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Mouchoir en tissu. On distingue lamarque, ton sur ton, du fabricant.Le premier mouchoir jetable, leKleenex s'est popularisé jusqu'à entrer dans le langage courant.Portrait d'homme avec unmouchoir de col autour du cou[1].
Unmouchoir est une pièce detissu ou depapier (cellulose), principalement utilisée pour l'hygiène et la commodité corporelle, notamment pour se moucher.
Le mouchoir est généralement de formecarrée, en tissu simple. Cette forme a beaucoup varié dans l'histoire, et elle ne va pas de soi. Du mouchoir à carreaux deCholet au mouchoir-épongejaponais, le mouchoir a évolué. Il se décline aujourd'hui sous des formes résultant de facteurséconomiques, de lamode, ou encore des progrès de l'hygiène.
Il existe une industrie du mouchoir, produisant des tissus spécifiquement destinés à se moucher. Cependant, il arrive d'utiliser comme mouchoir un morceau de tissu prévu à l'origine pour un tout autre usage, et inversement on transforme souvent le mouchoir enbrassard, en doudou ou en chiffon.
Facilement transportable et souvent à portée de main, il remplace un nombre considérable d'objets à l'occasion : on bouche un trou, on éponge uneplaie, on fait unnœud avec son mouchoir, qu'on peut transformer enbandeau, en brassard, ou encore en signe d'adieu.
Cet objet de première nécessité a donc pour caractéristique principale d'avoir une origine et une utilisation parfois très éloignées de l'acte de se moucher. Il quitte alors sa fonction hygiénique ou de commodité.
Le mouchoir, d'origine hygiénique et d'emploi culturel
Se moucher est la première raison d'être du mouchoir.
Cet objet est très marquémoralement quelle que soit lasociété considérée : se moucher est un acte parfoispoli et parfois discourtois selon lescultures, ou même à l'intérieur d'une même société, selon lecontexte.Ainsi, l'utilitarisme originel du mouchoir ne l'affranchit pas d'une dimension morale très présente.
Dans le même ordre d'idées, le mouchoir est généralement rangé, enFrance, dans lapoche d'unvêtement. Mais toutes les cultures ne disposent pas de vêtements à poches[2], et l'usage du mouchoir a toujours varié d'une société ou d'une époque à l'autre : il a parfois pu être une marque manifeste voulue par le porteur du mouchoir, ou justement un objet à dissimuler le plus possible.
L'étymologie du terme reflète son acception première : le vocable « mouchoir » est dérivé duverbe « (se) moucher » (fin duXVe siècle). Il provient dulatin « muccare », lui-mêmedérivé de « muccus » (« mucus »). En français, le sens d'une utilisationhygiénique ou du moinscorporelle du morceau de tissu est donc marqué dès l'origine du mot. Dans d'autres langues, en revanche, le terme pour « mouchoir » reflète d'autres utilisations : ainsi, enanglais, lehandkerchief et letissue sont deux objets bien distincts (mouchoir en tissu et mouchoir en papier). Lehandkerchief (littéralement, « couvre-chef de main ») semble d'un emploi plus vestimentaire ou coquet — lekerchief, « mouchoir de tête », est une ancienne coiffe rudimentaire (voir plus bas, le dessin deMillet). Enitalien, au contraire, si lefazzoletto est une pièce de tissu pour se moucher ou pour servir de foulard, l'autre mot existant est « pazzuella », pièce de tissu à tout faire : l'italien fait une différence entre deux types de mouchoirs en tissu. Dernier exemple, lenéerlandais « zakdoek » est composé de « zak » (« sac ») et de « doek » (« toile, morceau ») : dans les trois langues prises pour exemple, l'aspecttextile du mouchoir est fondamental et, dans certaines langues, le mouchoir se rattache même, d'une manière ou d'une autre, aux vêtements (en particulier au foulard, en italien ou enpolonais). Le mouchoir est donc avant tout une pièce de tissu disponible, devenue mouchoirde facto.
Le mouchoir a fortement évolué au fil des siècles, tant dans sa physionomie que dans ses usages. Ses prémices remontent à l'Antiquité gréco-romaine.
Le mouchoir tel qu'il existe dans sa forme actuelle est inconnu desGrecs et desRomains. Chez ces derniers, une pièce de tissu existait pour s'éponger lefront : lesudarium (terme provenant du latinsudare qui signifitsuer). Il était alors d'usage de se moucher avec les doigts[3].
Ce n'est qu'à laRenaissance qu'enOccident les mœurs évoluèrent, notamment par une valorisation du mouchoir par lesmoralistes.Érasme, par exemple, dansLa Civilité puérile, en 1530 (chapitre I) :
« Se moucher avec son bonnet ou avec un pan de son habit est d'un paysan ; sur le bras ou sur le coude, d'un marchand de salaisons. Il n'est pas beaucoup plus propre de se moucher dans sa main pour l'essuyer ensuite sur ses vêtements. Il est plus décent de se servir d'un mouchoir, en se détournant, s'il y a là quelque personne honorable. »
Lesmatrones romaines auraient cependant inventé lemuccinium pour se moucher, mot qui apparait pour la première fois en latin à la fin duIIIe siècleapr. J.-C. chezArnobe[4],[5]. Quant aux anciensÉgyptiens, ils auraient connu le mouchoir, ayant un génie (Héqas, Ḥqȝs) personnifiant le mouchoir desdivinités.
Le mouchoir en papier « de soie » apparaît au cours duIXe siècle auJapon. Dès la périodeépoque de Heian (794-1185) les dames de la cour et les nobles japonais portent à la ceinture des feuilles blanches qui leur servent de mouchoirs. À l'époque d'Edo (env. 1600-1868) on leur donne le nom de « nuigishi » c'est-à-dire « papier à essuyer » car ils servaient à essuyer la lame de sabre ou le sexe, en fonction des besoins du moment. Ces témoins des ébats amoureux font partie du décor des estampes japonaises érotiques. Ils parent la bouche des courtisanes afin d'étouffer leurs cris de volupté puis servent à la toilette intime avant d'être jetés ou abandonnés sur le sol auprès de la couche.
Parallèlement, un « mouchoir d'évêque » est apparu : il s'agissait d'abord d'unsuaire à proximité de l'officiant pour que celui-ci se mouchât ou s'épongeât le front durant la messe. Par la suite, il est devenu un objet de distinction, non employé pour sa fonction d'origine. On parle aussi de « doigtier » ou de « linge de crosse ».
