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Activité | Prêtre catholique(depuis) ![]() |
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Patrick Desbois, né le àChalon-sur-Saône, est un prêtre français de l'Église catholique. Il a été directeur du Service national des évêques de France pour les relations avec le judaïsme et consultant à la commission duSaint-Siège pour les relations religieuses avec le judaïsme[1].
Il préside l'associationYahad-In Unum qui mène des recherches en Europe de l'Est sur les victimes, juives et roms, assassinées par lesEinsatzgruppen et autres unités allemandes pendant laSeconde Guerre mondiale. À ce jour, l’association a collecté plus de 6 500 témoignages de voisins et identifié plus de 2700 sites d'exécution enUkraine,Russie,Biélorussie,Pologne,Moldavie,Roumanie,Slovaquie,Lettonie etLituanie[2].
Patrick Desbois a également lancé en été 2015 l'initiativeAction Yazidis pour récolter les preuves dugénocide desYézidis parDaech en Irak, et aider les survivantes. Dès le début de l'invasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, il décide de collecter des témoignages des victimes de la guerre.
Depuis 2016, Patrick Desbois est titulaire de la chairePractice of the Forensic Study of the Holocaust à l'Edmund A. Walsh School of Foreign Service (SFS) de l'Université de Georgetown[3]. En 2024, il a soutenu une thèse de doctorat en histoire à l’université de Cergy-Pontoise, sous la direction d'Éric Vial[4].
Patrick Desbois vit àChalon-sur-Saône avec sa famille, et notamment son grand-père, qui fut déporté en 1942 dans le campStalag 325 àRawa Ruska, dans leGouvernement général, aujourd'hui enUkraine. Après avoir obtenu unemaîtrise enmathématiques à l'université de Bourgogne àDijon en 1977, il rejointMère Teresa àCalcutta pour travailler à ses côtés pendant trois mois[5] avant de commencer d'enseigner les mathématiques au lycée deDedougou, auBurkina Faso[6].
Patrick Desbois entre augrand séminaire duPrado àLyon en 1981. En 1986 Il finit samaîtrise enthéologie à l'université catholique de Lyon et il est ordonnéprêtre avant d'être nommécuré auCreusot (Saône-et-Loire)[7]. Il obtient unDEA en Histoire religieuse à l'université Lumière-Lyon-II en 1991, en étudiant les mémoires d'Antoine Chevrier. L'année suivante il devient secrétaire du cardinalAlbert Decourtray pour les relations avec les communautés juives, et en1999 il est nommé secrétaire duComité épiscopal des évêques de France pour les relations avec le judaïsme[8].
Sur les lieux de l'internement de son grand père au camp de Rawa Ruska en Ukraine, il prend conscience de l'importance du témoignage[6].
La création deYahad-In Unum a été encouragée en par les cardinauxJean-Marie Lustiger,Philippe Barbarin etJean-Pierre Ricard, le secrétaire général duCongrès Juif MondialIsrael Singer et le secrétaire général du Congrès juif européen Serge Cwajgenbaum[9]. Patrick Desbois en est le président fondateur.
La tâche de Yahad–In Unum est de rassembler le plus possible d'informations sur la « Shoah par balles[10] » enUkraine,Biélorussie,Russie,Moldavie,Lituanie,Lettonie etPologne, perpétrée par lesEinsatzgruppen (« groupes d'intervention ») et d'autres unités allemandes entre1941 et1944. Des témoins contemporains, souvent voisins sont interrogés par Patrick Desbois et les équipes de Yahad-In Unum sur les fusillades massives qui se sont déroulées à côté de chez eux lors de la "Shoah par balles"[11]. Ces enquêtes permettent de localiser les fosses communes.
En 2021,Yahad-In unum fait état d'environ 8000 interviews de témoins sur le terrain, ayant documenté 1854 sites d'exécutions, tous localisés sursa carte interactive, dont 1085 sites avec documentation accessible, représentant un apport scientifique considérable[12].
