Lanoblesse deHongrie fut laclasse dirigeante de laHongrie duMoyen Âge jusqu'à la chute duroyaume de Hongrie en1946, avec toutefois une certaine perte d'influence après1918. La noblesse et les titres sont abolis en Hongrie par le statut IV de 1947.
Au cours du Moyen Âge, de la fondation du Royaume en l'an mil par le roisaint Étienne jusqu'en1222, les nobles hongrois jouissent de privilèges divers mais paient des impôts au roi en fonction de leurs biens. En 1222, le roiAndré II de Hongrie est contraint de proclamer laBulle d'or, document qui accorde d'innombrables privilèges à la noblesse hongroise, comme l'exemptions de taxes (qui perdurera jusqu'au milieu duXIXe siècle). Dans ses six premiers siècles d'existence et jusqu'à l'ascension des Habsbourg, la noblesse hongroise se structure selon les bureaux administratifs du royaume. Les grands officiers sont appelés « barons du royaume » (en latinbarones regni) et porte le titre demagnificus vir.
SousSigismond de Luxembourg, les grands officiers de la couronnes étaient, dans l'ordre :
Puis en fonction de l'ancienneté :
puis :
Ces grands-officiers de la couronne sont généralement choisis parmi les propriétaires terriens les plus puissants, qui apparaissent souvent bien avant leXVIe siècle et dont certains datent de l'époque desaint Étienne auXIe siècle.
Il y avait aussi une petite noblesse debarons (kisbáró) qui descendait deserviteurs royaux (servientes regis).
Ce schéma est similaire à celui de lanoblesse polonaise.
SelonIstván Werbőczy (en)[2],[3], la société hongroise était divisée en deux catégories distinctes :
Les gentilshommes duIIIe Ordre comprenaient une minorité de familles aisée qui constituaient la noblesse moyenne (középnemesség en hongrois, ounobiles possessionati en latin), possédant une ou deuxseigneuries et occupaient volontiers des fonctions politiques dans l'administrationcomtale. Cette catégorie était soutenue par les simples gentilshommes qui ne possédaient qu'un petit domaine, voire une simple ferme ou leur condition nobiliaire (armalistae en latin, nobles très pauvres vivant généralement de la même manière que les paysans, mais libres et non-corvéables). Cette hiérarchie sociale était encore en place auXVIIIe siècle et elle s'était renforcée par ses victoires contre les nombreusesjacqueries qu'elle a suscitées, y compris celles, comme les révoltesde Bobâlna, deGyörgy Dózsa ou d'István Bocskai, où les bourgeois des villes et une partie des gentilshommes s'était joints aux insurgés[4].
Les droits des seigneurs étaient les suivants[5] :
La plupart des nobles ont hérité du titre ou bien ont été anoblis par le roi. Il y avait deux autres façons de devenir noble : soit par adoption dans une famille noble, avec une permission spéciale du roi, ou, pour une femme noble qui n'avait pas d'héritiers mâles, par l'octroi de privilèges spéciaux par le roi (la femme est traitée comme si elle était de sexe masculin, elle pouvait dès lors hériter du titre et des domaines et les transmettre à ses enfants).
Les nobles hongrois sont généralement de riches propriétaires terriens. Il y avait deux sortes de domaines : soit donnés par le roi (en général avec un titre), soit acquis. Alors que les biens acquis pouvaient être achetés et vendus librement, les dons de terres étaient inaliénables et étaient toujours hérité par le fils aîné (ou parfois, avec la permission du roi, la fille aînée, voir ci-dessus). Lorsqu'une famille s'éteignait, la succession revenait au roi.
Un noble pouvait aussi donner un titre de noblesse et des domaines à l'un de ses hommes loyaux. Officiellement il fallait la permission du roi, mais elle n'était souvent pas demandée.
Grâce à une forte demande de soldats pendant les guerres contre les Turcs auxXVIe et XVIIe siècles, une garnison de 80 à 120 soldats pouvait parfois être élevée au rang nobiliaire, avec l'octroi des mêmes armoiries pour tous[6].
