Enmusique, unemesse est un ensemble cohérent de pièces liturgiques, susceptibles d'être chantées avec ou sans accompagnement instrumental au cours d'un office religieux spécifique,catholique,anglican ouluthérien. L'effectif nécessaire, à l'origine purement choral, correspond à celui des ensembles vocaux permanents présents dans les églises : une vingtaine dechantres, dont une douzaine d'adultes et six ou huit sopranos (des garçons). On se met assez tardivement à faire accompagner par un orchestre les pièces qui constituent ces messes. Elles sont généralement chantées en latin.
Composer une messe a un sens assez différent suivant que l'on est intéressé par la liturgie ou par la musique. Dans le domaine liturgique, composer une messe consiste à préciser les éléments duPropre (Introït,Graduel,Alleluia ouTrait,Offertoire etCommunion) : ceci conduit à la messe qui peut être dite dans une circonstance particulière (Propre d'un saint, d'une fête particulière ou d'une circonstance spécifique).
Les compositeurs ont eu tendance à se restreindre aux éléments de l'Ordinaire qui sont communs à toutes les célébrations liturgiques : de cette manière, les messes correspondantes sont génériques et peuvent être interprétées en n'importe quelle circonstance. Quand ils composent une messe spécifique avec des éléments duPropre, le cas le plus fréquent dans le genre musical est lamesse votive :Requiem (messe votive pour les morts), messe du Couronnement, messe d'action de grâce, messe pour la paix. La circonstance particulière pour laquelle est composée la messe impose alors ses propres textes. LeRequiem (Missa pro defunctis ouMissa defunctorum) est une messe funèbre qui doit son nom aux premiers mots de l’Introït : « Requiem æternam dona eis, Domine » (Donne leur, Seigneur, le repos éternel). Il ne comporte niGloria, niCredo, mais comporte laSéquence.
Dans le rite catholique on distingue laMissa brevis, messe ordinaire (qui est de courte durée et omet leGloria et leCredo), de laMissa solemnis réservée aux plus grandes occasions.
Dans la tradition protestante, laMissa brevis est une composition qui comporte unKyrie et unGloria, par opposition à laMissa tota, assez rare, dont l’exemple le plus remarquable est laMesse en si mineur deJean-Sébastien Bach.
Laliturgie veut que certaines pièces soient entonnées par le célébrant (Gloria, Credo). Quand la messe musicale est destinée à un usage liturgique, les pièces musicales ignorent généralement cette intonation (dont on ne peut attendre aucune valeur musicale) et reprennent la pièce depuis le début. Cependant, l'intervention du célébrant impose que la pièce fasse l'objet d'une section musicale indépendante.
Le déroulement des pièces liturgiques impose des ruptures dans les sections correspondantes de la messe musicale. En outre, l'appartenance de la pièce auPropre ou à l'Ordinaire conduit à deux types de messes musicales différentes, suivant qu'elles sont destinées à être utilisées de manière générique (pièces de l'Ordinaire) ou pour des circonstances particulières (pièces du Propre, pouvant inclure des pièces de l'Ordinaire).
La messe liturgique comporte également d'autres pièces susceptibles d'être chantées, comme l'Épitre, l'Évangile ou la Préface. Cependant, ces pièces ne sont pas "libres", mais doivent être interprétées par un acteur particulier : lediacre pour l'Évangile, leprêtre pour laPréface. De ce fait, elles ne sont jamais intégrées dans la composition musicale d'une messe, parce que leclerc chargé par son rôle pastoral d'une liturgie particulière peut n'avoir par ailleurs aucun talent musical. C'est pour les mêmes raisons que dans lemissel officiel, les pièces chantées par le célébrant (et en particulier laPréface) sont toujours très simples musicalement parlant.
Le tableau ci-dessous concerne la messe traditionnelle (avant 1965) pour laquelle la plupart des messes ont été composées.
Du verbe latinentrare, entrer, c'est le moment de la procession du célébrant et des acolytes vers l'autel qui inaugure le début de la messe ; le chant qui accompagne cette entrée suit la nature de la circonstance célébrée, ainsi les Introïts joyeux de Noël (« Puer natus est nobis, et filius datus est nobis »- Livre d'Isaïe IX, V) et de Pâques (Resurrexi) seront-ils très différents de l'Introït d'un Requiem pour la messe des défunts. Les premiers mots de l'Introït donnent normalement leur nom à la messe, c'est par exemple le cas pour les messes deRequiem.
La structure du Kyrie (texte fixe de l'Ordinaire) reflète souvent la symétrie et la concision du texte. De nombreuxKyrie ont une structure ternaire (ABA) les deux "Kyrie eleison", construits de façon analogue, encadrent un "Christe eleison" qui s'en distingue nettement. La structure 'AAABBBCCC' correspond à des œuvres plus tardives. Mozart est célèbre pour avoir utilisé, dans sa Messe deRequiem en ré mineur KV 626, les mélodies de plain-chant du "Kyrie" et du "Christe" comme motifs d'une doublefugue.