En Occident, ce n'est donc qu'après leMoyen Âge (il est alors appelé « coffin à roupies »[6]) que le mouchoir est un objet connu, bien que pas forcément répandu (mention que dans les inventaires de succession des familles fortunées). Cette relative rareté n'empêche pas qu'il soit utilisé par toutes les classes de lapopulation (au contraire de lafraise, par exemple). Le mouchoir existe dans le théâtre deMolière (L'Avare,1668) :
« Qui se sent morveux, qu'il se mouche ! »
Si le fait de se moucher était — en Europe — entré dans les mœurs comme le prouve cette citation, le mouchoir en lui-même n'était pas objet très courant. Cette situation s'explique essentiellement par la valeur alors attribuée aux tissus : un simple morceau de haillon demeurait unluxe inaccessible pour nombre de personnes des couches inférieures de la population. La citation ci-dessus évoque le fait de se moucher, et non le mouchoir. Le mouchoir n'a jamais été un objet de première nécessité : se moucher dans ses doigts, ou sur un pan de sonmanteau, a été jusqu'au milieu duXXe siècle un acte répandu. Tenu à la main, il entrait aussi dans le jeu de la séduction féminine.
De l'usage hygiénique à l'usage culturel du mouchoir
De ces différences d'utilisation entre pays découlent des différences defabrication du mouchoir.
Deuxhankachi japonais entissu éponge : pour s'éponger le front.Hankachi (ハンカチ) est un emprunt abrégé de l'anglais « handkerchief » signifiant « mouchoir », dérivé de « kerchief », lui-même emprunt déformé de l'ancien français « couvre-chef ».
AuJapon, jusque dans lesannées 1990, le mouchoir était en toile, à l'instar de la France. Cependant il ne servait jamais à se moucher. En effet, le rapport des Japonais à l'hygiène et à la morale est très sensiblement différent du contexte occidental. Pour se moucher, ils utilisent ainsi exclusivement des mouchoirs jetables[7], les mouchoirs en toile servant à s'essuyer lesmains ou à s'éponger lefront, lanuque, etc. Cette fonction principale d'essuyage entraîna l'utilisation massive detissu-éponge au détriment de la toile simple, moins pratique. Aujourd'hui, on peut dire que le mouchoir de toile simple est tombé en désuétude et a presque totalement disparu du Japon.
Du reste, même le mouchoir en papier est peu utilisé au Japon pour se moucher, et ceci malgré les efforts dutissue-san deSan-X. Se moucher devant quelqu'un est assez vulgaire ; peut-être est-ce porter une attention excessive et condamnable envers son propre confort.
L'acte de se moucher en privé paraît aller de soi, parce qu'il ne gêne, par définition, personne. Ce serait sous-estimer le marquage du mouchoir, du moins en France : se moucher, c'est obéir à un mode de comportement issu de la société. Il s'agit d'un geste codé, imprégné de morale et de valeurs. Ainsi, certains adolescents soucieux de se construire identitairement en s'affirmant « contre » la société adulte refusent parfois d'obéir à ce mode de comportement, préférantrenifler bruyamment, en privé ou non.Se moucher, dans un mouchoir ou non, est cependant un acte hygiénique important ; ne pas se moucher est la cause de nombreuses infections. Comme tout démarquage, il dépend d'un choix de groupe : si ne pas se moucher est une mode passagère et récurrente, elle n'est jamais systématique.
On voit à travers ce cas précis (français) que se moucher peut être un acte poli (même s'il nécessite une certaine discrétion), alors qu'il peut être de la plus grande vulgarité ailleurs.
Longtemps, toute expression du corps, comme celle du mouchage, fut exclue de la peinture. Mais leRéalisme l'autorisera à partir duXIXe siècle. Ici, détail d'Un enterrement à Ornans deCourbet (1850).Dans ce même tableau, le personnage central, qui serait impassible dans une toileclassique, est ici peint le visage dissimulé par un mouchoir banal. Le mouchoir est ici une expressionréaliste du corps trivial maisdigne dans sa trivialité[note 1],[note 2].
« Mouchoir (n) : petit carré de soie ou de toile qui sert à accomplir diverses fonctions ignobles, touchant le visage, et particulièrement utile aux enterrements pour cacher l'absence des larmes. »
Le mouchoir est, dès peu après sa généralisation, un objet qui reçoit une marque morale, si ténue soit-elle ; cela est le cas de bon nombre d'expressions corporelles, à l'instar du mouchage, comme lerire, lebâillement, lesoupir, etc.Montaigne, dans lesEssais, estime que toute coutume est relative et qu'après tout, se moucher dans ses doigts est peut-être plus propre que confiner son mouchoir dans sa poche ; et que c'est gâcher bien du linge propre :
« Desrobons icy la place d'un compte. Un gentil-homme François se mouchoit tousjours de sa main (chose tres-ennemie de nostre usage) défendant là dessus son faict : et estoit fameux en bonnes rencontres : Il me demanda, quel privilege avoit ce salle excrement, que nous allassions luy apprestant un beau linge delicat à le recevoir ; et puis, qui plus est, à l'empaqueter et serrer soigneusement sur nous. Que cela devoit faire plus de mal au cœur, que de le voir verser ou que ce fust : comme nous faisons toutes nos autres ordures. Je trouvay, qu'il ne parloit pas du tout sans raison : et m'avoit la coustume osté l'appercevance de cette estrangeté, laquelle pourtant nous trouvons si hideuse, quand elle est recitee d'un autre païs[8]. »
Si le mouchoir est à l'origine un objet d'utilité corporelle, dès la Renaissance, se moucher ne va plus de soi : ce morceau de tissu est déjà, et sans doute depuis longtemps, un objet en partieculturel. Il fait partie d'une panoplie et, que le mouchoir soit pratique pour se moucher ou non, il reçoit comme tout autre vêtement des marques qui indiquent très précisément à quelle classe appartient le porteur.
Gustave Flaubert a décrit un des usages du mouchoir dans son romanL'Éducation sentimentale :
« De temps à autre il s'essuyait le front avec son mouchoir de poche roulé en boudin, et qu'il portait sur sa poitrine, entre deux boutons de sa redingote verte[9]. »
Le mouchoir fut une marque ostentatoire derichesse, selon la finesse de sabroderie, la forme de ses contours, la qualité de ses motifs. La dentelle et la broderie sont les aspects les plus apparents de la richesse ostentatoire : ainsi, l'inventaire deClémence de Hongrie, reine de France, veuve deLouis le Hutin, ne contenait, lors de sa mort en1328, qu'un « esmouchoir de soye broudé ».
