Dans la Bible, cette région est appeléemēšor « le plat pays » ou « plaine de Madaba », du nom de laprincipale ville de la région (Dt 3,10,Dt 4,43,Js 13,9,Js 20,8) (actuelleJordanie). Elle fait l'objet de dispute entre les Moabites et les Israélites. Cette situation conflictuelle est confirmée par la stèle de Mesha dans laquelle le roi de Moab revendique de s'être emparé du territoire qu'il considère comme moabite et qui était auparavant sous contrôle israélite[1].
Moab est un personnage de laGenèse, le premier livre de laBible. Il est le fils queLoth eut avec sa fille aînée[2]. Selon un ouvrage juif duMoyen Âge, leSefer ha-Yashar, Moab eut quatre fils: Ar, Mayoun, Tarsion et Qanvil[3]. L'étymologie du nom « Moab » est inconnue. La Bible attribue ce nom aux circonstances particulières de la naissance des petits fils de Loth.
LeDeutéronome indique qu'« Un Ammonite ni un Moabite ne seront admis dans l’assemblée de Dieu ; même après la dixième génération ils seront exclus de l’assemblée du Seigneur, à perpétuité » (Deut 23, 4)[4].
Le royaume de Moab est cité dans laBible (livre des Nombres notamment). Lemont Nébo, d'oùMoïse a aperçu laterre sainte avant de mourir, se situait dans le royaume de Moab. Lors de lasortie d'Égypte des Hébreux, Moab est déjà organisé en royaume et son roi s'appelleBalak, fils de Tsippor. Le royaume de Moab est confronté à l'arrivée desHébreux, lesquels, dirigés parMoïse,Aaron etJosué, viennent de vaincre lesAmoréens. Le royaume de Moab aurait ensuite été partagé entre trois des douzetribus d'Israël (Ruben,Gad,Manassé).
À l'époque desJuges d'Israël, une Moabite célèbre estRuth dont l'histoire est relatée dans lelivre de Ruth. La figure de Ruth est celle d'une convertie qui s'attache aux valeurs dujudaïsme après la mort de son premier époux ; elle est l'ancêtre duroi David.
À la mort d'Achab, roi d'Israël, en 853, le royaume de Moab se soulève. Dans leDeuxième livre des Rois, vers 850, trois royaumes (Juda,Israël etÉdom) tentent, sous la houlette deJoram, roi d'Israël, de s'emparer du royaume de Moab, qui résiste. À la suite de l'encerclement militaire des Moabites, le roi de Moab sacrifie son propre fils, ce qui lui permet de repousser ses ennemis[5].
Dieu guerrier du pays de Moab. Stèle en pierre du Bronze Récent (v. 1200 av. J.-C.) ou de l'Âge du Fer (v. 800 av. J.-C.), découverte à Redjōm el-A'abed en 1861 parFélix de Saulcy et rapportée en France en 1865 par leduc de Luynes
Les Moabites s'installent « à l'est de la mer Morte, probablement à l'occasion du mouvement de migrations de semi-nomades attesté au ~ XIVe-XIIIe siècle »[6]. Le plateau de Moab est faiblement peuplé à l'âge du bronze. Sa population augmente graduellement jusqu'à l'âge du fer. À l'âge du bronze moyen, destextes d'exécration égyptiens mentionnent un peuple appeléShûtu (šwtw). Il s'agit d'ennemis asiatiques de l’Égypte antique. Ce nom a été rapproché du nom bibliqueSeth. Le livre des Nombres établit en effet un parallèle entre « Moab » et les « fils de Seth » dans l'épisode deBalaam (Nb 24,17[7]). PourWilliam Foxwell Albright,Bene Shout est l'ancien nom de Moab[8]. La similitude de territoire entre Moab et les Shûtu amène des chercheurs à assimiler les trois termes: Moab, fils de Seth, Shûtu[9]. Le rédacteur biblique, bien que postérieur de plusieurs siècles au bronze moyen, voyait peut-être Moab comme un peuple apparenté aux Shûtus des textes égyptiens.La tombe deHnmw-htp àBeni Hassan en Égypte montre une caravane nomade venant du pays dešwt. Il pourrait s'agir des Shûtu[10].
À l'âge du bronze récent, la région est soumise à l'influence de l’Égypte. Lastèle de Balu qui date de cette période s'inspire de modèles égyptiens. À cette période, la ville de Dibon est peut-être mentionnée dans des textes égyptiens. Il est possible que le pharaonThoutmôsis III soit passé par le plateau de Moab lors de l'une de ses expéditions. Une inscription dutemple d'Amon de Karnak donne une liste de toponymes difficiles à identifier. L'un d'entre eux,t-p-n, désigne peut-être la ville de Dibon[11]. Deux siècles plus tard, une inscription deRamsès II parle d'une ville appeléetbnỉw qui est parfois identifiée à Dibon. Cependant, ces identifications semblent en contradiction avec les fouilles archéologiques de Dibon qui n'ont pas montré d'occupation à l'âge du bronze récent[1]. Moab apparaît peut-être aussi sur une courte liste figurant sur le socle d'une statue de Ramsès II devant letemple d'Ammon à Louxor[12].
Mesha est le premier roi moabite dont l'activité est connue. Il règne auIXe siècle av. J.-C. C'est un contemporain duroi d'IsraëlAchab et de la fin de la dynastie desOmrides. AuIXe siècle av. J.-C., leroyaume d'Israël est en pleine expansion. Il s'est étendu sur des territoires enTransjordanie. Deux villes fortifiées par les Israélites font face à la ville moabite de Dibon. Yahaz, à l'est, et Ataroth, à l'ouest, protègent la frontière d'Israël. Yahaz, identifié au site de Khirbet el-Mudeyine eth-Themed, servait peut-être de centre administratif pour la région. Ataroth est identifié au site de(en)Khirbet Atarus[13].
