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OlivierV de Clisson | ||
![]() Détail du tombeau d'Olivier de Clisson, àJosselin. | ||
Surnom | « Le Boucher »,« l'Éborgné d'Auray » | |
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Naissance | Château de Clisson (Duché de Bretagne) | |
Décès | (à 71 ans) Château de Josselin (Duché de Bretagne) | |
Origine | Breton | |
Allégeance | ![]() ![]() ![]() ![]() | |
Grade | Connétable de France | |
Conflits | Guerre de Cent Ans Guerre de Succession de Bretagne | |
Faits d'armes | Bataille d'Auray Bataille de Nájera Bataille de Pontvallain Bataille de Roosebeke | |
Famille | Fils d'OlivierIV de Clisson et deJeanne de Belleville Époux deCatherine de Laval puis deMarguerite de Rohan | |
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Connétables de France | ||
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OlivierV de Clisson, né le auchâteau de Clisson et mort le auchâteau de Josselin, est un grand seigneur féodalbreton,connétable de France,comte de Porhoët,baron de Pontchâteau. Représentant le plus illustre de lafamille de Clisson, sa cruauté au combat lui vaut d'être surnomméle Boucher.
Son existence est jalonnée par deux grands retournements : d'abord ennemi desValois ayant fait exécuter son père, il se retourne contre sonsuzerain, le ducJeanIV de Bretagne, alors allié auxAnglais, pour se mettre au service des rois de FranceCharlesV puisCharlesVI, avant de se réconcilier avecJeanIV et devenir tuteur du fils et successeur de celui-ci,JeanV. Il fait preuve d'une exceptionnelle valeur militaire et est nomméconnétable de France en 1380. Sa position de grandféodal fortuné, impliqué dans les conflits de succession enBretagne, le plonge au cœur des antagonismes de laguerre de Cent Ans.
Depuis leXe siècle, la société d'Europe occidentale est fondée sur les rapportsféodaux[BA 1]. À l'origine, les liens devassalité sont des liens personnels, mais dès leXIe siècle, l'aspect économique l'emporte, et le vassal en rendant hommage convoite des terres confiées par lessuzerains, lefief[BA 2]. En outre, il arrive dès l'origine que des vassaux rendent hommage à plusieurs suzerains, pratique devenue générale auXIIe siècle[BA 3]. À cette même époque, les titres de noblesse sont héréditaires[BA 4]. Chaque seigneur dispose de son fief, peut même le vendre ou l'échanger[BA 4], et aux liens de vassalité se substituent les alliances et les retenues. Le principe de ces dernières est simple : les princes et grands seigneurs rémunèrent leurs alliés en terres,numéraire et avantages. Les nobles prêtent serment successivement à plusieurs suzerains au gré de leurs intérêts. Et pour pouvoir payer ces nouvelles charges, la hautearistocratie a besoin d'utiliser l'argent public. Les seigneurs justifient les levées d'impôts par les guerres qu'ils doivent mener[BA 5].
LesXIVe et XVe siècles sont l'âge des monarchies, mais aussi celui de l'aristocratie, dont les membres les plus importants sont souvent désignés sous le nom de prince[BA 5]. Latrès haute noblesse, lespairs, est chargée d'assurer la continuité de l'État en cas de vacance du pouvoir, et d'élire le roi s'il n'y a pas d'héritier direct. Au début de laguerre de Cent Ans, les princes de sang royal sont : lesducs de Bourbon,Robert d'Artois,Charles le Mauvais, puis les frères deCharlesV (Jean, duc de Berry ;PhilippeII, duc de Bourgogne ;LouisIer, duc d'Anjou), et plus tard le frère deCharlesVI (LouisIer, duc d'Orléans). Complétant l'aristocratie du royaume de France et bien qu'extérieurs à celle-ci, on trouve les grands seigneurs du Midi (comte d'Armagnac,comte de Foix, famillesd'Albret et deGrailly), lesducs de Bretagne et deLorraine[BA 6]. Le gouvernement est assuré par leConseil royal.
Dès le début de la guerre de Cent Ans, les échecs français entraînent un changement radical sur les plans militaire et politique. Les armées de mercenaires, plus efficaces, remplacent les levées féodales constituées par devoir vassalique. Ces armées rétribuées nécessitent des fonds toujours plus importants[BA 7]. Pour obtenir des fonds par la levée d'impôts, notamment lefouage, les rois doivent passer par la convocation desÉtats généraux, institution créée en1302 parPhilippe le Bel. Ils réunissent leclergé, lanoblesse et labourgeoisie desbonnes villes. Pour asseoir leur pouvoir, lesCapétiens s'appuient sur la suzeraineté directe du roi, court-circuitant les couches intermédiaires de l'aristocratie, y compris lesducs[BA 8].
La France auXIVe siècle s'étend sur 200 000 km2, et est le royaume le plus peuplé d'Europe occidentale (environ seize millions d'habitants)[1].LesCapétiens sont au pouvoir depuis 987, mais il faut attendre le milieu duXIIe siècle pour qu'ils parviennent à s'affirmer face à leurs grands vassaux. AuXIIe siècle, lorsqueHenriII Plantagenêt épouseAliénor d'Aquitaine puis conquiert la couronne d'Angleterre, il est un vassal du roi de FranceLouisVII, mais le roi d'Angleterre est suzerain de la moitié du royaume de France.Philippe Auguste parvient par la guerre à rétablir sa suzeraineté directe sur laNormandie, laBretagne, l'Anjou, lecomté du Maine, laTouraine et le nord duPoitou et de laSaintonge. Ses descendants confirment ces succès. Jusqu'à la mort dePhilippe le Bel, la dynastie est solide, mais en 1328,CharlesIV le Bel s'éteint sans descendance. Le roi d'AngleterreÉdouardIII, petit-fils de Philippe le Bel par sa mère, et le neveu de ce même Philippe le Bel,Philippe de Valois, peuvent prétendre au trône. C'est finalement le second que les pairs du royaume de France choisissent ; il est sacré sous le nom dePhilippeVI en 1328[2].
ÉdouardIII conteste des annexions opérées par les rois de France sur des fiefs continentaux de l'Angleterre, et s'oppose à l'intrusion française en Flandre, région importante pour l'économie anglaise[BA 9]. Cette opposition économique et territoriale se traduit diplomatiquement : vassal du roi de France pour certains de ses fiefs,ÉdouardIII tarde à rendre hommage àPhilippeVI. Le roi de France prend prétexte de cet « outrage » pour solliciter auprès du Parlement la levée d'impôts pour la défense du royaume[2]. En 1337, alors que le sacre dePhilippeVI n'avait pas fait l'objet de contestations dix ans plus tôt, le roi d'Angleterre, après six ans de négociations sur les contentieux franco-anglais, revendique la couronne de France.PhilippeVI saisit l'occasion pour en découdre : laguerre de Cent Ans commence[BA 9].
Leduché de Bretagne est proche culturellement d'une partie desîles Britanniques et fait partie de la sphère d'influence économique de l'Angleterre, à laquelle il fournit du sel. La Bretagne a eu les Plantagenêt comme suzerain auXIIe siècle, et laMaison d'Anjou profite des conflits entre les comtes de Nantes et les ducs de Bretagne pour prendre la tête du duché en 1156. Entre 1189 et 1204, les PlantagenêtRichardIer d'Angleterre dit « Richard Cœur de Lion », puisJean sans Terre s'opposent aux tentatives d'autonomie bretonnes, et la crise culmine avec l'assassinat supposé d'Arthur de Bretagne. Le duché bascule dans le giron capétien lorsquePhilippe Auguste parvient à placerPierre Mauclerc à sa tête[3].
En 1341, la mort deJeanIII de Bretagne sans héritier entraîne laguerre de Succession de Bretagne (ouguerre des deux Jeanne) entre les partisans deCharles de Blois soutenu par le roi de France et ceux deJean de Montfort soutenu par le roi d'Angleterre[C 1].
OlivierV de Clisson (voir enGénéalogie pour la numérotation de la dynastie), fils d'OlivierIV de Clisson et deJeanne de Belleville, naît le dans lechâteau de Clisson[G 1].