L'ajout d'une marque culturelle (moralisante) dans le mouchoir par-dessus son utilité première explique peut-être que le mouchoir a été très tôt une marque ostentatoire de richesse.
Dans un premier temps (Moyen Âge), les différences entre les mouchoirs tiennent plus au confort qu'à l'ostentation : les personnes issues des classes sociales privilégiées possèdent ainsi des mouchoirs dont la texture est avant tout agréable, même si leur aspect peut également être soigné. Mais dès lors que la société française se hiérarchise et que chacune de ses parties jauge l'autre (périodeproto-industrielle), les marques moralisantes de l'aspect extérieur se multiplient, et le mouchoir en est une : d'objet d'un plus ou moins grand confort, il passe objet d'une plus ou moins grande ostentation. Sa dimension esthétique et symbolique - ce qu'il donne à voir - devient plus important que son caractère pratique - ce pour quoi il a été matériellement créé.
AuXIXe siècle, le mouchoir fait partie intégrante d'une tenue vestimentaire codée[10].
« S'il survient quelque chose de si risible qu'on ne puisse se retenir d'éclater, il faut se couvrir le visage avec son mouchoir ou avec la main. »
Mais dès lors que le mouchoir est instrument d'une morale de l'hygiène, il est aussi instrument de la morale tout court : il est notable que le Tartuffe tend un mouchoir à Dorine afin qu'elle cache sa poitrine (Molière,Le Tartuffe,1664) :
« Tartuffe (il tire un mouchoir de sa poche) :
Ah ! mon Dieu, je vous prie, Avant que de parler prenez-moi ce mouchoir.
Dorine :
Comment ?
Tartuffe :
Couvrez ce sein que je ne saurois voir : Par de pareils objets les âmes sont blessées,
Et cela fait venir de coupables pensées. »
Si le mouchoir n'est pas ici, en soi, regardé par la morale, en revanche il en est un magistral agent (le mot « mouchoir » est placé à larime, ce qui lui confère une certaine importance).
Le mouchoir est donc progressivement devenu un véritable vêtement, recevant les marques morales réservées à ces accessoires qu'il convient de porter d'une certaine manière, tels l'ombrelle, legant ou lechapeau.
Parallèlement à l'usage moral ou moraliste du mouchoir, s'est développée une utilisation vestimentaire du mouchoir. À partir duXVIe siècle, les personnes riches veulent non seulement le confort (mouchoir doux voire soyeux), mais aussi la représentation visible de tous du confort (mode ostentatoire des variantes de broderie, par exemple). Dès lors le mouchoir commence à êtrevêtement, même s'il est un vêtement utilitaire et pas encore un véritable objet de luxe. Il intègre alors une nouvelle panoplie mondaine : celle de la construction del'apparence.
Il existe un exemple remarquable de cette utilisation codée du mouchoir. C'est le tableau d’Antoine-Jean Gros (ci-contre), qui montre le généralBonaparte et, derrière lui, un officier très affecté par l'odeur des pestiférés deJaffa. Le fait de mettre son mouchoir sur le nez pour se dissimuler uneodeur désagréable n'est pas remarquable en soi, et c'est presque un geste naturel, à but hygiénique. En revanche, ce qui est remarquable, c'est que le peintre l'ait représenté. Il rapporte ainsi en effet une manière très affectée de se servir d'un mouchoir, et c'est là montrer l'hiatus entre cet officier et les pestiférés, hiatus presque insoutenable pour l'officier, mais aboli par Bonaparte, courageux, au premier plan (même s'il s'agit, du reste, d'unhéroïsme paradoxal, puisque Bonaparte est entouré de personnages inhabituels et malades).
C'est ce mouchoir « snob » qui participe, par contraste, au caractèreépique du tableau : au contraire de cet officier, Bonaparte a pu soutenir l'odeur des pestiférés — mais aussi leur vue, si l'on considère que la vue seule pousse le général à mettre le mouchoir à la fois sur lenez et sur la bouche, afin de s'empêcher, sans doute, de vomir de dégoût.
Il est ainsi de nombreux cas où le mouchoir évolue en fonction de facteurs extérieurs à l'hygiène. Mais le mouchoir est un objet qui peut aller jusqu'à perdre sa fonction originelle, pour servir dans des occasions qui n'ont plus aucun rapport avec l'hygiène.
Le mouchoir, de par sa forme carrée, a pu servir, dans sadiagonale, de bâillon, de corde, etc. : ainsi,Alexandre Dumas rapporte queLouis XVI aurait été exécuté les mains liées par un mouchoir, le monarque refusant la corde que lebourreauSanson imposait aux condamnés habituels (Alexandre Dumas,Causeries,1854) :
« Alors, [Sanson] s'approcha, et, du ton le plus respectueux : « Avec un mouchoir, Sire » dit-il. À ce motSire, qu'il n'avait pas entendu depuis si longtemps, Louis XVI tressaillit ; et, comme au même moment son confesseur lui adressait quelques mots du carrosse : « Eh bien, soit ; encore cela, mon Dieu ! » dit-il. Et il tendit les mains. »
Le mouchoir est un objet idéal pour servir de corde lorsque l'on manque de celle-ci : le mouchoir en tissu, utilisé dans sa diagonale et non par un côté, est très solide et se déchire difficilement. En outre il a l'avantage du confort et de l'épaisseur ; on bâillonne difficilement quelqu'un avec une corde, si ce n'est en serrant très fort et de façon que le bâillonné ouvre continuellement la bouche sans pouvoir articuler un seul mot : un mouchoir dans ce cas est bien moins cruel et moins inconfortable qu'une corde.
Plus généralement, le mouchoir est un objet qui peut en remplacer beaucoup d'autres. On ne peut faire la liste exhaustive des services que peut rendre une simple pièce de tissu bordurée. Avec un mouchoir, on a pu soutenir un brasblessé, serrer un garrot, réveiller quelqu'un par dessels imbibés dans le mouchoir ou au contraire l'endormir s'il s'agit dechloroforme, arrêter unehémorragie : les usagesmédicaux sont innombrables. Mais notons aussi qu'on peut faire des signaux de fumée, nouer un balluchon ou même envelopper unpique-nique (mouchoir de préférence à carreaux rouges et blancs, en tissu grossier ou en bure ; — un grand chiffon de toile épaisse ferait tout de même mieux l'affaire).
