Au début de l'Empire ottoman, le nom deRoumélie désigne, au sens large, l'ensemble des possessions européennes. Le beylerbeylik de Roumélie, désigné à partir de 1591 commeeyalet de Roumélie,Eyālet-i Rūm-ėli en turc ottoman, oupachalik de Roumélie, est une des deux grandes divisions territoriales de l'Empire avec le beylerbeylik d'Anatolie qui regroupe les provinces asiatiques. La capitale de la province étaitEdirne, résidence des sultans jusqu'à laprise de Constantinople en 1453, puisSofia, puis Monastir (Bitola). Par la suite, elle est divisée en plusieurs unités administratives.
La conquête ottomane des Balkans commence sous le règne deMouradIer (1362-1389). En 1364, son généralLalaşahin s'empare de la forteresse de Philippopolis (Plovdiv) enBulgarie et le sultan le nomme comme premierbeylerbey deRoumélie (« pays des Romains »[1]) ; les habitants de la ville,chrétiens (grecs,bulgares,valaques) oujuifs (romaniotes) en sont chassés et remplacés par des soldats turcs venus d'Anatolie, dont beaucoup deYörüks qui reçoivent des lots de terre (timar), selon un système qui va se généraliser aux siècles suivants[2].
Conformément à laloi islamique, la domination ottomane se marque aussi par leharaç (double-capitation sur les non-musulmans) et par ledevchirmé (« ramassage » ou « récolte » : prélèvement des garçons premiers-nés des familles chrétiennes ou juives, destinés à être convertis à l'islam et à servir dans le corps desjanissaires - la dernière levée aura lieu en1637), qui incitent beaucoup de chrétiens et de juifs à devenirmusulmans : ce sont lesGorans, lesbosniaques et sandjakis, la majorité desAlbanais ainsi qu'une partie des Bulgares (lesPomaks), des Valaques (lesMoglénites) et des juifs (lesdönme)[3].
À partir de la fin duXVIe siècle, l'affaiblissement du pouvoir ottoman se traduit par des révoltes des populations chrétiennes enMacédoine etBulgarie (Prilep en 1565,Ohrid en 1575,Kyoustendil en 1590,Razgrad en 1595,Veliko Tarnovo en 1598), enSerbie (1594-1595) et enAlbanie (1595 et 1601), et par la formation de bandes de hors-la-loi : leshaïdouks. Cette agitation locale, aux causes surtout sociales et fiscales, sera interprétée plus tard par les historiens nationalistes des Balkans comme une « résistance plus ou moins nationale »[4].
AuxXVIe et XVIIe siècles, le système dutimar, concession révocable en échange d'un service armé, est progressivement remplacé par letchiflik, grande propriété héréditaire tenue par unbey qui remplit de moins en moins ses obligations militaires. Ce modèle se diffuse d'abord enBosnie où la noblesse slave s'était convertie à l'islam ; il se répand ensuite dans d'autres régions comme l'Albanie ottomane au profit d'une élite locale islamisée. L'inégalité sociale entre sujets chrétiens (raya), sujets aux taxes et audevchirmé, et sujets musulmans favorise les conversions. Sous le règne deMourad IV (1623-1640), le sultan cherche à rétablir le système dutimar et pourchasse lessipahis (cavaliers ottomans) qui se dérobent à leur devoir mais ses successeurs ne peuvent empêcher la généralisation dutchiflik[5].
L'implantation de Turcs musulmans dans les Balkans commence auXIVe siècle. Elle est surtout sensible enThrace orientale et dans les régions côtières de laBulgarie et de laRoumanie actuelles. Des TurcsYörüks et Koniars (de la région deKonya enAnatolie) s'installent dans les plaines deMacédoine. Vers la fin duXVIe siècle, un cinquième de la population musulmane, descendant des tribus anatoliennes, est nomade ou semi-nomade ; cependant, à cette date, le peuplement musulman s'installe de plus en plus dans les villes. Selon un recensement incomplet de 1520-1530, la population des Balkans comptait environ 19 % de musulmans, Turcs ou convertis, 80 % de chrétiens et 1 % de juifs. La conquête ottomane ne semble pas avoir grandement modifié la répartition des principaux groupes ethniques, Grecs, Albanais et Slaves[6].
Dans les années 1520, au début du règne deSolimanIer, les listes administratives énumèrent lessandjaks suivants, par ordre approximatif d'importance :
Certains sandjakbeys (gouverneurs locaux) administrent non pas un territoire, mais des populations nomades ou dispersées à statut spécial comme lesRoms, les Voynuks et les Yörüks (Turcs nomades). Selon le voyageurEvliya Çelebi, auXVIIe siècle, il y avait7 yôrükbegs (gouverneurs des Yörüks) et unagha des Voynuks touchant un revenu plus ou moins proportionné à l'importance de leur charge : le bey des Yörüks deViza reçoit 2 000 aspres par an, celui des Yörüks deRodosto 60 000, celui des Yörüks deYambol 3 470, celui des Yörüks d'Okcheboli 3 494, celui des Yörüks deKoja 4 000, celui des Yörüks deSalonique 41 397, celui des Yörüks deNaldukin 3 500, l'agha des Voynuks 5 052[7].
Lepachalik de l'Archipel, créé en 1533, rassemble plusieurs régions maritimes d'Anatolie et de laGrèce ottomane (sandjaks de Gelibolu, Mytilène, Eğriboz, Naupacte, Karlieli et Morée).
Le sandjak deSalonique est cité à partir de 1534.
Lepachalik de Budin (Hongrie ottomane), disputé entre les Ottomans et leSaint-Empire romain germanique, est détaché de celui de Roumélie en 1546.
Vers 1700-1730, le pachalik comprend les sandjaks suivants :
Les troispachaliks albanais (en) accèdent à une certaine autonomie, sous des gouverneurs d'origine locale, de la fin duXVIIIe au début du XIXe siècle. Le nord de l'Albanie forme lepachalik de Shkodër (en) entre 1757 et 1831. La région centrale de l'Albanie, autour de Berat et Vlorë, forme lepachalik de Berat (en) entre 1774 et 1809 avant d'être annexée parAli Pacha, gouverneur dupachalik de Ioannina depuis 1787.
En 1816, laSublime Porte reconnaît l'autonomie dusandjak de Smederevo (ou deBelgrade) qui devient laprincipauté de Serbie.
En 1826, ce qui reste de la province est partagé en trois :
En 1846, lepachalik de Niš (incluantSofia) etcelui de Vidin sont détachés de la Roumélie. En 1867, une nouvelle réforme administrative met fin au pachalik de Roumélie et remplace les eyalets par desvilayets :
Eyalets de l'Empire ottoman (vers 1365-1867) | |
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