Pieuse et généreuse mais peu au fait des intrigues de la cour, elle est une figure effacée de lacour de Versailles et est reléguée dans l'ombre par le nombre des maîtresses royales et en particulier par la plus importante,Madame de Pompadour.
Née alors que son père avait été placé sur le trône de Pologne par les armées suédoises deCharlesXII, elle le suivit dans son exil dès l'année suivante. Elle confia àVoltaire qu'elle avait failli être oubliée par les femmes chargées de préparer la fuite du roi : au moment de partir, l'une d'elles avisa un tas de linges qui gisait dans la cour et alla le ramasser — c'était la petite Marie dans ses langes. Exilée d'abord dans laprincipauté de Deux-Ponts (Zweibrücken), propriété du roi de Suède, puis dans la ville alsacienne deWissembourg à la suite de nombreuses tractations politiques, elle fut d'abord pressentie en1721 pour épouser un jeune officier français. Mais, le prétendant n'étant pas au moinsduc, le père de Marie refusa le mariage.
On songea alors auprince de Schwarzenberg, noble deBohême, mais celui-ci préféra une candidate plus argentée. La jeune femme fut alors convoitée par lemarquis de Courtanvaux, petit-fils deLouvois, mais le roi Stanislas refusa à nouveau un prétendant qui n'était pasduc.
Un projet de mariage bien plus brillant pour l'ex-roi Stanislas fut enfin envisagé pour Marie Leszczyńska, avec leduc de Bourbon. Celui-ci,prince du sang, veuf et sans enfant de sa cousineMarie-Anne de Bourbon-Conti, était alors Premier ministre du royaume de France. L'idée ne venait pas du duc de Bourbon mais de sa maîtresse, lamarquise de Prie. Ambitieuse, la jolie marquise pensait qu'une princesse sans influence ne lui porterait pas ombrage.
Marie Leszczynska par François Albert Stiemart (1726).Maria Leszczyńska, parAlexis Simon Belle (vers 1730).
Le roi, orphelin, et son précepteur, l'abbé de Fleury, rival duduc de Bourbon, acceptent cette alliance sans avantage avec une princesse qui compte vingt-deux ans, soit sept de plus que son futur mari.
Le, le duc demande à Stanislas sa fille en mariage au nom deLouisXV.
L'annonce du mariage n'est pas très bien accueillie à la Cour ni à l'étranger où l'on se récrie sur les origines de la famille Leszczyński et sur sa nationalité polonaise.Élisabeth-Charlotte,duchesse de Lorraine et deBar, sœur du défunt régent, et qui pensait asseoir sa fille aînée sur le trône des lys, écrit ainsi :
« J'avoue que pour le Roi, dont le sang était resté le seul pur en France, il est surprenant que l'on lui fasse faire une pareillemésalliance et épouser une simple demoiselle polonaise, car […] elle n'est pas davantage, et son père n'a été roi que vingt-quatre heures. »
Le, Marie rencontreLouisXV et, le lendemain, ils se marient àFontainebleau. Le mariage est consommé le soir même, et le roi fait durer la « lune de miel » jusqu'en. Marie tombe aussitôt amoureuse du roi, beau comme un ange et lui-même en est, à l'époque, très épris : il a quinze ans, et elle est son premier amour.
On donne à la nouvelle reine des serviteurs qui ont veillé surLouisXV enfant, afin de lui permettre de mieux connaître son mari. L'ardeur du roi permet à Marie de donner rapidement des enfants à la couronne, et en grand nombre : dix en dix ans, mais seulement deux garçons pour huit filles dont des jumelles. De plus, seul l'un des deux garçons, le dauphinLouis, survit à l'enfance.
Le bruit courut que Marie aurait dit : « Eh quoi ! Toujours coucher, toujours grosse, toujours accoucher[5]. » Marie est également meurtrie par la mort en bas âge de deux de ses enfants.