Son père, qui choisit le camp de Charles de Blois et du roi de France, est gouverneur militaire deVannes lorsque lesAnglais prennent la ville après lequatrième siège de Vannes en 1342. Prisonnier,OlivierIV est conduit enAngleterre et libéré contre une somme relativement peu élevée. Du fait du montant selon eux anormalement faible de cette rançon, le roi de FrancePhilippeVI et ses conseillers soupçonnent Clisson d'avoir intrigué avec le roiÉdouardIII d'Angleterre. Attiré par traîtrise àParis,OlivierIV est exécuté pardécapitation sur ordre du souverain français le[4]. Cette exécution expéditive choque la noblesse, la culpabilité de trahison n'étant à l'époque pas publiquement démontrée[N 1], puisque la décision a été le fait du roi, sans procès[5]. De plus la notion de trahison ne s'entend pas à l'époque de la même manière pour les nobles : ils revendiquent le droit de choisir à qui rendre hommage, sans pour autant être indigne[6]. Or l'exécution d'OlivierIV de Clisson s'accompagne d'une humiliation posthume : son corps est pendu par les aisselles à desfourches patibulaires augibet de Montfaucon à Paris, puis sa tête exposée à laporte Sauvetout à Nantes[5], tandis que le reste de son cadavre est exposé aux portes de Paris, outrages réservés aux dépouilles des grands criminels[C 2].
La veuve d'OlivierIV, Jeanne de Belleville, fait jurer à ses fils Olivier et Guillaume de venger leur père[R 1]. Elle consacre sa fortune à lever une armée pour assaillir les troupes favorables à la France stationnées en Bretagne. Menacée sur terre, elle fait armer deux navires et, toujours accompagnée de ses deux fils, mène une guerre depiraterie contre les bateaux français. Cette épopée s'achève lorsque des vaisseaux du roi de France s'emparent des navires de Jeanne de Belleville qui peut s'échapper avec ses deux fils à bord d'une barque. Les cinq jours de dérive suivants sont fatals à Guillaume, qui meurt de soif, de froid et d'épuisement. Olivier et sa mère sont recueillis àMorlaix par des partisans desMontfort, ennemis du roi de France[R 2].
C'est après ces épreuves qu'Olivier de Clisson est conduit par sa mère enAngleterre, alors qu'il est âgé de douze ans. Il est élevé à la cour d'ÉdouardIII avec le futurJeanIV,Jean de Montfort, alors prétendant au trône ducal deBretagne. Le roi d'Angleterre mise sur Montfort, héritier potentiel du duché, mais Olivier de Clisson est apprécié et est traité comme l'égal de Jean[H 1]. Jeanne de Belleville épouseGautier de Bentley, un noble anglais à la tête des armées britanniques œuvrant en Bretagne, vainqueur de labataille de Mauron en 1352. Pour ses services, Bentley reçoit de nombreux fiefs àBeauvoir-sur-Mer,Noirmoutier,Bouin, etc. L'oncle d'Olivier, Amaury, est conseiller d'ÉdouardIII. Au cours des dix ans passés à la cour deLondres, Clisson est donc héritier d'une puissance féodale. Ce n'est pas le cas de Jean de Montfort, qui dépend entièrement du bon vouloir du roi anglais[G 2]. Physiquement supérieur, Clisson fait figure de bras armé, celui qui peut militairement battre le roi de France[G 3].
Durant cette période,ÉdouardIII d'Angleterre prend le dessus sur les monarques français. Les victoires anglaises se succèdent, notamment àCrécy en 1346 etPoitiers en 1356. Les Anglais prennent le contrôle des mers lors de labataille de L'Écluse (1340) et tiennentCalais. La série de revers pousse certains princes telsCharles le Mauvais, roi deNavarre, et lesbourgeois de Paris, las de payer des impôts infructueux, à contester le pouvoir royal. Le successeur dePhilippeVI,Jean le Bon, est retenu prisonnier en Angleterre, son fils le dauphin, futurCharlesV, doit faire face à la révolte conduite parÉtienne Marcel en 1358[BA 9].
Après une dizaine d'années passées en Angleterre, Olivier, âgé de vingt-trois ans, accompagneÉdouardIII qui débarque en France en 1359 et mène une guerre de harcèlement dans lePoitou à la tête d'une armée anglaise[R 3]. Aux côtés deJeanIV de Bretagne, fils de Jean de Montfort, Olivier de Clisson va participer activement à laguerre de Succession de Bretagne qui dure depuis 1341, année de la mort deJeanIII de Bretagne.Jeanne de Belleville meurt en 1359 et le roi d'Angleterre confirme la jouissance par Clisson des possessions bretonnes de son beau-pèreGautier de Bentley.OlivierIV est réhabilité en 1360 par le roi de FranceJeanII le Bon en marge dutraité de Brétigny du, qui vise à désamorcer les sources de conflit entre la France et l'Angleterre et son alliée, la Bretagne. Ce traité ouvre une trêve de neuf ans entre les deux royaumes ennemis. Après la réhabilitation posthume de son père, Clisson retrouve ses droits sur les riches seigneuries familiales en 1361[G 4]. La même année, il se marie avecCatherine de Laval et de Châteaubriant, riche héritière de lafamille de Laval[7], et petite-fille du ducArthurII de Bretagne[G 5]. Dès lors, il devient à la foiscousin germain de Jean de Montfort et deJeanne de Penthièvre, la femme deCharles de Blois, ce qui fait de Clisson un parent du roi de France. Cette alliance lui ouvre des perspectives politiques nouvelles[G 6], d'autant qu'Olivier de Clisson est devenu en quelques années unféodal disposant de vastes terres et d'importants revenus[G 4].
Clisson fait partie des chefs de troupes qui secondent Montfort dans sa tentative échouée de prise deNantes, puis du siège deBécherel en 1363[M 1]. En, quelques mois après l'avènement deCharlesV,JeanIV profite de la situation troublée que connaît la France depuis la capture du roiJean le Bon pour porter un effort décisif avec les Bretons de son parti[R 4]. Aidé d'un corps anglais sous les ordres deJohn Chandos, ce capitaine qui avait décidé du sort de labataille de Poitiers en 1356,JeanIV assiègeAuray, ville au secours de laquelle se portentCharles de Blois et un corps de troupes françaises commandé parBertrand Du Guesclin[H 2].
Les deux armées s'affrontent sous les murs de la ville le. Les monfortistes y sont retranchés, et Jean de Monfort propose, pour pallier l'infériorité numérique de son armée, d'attaquer le camp français par surprise. Mais le commandement anglais retient la proposition d'Olivier de Clisson d'attendre que l'armée du roi de France soit contrainte de gravir la pente les menant à Auray, et mise sur la défensive, choix tactique que Clisson reprendra au cours de sa carrière militaire[H 2].
Le sort est d'abord indécis, mais les trahisons dans le parti de Blois, et l'appui apporté par Chandos et Olivier de Clisson[M 2] àJeanIV décident de l'issue de la bataille. Ils réussissent à disjoindre les troupes de Charles de Blois afin de les combattre séparément. Éloigné du gros de son armée, Charles de Blois est entouré par ses ennemis et tué dans la mêlée, tandis que Du Guesclin est fait prisonnier, et libéré contre une forte rançon en 1365. La guerre de succession prend fin avec cette bataille[R 5], au cours de laquelle Olivier de Clisson joue un rôle important[M 3], montrant l'exemple par son ardeur au combat ainsi que le relate l'historien de l'époque,Jean Froissart[C 3]. Au cours des combats, Clisson est blessé et perd l'usage d'un œil, ce qui lui vaut le surnom « l'Éborgné d'Auray »[G 7].
La veuve de Charles de Blois, Jeanne de Penthièvre, s'incline devant les événements, et les pourparlers de paix entre les maisons de Blois et de Montfort commencent au château deBlain qu'Olivier vient de recouvrer.
Par letraité de Guérande de 1365,JeanIV, surnomméle Conquérant, est reconnu seul duc de Bretagne.OlivierV se repose àBlain, soignant sa blessure, lorsqu'il apprend queJeanIV a préféré donner à l'AnglaisJohn Chandos le château duGâvre et saforêt. Or, Olivier de Clisson les convoite en récompense de ses bons et loyaux services. Alors qu'il exprime son mécontentement au duc, celui-ci lui répond évasivement. Clisson, saisi de colère, s'écrie« J'aimerais mieux me donner au diable que de voir l'Anglais mon voisin » et, quinze jours plus tard, incendie le château du Gâvre et en fait transporter les pierres en son château deBlain à quelques kilomètres au sud[R 6]. Le duc lui confisque alors la seigneurie deChâteauceaux.
