L’alphabet mongol oumongol bitchig (dans cette écritureᠮᠣᠩᠭᠣᠯ ᠪᠢᠴᠢᠭ, encyrillique :Монгол бичиг,[mɔŋɢɔlbitʃig], littéralement : « écriture mongole »), aussi appelétsagaan tolgoi (ᠴᠠᠭᠠᠨ ᠲᠣᠯᠤᠭᠠᠢ,Цагаан толгой, littéralement « tête blanche »)[1], est la plus ancienne desécritures mongoles connues. Elle est également nommée enoïratehudum bitchig (hudum signifiant traditionnel) par opposition autodo bitchig (todo signifiant exact, adapté à l'oïrat). Il est également appeléalphabet ouïghour par de nombreux chercheurs, car il en est une variante.
L'usage du bitchig au sein des institutions administratives de l'Empire influence d'autres écritures comme lephagpa, letodo bitchig, le vaghindra et l'écriture carrée horizontale. Elle est également à l'origine de l'alphabet mandchou et, d'une certaine manière, lehangeul[3].
Aujourd'hui, laMongolie a pour objectif de ré-officialiser l'usage du bitchig en 2025 afin de l'utiliser au niveau administratif avec le cyrillique[3].
Mis à part quelques modifications mineures, de nos jours, il est surtout utilisé enMongolie-Intérieure, au nord de larépublique populaire de Chine où elle est une des écritures officielles et est utilisée par 6 millions de personnes, et depuis 1991 est une écriture de nouveau officielle enMongolie, où elle est encore utilisée par une minorité de ses trois millions d'habitants[4].
Le réseau de télévision de Mongolie-Intérieure,Nei Menggu TV (内蒙古电视网) diffuse des programmes entchakhar (une deslangues mongoles), sous-titrés en mongol bichig.
En Mongolie, cette écriture fut officiellement remplacée en 1941 par un dérivé de l'alphabet cyrillique, cette nouvelle écriture mit une dizaine d'années avant de s'imposer. En 1990, la graphie ancienne fit l'objet d'incitations du gouvernement pour en faire la graphie officielle. Son enseignement est depuis rendu, et reste obligatoire dans les écoles, mais la tentative ne fut pas suivie d'effets. Aujourd'hui le cyrillique est la graphie majoritairement utilisée, bien que certaines enseignes utilisent l'ancienne écriture à des fins artistiques ou publicitaires[5]. Elle prévoit de revenir à l'écriture mongole dans lesannées 2020.
Elle est aujourd'hui écrite avec plusieurs outils[6].
Aupinceau. C'était la technique originale, le pinceau est toujours utilisé pour lacalligraphie.
À l'impression. Les techniques d'impression de ce type de textes sont arrivés rapidement après l'apparition de cette écriture, en raison de la proximité avec la Chine et l'apparition de l'imprimerie dans le désert de Gobi (plus anciennes traces àDunhuang quelques siècles auparavant. Cette forme comporte une épaisseur de trait central (colonne vertébrale) régulière, contrairement à sa version calligraphiée au pinceau, elle comporte des pleins et des déliés.
Austylo. Avec le développement international dustylo à bille, jetable ou rechargeable, le stylo est devenu l'instrument d'écriture manuscrite courante, plus pratique à transporter qu'un pinceau et son encre. L'épaisseur est fine et régulière.
Avec unordinateur, permettant de retrouver au choix, l'une des trois catégories d'écriture précédentes.
La caractéristique principale de cette écriture est sa direction verticale ; il s'agit d'ailleurs d'une des rares écritures verticales à être écrite de gauche à droite, avec lemandchou et d'autres écritures dérivées du ouïghour. L'alphabet comporte 35 lettres, 8 voyelles et 27 consonnes. Tout comme l'alphabet syriaque, les lettres de l'alphabet mongol possèdent au plus trois formes suivant leur position dans un mot :
initiale ouisolée, en début de mot ou citée individuellement ;
médiane, à l'intérieur d'un mot ;
finale, en fin de mot.
L'une des caractéristiques héritée duproto-mongol(en) est que son orthographie se base principalement sur la morphologie. Initialement, la langue ne comporte que23 lettres marquant plusieurs phonèmes et l'invention d'un système pour transcrire les mots étrangers intègre des lettres supplémentaires auXVIe siècle[3].
Contrairement à différentes écritures ligaturées arabes ou indiennes où les bases des caractères sont des consonnes, les consonnes sont des lettres à part entière sans voyelle implicite, auxquelles s'ajoutent sept voyelles de base écrites elles aussi comme des lettres à part entière dans l'alphabet.