Le roi Mesha est cité dans la Bible (2 Rois 3,4). Lastèle, qu'il a fait édifier à Dibon/Diban et qui a été découverte en 1868 et exposée aumusée du Louvre, permet d'obtenir des informations sur son règne. Elle évoque une victoire du royaume de Moab sur celui d'Israël. Elle contient la plus ancienne mention écrite du royaume d'Israël. Mesha règne à partir de la ville de Dibon. L'étendue de son royaume n'est pas connue. On ignore s'il contrôlait l'ensemble du plateau de Moab ou seulement la région autour de Diban. Profitant de l'affaiblissement du royaume d'Israël, il réoccupe le territoire deMedaba qui était auparavant sous contrôle israélite. Il conquiert trois villes israélites : Ataroth,Nebo et Yahaz. Mesha fait construire un sanctuaire pour le dieu moabiteKémosh à Qarḥoh, probablement un quartier de la capitale Dibon. En plus du sanctuaire, il semble avoir fait édifier un complexe palatial. Il met aussi en place un programme de construction dans d'autres villes, dont un réservoir à Baal Meon et des sanctuaires à Bet Bamot, Bet Diblataim et Bet Baal Meon. Le nom de son père figure sur la stèle mais seules les trois premières lettres de son nom ont été conservées (kmš…). Elles indiquent unnom théophore utilisant le nom du dieuKémosh. Un fragment debasalte découvert àKérak contient peut-être aussi le nom de ce roi. À nouveau, l'inscription est incomplète. Elle indique…mšyt roi de Moab. En assemblant les deux, il a été proposé de reconstruire le nomkmšyt (Kémoshyat)[1].
Mesha indique avoir repris un territoire aux Israélites. Si le roi considère ce territoire comme moabite, il mentionne cependant qu'une population israélite (« l'homme de Gad ») y vit « depuis toujours ». Plusieurs passages bibliques considèrent à l'inverse que ce territoire appartient aux Israélites et qu'il est effectivement peuplé par lestribus de Gad etde Ruben. La stèle de Mesha confirme la présence de la tribu de Gad à l'est duJourdain. Lelivre des Nombres fixe la frontière nord de Moab à la rivièreArnon (Nombres 21,21-31). Cela exclut ainsi le plateau nord du territoire moabite. Pour justifier les revendications israélites, le livre de Nombres explique que le territoire a été perdu par Moab au profit desAmorrites et de leur roi Sihon. Celui-ci a ensuite été battu parMoïse et lesEnfants d'Israël alors qu'ils étaient en route vers la terre deCanaan. Après la défaite des Amorrites, le territoire est donné aux tribus de Gad et de Ruben. Cette présentation légitime la possession israélite car le territoire n'a pas été pris aux Moabites mais aux Amorrites. Lelivre des Juges rappelle la séquence de ces évènements (Juges 11,15-23). L'épisode de l'infidélité des Israélites à Péor, où ils rendent un culte àBaal-Péor, une manifestation locale du dieuBaal (Nombres 25,1-3), reflète la situation enTransjordanie où des clans israélites vivaient aux côtés des Moabites. Dans le livre des Nombres, cet épisode est projeté à l'époque deMoïse, mais il indique le caractère disputé de ce territoire et les tensions qui existaient pour maintenir l'unité ethnique et religieuse[1].
AuVIIIe siècle av. J.-C., Moab et le reste de laSyrie-Palestine passe sous le contrôle de l'empire assyrien. Les annales assyriennes apportent quelques informations sur le royaume. À la suite de la campagne deTeglath-Phalasar III en 734-732, Moab devient unÉtat vassal de l'Assyrie. Une tablette découverte àNimrud indique que le roi Salamanu paie un tribut àTeglath-Phalasar III[14]. En 713, pendant le règne deSargon II, Moab participe avec leroyaume de Juda,Édom et les villesphilistines à une révolte anti-assyrienne menée par Ashdod. En 701, lors de la campagne deSennachérib contre laPhilistie et leroyaume de Juda, le roi Kammusunadbi (« Kemosh est généreux avec moi ») se présente devant le roi pour assurer de sa loyauté[15]. Le roi Musuri paie un tribut àAssarhaddon en même temps queManassé de Juda, Qosgabar d'Édom et d'autres rois duLevant. Ils envoient àNinive des matériaux de construction[16]. Moab soutient militairementAssurbanipal pendant sa campagne contre l’Égypte et le pharaonTaharqa[17]. Le statut de vassal de l'Assyrie permet à Moab de bénéficier en contrepartie du soutien de l'Assyrie face aux tribus nomades du désert arabiques, et en particulier face aux Qedarites. Le roi Kamashaltu semble avoir vaincu Ammuladi,roi de Qedar[18].
Kemosh est le principal dieu des Moabites. Culturellement, les Moabites sont proches de leurs voisins israélites. Leur langue et leur écriture sont proches. Ils utilisent le même type de poteries et les mêmes modèles architecturaux (maisons à piliers). Leschapiteaux dits « proto-éoliques » de Mudaybiʿ présentent des parallèles avec ceux deMegiddo,Samarie etRamat Rachel[19].
↑« Une étoile sortira de Jacob et un sceptre se levera d'Israël il détruira la frontière de Moab et le territoire des fils de Seth (בני-שת, bene-Seth) », Nombres 24,17.