JeanIV envoie Clisson à Paris en ambassade auprès deCharlesV pour obtenir du roi de France des garanties quant au respect du nouveau statut de la Bretagne après le traité de Guérande. Le,OlivierV est reçu en grande pompe, le monarque français n'hésitant pas à flatter l'orgueil de Clisson pour détourner celui-ci des Montfort[G 8]. En 1367, Olivier de Clisson participe, en tant que général anglais aux côtés deRobert Knolles et sous le commandement duPrince noir, à labataille de Nájera (Castille) face aux troupes commandées parBertrand Du Guesclin. Les Français perdent le combat et Du Guesclin est fait prisonnier pour la seconde fois[G 9]. En 1369 par contre, Clisson combat côté français. Au printemps, il déconseille au roi de chercher à débarquer en Angleterre étant donné la faiblesse de la flotte française, et en août de la même année,OlivierV échoue, avec Amaury de Craon, à prendreSaint-Sauveur-le-Vicomte aux Anglais[8], échec dû à sa double allégeance, puisqu'il est contraint de lever le camp pour aller négocier au nom deJeanIV auprès deCharlesII de Navarre[H 3].CharlesV, pour s'attacher les services de Clisson, lui restitue les possessionsnormandes d'OlivierIV, le dispensant de certains impôts[G 10].
Ce sont ces terres normandes que Clisson échange contre la seigneurie deJosselin avec le comte d’Alençon, son cousin, en 1370[G 11],[9]. Quelques mois plus tard, Clisson formalise son changement de camp, puisqu'il signe une charte établissant la suzeraineté du roi de France sur Josselin, située en plein cœur de la Bretagne ducale[G 12],[H 4].OlivierV, dont le tempérament s'accommode mal de la vassalité, n'est pas fait pour s'entendre avec le duc et ne supporte plus les Anglais qui l'entourent. De son côté, le duc n'a aucune sympathie pour celui à qui il doit en grande partie sa couronne ducale. Jusqu'en 1396, la lutte entre les deux hommes marque l'histoire de la Bretagne[R 6].
Charles V fait alors appel à Olivier de Clisson pour mettre fin aux agissements desgrandes compagnies qui, sans engagement après la victoire anglaise en Espagne, pillent le sud-ouest de la France. Clisson entre au service de la monarchie française pour la première fois[G 10]. Le, Clisson s'allie avecDu Guesclin, par le serment dePontorson : « Nous, Olivier, seigneur de Cliçon, voulons estre alié et nous alions à toujours à vous, messire Bertran Du Guesclin, dessus nommé, contre tous ceulx qui peuvent vivre et mourir, excepté le roy de France, ses frères, le vicomte de Rohan et noz autres seigneurs de qui nous tenons terre (...) ».
Bertrand Du Guesclin est depuis le de la même annéeconnétable deCharlesV et ennemi du duc de Bretagne. Aidé de Clisson, il est vainqueur des Anglais lors de labataille de Pontvallain, premier des succès dont Du Guesclin tirera sa renommée, bien que la compétence militaire de Clisson ait été déterminante pour compenser le manque de vision stratégique de son nouvel allié[H 5]. Les termes du serment de Pontorson entre les deux nouveaux alliés précisent que les bénéfices des éventuelles conquêtes sont partagés par moitié[G 13]. Cette alliance est révélatrice de l'état général desliens vassaliques, le temps ayant conduit à une situation où ces liens sont entremêlés et inextricables, chacun devenant libre de choisir son camp selon les intérêts du moment. La fraternité d'armes est devenue supérieure au lien vassalique, Clisson respectera le serment fait à Du Guesclin[M 4]. Par ce pacte, Clisson devient un fidèle desValois, meurtriers de son père. La même année, lors d'un raid deRobert Knolles aux portes de Paris, il conseille au roi une tactique prudente, une stratégie défensive pour éviter une bataille rangée sans l'avoir suffisamment préparée ; Knolles se détourne de la capitale[M 5].
Le roi de France choisit d'attaquer les Anglais dans leurs possessions du sud-ouest de la France, laGuyenne. Bertrand Du Guesclin et Olivier de Clisson partagent le commandement militaire et, tandis que le premier mène le combat enAuvergne et enRouergue, le second s'en prend aux positions anglaises duPoitou, deSaintonge et d'Anjou au cours de l'. Les Anglais ripostent en menant une expédition contre la place forte deMoncontour, qui chute après dix jours de siège. Olivier de Clisson est chargé parCharlesV de reprendre la ville[R 7].
Clisson tardant à prendre la place, et personnellement humilié par un noble assiégé[M 6], Du Guesclin se joint au combat. La ville est reprise en 1372, victoire suivie de la prise de nombreuses autres cités dontLoudun,Saint-Jean-d'Angély etSaintes. Les habitants deLa Rochelle se chargent eux-mêmes de maîtriser la garnison anglaise avant d'ouvrir leurs portes aux troupes françaises[R 8].
La guerre est menée de manière cruelle par les deux camps. À plusieurs reprises, comme lors de la prise deMoncontour, les Anglais n'épargnent que les prisonniers pouvant payer rançon. L'écuyer d'Olivier de Clisson est capturé par l'ennemi àBenon en Saintonge, torturé et tué. Par vengeance, Clisson, après avoir pris la citadelle, exécute lui-même les quinze prisonniers capturés à cette occasion. Il a de même la réputation de ne pas hésiter à mutiler les ennemis captifs, leur coupant un bras ou une jambe. Du Guesclin affirme« Dieu ! Par le corps de saint Benoît, les Anglais ne se trompent pas quand ils l'appellent le boucher ! »[R 8]. Ce surnom reste associé à Clisson dans l'histoire[10].
Après la victoire surCharles de Blois et l'accession au titre ducal,JeanIV estdébiteur financier auprès du roi d'AngleterreÉdouardIII. À l'image de Thomas Melbourne, receveur général et trésorier du duché, certains des conseillers deJeanIV sont les Anglais qui l'ont entouré lors de son exil. La rancœur exprimée par Olivier de Clisson contre le duc dès 1365 est peu à peu partagée par d'autres nobles bretons[C 4]. À cela s'ajoute le mécontentement populaire consécutif à la mise en application d'un impôt ducal permanent, lefouage. Constamment obligé de louvoyer entre la pression française, la contestation du puissant parti Clisson-Penthièvre et son lien de vassalité avec le souverain anglais[C 5], le duc de Bretagne choisit en 1372 de signer un traité d'alliance avec l'Angleterre[G 14], accord habile de la part du duc breton au regard des avantages qu'il en tire[G 15]. Mais les termes signifient nettement, aux yeux du roi de France, la soumission à la couronne anglaise[G 14]. Le duc tente de calmer le monarque français en expliquant qu'il est contraint d'accueillir des troupes anglaises pour contrer Olivier de Clisson, sans succès[J 1]. Le,CharlesV ordonne à Bertrand Du Guesclin de s'emparer du duché. Pour s'assurer du soutien de Clisson, il lui donne la seigneurie deGuillac[G 14].
Du Guesclin et Clisson mènent alors une guerre de propagande à destination de la noblesse bretonne pour discréditer la politique deJeanIV. Des troupes anglaises stationnent àDerval,Rougé,Brest,Saint-Mathieu. Plus grave encore pour les intérêts des nobles bretons, des Anglais reçoivent toujours des seigneuries et des rentes importantes. Malgré la faiblesse quantitative de ces récompenses données à ses alliés,JeanIV est jugé trop soumis aux Anglais[M 7]. Abandonné par la majorité de la noblesse bretonne, il est contraint à l'exil et traverse la Manche le[M 8].
Clisson aurait pu prétendre au titre de duc, maisCharlesV choisit de mettre la main sur la Bretagne, et place son frère, leduc d'Anjou, marié à unePenthièvre, fille deCharles de Blois, à la tête du duché, avec le titre de « lieutenant du roi »[G 15]. Mais cette nomination n'est qu'honorifique, le duc d'Anjou ne se rendant jamais en Bretagne. Olivier de Clisson est nommé régent pour la partiegallophone, etJeanIer de Rohan pour la partiebrittophone. Les deux s'entendent parfaitement et deviennent parents par la suite[G 16].
