits du policier Orfilat.
La réédition, en 1960, d'Aden Arabie, avec une préface deJean-Paul Sartre, ouvre la voie à une « réhabilitation » de l'écrivain. Sartre décrit ainsi l'acharnement du Parti communiste à l'encontre de Nizan :
« C'était la faute inexpiable, ce péché de désespérance que le Dieu des chrétiens punit par la damnation. Les communistes ne croient pas à l'Enfer : ils croient au néant. L'anéantissement de Nizan fut décidé. Une balle explosive l'avait, entretemps, frappé derrière la nuque, mais cette liquidation ne satisfit personne : il ne suffisait pas qu'il eût cessé de vivre, il fallait qu'il n'eût pas du tout existé. On persuada les témoins de sa vie qu'ils ne l'avaient pas connu pour de vrai : c'était un traître, un vendu[31]. »
En 1966, pour la réédition desCommunistes, Aragon supprime le personnage d'Orfilat. Quant au PCF, il réhabilite Paul Nizan à la fin desannées 1970[32].
Depuis 2007, unjardin porte son nom au cœur du13e arrondissement de Paris.
Dès 1932, et jusqu'en 1939, Paul Nizan écrit régulièrement (presque chaque semaine sauf pendant son voyage en URSS) des critiques littéraires pourL'Humanité etCe soir, près de huit cents. Ses articles sont très courts et souvent incisifs.
Michel Onfray résume ainsi le schéma critique de Nizan :« Toute littérature réaliste, soucieuse du peuple, du prolétariat, de l'histoire, du progrès, de la dénonciation du capitalisme, est bonne ; toute littérature qui n'est pas bonne est mauvaise. »[33]. De fait, Nizan ne se considère pas comme un théoricien de la littérature, il écrit sur le vif, pressé par le temps, mais ses remarques vont souvent droit au but.
Il y analyse avec finesse des auteurs qui lui sont contemporains, certains très connus aujourd'hui telsLouis-Ferdinand Céline,Marcel Proust,André Gide,Roger Martin du Gard,Jean Giono ou lesSurréalistes, et d'autres tombés dans l'oubli. Il est l'un des premiers grands connaisseurs de la littérature anglaise et l'un des premiers intellectuels français à avoir remarqué la jeune littérature américaine dontWilliam Faulkner,Erskine Caldwell,John Steinbeck,Eugene O'Neill. Parmi les œuvres analysées qui sont devenues des classiques figurentL'Été 1914 (septième livre desThibault),Mort à crédit,Des souris et des hommes etLa Nausée[34].
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