Enphysique et enchimie, lenombre d'Avogadro (ouconstante d'Avogadro[note 1]) est le nombre d’entités (atomes, molécules, ions ou particules en général) qui se trouvent dans unemole de matière. Il est nommé parJean Perrin en l'honneur du physicien et chimisteAmedeo Avogadro[note 2] et noté[1]. Il est aussi nomménombre de Loschmidt (et noté) dans le monde germanophone, en l'honneur deJosef Loschmidt[1].
Le kilogramme étant désormais défini en fixant les valeurs de trois constantes (la période de la radiation correspondant à la transition entre les deux niveaux hyperfins de l'état fondamental de l'atome decésium 133 à la température duzéro absolu, lavitesse de la lumière et laconstante de Planck), le nombre d'atomes de carbone contenus dans 12 g decarbone 12 reste sujet à la mesure (laquelle est encore en cours d'améliorations importantes), mais n'a plus de nom particulier.
Jean Perrin a décrit dans son livre de vulgarisationLes Atomes (1913) les expériences concordantes qui ont permis d'approcher le nombre supposé par Avogadro et ainsi d'asseoir lathéorie atomique.
c'est-à-dire avec uneincertitude standard de 1,2 × 1016mol−1, soit uneincertitude relative de 2,0 × 10−8. Cette incertitude est relativement élevée. Dans le domaine de la détermination des constantes, le défi de déterminer le nombre d'Avogadro avec plus de précision (lamole étant définie à partir ducarbone 12) a longtemps été l'un des plus importants.
Lamasse de l'atome est pratiquement égale à celle du noyau, pour deux raisons :
lesélectrons sont moins nombreux que lesnucléons (c’est-à-dire les constituants du noyau :protons etneutrons) : dans l'atome neutre il y a bien autant d'électrons que de protons, mais aux protons se rajoutent les neutrons ;
surtout, le neutron a presque la même masse que le proton, alors que l'électron est 1 836 fois plus léger.
Letableau de Mendeleïev décrit leséléments et leursmasses relatives respectives. L'intérêt de mesurer le nombre d'Avogadro est d'établir lefacteur d'échelle entre le mondemicroscopique des atomes et le monde macroscopique de la matière à notre échelle. Le choix de tel ou tel élément comme référence pour sa définition n'a pas d'intérêt intrinsèque, c'est une convention directement liée aux plus ou moins grandes difficultésmétrologiques. D'ailleurs il a changé, étant d'abord défini à partir de l'hydrogène, puis de l'oxygène 16, et enfin ducarbone 12. Le choix le plus naturel aurait sans doute été celui du proton (dont une mole aurait eu la masse d'un gramme), mais à l'époque on ne savait pas que l'atome était sécable.
Lesilicium a aussi été envisagé comme étalon[8], il aurait permis de créer une sphère d'une grande pureté. Mais la question est devenue obsolète avec laredéfinition du système d'unités qui est entrée en vigueur à la mi-2019.
La difficulté de diffusion des hypothèses d'Avogadro est due à laphilosophie scientifique de l'époque : elle interdisait les « hypothèses » non démontrées, ou non démontrables. Il valait mieux faire une théorie qui s'en passât.
De ce fait, le langage hésite : avant de comprendre qu'une molécule est composée d'atomes, et pourquoi H2 plutôt que H4, et pourquoi NO2 plutôt que N2O4, il faut du temps pour amasser suffisamment de données compatibles, et écarter les « inclassables » (par exemple, lesberthollides[note 3]).
Au début duXIXe siècle,Avogadro énonça sa loi, dite aussiloi des gaz parfaits (1811).Ampère l'encouragea en 1814, mais il se rétracta devant une levée de boucliers. La réaction des anti-atomistes (on disait les équivalentistes), d'inspiration positiviste, se durcit encore avecDumas en 1836, puisBerthelot etLe Chatelier.
Il est alors admis que dans ungaz dit parfait, le volume occupé par particules, sous la pression et la température est le même quel que soit legaz, ceci étant en fait une définition d'un gaz parfait, théorique.
Il restait à mesurer ce nombre, ce qui n'était plus qu'une question demétrologie.
LorsqueLoschmidt trouva la première valeur enordre de grandeur : 1024, cela donnait aux atomes une taille de 0,1 nm. Et il fallut toute l'autorité deMaxwell pour que ces résultats fussent considérés comme crédibles. Lathéorie cinétique des gaz avait acquis « ses lettres de noblesse » (1870).