La naissance deLouise de France,Madame Septième (1737), puis une fausse couche l'année suivante, les mises en garde des médecins sur les dangers d'une grossesse supplémentaire que Marie n'ose avouer au roi, la différence d'âge entre les conjoints, tout cela marque la fin du bonheur conjugal du couple royal.LouisXV, vingt-sept ans, jeune et plein d'allant, s'ennuie auprès d'une femme considérée comme d'âge mûr, fatiguée par ses nombreuses grossesses et « trop douce et trop éprise »[6]. Malgré ses scrupules moraux et religieux, le roi a déjà pris secrètement sa première maîtresse, lacomtesse de Mailly, première des « sœurs de Nesle ».
La reine Marie avait commencé à s'aliéner son époux dès le début de son mariage en se mêlant — à la demande du duc de Bourbon auquel elle devait son mariage —, de politique, malgré les mises en garde de son père. N'étant pas née à la cour, ne connaissant pas encore tout à fait les usages ni l'étiquette deVersailles, elle « convoque » le roi dans ses appartements pour lui demander de conserver le ministère à son bienfaiteur, l'impopulaireduc de Bourbon qui risquait alors la disgrâce. Dès cet instant, elle perd toute influence politique sur son mari de16 ans (1726).
Petit à petit,LouisXV délaisse complètement cette épouse effacée, notamment à partir du moment où elle lui refuse l'entrée de sa chambre, par crainte d'une onzième grossesse qui, selon les médecins, lui aurait été fatale, ce qu'elle n'ose révéler à son mari (1738). Malgré une réconciliation maladroite après la maladie du roi àMetz en1744, ce délaissement est définitif.
La Reine passe les vingt dernières années de sa vie à Versailles. Comme elle n'a aucune influence, les ambitieux ne la recherchent pas. Elle vit entourée d'un cercle restreint de courtisans fidèles : « La maison de la reine était formée de gens d'esprit, de conditions sociales diverses, sur le modèle des fameux salons parisiens si caractéristiques de l'époque »[7].
Marie Leszczyńska demeure pourtant très attachée à son époux[Note 3] et réussit à s'adapter à la vie de Versailles : elle se fait instruire sur les questions de cérémonial et d'étiquette et assume ses devoirs de représentation lors des fréquentes absences du roi, à la chasse ou ailleurs.
Grande amatrice demusique et depeinture (elle peint elle-même desaquarelles), elle est la véritable mécène de la culture à la cour. Elle contribue, avec sa bruMarie-Josèphe de Saxe, à faire venir à Versailles des artistes de renom, comme le castratFarinelli en1737, qui lui donne des cours de chant, ou le jeune prodigeWolfgang Amadeus Mozart en1764 avec qui, au grand étonnement de la cour, elle s'entretient en allemand, car elle est polyglotte.
Elle obtient de Louis XV, le roi cherchant peut-être à se faire pardonner, un grand appartement privé[Note 4], où elle peut mener une vie plus calme et moins tournée vers l'apparat. Un groupe d'amis se forme autour d'elle, dont le couple deLuynes. Elle dispose alors d'une cassette de96 000 livres, somme assez médiocre pour une Reine, à affecter à son divertissement, à ses aumônes et à son jeu. Cette passion pour le jeu (surtout pour lecavagnole) lui vaut quelques dettes, qui sont épongées par le roi, ou par son pèreStanislas.
Première page du testament de Marie Leszczynska daté de Versailles, le (Archives nationales).
La reine est très pieuse. Elle eut pour confesseur, entre autres, le capucinAmbroise de Lombez et pour page et confidentRaoulIV de La Barre de Nanteuil (1743-1833). Les capucins étaient reçus à la cour.
Initiée à la dévotion pour le Sacré-Cœur dans le couvent de laVisitation àVarsovie, elle s'efforce d'en répandre la fête et les offices. Elle fait ériger un autel duSacré-Cœur dans la chapelle duchâteau de Versailles[10]. Elle demande aux évêques de l'assemblée générale du clergé de France à Paris d'établir dans leurs diocèses la fête du Sacré-Cœur, ce qui est approuvé par un courrier du.[réf. souhaitée]
Elle fait venir de Compiègne des religieuses de la congrégation Notre-Dame pour fonder lecouvent, dit de la reine, qui facilitera l'éducation des filles des serviteurs de la cour.