Les sept voyelles de base du mongol bitchig (ᠦᠨᠳᠦᠰᠦᠨ ᠗ ᠡᠭᠡᠰᠢᠭ/Үндсэн 7 эгшиг) sont divisées en trois classes : masculine (ᠡᠷᠡ/эр), féminine (ᠡᠮᠡ/эм) et neutre (ᠰᠠᠭᠠᠷᠮᠠᠭ/саармаг)[7] :
Voyelles
masculines
féminines
neutre
bitchig (forme isolée)
ᠠ
ᠡ
ᠢ
ᠣ
ᠤ
ᠥ
ᠦ
latin
a
e
i, yi
o
u
ö
ü
cyrillique
а
э
и, й
о
у
ө
ү
La chanson « Les sept voyelles » (七个母音, qī gè mǔyīn), chanté en mongol et mandarin, a pour but de mémoriser ces voyelles en Mongolie-Intérieure[8].
Distinction entre la médiane et la finalea/e par la position dans la séquence des syllabes.
U+1829
ᠩ
ng
Н, НГ
Seulement à la fin des mots. Transcrit le Tibétain ང ou le Sanskrit ङ.
U+182A
ᠪ
B, b
В, Б
En mongol classique, "v" est uniquement utilisé pour transcrire des mots étrangers; la plupart des "B (V)" en cyrillique correspondent à des "Б (B)" en mongol classique.
U+182B
ᠫ
P, p
П
Seulement en début de mot. Transcrit le tibétain པ;
Seulement avec desvoyelles postérieures. Entre des voyelles prononcées longues en mongol oral[note 5]. La finale existe uniquement quand elle est suivie d'una écrit détaché du mot.
U+182E
ᠮ
M, m
М
U+182F
ᠯ
L, l
Л
U+1830
ᠰ
S, s
С
U+1831
ᠱ
Š, š
Ш
U+1832
ᠲ
T, t
Т
Distinction suivant le contexte.
U+1833
ᠳ
D, d
Д
Distinction suivant le contexte.
U+1834
ᠴ
Č, č
Ч, Ц
Distinction entre /tʃ'/ and /ts'/ en mongol Khalkha.
U+1835
ᠵ
J, j
Ж, З
Distinction suivant le contexte en mongol Khalkha.
U+1836
ᠶ
y
-Й, Е*, Ё*, Ю*, Я*
U+1837
ᠷ
R, r
Р
Normalement, jamais placé au début des mots[note 6].
U+1838
ᠸ
V, v
В
Pour transcrire des mots étrangers. (Normalement utilisé pour transcrire le Sanskrit व)
U+1839
ᠹ
F, f
Ф
Pour transcrire des mots étrangers.
U+183A
ᠺ
K, k
Х
Seulement avec desvoyelles antérieures, mais 'ki/gi' peuvent apparaitre dans des mots avec des voyelles antérieures comme postérieures. En finale, c'est toujours ung. g entre des voyelles est prononcé long[note 7].
G, g
Г
U+183B
ᠻ
Ḳ, ḳ
К
Pour transcrire des mots étrangers.
U+183C
ᠼ
(C, c)
(ц)
Pour transcrire des mots étrangers. (Normalement utilisé pour transcrire le Tibétain /ts'/ ཚ et le Sanskrit छ)
U+183D
ᠽ
(Z, z)
(з)
Pour transcrire des mots étrangers. (Normalement utilisé pour transcrire le tibétain /dz/ ཛ et le sanskrit ज)
U+183E
ᠾ
(H, h)
(г, х)
Pour transcrire des mots étrangers. (Normalement utilisé pour transcrire le tibétain /h/ ཧ, ྷ et le sanskrit ह)
U+183F
ᠿ
(ř, zra)
(-,-)
zra Transcrit le 'ri' chinois, utilisé en Mongolie-Intérieure
U+1840
ᡀ
(lha)
U+1841
ᡁ
(zh, zhi)
(-,-)
Transcrit le 'zhi' chinois, utilisé en Mongolie-Intérieure
U+1842
ᡂ
(ch, chi)
(-,-)
Transcrit le 'chi' chinois, utilisé en Mongolie-Intérieure
↑Suit une consonne, la translittération latine esti.
↑Suit une voyelle, la translittération latine estyi, avec de rares exceptions telles quenaim (« huit ») ouNaiman.
La verticalité de cette écriture, alors que toutes les écritures du monde se sont adaptées à une écriture horizontale pour les moyens informatiques, pose un certain nombre de problèmes dans l'affichage de textes sur des terminaux informatiques. Le fait que ce système ne soit plus utilisé qu'en Chine par quelques millions de personnes (la Mongolie ayant adopté l'alphabet cyrillique) n'aide pas non plus à la diffusion des techniques.
La majorité des techniques actuelles utilise des fontes permettant l'écriture horizontale, qui sont en suite tournées à 90° pour un affichage vertical. Les éventuels textes en alphabet latin ou cyrillique, en chinois, ou comportant une variante deschiffres arabes, se trouvent donc tournés à 90° également.
Les versions de Firefox antérieures à la 30 avaient un problème pour afficher les fontes en Mongol bichig ; il a fallu, pour corriger ce problème, modifier l'URL about:config, la valeurgfx.font_rendering.harfbuzz.scripts de -1 à 87[9].
