Quatre lettres ont été supprimées lors de la réforme :
i (i dixième), situé après leи ;
ѣ (yat'), situé entre leь et leэ et qui correspond actuellement à unе, plus rarement à unё ou à unи ;
ѳ (fita), situé après leя et remplacé parф, descendant duthêta grec (θ) ;
ѵ (ijitsa), dernière lettre de l'alphabet, venant aprèsѳ, qui correspond généralement à unи. La lettre provient de l'upsilon grec (υ).
Leё et leй ont eux obtenu le statut de lettre et été ajoutés à l'alphabet en 1918 (qui compte depuis 33 lettres). Ils étaient déjà employés avant la réforme et leur emploi n'a pas été modifié.
La lettre і (« i-dixième ») s’emploie devant les voyelles et dans le motміръ(univers, monde) :вліяніе, акція, пріѣздъ. Les lettres и (« i-huitième ») et й s’emploient devant les consonnes :миръ(paix),бензинъ, райскій, привлекать. Les exceptions sont les mots composés (пятиэтажный, семиуровневый, наиужаснѣйшій) et quand « й » est une translittération d’un « j » d’une langue européenne (майоръ, фейерверкъ) – quand le son se trouve en initial il convient toutefois d’écrire un « і » (іодъ, іота, Нью-Іоркъ).
Tout mot qui, dans l'orthographe moderne, finit par uneconsonne non suivie d'un signe mou était terminé, dans l'ancienne orthographe, par un« ъ » (signe dur ou « еръ ») :боръ, съ праздникомъ, замужъ, ужъ морозъ.
La lettre ѳ (fita) s’écrit dans les mots d’origine grecque pour lesquels le θ (thêta) grec se prononçait comme un f lors de leur passage en russe (каѳедра, ариѳметика, логариѳмъ, паѳосъ, Ѳедоръ, Аѳанасій), – dans les autres cas on écrira « т » (теорія, театръ, атеизмъ – malgré la forme initiale : θεωρια, θεατρο, αθεος).
Dans les racinesla lettre « ѣ » ne s’emploie jamais après les gutturales г, к, х et les chuintantes ш, щ ni après ж, ч, ф. Exceptions : les formes déclinées des pronoms кѣмъ et чѣмъ ainsi que l’ancien nom de la lettre « х » (хѣръ) et ses dérivés (похѣрить).
Les mots dans lesquels le son [e] est unevoyelle mobile pouvant prendre la forme d’un ь ou d’un ё on l’écrit « е » (et non « ѣ ») :мёдъ – медовый, мёлъ – мести, льва – левъ, мстить – месть, брать – беру… Exceptions :гнѣздо, сѣдло, цвѣтъ, звѣзда, дѣвать, зѣвать, etобрѣсти, запечатлѣть et leurs dérivés s’écrivent avec un « ѣ » bien qu’ils se prononcent parfois comme un « ё » (птичьи гнѣзда, цвѣлъ, пріобрѣлъ, зѣвъ, одѣвка, запечатлѣнъ). Les exceptions sont à l'origine des erreurs qui ont fini par devenir la norme.
La terminaison desadjectifs pluriels masculins est le « е » (большіе дома, деревянные столы, новые корабли). La terminaison des adjectifs pluriels féminins et neutres est « я » (большія деревья, деревянныя скамьи, новыя лодки).
Laterminaison génitive des adjectifs masculin en –ій, –ый est–аго ou–яго (славнаго, поющаго, бѣлаго, большаго (большій), самаго (самый), синяго, птичьяго, бабьяго, акульяго) ; ceux en –ой s’écrivent–ого :большого (большой), золотого, иного. De même ont une forme en –ого les termes au nominatif en –ъ :одного, этого, самого (самъ). Les mots suivants ont une forme en–его :моего, твоего, своего, нашего, вашего, ихнего.
Les substantifsmasculins au datif et au prépositionnel ainsi que les substantifsféminins au prépositionnel se terminenten ѣ :дядѣ, о машинѣ ; на столѣ, въ яблокѣ.
Par conséquent, lesadverbesconstruits sur les substantifs au datif et prépositionnel s’écrivent avec un « ѣ » :втайнѣ, вживѣ, вмѣстѣ, вкратцѣ, вполнѣ, вскорѣ. De même on écrit avec un « ѣ » les adverbes en –лѣ et –дѣ :возлѣ, отколѣ, доселѣ, подлѣ; вездѣ, гдѣ, индѣ, здѣ(сь).