Sur le plan militaire, l' débute par le siège deDerval, lieu symbolique puisque le château de la cité est propriété deRobert Knolles.Concarneau est conquise, et tous les Anglais la défendant sont tués[R 9].JeanIV obtient que leduc de Lancastre intervienne dans le duché breton à la tête de dix mille hommes[R 9].JeanIV reprendSaint-Pol-de-Léon et assiègeSaint-Brieuc. Dans le Sud de la Bretagne, Olivier de Clisson assoit sa domination militaire. Le duc de Bretagne tente de le capturer en assiégeantQuimperlé, mais une trêve conclue entre les rois de France et d'Angleterre l'empêche de profiter d'une situation quasi-désespérée pour Clisson[R 10]. À la reprise des combats, l'avantage va au Français. Le siège deBrest dure de 1373 à 1377 ; Olivier de Clisson fait construire la forteresse de Guesnou pour interdire l'accès à la ville par la mer. Brest est la dernière possession anglaise en Bretagne[R 10]. Après la prise d'Auray parOlivierV en 1377,JeanIV n'est le suzerain que de Brest et d'une petite partie de la péninsule duFinistère[J 2].
Clisson fait duchâteau de Josselin une imposante place-forte. Sur la base d'un fort édifié auXIIIe siècle, il bâtit une forteresse de 4 500 m2 disposant de neuf tours et d'un donjon de 26 mètres de diamètre et 32 mètres de hauteur[11]. Il épouse en secondes nocesMarguerite de Rohan, sœur du vicomteJeanIer de Rohan, en 1378. Immensément riche, il apparaît alors comme le chef du parti français en Bretagne[G 17].
Charles V fait le choix politique d'annexer la Bretagne au royaume de France le, ce qui provoque un revirement de la noblesse bretonne, y comprisJeanne de Penthièvre, puisque letraité de Guérande n'est plus respecté[G 18]. Le roi de France demande à quatre grands seigneurs bretons jusqu'ici fidèles à la France de donner leur position sur le sujet.Guy XII de Laval refuse de lutter contre Jean IV, Rohan promet timidement son aide, Clisson et Du Guesclin affirment leur fidélité auValois[M 9]. Jean IV retrouve des appuis sur sa terre natale, un gouvernement provisoire breton ayant été créé pour faire face au roi de France. Clisson voit s'échapper là une chance de prendre le titre de duc[G 18]. Il ne parvient pas à convaincre le roi de France que le duc de Bretagne a de nouveau passé un accord secret avec le roi d'Angleterre,Richard II, et souligne vainement que si Jean IV est entouré de beaucoup moins d'émissaires d'outre-Manche qu'auparavant, il a pour conseiller un proche du roi anglais[J 3]. Jean IV est rappelé en Bretagne, et recouvre son duché à l'exception des terres tenues par Olivier V, notammentNantes dont ce dernier est brièvement institué gouverneur en 1379[12]. Le duc parvient à rallier lesRohan, Jean Ier devenant sonchancelier. C'est un échec pour Clisson, qui mise alors tout sur le royaume de France[G 19].
Après la mort de Du Guesclin, le roiCharles VI, peu après son sacre à l'âge de douze ans, élève Olivier de Clisson au rang deconnétable de France le[R 11], avec le soutien du duc d'Anjou et malgré l'opposition des ducs deBerry et deBourgogne, tous trois oncles du roi, et après que les deux autres candidats,Louis de Sancerre et le sire de Courcy, ont décliné l'offre considérant que Clisson était le plus apte[R 12]. Outre le fait d'avoir prouvé ses compétences au combat, Olivier V est breton comme Du Guesclin, à une époque où les mercenaires bretons formés lors de la guerre de Succession de Bretagne sont prépondérants[A 1]. Le rôle deconnétable est très important politiquement, et il donne le droit à Clisson de conserver le butin de guerre hormis l'or, l'argent et les prisonniers, privilège dont Olivier de Clisson saura tirer profit[R 12].
Face au deuxième personnage du royaume[G 20], le duc de Bretagne ne peut considérer Clisson comme un simple vassal[J 4] ; peu de temps après lesecond traité de Guérande du qui normalise les relations entre le duché de Bretagne et le royaume de France, Jean IV et Clisson signent un traité de « bons alliés » le[G 21], renouvelé le[G 22]. La rivalité des ducs deBerry et deBourgogne avec Clisson permet à Jean IV d'obtenir des appuis côté français[J 4].
À la suite de la révolte enFlandre contestant le pouvoir féodal, le roi de FranceCharles VI décide d'intervenir pour aider son allié le comte de Flandre,Louis de Male. L'appel à l'aide vers l'Angleterre ne permet aux Flamands insurgés d'obtenir qu'un faible soutien militaire[R 13]. Après avoir mené l'armée royale vers celle des révoltés[A 2], le, Olivier V de Clisson conduit ses troupes à la victoire lors de labataille de Roosebeke au cours de laquelle vingt-cinq mille hommes sont massacrés[R 14]. Le connétable a su appliquer une tactique efficace[A 3]. Ce sont donc des milices bourgeoises composées d'artisans et de commerçants que les troupes aguerries d'Olivier de Clisson écrasent dans le sang. Les troupes françaises se livrent à un pillage massif[R 13].
Le soulèvement flamand provoque des désirs d'émancipation à Paris. La décision de rétablir un impôt aboli par Charles V soulève les bourgeois de Paris lors de larévolte des Maillotins en[A 4]. Le départ du roi Charles VI parti accompagner ses troupes en Flandre donne l'espoir d'un affaiblissement du pouvoir royal aux bourgeois parisiens[A 5]. Mais la puissance des troupes de Charles VI, victorieuses en Flandre, reste intacte et les Parisiens ne choisissent pas l'affrontement. L'armée conduite par Olivier de Clisson entre dans la capitale et exécute la répression[A 6]. En, Clisson et le sire d'Albret font comparaître les riches bourgeois, et leur signifient :« Corps et biens, vous êtes en cas de forfaiture. Voyez ce que vous choisissez : justice ou miséricorde. » Ils choisissent miséricorde, c'est-à-dire le versement d'une forte somme en fonction de la fortune de chacun[A 7]. L'entourage du roi est enclin à lamagnanimité et à l'abandon d'une partie des « amendes »[A 7], l'hôtel de Clisson est baptisé par les bourgeois parisiens « hôtel de la Miséricorde »[G 23].
Le traité qu'il a signé avec Jean IV n'empêche pas Olivier de Clisson de payer en 1384 la rançon du comte de Penthièvre, alors otage en Angleterre,Jean de Blois, fils deCharles de Blois, l'ennemi des Montfort. De plus, Clisson lui donne sa filleMarguerite, dite Margot, en mariage[R 15]. Selon les clauses dutraité de Guérande, Jean IV n'ayant pas d'enfant mâle, Jean de Blois, fils deJeanne de Penthièvre, est alors héritier du duché[G 24].
Le connétable de Clisson monte à partir de 1384 le projet d'envahir l'Angleterre et fait construire une « ville en bois », immense radeau fortifié et démontable. Pour transporter les troupes, mille trois cents navires sont rassemblés, protégés par quatre-vingt-dix-sept vaisseaux de guerre. Cette opération très onéreuse n'aboutit pas : au moment de sa réalisation, en, l'attente des troupes duduc de Berry, un des oncles du roi, se prolonge, et ce retard, semble-t-il volontaire, empêche le bon déroulement de l'opération[R 16], d'autant que le duc de Bourgogne tombe malade[A 8]. Le mauvais temps empêche la réalisation du projet, qui est finalement abandonné en 1387[R 16], alors que Clisson est enlevé par Jean IV, ce qui provoque une nouvelle tension franco-bretonne et détourne Charles VI de l'Angleterre[A 8].
En, Olivier de Clisson est invité par Jean IV à assister à la session duparlement de Bretagne, à Vannes, et à inaugurer lechâteau de l'Hermine que Jean IV a fait construire. Le, le connétable est saisi et emprisonné, et le duc de Bretagne ordonne qu'on l'exécute (il était prévu d'enfermer Clisson dans un sac, et de le jeter à l'eau), mais cet ordre n'est pas suivi parJehan de Bazvalan, maître d'armes de Jean IV, qui se contente de le maintenir enfermé. Au matin, Jean IV s'enquiert du sort de Clisson, et Jean de Bazvalan avoue la non-exécution de l'ordre, et le duc le remercie finalement de cette prudence. Clisson doit payer une forte somme et remettre à Jean IV les forts de Blain, Josselin, Jugon et Le Guildo. Le roi de France rend un arbitrage en 1388 qui restitue au connétable les terres confisquées, mais pas la rançon[R 17]. Il s'agit de ménager le duc, afin d'éviter que la Bretagne ne serve de point d'appui aux armées anglaises[G 25].