Desbois estime à 2,5 millions le nombre de Juifs ainsi tués pendant la Deuxième Guerre mondiale[10], dont pas moins d'un million de victimes enterrées dans 1 200 fosses en Ukraine. La plupart des 8000 témoignages qu'il a recueilli en Europe de l'est établissent la complicité des populations locales : « L’aide locale était particulièrement efficace ... Les gens cherchaient un bon endroit d’où voir les fusillades[10] ».
Patrick Desbois raconte son expérience dans le livrePorteur de mémoires (2007)[13] et dans l'émission de télévision deFrance 3Pièces à conviction, intituléeShoah par balles : l'histoire oubliée, réalisée parRomain Icard et diffusée en 2008[14]. Lors du débat suivant la diffusion du documentaire,Simone Veil avait félicité Patrick Desbois pour son travail[15]:
« Je suis tout à fait d'accord avec ce que fait le Père Desbois (...) Je crois que ce qu'il faut, c'est savoir ce qui s'est passé et comment ça c'est passé. »
— Simone Veil, Emission "Pièces à conviction" diffusée sur France 3 le 12 mars 2008
Accueilli avec intérêt par le monde des chercheurs[16], le travail du père Desbois et de l’équipe deYahad-In Unum a été approuvé sur le niveau national et international, comme par exemple par le politologue canadienAdam Jones[17], l'historien allemandDieter Pohl[18] ou l'historienne américaineWendy Lower[19]. L'historien françaisÉdouard Husson[12],[20] etSerge Klarsfeld soutiennent cette « méthode originale et rigoureuse »[21]. Un collège de chercheurs internationaux est membre du conseil scientifique de Yahad-In Unum[22]. Un séminaire annuel sur la Shoah à l'Est a été organisé avec la Sorbonne[23] puis avec l'Université de recherche Paris-Sciences-et-Lettres[24]. Le président de la RépubliqueFrançois Hollande l'a félicité pour son travail en[25] :
« Le père Patrick Desbois […] a découvert, par son histoire familiale, le drame des Juifs ukrainiens. Il a œuvré pour que soit reconnue la ‘Shoah par balles’, car la Shoah avait commencé avant même les camps et pas seulement en Ukraine. Il est très important de savoir comment l’œuvre génocidaire a commencé, comment elle est arrivée aux camps d’extermination. »
— François Hollande, discours au 29edîner duCRIF le 4 mars 2014
En, lepape François a fait parvenir une bénédiction et un encouragement au travail de Patrick Desbois et Yahad-In Unum[26].
Ce travail a soulevé plusieurs critiques de la part d'historiens spécialistes du nazisme. Dans un article de larevueVingtième siècle, les historiensChristian Ingrao et Jean Solchany lui font trois reproches : le livre du père Desbois leur paraît manquer de méthodologie scientifique[27] et souffre d’un manque de contextualisation spatio-temporelle[28] ; sa médiatisation est excessive et sensationnaliste[29] sur fond d’autopromotion[30] ; Desbois se place en position de découvreur[31] et exagère le caractère inédit de son travail, comme si la « Shoah par balles » était un événement oublié de l'historiographie, alors qu'il figure dans les ouvrages classiques comme ceux deLéon Poliakov etRaul Hilberg : « Qu'il soit possible d'affirmer en 2008 sur un plateau de télévision que l'on vient de découvrir une nouvelle dimension de la Shoah, alors que les crimes en question sont connus au plus tard depuis 1945, sans que qui que ce soit ne s'élève contre ce sensationnalisme éhonté, ne laisse pas d'inquiéter.[32] »
L'historienGeorges Bensoussan, qui avait déjà analysé les tentations de « christianisation du désastre[33] », abonde dans ce sens : « C'est une niaiserie ... Il n'y a pas eu, face à une Shoah par gaz, uneShoah par balles. Mais une seule Shoah, avec des méthodes de tueries innombrables : on a aussi tué des gens à l'arme blanche, on les a jetés dans des puits, emmurés vivants, etc.[34] » Ces critiques culminent en 2009 avec le départ d'Alexandra Laignel-Lavastine du séminaire « Écrire l'histoire de la Shoah aujourd'hui », qu'elle animait avec Edouard Husson et Patrick Desbois à la Sorbonne, cette dernière déclarant s'être « trompée » sur le père Desbois[34].Guillaume Ribot, le photographe ayant accompagné Patrick Desbois lors de son travail en Ukraine se montre lui-même relativement critique avec la méthodologie de l'enquête, évoquant de « petits arrangements avec la vérité »[34]. L'ensemble des critiques reconnaissent, parallèlement, les divers mérites, notamment mémoriels, de ce travail.