Archives nationales, AE/II/1002 [Cote d’origine : K//147/10/1], 24 juin 1767-15 janvier 1768, testament olographe et codicille de la reine Marie Leszczynska.Numérisé.
Eugène Griselle, « Deux billets autographes de Marie Leszczynska au Carmel de Compiègne »,Bulletin du bibliophile et du bibliothécaire, 1907, p. 82 et suivantes; Numérisé surgallica.
Victor Des Diguères (éd.),Lettres inédites de la reine Marie Leszczynska et de la duchesse de Luynes au président Hénault, Paris, Champion, 1886.Numérisé.
Correspondance du comte d'Argenson, ministre de la guerre : lettres de Marie Leszczynska et du cercle de la reine, Pierre de Nolhac (éd.), 1922. Numérisé surgallica (les lettres de la reine sont des pages 1 à 56).
correspondance de la reine avec la famille du duc de Luynes de 1746 à 1756, reproduite dans Comtesse d'Armaillé,La reine Marie Leckzinska, Paris, Didier et cie, 1870 (2e éd.), p. 200-237.Numérisée.
plusieurs lettres de la reine au cardinal de Fleury, etc, reproduites dans Charlotte Aglaé de Saint-Ouën, marquise des Réaulx,Le roi Stanislas et Marie Leczinska, Paris, Plon-Nourrit et cie, 1895.
« inventaire des objets trouvés dans les cabinets de la reine après sa mort, document dressé par M. de Saint-Florentin, le 25 juin 1768 », reproduit par Pierre de Nolhac,Louis XV et Marie Leczinskad'après de nouveaux documents, Paris, éditions de 1928-1930.En ligne.
↑Les rois de Pologne étant élus, leurs filles ne sont pas automatiquement des princesses ; le titre de prince (książę) est cependant héréditaire dans certaines familles de la noblesse polonaise, comme lesCzartoryski ou lesLubomirski.
↑« Mon dernier soupir sera des vœux pour lui à jamais », écrit-elle dans son testament.
↑Cet appartement est par la suite détruit lors des aménagements commandés parMarie-Antoinette.
↑Un document de 1725 dans les Archives nationales, rédigé probablement à l'attention du duc de Bourbon, fait état de ce « casting royal » : « Des cent Princesses qu'il y a à marier en Europe, en en retranchant 44 qui sont trop âgées pour être mariées à un jeune Prince [LouisXV a15 ans], 29 qui sont trop jeunes, 10 dont l'alliance ne convient pas, il ne reste donc que17 Princesses ». Les deux dernières opportunément citées sont Henriette LouiseMlle de Vermandois et Thérèse AlexandrineMlle de Sens, toutes deux filles deLouisIII de Bourbon-Condé. Source :Claude-Alain Sarre,Louise de Condé,Editions Jean-Paul Gisserot,,p. 14.
↑Pierre de Nolhac,Louis XV et Marie Leczinskad'après de nouveaux documents, Paris, Calmann-Lévy éditeur, 1902, p. 336 et suivantes.numérisé sur archive.org donne une liste détaillée de ses sources.
Anne Muratori-Philip,Marie Leszczyńska, épouse de Louis XV, Paris, Pygmalion, 2010(ISBN978-2-7564-0170-6).
Benoît Dratwicki,Les Concerts de la reine, Versailles, Centre de musique baroque, Cahiers Philidor, 2012.
Irena Tatiboit, Ambroise PerrinIl faut marier Maria, Madame Louis XV, Princesse de Wissembourg,250 pages,800 photos, Éditions Bourg Blanc 2012, Prix spécial du Jury Salon Livres Marlenheim(ISBN9782953764413).
Cécile Berly,Les femmes de Louis XV, Perrin, 2018, 350 p.
Victor des Diguères,Lettres Inédites de la Reine Marie Leckzinska Et de la Duchesse de Luynes, Au Président Hénault,Paris,Honoré Champion,(lire en ligne)