Nommé ministre du Commerce et de l'Industrie en 1941, il est chargé de l'organisation dutravail forcé. Il conserve cette position jusqu'à lareddition du Japon, le. Détenu de 1945 à 1948, il est libéré cette année-là par lesautorités d’occupation américaines afin de faciliter la reconstruction de la droite japonaise.
Il naît sous le nom de Nobosuke Satō mais quitte sa famille durant sa jeunesse pour s'installer dans la famille plus influente des Kishi, adoptant par l'occasion leur nom de famille. Son jeune frère biologique,Eisaku Satō, devient aussi Premier ministre, de 1964 à 1972.
Il suit des cours à l'université impériale de Tokyo (renomméeuniversité de Tokyo après-guerre) et intègre leministère du Commerce et de l'Industrie en 1920. En 1935, il devient l'un des plus influents officiels impliqués dans le développement industriel duMandchoukouo. Le Premier ministreHideki Tōjō, lui-même vétéran de la campagne de Mandchourie, le nomme ministre du Commerce et de l'Industrie en 1941. À ce titre, il est chargé de l'organisation dutravail forcé. Il conserve cette position jusqu'à lareddition du Japon, le.
Soustrait à la justice, l'ex-criminel de guerre devient Premier ministre
Nobusuke Kishi chezEisaku Satō après sa sortie de prison, le.
Jusqu'à1948, Kishi est détenu à laprison de Sugamo en tant que suspect decrime de guerre de Classe A. Il y côtoieYoshio Kodama etRyōichi Sasakawa, deux figures importantes du monde des affaires et du crime organisé de l'après-guerre, qui l'aident continument par la suite ainsi que sa parentèle[1]. Contrairement à Tōjō et divers autres membres du cabinet, Kishi n'est pas jugé par leTribunal de Tokyo. Il est libéré sans procès en 1948 par lesautorités d’occupation américaines afin de faciliter la reconstruction de la droite japonaise[2].
Pour l'historienJohn W. Dower, « même les pacifistes japonais qui ont endossé les idéaux deNuremberg et de Tokyo, et qui ont travaillé à documenter et à publiciser les atrocités du régimeShōwa, ne peuvent justifier la décision américaine d'exonérer l'empereur (Hirohito) de sa responsabilité pour la guerre et ensuite, au sommet de la guerre froide, de libérer et peu après de se lier à des criminels de guerre d'extrême droite accusés comme le futur Premier ministre Nobusuke Kishi »[3].
Bien que libéré, Kishi reste légalement interdit de participation dans les affaires publiques du fait de la purge des membres de l'ancien régime par lesforces alliées d'occupation. Lorsque l'interdiction est levée en1952, il décide de se relancer dans la politique. Après quelques déboires, il devient en 1954 le secrétaire duParti démocrate du Japon (PDJ), dirigé parIchirō Hatoyama. Il joue un rôle déterminant dans la fusion des partis conservateurs[1]. L'année suivante, Hatoyama devient Premier ministre et le PDJ fusionne avec leParti libéral. LeParti libéral-démocrate est créé, présidé par Hatoyama. Celui-ci est remplacé en 1956 parTanzan Ishibashi qui devient à son tour Premier ministre. En 1957, Kishi est choisi pour lui succéder. Il est réélu l'année suivante et reste Premier ministre jusqu'en 1960.
Au mois de, il annonce ses propositions pour la renégociation de l'ANPO, le traité mutuel de sécurité signé avec les États-Unis en1951. Perçues comme militaristes, elles entraînent des manifestations qui font500 blessés en un mois. Des manifestants affrontent notamment la police dans le quartier deNagata, sur les marches du bâtiment de laDiète. Un éditorial commun est signé par les sept plus grands quotidiens du pays qui écrivent : « Nous n'avons jamais eu aussi peur pour le Japon » ()[1]. Kishi n'en tient pas compte et se rend à Washington en janvier1960 pour signer le nouveautraité de coopération mutuelle et de sécurité entre les États-Unis et le Japon. Les manifestations se poursuivent, des grèves et des affrontements éclatent tandis que le gouvernement est obligé de demander unvote de confiance pour la ratification du traité. Le jour du vote, le, la Diète est protégée par des centaines de policiers. En juin, leporte-parole de la Maison-Blanche James Hagerty, venu préparer la visite du présidentDwight Eisenhower, est assiégé dans sa voiture par des manifestants de la ligue étudianteZengakuren et doit être évacué par hélicoptère. Bien embarrassé, Kishi demande au président américain de reporter sa visite. Celle-ci est finalement annulée, ce qui déplaît à l'empereurHirohito.
En juin 1960, il est poignardé à 6 reprises par Taisuke Aramaki, activiste d'extrême-droite alors qu'il sortait duKantei[4]. Il recevra30 points de suture.
Le, du fait du ressentiment d'une partie de la population vis-à-vis du traité avec les États-Unis, de mécontentements au sein de son parti, et de son projet contesté d'abrogation de l'article 9 de la constitution, Kishi démissionne etHayato Ikeda devient Premier ministre.
Par ailleurs, Kishi s'assure de faire libérer tous les criminels condamnés lors duTribunal de Tōkyō qui étaient encore en prison. Plus discrètement, à la fin de son second mandat, il dédie au cimetière du Mont Sangane une stèle à Tojo et aux six autres criminels de guerre exécutés, les qualifiant de « sept patriotes morts pour leur pays »[5].
Il initie des relations entre son parti et lasecte Moon qui s'inscrit dans le temps jusqu'à son petit-filsShinzo Abe[6].
Réputé pour son aversion du communisme, il participe en 1970 en tant que « responsable de la promotion », au sommet de laLigue anticommuniste mondiale (WACL). Il devient président d'honneur du comité d'organisation de la conférence de Moon au Japon en 1974[7].
Son parcours illustre les conséquences de la décision américaine d'épargner certaines élites de l'Empire : d'un côté le Japon d'après-guerre a réussi son ouverture au monde, sa croissance économique, et son ancrage à l'Occident face au bloc soviétique, mais de l'autre le pays n'a non seulement pas fait son devoir de mémoire vis-à-vis des atrocités du régime impérial, mais aussi laissé lerévisionnisme s'institutionnaliser et s'ancrer dans une politique nationale contrôlée par des familles à l'héritage souvent controversé[réf. nécessaire].
Son demi-frèreEisaku Sato est devenu Premier ministre en 1964 et conservera pendant huit ans le pouvoir[2].
Sa fille Yoko a épouséShintarō Abe, qui a travaillé à ses côtés avant de devenirministre des Affaires étrangères dans les années 1980. Yoko et Shintarō sont les parents deShinzō Abe, Premier ministre de 2006 à 2007 puis de 2012 à 2020.