C'est une pièce de l'Ordinaire dont le texte est fixe. LeGloria est un passage qui glorifie Dieu et le Christ. Chant de fête et de joie, il se dit aux messes qui présentent un caractère de fête, et est toujours omis aux messes de deuil (dont lesRequiem) ou de pénitence.
Oraison de Collecte
Chantée ou dite par le célébrant.
Épître (lecture)
chantée ou lue par le sous-diacre (ou le prêtre), n'a jamais fait partie d'une composition
Ce chant tire son nom des degrés (marches) que montait le chantre. C'est un psaume antiphoné chanté après la première Lecture ; il disparaît de la messe célébrée le Samedi saint et la veille de la Pentecôte[1].
L'Alleluia (en hébreu : Louez le seigneur), est chanté avant l'Évangile, sauf pendant les messes de Carême où il est remplacé par leTrait. Dans les deux cas, le texte est variable.
C'est le plus long des textes chantés, il fait partie de l'Ordinaire de la messe, suit normalement le texte duSymbole de Nicée. Une de ses incises, leEt incarnatus est, peut faire l'objet d'une pièce musicale séparée (par exemple : dans laMesse en ut mineur de Mozart).
Il s'agit d'unedoxologie à la gloire de laTrinité. Il peut éventuellement être coupé en deux morceaux, la partie commençant par leBenedictus étant alors normalement chantée après l'Élévation, au milieu de laConsécration.
Il s'agit d'une mise en musique de lalitanie adressée à l'agneau de Dieu. C'est le seul chant de l'Ordinaire qui varie (très peu) dans les messes de Requiem[2], où ses paroles sont légèrement différentes (dona eis requiem au lieu dedona nobis pacem).
Elle varie suivant le Propre. Dans les messes traditionnelles, la communion des fidèles était exceptionnelle.
Dans la messe traditionnelle, la Communion s'enchaîne directement à l'Agnus, les compositeurs en ont souvent fait une pièce unique « Agnus Dei et Communio » (Requiem deMichael Haydn, deCherubini, deMozart, deFauré, etc.).
C'est la formule finale de la messe,Ite missa est, à laquelle l'assistance répondDeo gratias. Il est rare que cette pièce, qui est normalement un dialogue entre le prêtre et l'assistance, soit incluse dans une messe.
On trouve également des pièces liées à des fonctions liturgiques spéciales, par exemple, dans la Messe deRequiem (Messe des morts), la très fameuseséquence duDies iræ, qui se place après le Trait.
Dans les premiers temps, la forme musicale de la messe est indissociable de la liturgie, et entièrement subordonnée à celle-ci ; unemesse ne se conçoit pas comme une œuvre musicale, mais comme une manière d'orner une cérémonie liturgique.
Les premières célébrations de la messe font appel à une forme de récitation ou decantillation dont sont chargés leschantres, qui devient leplain-chant. Différents répertoires musicaux se développent dans la chrétienté à partir duChant vieux-romain et duchant des Gaules (ouchant gallican)[3], répertoires qui seront unifiés progressivement entre leVIe siècle et leVIIIe siècle quand lechant chrétien donne naissance auchant grégorien. Les voix chantenta cappella, et à l’unisson mais le caractère officiel duchant grégorien n'exclut pas l'emploi d'autres formes.
Les sections de l’Ordinaire s’imposent à des époques différentes, en commençant vraisemblablement par leKyrie (qui serait chanté dès leVIIe siècle), leCredo n'intervenant pas avant 1014 dans l'Ordinaire romain catholique[4].
La nécessité d’organiser, de préserver et de transmettre lecorpus de chants a donné naissance à plusieurs formes de recueils : leGraduel, qui contient le Propre des chants de la messe, le temporal et le sanctoral (Propre du temps ouPropre des saints). Le Graduel peut comporter une notation musicale, mais ce n'est pas une règle absolue[2]. Letropaire contient les tropes, le prosaire les proses ouSéquences qui peuvent être intégrés au Propre dans certaines messes. Destiné au soliste, leCantatorium est particulier pendant le hautMoyen Âge[2]. Ces recueils sont destinés aux chantres ou à laschola cantorum.
Vers leXIe siècle apparaît leMissel, somme de tous les textes nécessaires à la messe, qu'il s’agisse des prières, des références textuelles ou des chants réservés au prêtre célébrant[2]. Citons aussi l’Antiphonale ouAntiphonaire, qui contient les antiennes et les autres parties de l'office destiné non à la messe mais à l'office des heures.