Dans les années 1604-1606, la noblesse de laHongrie royale est en révolte endémique contre le roi Habsbourg, obligeant ce dernier à conclure la paix avec les Ottomans[7] et à accorder aux nobles la liberté de conscience, reconnue par les articles de lapaix de Vienne en 1606 qui élargit à la Hongrie royale l’édit de tolérance de1568 par lequel tant leluthéranisme que lecalvinisme et l'unitarisme étaient, à égalité avec lecatholicisme, des « religions acceptées » (receptæ) dans laprincipauté hongroise de Transylvanie[8]. Cependant, en dépit de la paix de 1606, garantissant la liberté de conscience aux nobles du royaume de Hongrie, les évêques catholiques, soutenus par lesJésuites, continuent la politique decontre-Réforme à l'encontre des protestants de laHongrie royale[9]. Au fil desXVIe et XVIIe siècles, cela suscite de fréquentes révoltes nobiliaires, catholiques et protestants ensemble, motivées par le souhait des communes et des nobles hongrois de préserver respectivement leursfranchises et privilèges accordés par labulle d'or de 1222 du roiAndré II ; après laconquête de l'ensemble de la Hongrie par les Habsbourg, leXVIIIe siècle est marqué par la grande révolte nobiliaire de 1711[10].
Dans la première moitié duXIXe siècle, la noblesse hongroise forme un courant national conservateur représenté parAurél Dessewffy (en),György Apponyi,Sámuel Jósika (hu) etIstván Széchenyi, qui demandent une réforme garantissant la primauté de l'aristocratie, tandis que les « Jeunes hongrois », avecSándor Petőfi,Pál Vasvári (hu) etMihály Táncsics, souhaitent établir une république et supprimer les droits féodaux.István Széchenyi etMiklós Wesselényi tentent de concilier la noblesse hongroise et les libéraux modérés commeLajos Batthyány,Ferenc Deák ouLajos Kossuth qui demandent plus d'autonomie (une dose de parlementarisme hongrois). Or une revendication rassemble conservateurs et libéraux : la Hongrie doit devenir un État autonome et unitaire incluant lesbanatscroates, laTransylvanie et lesconfins militaires en une soixantaine decomitats égaux et uniformes. Face à ces tendances, l'empereur d'AutricheFerdinand V nommeGyörgy Apponyi comme vice-chancelier du royaume de Hongrie et Sámuel Jósika pour laTransylvanie, renforçant ainsi les pouvoirs centralisés deVienne.
Après la tourmente de larévolution hongroise de 1848 qui voit la moitié de la noblesse magyare prendre, avecLajos Kossuth, parti contre les Habsbourg, ces derniers finissent par passer avec la noblesse, en1867, uncompromis historique, renouvelable tous les dix ans, par lequel ils lui délèguent le gouvernement despays de la Couronne de saint Étienne en échange de sa fidélité à la dynastie[11].
La8e loiaustro-hongroise de1886 crée la catégorie deprince (en latin:Nobilis Princeps, en hongrois:Herceg). La plupart des familles devenues princières en Hongrie sont des familles étrangères nationalisées, comme les Saxe-Cobourg-Gotha, les Liechtenstein, les Thurn-Taxis ou encore les Schwarzenberg.