Le mouchoir permet encore d'éponger,humidifier,dépoussiérer,cirer ou faire briller seschaussures, essuyer un objet, s'essuyer le front en sueur, les mains, jouer àcolin-maillard ou aujeu du mouchoir, transporter despièces de monnaie[11], fêter la fête de laMocadorada enCatalogne, donner un soufflet pour provoquer enduel (en évitant ainsi de toucher le souffleté de la main). Utilisation encore très pratique (voir le dessininfra de Millet de la paysanne coiffée d'un mouchoir), dansLe Crabe aux pinces d'or,Tintin se sert d'un mouchoir pour se protéger latête dusoleil de plomb dudésert : et de même, les premiersmarathoniens se coiffaient d'un mouchoir lors de leurcourse, mouchoir qui fut par la suite supplanté par la casquette avec visière sur la nuque.
Mais il est remarquable que le mouchoir soit très utilisé dans lesdanses telles que lamarinera et letonderopéruviens, ou latumba francesa duCongo. Dans les dansesyiddish, letikhele (mot signifiant « mouchoir ») est employé pour éviter le contact direct entre les partenaires de sexes différents, alors que dans lesyrtos grec, les partenaires se tiennent par le mouchoir, mais de manière à donner plus d'amplitude à la danse. Le mouchoir peut être aussi exclusivement décoratif, comme dans la danse turque appeléeAlí Paşa et codifiée par Bora Özkök, où le mouchoir est tenu par les meneurs qui sont à l'extrémité d'une ligne de danseurs[note 4].
Le mouchoir est en définitive une sorte d'« objet relais », très utilisé hors de son usage initial.
Le mouchoir, dans toutes ces utilisations, conserve une part de son utilité première, qui est d'être un tissu pour se moucher, c'est tout : au contraire dudoudou par exemple, qui est un mouchoir fabriqué exprès pour un usage spécifique (voir le tableauinfra pour les usages spécifiques).
Enfin, c'est lorsqu'il remplace lelangage lui-même, devenant par exemplesigne ou signal, que le mouchoir s'éloigne vraiment de son utilité première, tout en n'étant fabriqué que dans le même but premier et modeste, se moucher.
Si le mouchoir a unsens dans certains contextes, il peut également être un message en lui-même ou un porteur de message. Accroché à un véhicule (pour alerter dudanger de la longueur excessive d'un objet transporté), à un poteau ou une fenêtre, le mouchoir revêt une couleur vive — fréquemment rouge — afin d'être plus visible. Il constitue alors un signe direct.
Il peut aussi se constituer en support d'écriture, explicite ou non : le mouchoir servant, par exemple, de signal secret entre deux personnes complices, puisque ne comportant pas de mots. Cet objet on ne peut plus polyvalent a longtemps servi, entre autres, à marquer la place du cœur du fusillé, servant ainsi de cible au peloton d'exécution.
Mais c'est sans doute pour dire adieu lors de départs qui durent, comme lors de l'éloignement d'un navire, que le mouchoir remplace vraiment la langue. Car ici le mouchoir nesignale pas seulement la présence de quelqu'un quelque part : il est l'intermédiaire essentiel d'uneémotion implicite qui ne peut plus être portée par lesmots.
Pour unesémiotique du mouchoir.Adieu sur leMersey,Tissot, 1881[note 5]. Il y a une grande quantité de mouchoirs sortis par les gens pour l'occasion.
« À l'horizon, des voiles fuyaient vers la mer, des cheminées de steamers déployaient, sur le gris laiteux et perlé du ciel, de longues banderoles moutonnantes, pareils à des exilés qui agitent leurs mouchoirs, en signe d'adieu, aussi longtemps qu'ils sont en vue des rives aimées. Des mouettes éparpillaient des vols d'ailes blanches sur la nappe verdâtre et blonde, aux dégradations si douces et si subtiles qu'elles désoleront éternellement les marinistes. »
Et la séparationromantique des fiancés a souvent été exaltée grâce austéréotype du mouchoir agité :
« Elle a l'air toute sérieuse, et je la vois de loin, debout, qui agite son mouchoir, comme font les châtelaines dans les livres, quand leur fiancé s'en va[note 6]. »
Mais il peut aussi être le réceptacle duparfum[note 7] de l'être aimé, qui perdure quelque temps après la séparation ; il peut aussi être un intermédiairegalant : l'amoureux ramassant le mouchoir tout chargé encore du parfum de celle qui l'a volontairement fait tomber est untopos de la littérature amoureuse.
Remplacer le langage semble être une destinée éternelle du mouchoir, et cela sous diverses formes : signaux de loin (voirsupra), signes d'appartenance, ordres divers (la couleur dumouchoir rouge deGobineau symbolise le meurtre à commettre dans ce roman), ou encore signal pour dire que la voie est libre, ou dangereuse, ou qu'il y a un imprévu (le mouchoir est souvent unmessage crypté).
Ainsi dansLa Chartreuse de Parme, Clélia et Fabrice, qui ne peuvent physiquement pas se voir, utilisent le mouchoir comme signe que tout va bien ; plus loin dans le roman, le mouchoir devient même support d'untexte (imprimé, non brodé) et il est alors un objet d'une haute mondanité queStendhal tourne en dérision :
« Au Moyen Âge, lesLombards républicains avaient fait preuve d'une bravoure égale à celle des Français, et ils méritèrent de voir leur ville entièrement rasée par les empereurs d'Allemagne. Depuis qu'ils étaient devenus de fidèles sujets, leur grande affaire était d'imprimer dessonnets sur de petits mouchoirs detaffetas rose quand arrivait le mariage d'une jeune fille appartenant à quelque famille noble ou riche. »
Dans ce même roman, lespoèmes ou messages imprimés sur un mouchoir reviennent plusieurs fois ; il s'agit en quelque sorte d'un papier deluxe et, si le mouchoir n'est plus lemessage en lui-même, il y participe.
Cette destinéesémiotique d'un objet banal n'est pas anodine : l'humain utilise, pour communiquer, ce qu'il a à sa disposition : bouche, main, trace écrite, pourquoi pas un mouchoir, objet si répandu, si pratique et si adaptable à des tâches variées ? Et pas forcément par nécessité : au début duXXe siècle, il n'était pas rare d'imprimer desinstructions militaires et autresmodes d'emploi sur des mouchoirs en tissu.