Dans tous les recueils grégoriens traditionnels, les pièces musicales sont notées enneumes.
Dans cette époque intermédiaire, l'exécution de la fonction musicale est progressivement transférée à laschola cantorum - du moins, pour les pièces qui n'exigent pas un acteur liturgique particulier. Ce sont ces pièces qui formeront finalement les différents éléments de la "messe" musicale.
Au début duXIVe siècle, les compositeurs commencent à écrire des versionspolyphoniques de certaines sections de l'Ordinaire. Les historiens ignorent la cause de cette renaissance soudaine de la musique religieuse et font l’hypothèse que les compositeurs s’étant tournés de plus en plus fréquemment vers la musique profane au cours des siècles précédents, un désintérêt pour la musique religieuse avait provoqué son déclin et donc la nécessité d’un renouveau[5].
Guillaume Dufay à gauche représente la musique sacrée avec l'orgue.
La messe est la forme majeure des grandes compositions musicales de la Renaissance. Nous avons vu que les premières messes dataient en fait duXIVe siècle. Les compositeurs de cette époque écrivaient souvent des mouvements isolés, ou des couples de mouvements (Gloria-Credo, ou Sanctus-Agnus), mais dès le milieu duXVe siècle il est devenu courant pour un compositeur d'écrire une messe complète, et la messe devient legenre musical sacré le plus à même d'offrir aux compositeurs la possibilité de réaliser des œuvres monumentales, s'articulant autour d'une série de mouvements contrastés. Elle n’est éclipsée que plus tard, au moment où le motet et ses formes dérivées lui volent la vedette au début duXVIe siècle.
Les compositeurs ont également recours aucanon. Les premières messes qui emploient cette forme sont laMissa prolationum deJohannes Ockeghem, dont chaque section est uncanon de proportion sur une mélodie libre, et laMissa L’Homme armé deGuillaume Faugues qui compose un canon sur la célèbre mélodie deL’Homme armé.Pierre de La Rue a composé quatre messes en canon fondées sur le plain-chant, et l’une des messes de la maturité deJosquin des Prés, laMissa ad Fugam, est entièrement composée sous forme de canon de proportion, sans emprunt extérieur[7].
LaMissa sine nomine, littéralementMesse sans nom, est une expression qui s’applique aux œuvres composées à partir de nouvelles mélodies. Il arrive parfois que ces messes aient reçu un titre particulier, comme laMissa Papae Marcelli de Palestrina et il s'agit souvent de compositions en forme de canon, par exemple laMissa sine nomine deJosquin des Prés. Ce dernier a composé de nombreuses messes et apparaît comme le compositeur le plus important de la Renaissance. Dans la deuxième moitié duXVIe siècle, les représentants les plus remarquables du contrepoint sont l’AnglaisWilliam Byrd, le CastillanTomás Luis de Victoria et l’ItalienGiovanni Pierluigi da Palestrina, dont laMesse pour lePapeMarcel (1562) a peut-être sauvé la polyphonie sacrée des foudres duConcile de Trente. À cette époque, les compositeurs s'étaient tournés vers d’autres formes de musique sacrée qui leur permettaient de donner libre cours à leur créativité comme le motet et lemadrigal spirituel. Les musiciens de l'école vénitienne, notamment, donnaient la préférence à d'autres formes musicales sur celle de la messe, bien qu'il nous soit parvenu des messes d'Adrien Willaert dans le style de Josquin des Prés, ou d'Annibale Padovano, qui a laissé uneMissa a 24 qui emploie trois chœurs de huit voix chacun. Enfin, d’autres musiciens commeRoland de Lassus, installé àMunich c’est-à-dire à une distance confortable des réformes tridentines, continuent à écrire des messes-parodies sur des mélodies profanes.
LaRéforme a introduit des divergences entre la liturgie catholique et protestante.Luther publie en 1526 un texte surLa Messe allemande et l’Ordre du Service divin dans lequel il préconise l'emploi de l’allemand plutôt que du latin, méconnu des simples fidèles. Ainsi le dimanche, leCredo sera chanté en allemand[8].
À la fin duXVIe siècle, des compositeurs commePedro Bermúdez (1558-1605) vont s'installer en Amérique latine et composer des messes (Misa de bomba etMisa de feria) dans le style des messes catholiques européennes. Ces compositeurs donneront naissance à la musique baroque de laNouvelle-Espagne, qui comporte un vaste répertoire d'œuvres sacrées.