La forme imperfective desverbes en « –ѣть » s’écrit avec un « ѣ » (смотрѣть, болѣть, пѣть), et le yat’ se maintient dans toutes les formes dérivées de l’imperfectif :усмотрѣніе, предусмотрѣнный; заболѣвать, болѣзнь; пѣніе, пѣсня, запѣвать, пѣтухъ.Exception : les infinitifsпереть, тереть, мереть et leurs dérivés :запереть, преніе (споръ), треніе, умереть (car ici le premier « е » de « -ереть » est une voyelle mobile).
Les terminaisons « –ѣе », « –ѣй » et « –ѣйшій » des adjectifs et adverbescomparatifs et superlatifs s’écrivent avec un « ѣ » :веселѣе, быстрѣй, главнѣйшій, болѣ-менѣ (ici forme courte sans « е » final).
Lepréfixe « нѣ- » s’emploie pour marquer la présence d’une quantité mal déterminée (нѣсколько, нѣкое, нѣкогда, нѣкто). Lepréfixe « не- » signifie la négation ou l’absence de quelque chose (негдѣ, не чѣмъ, некогда, небольшой).
Lespréfixes « без- » et« чрез- » s’écrivent toujours avec un « з » : безпечный, безмѣрный, чрезполосный. Lesautres préfixes (раз-, из-, воз-, etc.) conservent le « з » devant un « с » et les consonnes sonores, ils s’écrivent avec un « с » devant les consonnes sourdes :разсказъ, изслѣдовать, возстаніе, возбранить, изжить, распросъ, исходить, воскинуть.
Quelques cas d’utilisation fréquente que l’on peut retenir :
Le suffixe diminutif « –енька » s’écrit toujours avec un « е » :заенька, маменька.
Le génitif dupronom personnel она est ея (нея) : (кого?) ея здѣсь нѣтъ, у нея грозный видъ, ея (кого? чей?) видъ грозенъ, это ея вещи. L’accusatif est – её (неё) :увидѣлъ ее, вглядѣлся въ нее.
Le pronom personnel de la troisième personne du singulier est « они » au masculin et au neutre et « онѣ » au féminin :они – люди, дома, облака; онѣ – женщины, исторіи, картины.
La forme plurielle du numérateur « одинъ » est « одни » au masculin et au neutre, « однѣ » au féminin, il se conserve lors de la déclinaison :однѣхъ книгъ, однѣмъ чашкамъ, однѣми кошками.
Le pronom duel (« tous les deux ») est « оба » au masculin et au neutre, au féminin on écrit « обѣ », le yat perdure dans la déclinaison :обѣихъ женщиъ, обѣимъ девушкамъ.
On emploie le « ѣ » :
au féminin du numérateur « двѣ » et dans ses dérivés :двѣнадцать, двѣсти;
dans les pronomsмнѣ, тебѣ, себѣ;
dans les pronoms « кто », « что », « всё » à l’instrumental :кѣмъ, чѣмъ, всѣмъ;
dans la majorité des cas pour les pronoms « весь » et « тотъ » :всѣ, тѣ; всѣму свѣту, тѣми людьми, всѣхъ благъ, тѣхъ утратъ, всѣмъ желаніямъ…
Le « ѣ » s’écrit aussi dans les mots suivants :
нѣтъ, здѣсь, внѣ, кромѣ, нынѣ (et dans leurs dérivés :нѣкать, здѣшній, внѣшность, кромѣшный, нынѣшній), ainsi queразвѣ;
dans les vieux noms des lettres :живѣте, зѣло, мыслѣте, хѣръ;
dans le nom de la villeВѣна et les fleuvesНѣманъ, Онѣга, Днѣстръ, Днѣпръ;
dans les noms propres :Глѣбъ, Алексѣй, Елисѣй, Еремѣй, Патрикѣй, Мокѣй, Гордѣй, Матвѣй, Ѳадѣй (formes russifiées deМатѳей, Ѳаддей),Сергѣй, Рогнѣда.
Les adverbes suivants prennent un « е » :едва, теперь, весьма, всегда, нынче, прежде, вообще, вовсе, всуе, втуне, вотще, крайне, уже, еле, даже, вдвое, втрое, еже(-дневно, -годно…).
L'usage du ѵ était pratiquement tombé en désuétude à la fin duXIXe siècle. On ne le rencontre en dehors de textes religieux que dans les mots сѵнодъ et мѵро.
Philipp Ammon:Tractatus slavonicus. in:Sjani (Thoughts) Georgian Scientific Journal of Literary Theory and Comparative Literature, N 17, 2016, pp. 248-56