Côtoyant le roi depuis que celui-ci a douze ans, Clisson joue un rôle particulier, que l'historienneFrançoise Autrand qualifie d'avunculaire, c'est-à-dire qu'il est considéré comme l'oncle du monarque. Arrivé à sa majorité en 1388 à l'âge de quinze ans, Charles VI décide de gouverner sans ses véritables oncles, le connétable de Clisson fait partie du groupe qui est à la tête du gouvernement[13] : outre Clisson, connétable, on trouve lechambellan de Charles VBureau de La Rivière,Jean Le Mercier promugrand maître de l'Hôtel du roi, etJean de Montaigu[A 9]. Cet épisode politique est connu sous le nom de « gouvernement desmarmousets ». Clisson, pourtant chef de guerre, est adepte de la notion de bon gouvernement, de l'allègement des impôts, de la prise en compte des doléances des sujets[A 10].
Dans le même temps apparaît un changement dans la stratégie de la couronne de France. Jusqu'alors le roi de France mise sur Clisson, chef de file de la famille bretonne qui peut postuler au titre de duc si Jean IV n'a pas d'héritier mâle. Or le duc de Bretagne, a un fils avecJeanne de Navarre, prénomméJean lui aussi, qui naît le. Sa succession semble donc assurée, et la monarchie française mise moins sur Clisson et plus sur un accord avec Jean IV[G 25].
En 1392, il reprend aux Anglais l'île d'Yeu[N 2], dont le château-fort a été construit par son pèreOlivier IV[14]. Le, alors qu'il se rend de l'hôtel Saint-Paul à sonhôtel particulier, Olivier V de Clisson fait l'objet d'une seconde tentative d'assassinat, à l'entrée de larue de la Culture-Sainte-Catherine àParis, menée parPierre de Craon. Après l'échec de l'agression, au cours de laquelle Clisson est blessé, de Craon affirme qu'il a commis son acte seul, contre un ennemi personnel, mais pour l'entourage du roi de France c'est le duc de Bretagne qui est l'instigateur de cet attentat. Jean IV ayant refusé de livrer le criminel au roi, Charles VI prend en la tête d'une armée pour attaquer le duché breton, mais dans les environs duMans, il est frappé par sapremière crise de folie qui met un terme à l'expédition[R 18].
Lorsque Charles VI entre pour la première fois dans une phase de démence, les oncles du roi reviennent au pouvoir. Ils en chassent les Marmousets et en premier lieu Olivier de Clisson, qui est destitué de sa charge de ministre[R 19]. Le parlement le juge « faux traître », le condamne le pour s'être enrichi illégalement au bannissement du royaume et au versement de deux cent millelivres, ainsi qu'à la restitution de l'épée de connétable[G 27]. Clisson refuse de rendre l'épée et se réfugie d'abord auchâteau de Montlhéry, puis en Bretagne en sonchâteau de Josselin. Jean IV veut profiter de la disgrâce de son ennemi et assiège Josselin en1393[G 28]. En1394, Charles VI redonne sa confiance à Olivier V et, bien quePhilippe d'Artois lui ait succédé en 1392, le roi confirme Clisson dans sa fonction de connétable, ce qui lui permet de tenir tête militairement au duc, notamment àSaint-Brieuc[G 29]. En1397,Louis de Sancerre est nommé connétable en remplacement de Philippe d'Artois décédé, mais Clisson conserve le privilège d'être le détenteur de l'épée. Cette mêmeannée 1397 il conclut une alliance avecLouis d'Orléans, frère du roi Charles VI[15].
Après trente ans de conflit, par l'entremise duduc de Bourgogne[J 5], Clisson se réconcilie en1396 avec son suzerainJean IV de Bretagne. Ce dernier lui envoie son fils comme garant de sa sincérité et le fait venir àVannes. Ils se promettent paix loyale et bonne amitié jusqu'à la mort. La promesse est tenue, les deux hommes sont en paix lorsque le duc Jean IV meurt en 1399[R 20]. Son fils n'a que dix ans, et la régenteJeanne de Navarre épouse le roiHenri IV d'Angleterre.Louis d'Orléans propose à son frère Charles VI de confier le gouvernement de la Bretagne à Olivier de Clisson, pour éviter qu'elle passe sous domination anglaise. Mais c'est finalementPhilippe le Hardi qui devient régent du duché[A 11].
Marguerite de Clisson, fille d'Olivier, surnommée Margot, prenant le parti de son mariJean de Bretagne, comte de Penthièvre, et de ses prétentions sur le duché, s'attire la colère de son père qui lui aurait prédit :« Perverse, tu seras la ruine de tes enfants ». Prédiction qui se vérifiera, puisque deux des fils seront exécutés pourlèse-majesté après avoir enlevé le duc et le troisième sera emprisonné durant vingt-cinq ans[R 20]. L'affrontement de Clisson et de sa fille en 1399 a donné lieu à une légende selon laquelle il l'aurait de colère menacée avec unépieu. Dans sa fuite, Marguerite se serait cassé la jambe, incident expliquant la claudication qui lui vaut le surnom de « Margot la boiteuse ». Cette légende a sans doute été inventée par le clan adverse après 1420[R 21].
En 1401, leduc de Bourgogne menaçant Paris,Louis d'Orléans obtient l'appui d'une cinquantaine de vassaux dont Clisson, qui envoie ses troupes[15]. Olivier V préside àRennes en1402, en tant que tuteur, les cérémonies du couronnement du jeune ducJean V de Bretagne, fils de Jean IV, temporairement placé sous la régence du ducPhilippe II de Bourgogne[R 20]. Jean V, devenu duc régnant en1404, prend à son égard des mesures vexatoires, et, en représailles d'un procès que Clisson lui intente, veut confisquer ses terres et n'accepte qu'au dernier moment une transaction financière.
Peu après avoir fait mentionner dans son testament le souhait de voir restituer l'épée de connétable qu'il détient toujours[G 30], Olivier de Clisson meurt à Josselin le[16],jour de son71e anniversaire[17]. Il est alors enterré dans la chapelle du château de Josselin où sa tombe est profanée en1793[11].
Clisson porte lestitres de noblesse decomte de Porhoët[G 31],baron de Pontchâteau, « sire de Clisson, de Porhoët, de Belleville et de la Garnache »[G 32], Clisson et Belleville étant le nom des seigneuries respectives de son père (qui était chevalierbanneret) et de sa mère. Du vivant du connétable, son nom est orthographié indifféremment « Clisson », « Cliczon » ou « Cliçon »[G 33].
La numérotation des Olivier de Clisson a changé au fil des découvertes historiques. Il arrive de rencontrer des évocations d'Olivier V sous le nom d'Olivier IV, voire Olivier III. Olivier V est identifiable par ses dates de naissance et de décès, ou par sa fonction, le terme de connétable étant attaché à son nom.
Selon la généalogie établie par Michèle Buteau en 1970, reprise parYvonig Gicquel en 1981, Olivier V hérite d'une seigneurie transmise par Guillaume Ier (vers 1175 - entre 1218 et 1225),Olivier Ier (vers 1205 - vers 1262),Olivier II (vers 1226 - vers 1307),Olivier III (vers 1280 - 1320),Olivier IV (vers 1300 - 1343).
Cependant, en 1996, John Bell Henneman conteste l'existence d'un Olivier II, né vers 1226 et mort vers 1307, qui aurait été frère de Guillaume II de Clisson, et dont serait issue la série des Olivier. Cet historien considère que Guillaume II est l'arrière-grand-père du connétable de Clisson, nommant celui-ci Olivier IV[H 6].
Le préfacier du livre d'Henneman sur Olivier de Clisson, l'historienMichael Jones, utilise, lui, le nom « Olivier IV » pour désigner le père du connétable, ce qui accréditerait l'emploi de « Olivier V »[H 7]. D'autre part, Jean-Pierre Brunterc'h, en 2003, reprend également la numérotation deI àV des Olivier de Clisson, en précisant les périodes de prise du titre de seigneur de Clisson d'Olivier I (vers 1220-1262), d'Olivier II (vers 1262-1298) et d'Olivier III (vers 1307-1320)[18] (voirfamille de Clisson). Dans cet article, le connétable est donc identifié comme Olivier V, qui semble la numérotation correspondant à la généalogie la plus retenue parmi les spécialistes.
Guillaume Ier de Clisson épouseConstance de Rohan. Olivier Ier s'unit à Plaisou de Penthièvre, dame dela Roche-Derrien.