En cas de force majeure un mouchoir peut cependant se révéler providentiel. Ainsi pourMahé de La Bourdonnais qui, emprisonné à laBastille, sans plus rien pour écrire, coucha sa défense sur un mouchoir avec de lasuie et dumarc de café pour toute encre.
Plus récemment, lecode foulard, aussi connu comme le code mouchoir, le code bandana, est un système de code couleur employé par les gays recherchant de la sexualité libre (casual-sex) pour indiquer les fétiches sexuels préférés,
Le mouchoir comme support d'écriture a cela de particulier, que quand on referme le mouchoir, on ne voit pas ce qu'on y a écrit ; or, à la différence du livre, le mouchoir porte en lui une dénotation d'intimité. Par conséquent le mouchoir support d'écriture n'est pas toujours un support par défaut de papier ; les mouchoirs contenant les poèmes lombards sont bien sûr des supports choisis, au contraire du mouchoir de Mahé de La Bourdonnais (voir ci-haut).
Cette connotation intime du mouchoir a fondé certains rites. Ainsi, enIran, lors de la fête deChaharshanbeh suri, la tradition perse veut qu'on fasse un nœud dans un mouchoir ou un tissu et que l'on demande au premier passant de défaire le nœud afin d'éloigner lamalchance de quelqu'un (c'est latradition deGereh-gosha-ee). De même, dans laMaison de Marie, sur les hauteurs d'Éphèse, enTurquie, lespèlerins occidentaux insèrent dans un mur des prières ou des messages rédigés sur toute sorte de papiers, notamment des mouchoirs (en tissu ou jetables).
Dans le monde entier et à toutes les époques, le mouchoir revêt donc une utilité assez éloignée de ses fonctions d'origine. Ritualisé, il est un objet banal qui devient très personnel.
Le mouchoir commevêtement semble hésiter entre utilité concrète et mode superfétatoire.
Au-delà ou en même temps qu'une fonction rituelle, le mouchoir a en effet pu s'affranchir de tout usage pratique. Devenant un pur support de mondanité, il est l'un des premiers vêtements à laisser apparaître de manière ostentatoire, soit lamarque du fabricant ou duvendeur, soit leschiffres personnalisés du possesseur du mouchoir.
Un mouchoir peut très bien servir d'objet demode, autour du cou, sur la tête, notamment pour se protéger du soleil ou de la pluie, entre autres exemples, durant la saison chaude en Afrique (le mouchoir est alors appelémoussor[12]) ou chez les travailleurs de bords de mer en France. En effet lesmouchoirs de tête flottants étaient très répandus autrefois chez les gens qui travaillaientsous le soleil, et a donné de nombreux dérivés, telle lapointe des comtadines, laquichenotte (ou kissnot) des ramasseuses d'huîtres des îles du littoral atlantique (Oléron,Ré, etc.) ou de la côte elle-même.
Les limites entre le mouchoir et l'écharpe ou d'autres vêtements deviennent alors assez floues, même si la dénominationmouchoir de col (voir imagesupra) estanalogique : il ne s'agit pas vraiment d'un mouchoir autour du cou, à proprement parler.
Par ailleurs, le mouchoir peut être le moyen d'une véritable ostentation non de richesse, mais de mœurs. Dans lesannées 1970, àSan Francisco, est apparue l'utilisation de lacouleur du mouchoir de costume pour indiquer l'homosexualité du porteur. Pour un regard initié, la couleur signalait les préférences sexuelles de la personne. Ce n'est qu'un aspect du mouchoir comme marque d'appartenance à ungroupe ; à défaut d'objet plus adéquat, lessupporteurs ont parfois recours à des mouchoirs de couleur pour indiquer ostensiblement l'équipe qu'ils soutiennent, même si les serviettes sont en général davantage utilisées.
Mais le mouchoir peut cumuler un statut d'accessoire vestimentaire et une fonction rituelle, comme le montre son utilisation politique et partisane. En effet le mouchoir passé au bras devient brassard et étalé sur le front fait office de bandeau. L'improvisation est un aspect essentiel de certaines actions politiques, syndicales, etc. (par exemple unegrève). Les partisans d'une cause populiste ont dans le passé aisément pris cet humble bout de tissu pour signe de ralliement ; ainsi des membres actifs duMovimento dos Pioneiros auPortugal et leurs brassards rouges, à la base un mouchoir. On comprend alors que le mouchoir, s'il reste un objet modeste, peut parfois devenir outil essentiel à des objectifs élevés — et que c'est cettemodestie elle-même qui peut servir la cause échéante.
De tels signes de ralliement apparaissent souvent spontanément, à l'improviste : le mouchoir, ici encore, est objet par défaut. Mais dès lors que la banderole de mouchoirs improvisée devient undrapeau reconnu, on fabrique des drapeaux dans un format standardisé, à partir de tissu prévu à cet effet : le mouchoir retourne alors à son utilisation première.
Ainsi cet objet ne pourra jamais occuper des fonctions plus nobles que par défaut, malgré le grand nombre de ses utilisations possibles.
Rarement cependant, il peut occuper une place non par défaut mais par préférence : dans certains sports, les supporteurs d'une équipe agitent des mouchoirs pour marquer leur désaccord avec les dispositions de celles-ci, au lieu de siffler par exemple[note 9]. Dans unecorrida, différentescouleurs de mouchoirs sont utilisées pour divers signaux dupublic au président de la corrida, du président autorero, etc. Par exemple, le mouchoir blanc indique le soutien du public au torero ; le mouchoir vert du président est le signe qu'il faut changer untaureau blessé ou défectueux. Récemment (1991), la couleur orange a été introduite, signifiant lagrâce accordée par le président au taureau (voirCorrida). Comme toutecoutume, sans doute ces dernières sont-elles spontanées à leurs origines, qu'elles ont peut-être communes, provenant du même pays, l'Espagne.
La publicité utilise parfois des espaces inattendus. À gauche, laréclame est imprimée directement sur l'enveloppe du paquet de mouchoirs. À droite, un carton publicitaire est inséré entre les mouchoirs et l'enveloppe du paquet[note 10].
D'une manière générale le mouchoir, malgré ses nouvelles fonctions, sera resté un objet censé être de première utilité, même s'il a pu n'être qu'un pur objet de mode. L'appellation même demouchoir le renvoie à sa basse extraction — un objet banal au service d'un besoin physique basique — et l'oblige à rester des plus communs. Lesème de l'hygiène nasale en est indissociable.