Durant tout leXIXe siècle, la noblesse hongroise s'oppose fermement à l'élargissement du corps électoral, à l'austroslavisme, autrialisme et auxautres mouvements visant à fédéraliser l'Autriche-Hongrie, car son objectif était la création d'unÉtat-nation strictement hongrois et catholique ou protestant sur l'ensemble de laHongrie (où lesMagyars étaient 47 % de la population et qu'une « magyarisation » intensive devait rendre largement majoritaires)[12]. En 1910, dans leroyaume de Hongrie, seuls 6 % des hommes (mais aucune femme) disposent du droit de vote et un tiers des terres appartient à moins de 9 000 familles de la noblesse hongroise, sur-représentée au Parlement de Budapest[13], où la vie politique est essentiellement réservée auxMagyars : sur 453 députés, 372 sont magyars[14][15][16]. Tenus en échec, l'élargissement du corps électoral, l'austroslavisme et le trialisme restent à l'état d'aspirations inassouvies : l'impossibilité de réformer les institutions, de démocratiser lapartie hongroise de l'Autriche-Hongrie et de fédéraliser la « double-monarchie » des Habsbourg débouchent, à l'issue de laPremière Guerre mondiale, sur ladislocation de cet empire et la partition duroyaume de Hongrie en 1918. Dans une dernière tentative de sauver sa situation, une partie de la noblesse hongroise offrit la couronne hongroise àFerdinandIer de Roumanie, préférant une union personnelle entre laGrande Hongrie et laRoumanie dans leurs frontières de 1918, plutôt qu'unrattachement pur et simple à la Roumanie des territoires austro-hongrois à majorité roumanophone (tel qu'il fut consacré en 1920 par letraité de Trianon)[17].
La noblesse hongroise des territoires perdus est la principale victime de cette partition, lesréformes agrairestchécoslovaques,roumaines etyougoslaves la privant de ses domaines, distribués aux paysans locaux : ces pays abolissent tous les indicateurs de noblesse (titres et noms de terres)[18]. EnHongrie restante, les nobles subissent en 1918 les persécutions et réquisitions de la « révolution des Asters » (durant laquelle le comteIstván Tisza est assassiné)[19] puis, durant l'été1919, desbolchéviks hongrois, avant de recevoir des compensations et de retrouver une certaine influence sous lerégime conservateur du régentMiklós Horthy, lui-même noble protestant.
Vingt-six ans plus tard, avec la mise en place durégime communiste après laSeconde Guerre mondiale, tous les titres héréditaires sont supprimés en1947 et la totalité des propriétés nobiliaires (et autres) sontnationalisées en 1950 (et n'ont pas été restituées depuis)[20].
À ses débuts, la nouvellerépublique populaire de Hongrie « fait table rase »[21] de l'identité nationale magyare, forgée au fil des siècles par la noblesse hongroise, indissoluble dugrand-hungarisme (devenuirrédentiste à partir dutraité de Trianon) et enseignée dans toutes les écoles durant les périodes 1867-1918 et 1920-1946. L'état communiste forge à sa place une nouvelle identité « prolétarienne et internationaliste » déclinée en langue hongroise et partagée par l'ensemble dubloc de l'Est. Toutefois l'identité nationale réprimée, mais profondément ancrée dans la population, ressurgit subitement durant l'insurrection de Budapest écrasée par les chars dupacte de Varsovie, puis très progressivement dans la littérature historique à partir des années 1970, pour réapparaître au grand jour, après l'ouverture durideau de fer et ladislocation du bloc de l'Est, dans le discours de l'Union civique hongroise deViktor Orbán (notamment à travers la défense desMagyars d'outre-frontières), jusqu'à prendre des formes extrêmes dans celui duJobbik[22] et finalement, du gouvernement hongrois lui-même[23].
Partout dans ce qui fut lagrande Hongrie : enHongrie même, mais aussi enSlovaquie,Ruthénie subcarpathique,Transylvanie,Voïvodine,Croatie etBurgenland, on peut voir les anciens manoirs, châteaux et palais de la noblesse hongroise, leurs redoutes, leurs douves, chapelles et parfois leurs portails, dans les états les plus divers : conservation, ruines ou restauration plus ou moins réussie : tous sont réaffectés à d'autres usages[24].
La petite noblesse des fermiers libres (gentilshommes duIIIe Ordre ouközépnemesség,knyázok et autreskisbarók) et des garde-frontières desconfins militaires » (határőrok) a, elle aussi, laissé des héritages, comme dans les arts et traditions populaires, lesportails sicules, marques de leur statut (les paysansasservis n'y avaient pas droit), devenus aujourd'hui patrimoine identitaire en Hongrie et dans lepays sicule.