Android Nougat (7.0) et supérieurs comporte les caractères mongols par défaut.
Ce système fait correspondre les caractères du mongol bichig à des caractères du groupeBasic Latin (U+0041) de l'Unicode. Il faut donc utiliser une fonte de caractères qui utilise ce contournement pour afficher cette écriture (famille CMs comme laCMs Ulaanbaatar). Cette technique présente l'avantage de permettre de saisir le texte avec un clavier ne disposant pas deméthode de saisie complexe.Trois fontes utilisant ce système ont été développées ; elles représentent les styles des trois outils d'écriture traditionnels,CMS Ulaanbaator représentant (dans sa première version) l'écriture manuscrite au stylo,CMS Huree représentant la calligraphie au pinceau etCMS Urga représentant l'écriture d'imprimerie. Ces fontes étaient originellement hébergées surXoom(en), mais cet hébergeur ayant fermé, on peut les trouver aujourd'hui sur différents sites de fontes[6].
Le système de Menksoft utilisé sur différents logiciels et sites web a été utilisé, comme CMs, du temps où l'UTF-8 n'était pas devenu le standard de fait. Il utilise différents caractères spéciaux pour l'encodage du mongol et les fontes produites par Menksoft. Il est encore utilisé de nos jours par certains sites en langue mongole, comme le sitehttp://www.mongolbuh.com/, site de Mongolie-Intérieure consacré à lalutte mongole, sport national.
La plageU+1800 à U+18AF Mongol est consacrée à l'écriture ouïghoure du mongol. Il existe différentes fontes dont certaines sous licence libre utilisant cette plage, notamment dans le paquetMonTeX pourTeX[10].
Le standard Unicode comporte, pour l'écriture mongole, en plus des caractères alphabétiques ou alpha-syllabiques des caractères spéciaux dits caractères de commande. Quatre sélecteurs, ditssélecteur de variante libre mongol 1 (SVL1), ou enanglais :FVS, Free Variation Selector 1, en mongol :буюу 1-р хувилбар сонгогч) 2, 3 et 4, ainsi qu'unséparateur de voyelles mongoles (SVM, ou enanglais :MVS, Mongolian Vowel Separator, en mongol :Үгийн төгсгөлд орхиц). Ils sont numérotés de 180B à 180F ennotation hexadécimale de l'Unicode[11] :
Sur beaucoup de systèmes possédant une police de caractère adéquate, les caractères ne sont pas affichés par défaut dans leur présentation verticale de haut en bas, mais dans la présentation horizontale de gauche à droite, tourné d'un quart de tour en sens antihoraire. Le rendu vertical nécessite des polices qui prennent en charge les formes contextuelles des lettres et adaptent les métriques et le positionnement nécessaires pour la rotation, ainsi qu'un logiciel de rendu prenant en charge le style de disposition vertical (dans les navigateurs internet modernes, cela nécessite la prise en charge du style CSSwriting-mode: vertical-lr;).
La prise en charge de cette écriture sous GNU/Linux est variable selon les distributions. Il existe différentes fontes libres de droit, installées par défaut ou pouvant être installée en paquet comme celui demongolian-fonts d'openSUSE[12] ou manuellement en récupérant la fonte sur des sites consacrés aux fontes ou à cette écriture.
Le moduleLaTeX appelé MonTeX comporte des fontes consacrées à cette écriture et au mongol cyrillique, utilisable sur LaTeX en général[13]. Il y a des essais de méthodes de saisie à intégrer àiBus, mais ces méthodes ne sont pour le moment pas dans les paquets standard.
Android à partir 6.0 comporte par défaut une fonte mongole, permettant ainsi de l'afficher dans n'importe quelle application. Parmi les méthodes de saisies, on peut citerMultiling O Keyboard, qui supporte également lemandchou et levieux turc[14]. Ces fontes font partie desnoto-fonts sous licenceSIL modifiée[15], que l'on retrouve en paquet sous la majorité des distributions Linux.
Bainu est un système de chat pour Android et iOS utilisant cette écriture utilisé par les Mongols de Chine[16],[17], et intégrant une méthode de saisie avec prédiction. Il ne nécessite pas que le système possède des fontes mongoles et il est également possible de copier-coller du texte à partir de celui-ci.
Clavier mongol bichig russe, les quatre carrés sont les caractères de commandes, ça n'est pas la seule disposition possible. Noter qu'en dehors des chiffres sur la première rangée, les caractères des autres rangées sont affichés dans leur présentation horizontale et la disposition contient les ponctuations latines et non mongoles.
(mn-Mong) « Unsen-sambar », surunsen-sambar.com, site permettant la saisie de texte en mongol bichig sur la majorité des navigateurs, grâce à l'utilisation deJavaScript (enHTML5).
↑ab etcMarieFavereau,Les Mongols et le monde: l'autre visage de l'empire de Gengis Khan, Les Éditions du Château des ducs de Bretagne (Musée d'histoire de Nantes),(ISBN978-2-906519-81-7,lire en ligne),p. 99-101