Olivier II de Clisson (vers1236-vers1307), seigneur de Clisson | ||||||||||||||||
Olivier III de Clisson (vers1280-1320), seigneur de Clisson | ||||||||||||||||
Jeanne Bertrand de Bricquebec (vers1260-?), dame deThury et de Tuit | ||||||||||||||||
Olivier IV de Clisson (vers1300-1343), chevalier banneret, sire de Clisson | ||||||||||||||||
Maurice VI de Craon (vers1255-1292), seigneur de Craon | ||||||||||||||||
Isabeau de Craon (vers1277-1350) | ||||||||||||||||
Mahaud de Mechelen (vers1255-1306), dame deMalines | ||||||||||||||||
Olivier V de Clisson (1336-1407), connétable de France, sire de Clisson, de Porhoët, de la Garnache et de Belleville | ||||||||||||||||
Maurice III de Belleville-Montaigu (vers1234-vers1292), seigneur deChâteaumur | ||||||||||||||||
Maurice IV de Belleville-Montaigu (après1260-1308), chevalier | ||||||||||||||||
Jeanne de Châteaumur (vers1235-après1286), dame de Châteaumur | ||||||||||||||||
Jeanne de Belleville (vers1300-1359), Jeanne-Louise de Belleville-Montaigu, dame de Montaigu, dame de Palluau | ||||||||||||||||
Guillaume VI de Parthenay-l'Archevêque (après1250-après1315), baron de Parthenay | ||||||||||||||||
Létice de Parthenay (après1275-?) | ||||||||||||||||
Jeanne de Montfort-le-Rotrou (vers1250-1291), dame deMontfort-le-Rotrou | ||||||||||||||||
Olivier V[R 22] se marie le àCatherine de Laval, petite-fille d'Arthur II de Bretagne et cousine deJean IV de Bretagne. Devenu veuf, il épouse en secondes noces en 1378Marguerite de Rohan (v. 1330-1406), fille d'Alain VII de Rohan[R 22],[19]. Marguerite est veuve deJean IV de Beaumanoir, héros de la noblesse bretonne, chef des Bretons du parti de Charles de Blois qui affrontent les Anglais lors ducombat des Trente, dont elle a eu trois filles. Une sœur de Clisson, Isabeau, est unie vers 1338 àJean de Rieux. Avec ces différentes unions, Olivier V est lié aux plus grandes familles nobles de Bretagne[G 17].
Clisson a deux filles, nées de son union avec Catherine de Laval.
L'aînée, Béatrix (née avant 1366 - morte en 1448), épouse en 1380Alain VIII de Rohan. Leur fils,Alain IX de Rohan, épouse Marguerite, sœur deJean V. Cette branche de lafamille de Rohan a eu un destin florissant, s'est perpétuée, et possède lechâteau de Josselin auXXIe siècle[R 23] (Josselin de Rohan, sénateur duMorbihan de 1983 à 2011, détenteur du titre de duc de Rohan, est descendant à la19e génération d'Olivier V[G 34]).
Marguerite (1366 - 1441) épouse leJean Ier de Châtillon, fils deJeanne de Penthièvre, duchesse de Bretagne, et deCharles de Blois[20]. Reprenant le flambeau du parti des Penthièvre pour la conquête du trône ducal, elle prend en otageJean V, fils de Jean IV, qu'elle fait détenir auchâteau de Clisson. Elle est vaincue et ses biens sont confisqués par Jean V.
Le détail des possessions d'Olivier V de Clisson juste avant sa mort est conservé, un testament ayant été transmis à ses descendants[21].
![]() | Blasonnement : De gueules au lion d'argent armé lampassé et couronné d'or |
Ladevise d'Olivier V de Clisson est :« Pour ce qui me plaist ». Sur les édifices qu'il fait construire, il fait apposer un « M » majuscule. La première trace de ce symbole apparaît avant 1359 sur une pièce frappée en Angleterre. Cette pièce figure« un lion à queue fourchue et passée en sautoir, dans une rosace à six lobes ». Le tout est bordé« de couronnes et de M gothiques ». Sur l'autre face apparaît une croix fleurdelysée et quatre lions, ainsi que la légende :« Maria Gratia Plena ». Le M serait donc à l'origine celui deMaria[G 35].
À sa mort, Olivier V de Clisson détient les forteresses deJosselin,Blain,Champtoceaux etClisson, ainsi quePontorson,Jugon,Moncontour,Palluau,La Garnache[R 24]. La plus emblématique de ces forteresses est celle de Josselin, qui était dotée de remparts de 25 mètres jalonnés de neuf tours et d'une tour de 90 mètres de circonférence et de hauteur, dimensions hors normes à l'époque, et qui traduisait la volonté politique de défier le pouvoir ducal dont le siège était alors àVannes[G 36].
À sa mort, Olivier V porte les titres de seigneur de Clisson, de Porhoët, de Belleville, de la Garnache[G 32]. Le patrimoine qu'il a hérité ou acquis se situe en pays dePenthièvre sur la côte nord de la Bretagne (Côtes-d'Armor), en pays dePorhoët (Josselin), pays de Clisson et dans le nord duPoitou. Ses possessions bretonnes représentent 20 % de la population de la Bretagne. Il possède également la seigneurie deVillemomble enÎle-de-France[R 25]. Il dispose d'un hôtel àParis, l'hôtel de Clisson[R 26]. Au total, il détient plus de soixante propriétés : dix-sept enPoitou, trois enAnjou, huit enNormandie, le reste enBretagne[G 37].
Olivier V se révèle bon gestionnaire, et sait augmenter les revenus de ses biens. Le droit féodal lui permet de percevoir des revenus des paroisses qu'il détient ; des affermages et redevances en nature des très nombreuses exploitations agricoles dont il dispose ; des coupes de bois des forêts duPorhoët, de la forêt deBlain, de laforêt du Gâvre[R 25] ; de la vente du sel de labaie de Bourgneuf et deNoirmoutier ; du commerce du vin en Pays nantais, notamment autour de Clisson ; des droits debanalités ; desdroits de franc-fief ; des taxes sur les ventes d'animaux ; des péages sur les ponts[R 27].
Grand féodal, il acquiert constamment des terres dont il tire des revenus, mais il a également eu une approche « capitaliste »[G 38]. Il affrète notamment deux navires de commerce[R 27]. Et surtout il bénéficie de prêts consentis[G 38]. Olivier V perçoit des intérêts à la suite de prêts au papeClément VII, à la famille royale, à de grands seigneurs, aux armateurs bretons, aux marchands et aux paysans[R 27]. En outre, la position de Clisson au sommet de l'État du royaume de France lui permet de bénéficier d'informations lui permettant de spéculer sur les dévaluations des monnaies[G 39].
En tant queconnétable de France, Clisson perçoit des appointements importants, auxquels s'ajoutent les prises de guerre puisqu'il peut conserver tout hormis l'or, l'argent et les prisonniers[R 12]. Ses émoluments en tant que connétable s'élèvent, en temps de paix, à douze fois le montant du salaire du plus haut fonctionnaire du duché de Bretagne, le chancelier. En temps de guerre, le rapport est de 1 à 24[G 40]. Le connétable, en temps de paix, gagne en un mois le salaire qu'un maçon de l'époque perçoit en trente années de travail plein[G 41].
En fonction des éléments précisés dans ses testaments,Yvonig Gicquel estime que les revenus annuels d'Olivier de Clisson vers 1400 avoisinent cinq cents millions de francs de 1981[G 42], ce qui représente environ cent-quatre-vingt millions d'euros de 2013 selon la table de correspondance présentée par l'Insee[22]. Lors de l'estimation de ses biens pour le partage de son héritage, sa fortune est évaluée à six tonnes d'or et soixante tonnes d'argent[R 27]. Il était selon Yvonig Gicquel« l'un des plus riches hommes de son temps »[G 43].
Olivier de Clisson mène une vie luxueuse, mais ses dépenses somptuaires, contrairement à une grande partie de la haute noblesse, sont maîtrisées[G 44]. Il porte des vêtements à la mode, renouvelle sa garde-robe par souci d'élégance, la liste des vêtements figurant dans son testament donne une image de « coquetterie » vestimentaire. Il adopte une mode qui choque une partie de ses contemporains, la mode des « vêtements courts »[G 45].