Le mouchoir à double fonction : pour se moucher, mais aussi récupéré par la propagande
Un autre exemple de récupération propagandiste, plus récent, se situe dans le Japon contemporain. Tout au long des journées chaudes de l'été, des jeunes filles en distribuent gratuitement dans la rue. Lesentreprises font distribuer ces paquets de mouchoirs jetables en papier, parfumés ou non, qui sont le support de publicités. Le mouchoir sert ainsi à une publicité polie (offerte avec le mouchoir, proposée et non imposée).
Cette distribution a un succès relatif ; d'un côté, les Japonais utilisent peu les mouchoirs en public ; d'un autre côté, l'aspectgratuit et le fait qu'on peut utiliser un mouchoir en papier pour n'importe quelle tâche hygiénique permettent malgré tout un certain succès à cette méthode publicitaire. Preuve en est, la diversification des publicités : avant les années 1990, on ne trouvait que des publicités pour des banques ou destéléphones roses. Aujourd'hui, le paquet de mouchoir est devenu un espace publicitaire comme les autres[13].
Tout essuyage (poussière, eau, etc.) Tout bouchage Filtrage physique (protection contre la fumée/les miasmes/les odeurs) Cirage Humidification Nœuds divers (attache, garreau, ou aide-mémoire) Amortissage /cale /manicle Toutes charpies Divers signaux Si le mouchoir est grand (surtout avant leXXe siècle) : Servir defoulard,brassard,cravate sommaire,bandeau, bâillon, etc.
Entre 1771 et 1783, l'Académie royale des sciences fait publier lesDescriptions des arts et métiers, faites ou approuvées par Messieurs de l'Académie royale des sciences de Paris. L'ouvrage contient des articles très précis sur la taille des mouchoirs, mouchoirs de col et autres bonnets de nuit.
Le mouchoir était de toute forme, ronde, carrée, triangulaire, toutes étant techniquement aussi utiles les unes que les autres pour se moucher. Cependant, auXVIIIe siècle,Marie-Antoinette fit remarquer que la forme carrée était plus adéquate ;Louis XVI, par la suite, imposa ce format au mouchoir par deslettres patentes en1784[14].
La forme carrée est restée jusqu'à nos jours, bien que le mouchoir n'ait, du point de vue hygiénique, nul besoin de standardisation.
L’Encyclopédie répertorie plusieurs usages du mouchoir commeaccessoire de mode (voir tableau ci-après). DuXVIIIe siècle auXXe siècle, l'évolution de la forme du mouchoir dépendra de deux facteurs croisés : la relative standardisation d'une part et, d'autre part, l'utilisation de mode, qui se fait parfois (assez rarement[note 11]) à partir de mouchoirs prévus dès l'origine de leur fabrication pour être des coiffes ou des accessoires de costume.
MOUCHOIR, s. m. (Gram. & Écon. domestiq.) linge qu’on porte dans sa poche pour se moucher & pour s’essuyer.
Mouchoirs de col, terme de Marchand de mode, ce sont des grands mouchoirs de soie qui ressemblent à du satin, mais qui n’a point d’envers, sur lesquels sont travaillés des-desseins qui paroissent également des deux côtés. Il n’y a guere que les femmes du commun qui se servent de ces mouchoirs pour mettre sur leur col. Les Marchands de mode les tirent de Lyon, de Nimes & des Indes.
Mouchoir-frisé, terme de Marchand de mode, ce sont trois rangs de gase brochée ou peinte, de blonde ou de dentelles, montés par étage sur un ruban de fil assez étroit, & qui sont fort plissés. Cet ajustement sert aux femmes pour mettre sur leur col, & peut être large en tout de quatre ou cinq doigts sur trois quarts de long.
Mouchoirs a deux faces, (Soyerie.) étoffe legere, façon de serge, dont un côté est d’une couleur par la chaîne, & l’autre d’une autre couleur par la trame.
Après Louis XVI, la standardisation de la taille est principalement due à l'industrialisation et lacommercialisation du mouchoir : avec elles apparurent en effet les réplications à grande échelle, surtout pour un objet aussi commun et répandu. Mais notons immédiatement un bémol : il s'est agi d'une standardisationde facto et nonde jure, c'est-à-dire que chaque manufacture fabriqua des mouchoirs d'une taille unique, sans aucune règle commune avec les autres manufactures. C'est encore le cas aujourd'hui : si l'automatisation desmétiers à tisser permet une taille identique aumillimètre près pour chaque modèle de mouchoir d'un même fabricant, en revanche chaque fabricant a ses proprespatrons. Ce n'est pas le cas pour leschaussures, la longueur maximale descouteaux, la taille desampoules électriques ou autre objets domestiques dont la standardisation est cruciale (n'importe quel mouchoir va à n'importe quel nez, mais n'importe quelle chaussure ne va pas à n'importe quel pied).
Époque moderne : industrialisation, commercialisation
L'automatisation a aussi apporté une plus grande rapidité et une meilleure efficacité dans la production de mouchoirs de qualité : à la main, avec lemétier mécanique, un accroc est plus fréquent qu'avec un automate (voir la texture ci-contre).
Détail d'uncarré de coton encoton deJaipur.Impression à la planche de bois et peinture à la main, vers1795.
Un mouchoir non jetable est en général fait d'un tissu léger, doux, peu épais et pourtant solide. Les fabricants de mouchoir en tissu ont, dans le passé, cherché ces qualités.
À cette époque, lesimports de textiles sont de plus en plus nombreux ; parfoisblanchisseries reconverties, lesmanufactures se multiplient : c'est la période préindustrielle. Ces manufactures sont desindienneries. Une indiennerie célèbre est celle deJouy-en-Josas, créée en1760, et dont tire son nom latoile de Jouy. L'indiennerie fabriquait, entre autres, desmouchoirs-châles. Si les toiles de Jouy étaient en général imprimées (souvent à la planche de bois ou decuivre), une fabrication plus compliquée et plus manuelle a persisté, notamment pour lesbroderies.
Entre1800 et1830, c'est la mode ducarré de coton, dont on peut faire un châle, un mouchoir pour se moucher, ou encore un mouchoir pour ne pas se moucher (cf. plus haut, le mouchoir ostentatoire). Les carrés de coton reprenaient souvent (et encore aujourd'hui) les motifs indiens ditspaisley qu'on retrouve sur lesbandanas (ces derniers étant des dérivés dumouchoir de tête ou du moins, leurs équivalents indiens ; par exemple lawikipédia néerlandaise définit strictement le bandana comme un mouchoir (zakdoek) pour la tête[note 12]).