Le nombre d'Avogadro comme confirmation de la théorie atomique
L'existence même des atomes reste contestée jusqu'au début duXXe siècle[12].Jean Perrin publie en 1913 une synthèse sur le sujet dans laquelle il liste treize protocoles expérimentaux visant à mesurer le nombre d'Avogadro sous l'hypothèse de l'existence des atomes[12]. Dix donnent un résultat[13] compris entre 6,0 × 1023 et 6,9 × 1023 :
la compréhension en chimie du fait que les molécules sont constituées d'atomes, et échangent ces atomes lors d'uneréaction chimique pour donner d'autres molécules (de propriétés différentes) ;
Gassendi rénove la théorie atomique (1638) ; le premier théorème de théorie cinétique des gaz date de Bernoulli en 1738. Mais il sera oublié jusqu'àClausius, vers 1855. La raison en est qu'il faut que la chimie se dépêtre de l'alchimie grâce à labalance.
Il fallut extraire les corps purs desmélanges (piège deseutectiques et desazéotropes, piège descristauxisomorphes). AprèsWenzel (1782),Richter (1795), la querelleBerthollet-Proust (1799-1806), il fut admis qu'uncorps pur est composé des mêmes corps simples dans les mêmes proportionsdiscontinues et définies : eau eteau oxygénée sont deux corps purs différents.John Dalton (1808) propose la classification en corps binaire (A + B → AB), ternaire (A + 2B → AB2), indiquant clairement sa vision atomique des molécules, et donne les masses relatives des « équivalents ». Berzelius proposera de nommer chaque élément par unsymbole.Gay-Lussac établit pour les composés gazeux les lois des volumes en proportions définies (1809). Voir aussiLoi des proportions définies.
La difficulté était celle-ci : eneudiométrie, la décomposition de l'eau donne 2 volumes de dihydrogène et 1 volume de dioxygène. La recomposition de l'eau fait que ces volumes ne redonnent que 2 volumes devapeur d'eau.
Le pas immense que franchit Avogadro est d'admettre l'existence du dihydrogène et du dioxygène, qui devaient se décomposer pour donner deux molécules d'eau H2O ; ce qui permettait de résoudre les conflits entre Dalton et Gay-Lussac. Mais ces « décomposition » et recombinaison étaient en tout état de cause fort problématiques. Il est peu écouté : la théorie de Berzelius ne permet pas de rendre compte de l'existence de la « molécule » H2.
Dumas, en 1826, est adepte convaincu du système atomique de Dalton, et permet par sa fameuse loi (d =M/29) de déterminer moultmasses molaires[note 4]. Mais convaincu par la philosophie positiviste, il rejette l'atomisme en 1836 : ses vapeurs dephosphore blanc P4, et d'hexasoufre S6, puisgraduellement dedisoufre S2 l'ont, à l'évidence, contrarié.
Gmelin, anti-atomiste convaincu, ne fait toujours pas la différence entre atome et molécule et donne laTable des Equivalents (1830).
Conclusion : faute de comprendre H2, P4 et S6, la théorie atomique achoppe, malgréGaudin (1833), qui, sans succès, reprend Avogadro, et définit le dihydrogène, letétraphosphore… et distingue parfaitement entremolécule, faited'atomes éléments.
Lachimie organique (Wöhler,synthèse de l'urée (1828)) et son omniprésente covalence, fait oublier Berzelius ; etGerhardt (1843), puisLaurent (1846) redécouvrent ce qu'avait dit Gaudin. Lathermochimie naissante desannées 1845 confirme : il faut briser H2 et Cl2 pour donner2 HCl.
Restaient les étranges variations « graduelles ».Cannizzaro sauve la théorie atomique : il y a dissociation progressive.Sainte-Claire Deville confirme. On est en 1856.
Le congrès de Karlsruhe de 1860 enterre la hache de guerre entre équivalentistes et atomistes ; mais clairement les atomistes seront avantagés dans leur compréhension de la chimie.
↑Cette constante est nommée en 1926 parJean Perrin. Matthieu Horgnies, Marc Aucouturier, Évelyne Darque-Ceretti, Éric Felder,Les scientifiques célèbres en mathématiques et sciences physiques : D'Archimède à Alan Turing, 2021.
Jean Perrin,Les Atomes, Paris, Félix Alcan,[détail des éditions] présente (entre autres) une description détaillée des différentes méthodes et expériences imaginées pour mesurer la constante d'Avogadro.