Il participe à de grandes cérémonies officielles, particulièrement lors de sa connétablie. Il revêt alors un manteau de velours bleu orné de fleurs de lys d'or. Lors du sacre de Charles VI, il tient entre ses mains lasainte ampoule. Plus généralement, Clisson aime les cérémonies militaires, les parades, les fêtes fastueuses[G 45].
À la fin de sa vie, probablement sous l'influence deMarguerite de Rohan, il consacre de l'argent à des œuvres chrétiennes. Il fait rénover et agrandir labasilique Notre-Dame du Roncier à Josselin, fonde le collège Notre-Dame-de-Clisson et fait des dons testamentaires aux ordres mendiants bretons. Olivier V est célébré dans lenécrologe des cordeliers deRennes[G 46].
Dans la période où il est considéré comme étant mineur,Charles VI est principalement sous l'influence du ducPhilippe II de Bourgogne, son oncle. Mais celui-ci joue son propre jeu, défend ses intérêts, et Charles VI prend ombrage de cette tutelle lors de l'épisode de latentative avortée de débarquement en Angleterre. Charles VI partage sa colère avec Clisson, maître d'œuvre du projet, dont l'influence grandit auprès du roi[B 1]. Le fiasco militaire de la campagne pour aider lecomté de Brabant, voulue par le duc de Bourgogne, accélère la décision du roi, poussé par son jeune frère qui est sensible aux arguments de Clisson et des autres anciens conseillers deCharles V[B 2]. Le connétable etBureau de la Rivière notamment conseillent à Charles VI de s'émanciper de ses oncles[B 3].
Lorsqu'il décide à sa majorité de gouverner sans les princes, Charles VI donne l'occasion à Olivier de Clisson de faire partie du gouvernement. Il devient membre du Conseil royal, du fait de son rang de connétable[B 4]. Deux autres dirigeants militaires l'y accompagnent : les maréchauxde Sancerre etde Blainville. La politique est avant tout menée par Bureau de la Rivière etJean Le Mercier[B 4]. Ce gouvernement, dit desmarmousets, apparaît novateur. La volonté est de trancher avec la régence des oncles du roi, qui ont puisé dans les caisses de l'État pour leur intérêt personnel. Une des premières actions des marmousets est de réprimer les abus commis par les fonctionnaires royaux[B 5]. La question de l'impôt était source de mécontentement social. Les marmousets s'efforcent de le diminuer, de le rendre plus équitable, et rêvent de le rendre exceptionnel. Ils souhaitent que les recettes de la monarchie viennent des revenus du domaine royal[B 6]. Devant l'impossibilité de revenir à ce fonctionnement, ils créent la cour des Aides et la cour du Trésor, destinées à résoudre les conflits entre les contribuables et l'État, et instaurent une discipline de contrôle dans la chaîne de perception de l'impôt[B 7].
Les historiens retiennent des marmousets leur grande unité[B 8]. Olivier V adhère donc sans doute aux mesures prises. Selon l'historienneFrançoise Autrand, les liens de Clisson et de Charles VI jeune sont forts[A 12], le connétable est sans doute écouté dans la manière de gouverner. En tant que chef militaire, il a face à lui un jeune homme fougueux qui rêve de combat héroïque. Or la période des marmousets est marquée par la paix, la notion de« bon gouvernement » mise en avant par le Conseil royal exigeant, au contraire de l'action de l'oncle du roi le duc de Bourgogne, la fin des combats pour assurer la prospérité[B 9]. Cette politique de paix raisonnée est balayée après l'attentat de Craon contre Clisson. Charles VI juge cette agression comme une insulte envers lui-même, tant le connétable est proche de lui. Il n'hésite pas, contre l'avis de ses oncles, à lever une armée pour combattre leduc de Bretagne considéré comme commanditaire de l'attentat[A 13].
La confiance accordée par Charles VI à son connétable se renouvelle lors de ses retours à la lucidité. Jusqu'à sa mort en 1407, Clisson se pose en fidèle du frère du roi,Louis Ier d'Orléans, à qui il prête serment et consent des prêts importants (qui figurent dans le testament d'Olivier V), et l'assure de son soutien militaire[15]. Clisson est donc influent auprès du roi et de son frère. C'est celui-ci qui appuie la candidature de Clisson à la régence du duché de Bretagne à la mort de Jean IV en 1399, contre l'avis des oncles du roi. Le soutien militaire d'Olivier V à Louis d'Orléans se concrétise en 1401, Clisson envoyant des hommes pour soutenir le frère du roi face au duc de BourgognePhilippe II[15]. Quelques mois après la mort d'Olivier V, le, Louis d'Orléans est assassiné par les hommes du nouveau duc de Bourgogne, fils et successeur depuis 1404 de Philippe II,Jean sans Peur[B 10]. Cet assassinat ouvre la période de laguerre civile entre Armagnacs et Bourguignons[G 47]. En 1415, la défaite française lors de labataille d'Azincourt ouvre une période de domination anglaise sur le royaume de France.
Olivier de Clisson se révèle très jeune apte à l'action militaire[G 2]. Il est le protégé d'Henry de Grosmont, duc de Lancastre, un général réputé d'Édouard III d'Angleterre. En 1359, Clisson combat en Bretagne aux côtés du roi d'Angleterre, et le il devient général d'une armée anglaise, avant-garde des troupes d'Édouard III, postée en face duchâteau de Clisson occupé par les Français[G 4]. Olivier V participe ensuite aux côtés des Anglais à de nombreuses escarmouches qui l'aguerrissent[G 48].
En 1364 a lieu labataille d'Auray[23], Clisson est le seul Breton à commander une « bataille[N 3] » du côté montfortiste. Sa force physique, son endurance, sa capacité à poursuivre le combat une fois blessé à un œil, restent dans la légende. L'historienJean Froissart intitule une chroniqueComment Messire Olivier de Clisson et sa bataille combattirent fort vaillamment contre la bataille du comte d'Auxerre et du comte de Joigny. Une fois cet engagement victorieux, il apporte avec sa troupe un soutien au général anglaisRobert Knolles qui vainc la « bataille » deBertrand Du Guesclin et décide de la victoire de Montfort[G 49].
Le rôle de Clisson lors de labataille de Nájera[24] le est moindre. Il ne fait pas partie des chefs d'armée. Il s'agit de nouveau d'une victoire écrasante, de nouveau Du Guesclin est vaincu et prisonnier. Clisson, participant au combat, a suivi la conduite des opérations par le général anglaisJohn Chandos[G 9].
Nomméconnétable le, Clisson a l'occasion de prouver sa valeur de commandant des armées royales lors de labataille de Roosebeke[25] le. Olivier V n'est d'ailleurs pas favorable à l'opération militaire visant à secourirLouis de Male confronté à une révolte démocratique conduite parPhilippe van Artevelde àGand[B 11]. Le Conseil royal est divisé sur l'opportunité d'intervenir, maisPhilippe II de Bourgogne, défendant ses propres intérêts, parvient à convaincre son neveu le roi[B 11], contre l'avis de Clisson qui juge la période peu propice aux combats[B 12]. Si le roi Charles VI a le commandement nominal, c'est le connétable qui dirige la manœuvre. Il parvient, s'appuyant sur son avant-garde composée de Bretons aguerris, à franchir laLys sur un pont construit en urgence par les« charpentiers royaux »[B 13]. Lorsque les deux armées se trouvent face à face, les Flamands révoltés se massent en rangs serrés, peut-être même s'attachent-ils les uns aux autres. Ils chargent le centre des troupes du roi de France. Clisson dispose au centre les troupes à pied, sur les ailes les hommes à cheval, qui exécutent sur ses ordres une manœuvre d'encerclement. La bataille est courte, les révoltés sont écrasés et massacrés[B 14]. Selon l'historienGeorges Bordonove, la victoire est l’œuvre de Clisson,« c'était un guerrier professionnel ; il avait une grande expérience et nul n'osait discuter ses ordres »[B 15].