Lasoie est très tôt utilisée, plus douce que le coton, du moins avec les techniques préindustrielles. EnChine, dès la dynastie desMing, la soie se décline dans toute une série d'accessoires, dont les mouchoirs. La soie a l'avantage sur le coton d'être très légère et beaucoup plus facilement soyeuse (cetadjectif lui-même vient d'ailleurs du motsoie).
Les célèbres manufactures fabriquant (entre autres) des mouchoirs sont apparues en général auXIXe siècle : Baudin (àBolbec), Winkler, etc. Les tissus de grande qualité les plus répandus sont les cotons indiens, la soie des soieries deLyon, et la plupart des soies de Chine. Sans oublier le cotonJumel (ouGossypium barbadense), provenant en général de l'Égypte bien que son origine soitpéruvienne, et dont les fibres sont très longues et d'une grande qualité (5 % de la production mondiale decoton).
Lesatin sert aux bordures du mouchoir. Lelin a longtemps été utilisé pour labatiste (notamment dans leCambrésis).
Ce mouchoir est rouge et blanc. Le blanc témoigne de l'histoireroyaliste de la région ; au cours de laguerre de Vendée, lesChouans se ralliaient à la couleur blanche de leur drapeau. La légende raconte même que le comteHenri de La Rochejaquelein (ouFrançois de Charette) portait trois mouchoirs blancs sur sonuniforme afin d'être reconnu des siens, mouchoir qui par ailleurs pouvait servir de cible auxRépublicains. Le blanc a toujours été l'une des couleurs symboliques duroi de France (du drapeau blanc au panache blanc d'Henri IV). Le rouge du mouchoir constituerait un rappel allégorique dusang vendéen versé durant ces affrontements. C'est un tisserand, Léon Maret, qui l'aurait créé en 1900, profitant du succès d'une chanson deThéodore Botrel, chantre breton : « Le mouchoir rouge de Cholet »[17], rouge du sang du héros qui le portait.
« Mais qu'est-ce là dans ma poquette ? C'est mon vieux mouchoir blanc si laid Je te le donne pour ta fête Taché de sang, ma mie Annette Il est si rouge qu'on dirait Un mouchoir rouge de Cholet. »
Cholet abrite lemusée du textile, installé dans l’ancienne blanchisserie de la Rivière Sauvageau. À l’intérieur de la « salle des sèches », il présente un atelier de tissage permettant de visualiser les modalités de production du mouchoir rouge et de perpétuer la tradition régionale.Le musée commercialise notamment des mouchoirs et torchons.En 1997, il a accueilli un colloque international consacré aux différents usages du mouchoir à travers les siècles et les cultures.
En 1924, leKleenex est fabriqué parKimberly-Clark : il s'agit d'une pièce de papier doux pour ledémaquillage (« Kleenex » est la combinaison phonétique de « cleansing » — « nettoyage » — réduit à « clean » et de « ex » qui vient deKotex, produit précédent de la marque). Mais dès 1926, la société s'aperçoit que les consommateurs utilisent le Kleenex pour se moucher. Ce n'est qu'en 1930 que le produit commence à être commercialisé comme mouchoir jetable et se fait mondialement connaître[18].
En France, l'appellation « kleenex »[note 13] est peu à peu supplantée par « mouchoir en papier » (on parle aussi de « papier mouchoir », par analogie avec le « papier calque », le « papier filtre », etc.). AuQuébec, on parle de « kleenex ». Dans les pays anglophones, l'équivalent du « kleenex » est le « tissue » (du français « tissu »),qui servait à désigner pareuphémisme le mouchoir quand ce terme était considéré comme vulgaire (ou du moins à éviter) par les couches supérieures de la société[réf. nécessaire]. Cet euphémisme a aujourd'hui disparu.
Letissue, paradoxalement, n'est pas en tissu, de même que lehandkerchief n'est plus un couvre-chef (foulard) : il s'agit là de glissements de sens sous des mots inchangés.
Un mouchoir en papier est composé depapier. Structure moléculaire de lacellulose.
Après le Kleenex, Kimberly-Clark invente dès1928 la boîte de mouchoirs avec ouverture prédécoupée sur le dessus[18].
Il existe aujourd'hui des caches-boîtes décoratifs ou des étuis conçus pour masquer les boîtes en carton parfois visuellement pauvres. La forme standard des boîtes estrectangulaires mais sont apparues des conditionnement de forme pluscubique ; à cette innovation s'ajoute l'impression de motifs colorés sur les boîtes, comme parfois sur les mouchoirs eux-mêmes. Jusqu'auxannées 1990, les boîtes rectangulaires comportaient rarement des motifs distrayants, si ce n'était diverses déclinaisons de la marque du fabricant ou du distributeur.
Il existe aussi de nombreuses variétés de poches en lin, de fabrication d'une bien moindre ampleur.
Mouchoirs comparés. De gauche à droite : un paquet japonais à ouverture latérale ; un paquet japonais à ouverture centrale ; un paquet occidental à rabat autocollant[note 14].
C'est encore lesKleenex qui sont vendus pour la première fois, en1932, sous la forme de paquets de poche[18].
Les paquets de mouchoirs en papier auJapon ont la forme de petites poches, peut-être de la forme des premiers paquets de mouchoirs en papier importés au Japon. Par la suite, les paquets japonais n'ont pas évolué de la même manière que les paquets occidentaux, vers une forme cubique ou rectangulaire, avec une étiquette collante pour la fermeture : les paquets japonais n'ont pas cette étiquette et se ferment comme toute poche à double battant (système d'ouverture enbarbacane).
Du reste, les mouchoirs contenus dans ces poches sont plus larges et souvent moins épais qu'en France, et pliés différemment. Peut-être l'habitude française du mouchoir en tissu oblige-t-elle à une certaine solidité dans le mouchoir jetable en France, en vue d'une éventuelle réutilisation. Le mouchoir en tissu est quasiment absent des coutumes nipponnes, pour une utilisation de mouchage du moins : les mouchoirs en tissu pour s'éponger le front (ou autre utilisation hygiénique) sont en revanche assez communs (voir photo des hankachi,supra). Les mouchoirs en papier servent aussi, au Japon, pour tout essuyage ou épongeage, quand le hankachi fait défaut. En outre, les Japonais ne connaissant pas vraiment laserviette de table en tissu, ils confondent aisément le mouchoir en papier et la serviette en papier de restaurant, tous deux jetables et de même taille : l'un peut remplacer l'autre à l'occasion.