Même si avec l’avènement de nouvelles formes musicales, comme l’opéra, l'oratorio ou lacantate[9] la messe n'est plus le seul genre qui permette des compositions monumentales, elle continue à inspirer des chefs-d’œuvre. Un certain nombre de musiciens, commeClaudio Monteverdi ouGregorio Allegri continuent à composer des messes chorales dans le style de celles de Palestrina, mais à partir duXVIIe siècle apparaissent des innovations en Italie et en France :Marc-Antoine Charpentier compose 12 Messes pour solistes, chœur et orchestre, voir pour plusieurs chœurs (Messe à quatre chœurs H 4, ou uniquement instrumentale,Messe pour plusieurs instruments au lieu des orgues, H 513).Henry Desmarest laisse une grandioseMesse à deux chœurs et deux orchestres,Alessandro Scarlatti (Messe de sainte Cécile),Giovanni Battista Pergolese (grande Messe solennelle à dix voix, double chœur, deux orchestres et deux orgues) enrichissent le répertoire sacré.
Les compositeurs ont toujours recours au réemploi, continuant la tradition de la « messe parodie ». Dans laMesse en si mineur deBach, par exemple, le compositeur reprend certains des thèmes qu'il a élaborés dans des morceaux antérieurs. Dans cette messe, on constate également une influence de l'opéra sur la musique sacrée, avec l'apparition d'airs et de duos[9].
Le rituel anglican (aussi appeléCommunion service) s'écarte du rituel catholique. Non seulement les textes sont chantés en anglais, mais leGloria vient généralement en dernière position. Comme leBenedictus et l'Agnus Dei ne figurent pas dans la liturgie duBook of Commons Prayers de1662, ils n'apparaissent pas dans les compositions anglicanes[10].
Charles Gounod (1818-1893) : a composé une quinzaine de Messes dont uneMesse Saint-Louis (1841), uneMesse pascale (1843), laMesse de sainte Cécile (1854) qui le rendra célèbre, uneMesse solennelle de Pâques (1874) et uneMesse du Sacré-Cœur (1876) ;
Le genre musical de la Messe avait suivi une évolution parallèle à celle de la musique classique, dans un contexte où la cérémonie liturgique était conçue comme une sorte de représentation figée, auquel le public assistait passivement, comme à un spectacle. Le renouveau liturgique duXIXe siècle change cette conception artistique de la Messe, en recentrant la cérémonie sur son contexte spirituel. Au début duXXe siècle, le papePie X entreprend en conséquence de mettre de l’ordre dans la musique religieuse, convaincu que les compositeurs célèbres se sont écartés de l’esprit qui convient au contexte religieux dans lequel se déroule la messe. Il préconise dans ce but un retour au plain-chant, au chant grégorien et à la polyphonie. Son point de vue témoigne de l’influence des recherches entreprises à l'Abbaye de Solesmes. Parmi les recommandations du pape on trouve les suivantes :
Que les messes soient composées de façon unitaire
Que les percussions en soient exclues
Que le chœur soit exclusivement composé d'hommes
Que les fidèles soient formés au chant grégorien
Au sens strict, ces règles ont à présent peu d’influence en dehors des congrégations religieuses, surtout après le ConcileVatican II. Récemment, le papeBenoît XVI est revenu sur cette question en préconisant le retour au chant religieux et en s’appuyant sur le texte du concileSacrosanctum Concilium[11]. Elles ont conduit à de nombreuses compositions utilisées dans les assemblées modernes, d'un intérêt musical généralement très marginal.
Inversement, il est rare que les messes composés par des compositeurs modernes soient effectivement utilisées dans le domaine liturgique.
Jean Langlais (1907-1991) :Missa "In Simplicitate" pour chœur à l'unisson et orgue,Missa Solemnis "Orbis Factor" pour chœur mixte, chant d'assemblée et orgue,Missa "Salve Regina" pour chœur d'hommes, 2 orgues et 2 ensembles de cuivres
Joachim Havard de la Montagne (1927-2003) :Missa ultima pour chœur et orgue (1968),Messe de la Miséricorde pour chœur d'hommes ou mixte et orgue (1985),Messe de la Paix pour chœur d'hommes, orgue et cuivres (1985)
Les musiciens continuent à écrire des messes en adoptant une très grande liberté d'écriture. LaMisa Criolla (1963) de l’ArgentinAriel Ramirez, laMissa Luba congolaise adaptent les chants de l'Ordinaire aux rythmes et aux mélodies d’autres continents que l'Europe.
↑abc etdJean-Baptiste Lebigue, « Les livres des chants de la messe », dans Initiation aux manuscrits liturgiques, Paris, IRHT, 2007 (Ædilis, Publications pédagogiques, 6)[1].
↑Lorsque plus tard encoreCharles Villiers Stanford compose unBenedictus et unAgnus Dei en Fa majeur qui viennent compléter sa messe en Do, ils sont publiés séparément. Les réformes récentes de la liturgie anglicane ont retrouvé l'ordre ancien analogue à celui de la liturgie catholique.