Les autres batailles auxquelles Clisson participe sont de moindre envergure. Il excelle dans le rôle de compagnon d'armes de Du Guesclin, dans le combat que celui-ci mène contre leschevauchées et lesgrandes compagnies. Le plus marquant de ces combats est labataille de Pontvallain[26], le, au cours de laquelle l'arrivée de Clisson à la tête de 500 hommes permet à Du Guesclin de vaincreRobert Knolles[27], ou en 1373 lorsque Clisson bat leduc de Lancastre àSens[28]. Olivier V sait être prudent. Lorsque Robert Knolles vient provoquer le roi de FranceCharles V aux portes de Paris, Clisson conseille de ne pas intervenir et de laisser l'envahisseur s'épuiser. La tactique est payante sur le plan militaire[29]. Alors que les troupes anglaise brûlent les villages et se mettent par provocation en ordre de bataille, c'est Olivier de Clisson qui résume au Conseil royal la politique privilégiée par les chefs de guerre français[30] :
« Sire, vous n'avez que faire d'employer vos gens contre ces forcenés. Laissez-les aller et s'en rassasier. Ils ne vous peuvent ôter votre héritage ni bouter hors par des fumées. »
Clisson tente de réaliser un projet d'envergure en 1385 et 1386 : l'invasion de l'Angleterre. Il montre ses capacités d'organisateur en réunissant une flotte de 1 500 navires capable de transporter sa nombreuse troupe (huit mille cavaliers et leurs montures, et cinquante mille hommes à pieds) ainsi qu'une forteresse de bois en pièces détachées. Mais les éléments politiques ayant conduit à l'abandon du projet empêchent de savoir s'il aurait été victorieux dans son entreprise[A 14].
Après 1392 et la perte de sa fonction deconnétable, Clisson doit subir l'assaut de Jean IV, et peut démontrer sa compétence de bâtisseur de forteresse. En 1393, lechâteau de Josselin est attaqué et résiste. C'est la menace de la famine parmi lesassiégés parmi lesquels se trouve sa femme, Marguerite de Rohan, qui conduit Clisson, alors réfugié àMoncontour, à négocier avec Jean IV[G 28]. Le duc de Bretagne assiège Moncontour, mais les hauts murs dressés par Olivier V sont efficaces contre l'artillerie du duc qui échoue dans sa tentative d'enlever la forteresse. Clisson et ses architectes tirent des enseignements de ces sièges. Après 1400, des travaux sont entrepris. Face à l'amélioration de l'artillerie, les murailles perdent en hauteur et gagnent en épaisseur[31]. Clisson manie l'art d'être assiégé. Retranché en 1394 avec 2 000 hommes dansSaint-Brieuc assiégé par 8 000 hommes conduits par Jean IV, Olivier V harcèle les assaillants par des sorties à la tête de petits groupes effectuant d'efficacesescarmouches et rapines[G 29].
Yvonig Gicquel fait de la passion d'Olivier de Clisson pour laBretagne le thème de son ouvrage sur le connétable. Les alliances familiales d'Olivier V sont bretonnes : ses deux femmes et ses deux beaux-fils le sont. Il échange ses terres extra-bretonnes contre des terres de la Bretagne centrale[G 50]. Il délaisse en effet laBasse-Bretagne, trèsbretonnante, pour les régions plus riches à l'époque, l'est et le centre-est, également plus peuplées. Une estimation de 1392 permet d'établir que Clisson possède sous sa gouvernance un cinquième de la population de la Bretagne entière[G 51]. C'est le fruit d'une politique volontaire d'acquisition de terres. Yvonig Gicquel considère que Clisson est plus un chef de parti breton que représentant du royaume de France[G 52], à tel point qu'à la mort de Jean IV, le roi de France attribue la régence à son oncle le duc de Bourgogne plutôt qu'à Olivier V, jugé « trop breton », et trop indépendant[G 53].
Après la mort d'Olivier de Clisson,Alain VIII de Rohan, son gendre, commande l'édification d'untombeau pour accueillir les dépouilles du connétable et de sa seconde femme,Marguerite de Rohan, tombeau qui serait le premier de typetournaisien en Bretagne. Il est constitué d'une table en pierre polie noire supportant les deuxgisants représentant les occupants du tombeau. Le visage sculpté d'Olivier de Clisson a été reproduit d'après sonmasque mortuaire[11]. Placé dans la chapelle de Josselin, le monument est profané en 1793. Les corps en sont extraits. Disposé en milieu dechœur de labasilique Notre-Dame du Roncier après une restauration effectuée après la Révolution, lecénotaphe est installé en 1858 dans letransept sud, chapelle Sainte-Marguerite, proche de l'endroit où il se trouve auXXIe siècle[11].
Unestatue équestre grandeur nature d'Olivier V de Clisson, œuvre d'Emmanuel Frémiet, a été dressée en 1892 dans la salle à manger du château de Josselin. Le connétable y paraît en tenue militaire cuirassée. Il tient dans la main droite l'épée de connétable dirigée vers le ciel[32]. Une reproduction de cette statue équestre se trouve dans lechâteau de Suscinio àSarzeau[33], elle a été offerte auXIXe siècle par le duc de Rohan à la ville deVannes[34].
À Nantes, en 1819, une statue réalisée parDominique Molknecht a été dressée en hommage à Olivier de Clisson sur lecours Saint-André, non loin de la statue deDu Guesclin[35]. Clisson est également choisi parmi les huit figures de l'histoire de la ville représentées en 1843 parGuillaume Grootaërs sur les médaillons de la galerie Santeuil dupassage Pommeraye[36].
Sont attribuées à Olivier V de Clisson : la reconstruction ou la fortification des châteaux deBlain,Josselin etClisson, de l'église de Saint-Brieuc, du fort du Gouesnou, de l'hôtel de Clisson àParis, de l'égliseNotre-Dame du Roncier àJosselin. Clisson est parfois créateur de nouvelles forteresses, comme celle duGouesnou près deBrest[R 25]. La plupart du temps, il procède à des reconstructions ou fortification de l'existant. De nombreuses forteresses construites ou aménagées par Clisson ont traversé les époques. Celle de Josselin a été modifiée, il ne reste que quatre des neuf tours originelles[37].
Les trois châteaux fortifiés les plus emblématiques sont Josselin, Blain et Clisson. Homme d'armes aguerri, Olivier V dirige les constructions pour qu'elles résistent à l'armement de l'époque. Le schéma suivi est l'élévation importante des tours etcourtines pour résister aux assauts, l'épaississement des murs, suffisant pour résister à l'artillerie naissante, basée sur les destructions causée par le poids des projectiles, et la construction des tours en forme circulaire, plus à même de subir sans dommages les coups de pioches et debélier[G 54]. Il procède également à l’approfondissement des fossés, à la suppression descréneaux et desmerlons en saillie jugés trop fragiles[R 24].
Olivier de Clisson a donné son nom à de nombreuses rues et places, entre autres àNantes (cours Olivier-de-Clisson),Vannes,Lorient,La Roche-sur-Yon,Locminé,Josselin (rue Olivier-de-Clisson) etParis (rue Clisson etancienne rue Clisson). Des associations culturelles lui doivent également leur nom, tel le cercle celtique de Clisson baptiséCercle Olivier de Clisson[38].
Les chroniqueurs contemporains de Clisson sontJean Froissart au travers de sesChroniques etCuvelier, auteur de laChanson de Bertrand Du Guesclin.
Parmi les historiens de la fin duXXe siècle et du début duXXIe siècle,Georges Minois présente Clisson comme un« turbulent personnage, cruel, ambitieux et avide de richesses »[M 10], ou encore un« maniaque sanguinaire », mais l'auteur relève que la cruauté est pour les auteurs de l'époque une vertu[M 11]. Du Guesclin, héros national historique de la France, est aussi sanguinaire[M 12]. Clisson laisse un important héritage financier, Du Guesclin meurt endetté[M 13]. Du Guesclin a été connétable durant dix ans, c'est-à-dire moins longtemps qu'Olivier V qui, contrairement à son prédécesseur, n'a jamais été vaincu militairement. Du Guesclin, dont la valeur militaire est toute relative[39], est une figure populaire de l'histoire de France qui est honoré neuf ans après sa mort en étant inhumé dans lanécropole royale de la basilique de Saint-Denis. Clisson ne laisse pas un tel souvenir, et choisit d'être enterré en Bretagne, où sa francophilie l'empêche d'être considéré comme un héros[G 55]. Alors qu'Yvonig Gicquel aborde Olivier V sous l'angle d'un chef de parti breton,Françoise Autrand souligne qu'il a été un grand commis d'État, choisissant le roi de France contre les princes[A 15]. Enfin Clisson a été le connétable du « roi fou », longtemps déconsidéré par les historiens, et dont la seule gloire posthume (partagée avec Olivier V) était la victoire lors debataille de Roosebeke, dont l'éclat n'a pas résisté au temps[A 16].
La rivalité entre Jean IV de Bretagne et Olivier V de Clisson est le thème du roman historiqueLa nuit de Clisson de Colette Geslin publié en 2009[40].
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