En été 2015, Patrick Desbois lance l’initiative « Action Yazidis »[35] dont le premier but est de fournir les preuves dugénocide desYézidis commis parDaech[36] en recueillant jusqu’à présent plus de 300 témoignages des survivants au Kurdistan irakien. Le deuxième axe de ses activités est d'aider les survivants à reconstruire leur vie. Deux centres ateliers pour les femmes yézidies survivantes ont été créés dans des camps de réfugiés. Ces ateliers offrent des cours de couture aux femmes yézidies afin de les rendre plus autonomes et d’aider à recréer des liens dans leur communauté[37]. Également deux centres de réhabilitation et réintégration pour jeunes et adultes libérés des camps d'entrainement de Daech ont été fondés. L’aide psychologique prend plusieurs formes selon les besoins de chaque personne: atelier de dessin pour exprimer leur traumatisme, discussions individuelles ou en groupe. Unpsychologue yézidi travaille à plein temps dans chacun de ces centres[38].
En, au siège desNations unies àNew York, Yahad-In Unum a inauguré l'exposition « Les crimes de Daech contre les Yézidis : Les survivants parlent ». L’ouverture de l’exposition a été possible grâce au soutien deFrançois Delattre, Ambassadeur et représentant permanent de la République française auConseil de sécurité des Nations unies ainsi qu’au patronage des représentants de l’Allemagne, duRoyaume-Uni, de l’Irak et de laJordanie[39].
Le président de la RépubliqueEmmanuel Macron a félicité ce travail en[40]:
« Je salue l'importance et le sérieux du travail, très documenté, que vous avez réalisé avec votre association pour faire prendre conscience de l'ampleur de la tragédie du génocide yézidi. Partout dans le monde où des minorités défendent leur foi, leurs traditions, contre les persécutions, la France est à leurs côtés. »
— Emmanuel Macron, Lettre du 20 novembre 2017, adressée à Patrick Desbois, Président de Yahad-In Unum
DansLa fabrique des terroristes : dans les secrets de Daech (Fayard), ouvrage coécrit avec Costel Nastasie en 2016, Patrick Desbois décrit les actions menées parDaech contre les Yézidis qu'ils qualifient commegénocide[41].
En 2021, Patrick Desbois est nommé directeur du conseil académique dumémorial de Babi Yar. Dans le cadre de cette mission, il se verra conseiller l’édification de ce mémorialukrainien, qui doit être achevé d’ici à 2026.
Près de 34 000 Juifs ont péri dans le massacre du ravin de Babi Yar en l’espace de deux jours – les 29 et 30 septembre 1941. Les assassinats se sont poursuivis les mois suivants, faisant plus de 100 000 victimes au total.
Le musée qui doit ouvrir, notamment soutenu par le président ukrainienVolodymyr Zelensky, qui a des racines juives, sera le premier grand mémorial de toute la région.
Sa mission sera notamment d'élaborer une stratégie de recherche et contrôler la conformité des activités du centre avec les principes de rigueur et de fiabilité scientifiques.
Dès le début deinvasion de l'Ukraine par la Russie en 2022, avec une équipe de quatre personnes en Europe de l’Ouest et une équipe d'une douzaine de médiateurs sur place dont l'un d'eux est à Irpin, la commune qui jouxte lemassacre de Boutcha, il cherche des témoins ayant subi ou vu des événements traumatiques ou des exactions[42].
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