La qualité du mouchoir est relevée lorsqu'une marque propose des mouchoirs aumenthol ou à d'autresadditifs (le menthol est aussi d'une utilité hygiénique[réf. souhaitée]). Le menthol et les autres luxes tendent à se généraliser même dans les mouchoirs de premiers prix.
Il est donc possible pour le consommateur de choisir entre deux conforts : le confort du mouchoir neuf et jetable, additionné de conforts supplémentaires (visuels, olfactifs, etc.), et le confort de l'objet personnel, intime, le mouchoir en tissu, faisant presque partie de la garde-robe, et utilisable dans des occasions parfois très éloignées de l'hygiène nasale.
En revanche, du point de vue hygiénique et selon l'Institut Pasteur, un mouchoir en papier jetable est préférable. En particulier, lemucus, s'il n'a rien de révulsant, reste un nid àmicrobes. Par exemple, levirus respiratoire syncytial peut vivre plusieurs jours dans un mouchoir et provoque uneinfection virale chez lenourrisson.
Mais ces considérations[19] ne portentque sur les mouchoirs en tissu réutilisés trop de fois[réf. nécessaire] ; il est recommandé de les laver très régulièrement. Pour cela,60 °C enmachine sont suffisants. Pour un mouchoir d'une propreté impeccable, avec le moins degermes et d'acariens possible, on peut utiliser de l'eau de Javel.
« Tenir dans un mouchoir de poche » : être de petite dimension.
« (Concurrents) dans un mouchoir » : très rapprochés.
« Jeter le mouchoir à une femme » : choisir à son gré, entre plusieurs femmes, celle que l’on préfère ; par allusion à la manière dont on prétend qu’en usait lesultan pour sélectionner parmi ses femmes la favorite d’un soir (expression archaïque).
« Se lave comme un mouchoir » : se lave facilement, entretien facile.
« Le mettre dans sa poche avec un mouchoir par-dessus » : oublier son orgueil et faire comme de si de rien n'était.
"faire un noeud à son mouchoir" : désigne une méthode servant depense-bête, d'aide mémoires.
« Les mouettes naissent des mouchoirs que l'on agite au départ du bateau. » (Ramón Gómez de la Serna,Greguerias).
« Je fais un nœud à mon mouchoir pour me rappeler que j'existe. » (Alexandre Arnoux).
« En matière sentimentale, il ne faut jamais offrir ni conseils ni solutions... Seulement un mouchoir propre au moment opportun. » (Arturo Pérez-Reverte,Le Tableau du maître flamand).
« On prend toujours un train pour quelque part. Au bout du quai flottent des mains et des mouchoirs ». (Gilbert Bécaud dans la chansonOn prend toujours un train pour quelque part).
« Le mouchoir, c'est un parc à huîtres. » (Pierre Perret)
Le groupe country/folk franco-suisse romandAristide Padygros a sorti en1976 un 33 tours dont la pochette représente un mouchoir brodé à son nom, et ayant manifestement servi (Paddy Blue, dit aussiLe Mouchoir, Cezame 1976).
↑Les enfants ou les adolescents peuvent exécuter cette danse, éventuellement en costume. La farandole peut alterner hommes et femmes, qui se tiennent par la main : le « meneur » pouvant très bien être une « meneuse ».
↑À relier au nom d'un des premiers parfums pour homme,Mouchoir de Monsieur, deGuerlain, créé à une époque (début duXXe siècle) où les hommes se parfumaient peu mais avaient des mouchoirs.
↑Dessin visible auLouvre, Département des arts graphiques.
↑Publicités : à gauche, pour une école de langue privée ; à droite, pour le musée du curry. En haut, publicité pour une banque. Paquets de mouchoirs distribués dans une rue de Tokyo, Japon, 2006.
↑Mais de plus en plus au fil du temps ; c'est ainsi que naissent les modes : par dérivations successives de l'usage.
↑Le terme hollandais a peut-être une histoire liée à sa présence aux Indes (Indonésie). D'autres langues font bien plus la distinction entre bandana et mouchoir, ainsi pour lesjalett suédois ou lebandana allemand.
↑On écrit « Kleenex », avec une majuscule, quand il s'agit du mouchoir de marque Kleenex fabriqué par l'entreprise Kimberly-Clark ; on écrit « kleenex », avec une minuscule, pour le nom donné par uneantonomase à tout mouchoir en papier jetable, quelle qu'en soit la marque.
↑Depuis quelques années, il y a une sophistication du plastique du paquet : on trouve de plus en plus de plastiques doux et opaques (paquet de gauche) ; le paquet japonais habituel est en plastique transparent et il est plus fragile (paquet central). L'ouverture latérale semble aussi moins courante et plus récente.
↑Pour avoir un ordre d'idée, l'entrepriseKimberly-Clark (fabricant desKleenex) seule vend 300 milliards de mouchoirs par an auxÉtats-Unis et enEurope, dont 20 milliards enFrance.
↑The Fireplace, par le peintre françaisJames Tissot,1869. Ici le mouchoir, dont les plis sont abondants, vient s'ajouter aux innombrables vêtements de la jeune fille ; il est un accessoire et pas encore un vêtement.
↑Ainsi à la fin de ce poème : « Il est un Dieu, qui rit aux nappes damassées Des autels, à l'encens, aux grands calices d'or; Qui dans le bercement des hosannas s'endort, Et se réveille, quand les mères, ramassées Dans l'angoisse, et pleurant sous leur vieux bonnet noir Lui donnent un gros sou lié dans leur mouchoir ! » Arthur Rimbaud,Poésies (1871), « Le Mal ».
Huss Valérie, Les carrés de soie événementiels : une adaptation locale du mouchoir illustré à travers l'exemple de Bourgoin-Jallieu, in Actes du colloque international "Le mouchoir dans tous ses états", Musée du textile, Cholet, 1997. Ed. 2000, pp. 141-147.
Huss Valérie, Entre savoir-faire et loisirs, les mouchoirs commémoratifs des ouvriers du textile de Bourgoin-Jallieu, inÊtre ouvriers en Isère [exposition]. Ed.Musée dauphinois, 2008, p. 115-120.
Le Mouchoir au Moyen Âge. Le mouchoir dans tous ses états. Actes du colloque international du 12 au, textes réunis par J.-J. Chevalier et E. Loir-Mongazon, Cholet, Musée du Textile, 2000.