Chaque noble était appeléasszony (pour les femmes) ouúriember (pour les hommes).
La noblesse hongroise ne connaissait que deux titres : comte (gróf) et baron (báró). Le rang et titre de prince (herceg) était réservé aux fils du roi. Cinq comtes étaient des princes étrangers :Batthyány (1764),Esterházy (1687),Erdődy (1654) etOdescalchi (1689), par l'empereur duSaint-Empire romain germanique. Deux familles furent élevées au titre de prince de l'empire d'Autriche :Koháry (1815) etPálffy (1816). Ces titres étaient reconnus en Hongrie. Plus tard, dix familles princières étrangères reçurent l'indigénat hongrois. Il y avait en Hongrie avant la fin de laPremière Guerre mondiale14 familles princières,98 familles comtales et 94 portant le titre de baron, mais dont les titres ne remontaient pas avant1550. Les nobles hongrois avaient enAllemagne le droit à la particule « von » ou « Ritter von ». L'utilisation des titres tels queduc,comte oubaron s'est largement répandue durant la domination desHabsbourg.
Avant l'ère des Habsbourg, les familles comtales les plus importantes étaient: Subich, Zrínyi, Frangepán (Frankopan), Blagay, Cseszneky, Németújvári (Grafen von Güssing), Héderváry, Szentgyörgyi és Bazini (Grafen von Sankt-Georgen und Pösing), Nagymartoni et Fraknói.
La dignité de « magnat » (en hongrois :mágnás ; en latin :magnates), dite aussikastély (littéralement « châtelain ») titrait les grands de Hongrie, tels que le Palatin, lejudex-curiae, les dignitaires princiers et royaux, ainsi que la plupart des comtes et une partie des barons (lesbárófi)[25]. Le titre de « magnat » était vu en Hongrie depuis leMoyen Âge comme l'équivalent de celui deprince électeur duSaint-Empire romain, donc d'une importance politique considérable. Il peut être envisagé comme l'équivalent d'unpair héréditaire. Les familles admissibles pour ce titre ont eu parmi leurs membres des personnalités éminentes de l'histoire hongroise. Ce titre pouvait être considéré, et l'est parfois encore par la législation de certains pays étrangers, tantôt comme un véritable titre de dignité, tantôt comme un simple statut historique. Par exemple enItalie, le code RD 651/43 qui réglemente l’Araldica Nazionale, considère le titre de « Magnat de Hongrie » comme un statut historique des familles concernées, mais non comme un titre dedignité.
« Magnat » désignait depuis1397 lesdescendants des « barons du royaume » (appelés jusqu'alorsFilii baronum oubárófi en hongrois). Ces descendants reçurent dans les années1430 le titre héréditaire deMagnificus, appellation jusqu'alors réservée aux seuls « barons du royaume » (dont le titre ne devient héréditaire qu'en1498 ; voir le paragraphe associé). Dans les années1420, les « magnats » deviennent particulièrement conscients de leur « différence » vis-à-vis des autres nobles, et certains n'hésitent pas à faire référence aux hautes charges de leurs ancêtres, comme les membres de la famille Losonczi qui, d'eux-mêmes, ajoutent à leur nom celui deBánfi : « fils deban », en référence à leurs ancêtres qui avaient été bans deDalmatie et deCroatie. D'autres magnats font clairement référence dans leurs actes à leur ascendance d'anciens « barons du royaume » et utilisent même des titres de noblesse (comme ceux decomte, demarquis ou deduc) suivant l'exemple de la noblesse de l'Europe de l'Ouest, bien que le droit public de royaume hongrois n'admettait pas ce type de titre distinctif.Jean Hunyadi (1387-1456) a été le premiermagnat à recevoir un titre héréditaire en Hongrie : le roiLadislas V le nommacomte héréditaire (en hongrois :örökös főispán ; en latin :hæreditarius comes) deBeszterce en1453.
Les magnats de Hongrie siégeaient de droit (jobbraszék) à laDiète hongroise.
: document utilisé comme source pour la rédaction de cet article.
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