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Titulature | Princesse Bonaparte[N 1] Princesse de Grèce et de Danemark |
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Dynastie | Maison Bonaparte |
Autres fonctions | Femme de lettres Psychanalyste Mécène |
Nom de naissance | Marie Bonaparte |
Naissance | Saint-Cloud (France) |
Décès | (à 80 ans) Gassin (France) |
Sépulture | Nécropole royale de Tatoï |
Père | Roland Bonaparte |
Mère | Marie-Félix Blanc |
Conjoint | Georges de Grèce |
Enfants | Pierre de Grèce Eugénie de Grèce |
Religion | Catholicisme (athéisme) |
Marie Bonaparte (engrec moderne :Μαρία Βοναπάρτη),princesse Bonaparte, puis, par son mariage,princesse de Grèce et de Danemark, est née le àSaint-Cloud (aujourd'hui dans lesHauts-de-Seine) et morte le àGassin (dans leVar), enFrance. Arrière-petite-fille deLucien Bonaparte et épouse du princeGeorges de Grèce, c'est unefemme de lettres, unemécène et unepsychanalyste disciple deSigmund Freud, dont elle a contribué à diffuser le travail enFrance et enGrèce.
Issue d'une branche non-dynaste de l'anciennefamille impériale française, Marie Bonaparte devient orpheline de mère peu de temps après sa naissance. Élevée par son père,Roland Bonaparte, et par sa grand-mère paternelle,Justine-Éléonore Ruflin, l'enfant grandit au milieu d'adultes plus intéressés par la fortune qu'elle a héritée de sa mère,Marie-Félix Blanc, que par son intelligence précoce. Atteinte d'unetuberculose bénigne à l'âge de 4 ans, elle est traitée en infirme jusqu'à l'adolescence. Elle reçoit, par ailleurs, uneéducation lacunaire, afin que sonesprit n'effraie pas d'éventuels prétendants. Séduite parAntoine Leandri, le secrétaire de son père, alors qu'elle a à peine 16 ans, elle est ensuite victime de chantage de sa part jusqu'à sa majorité. Parvenue à se libérer de l'escroc, elle doit cependant lui verser une forte somme pour récupérer les lettres qu'elle lui a écrites. Par la suite, la princesse se consacre à ses études et à la lecture. Désireuse de devenirmédecin, elle est pourtant poussée au mariage par son père, qui réalise son rêve en l'unissant àGeorges de Grèce, un prince apparenté à la plupart desdynasties européennes.
Entrée dans lamaison royale de Grèce, Marie y découvre un style de vie oisif, fait d'innombrables réunions familiales auxquelles elle n'est pas habituée et qui l'ennuient. Surtout, elle doit affronter l'homosexualité de son époux, qui vit une relation amoureuse avec son oncle, le princeValdemar de Danemark. En dépit de la naissance de deux enfants, nommésPierre etEugénie, et d'une réelle affection pour Georges, la princesse se réfugie alors dans une succession de liaisons avec des personnalités commeAristide Briand,Jean Troisier ouRudolph Loewenstein. Libérée de ses séjours enGrèce par laPremière Guerre mondiale, moment où la rumeur publique la dit prête à devenirreine des Hellènes, et surtout par lesévénements qui accompagnent laguerre gréco-turque, Marie fait deSaint-Cloud sa résidence principale. Très affectée par le décès de son père en 1924 et de plus en plus consciente de safrigidité, la princesse traverse une crise intérieure qui la pousse vers lapsychanalyse, alors peu connue en France.
Longtemps proche du médecin etsociologueGustave Le Bon puis dupsychanalysteRené Laforgue, Marie trouve enSigmund Freud un nouveau père de substitution. Sa rencontre avec le vieux praticien se déroule àVienne, en 1925, et elle donne lieu à uneanalyse féconde, durant laquelle la princesse prend conscience de l'origine de ses troubles, liés à l'observation d'adultes en pleine relation sexuelle lorsqu'elle était enfant. Prolongée jusqu'en 1929, cette analyse ne guérit cependant pas Marie de sa frigidité. Elle se tourne alors vers lachirurgie et subit trois opérations vaginales auprès duDrJosef von Halban, sans succès. Revenue à Paris, la princesse se consacre au développement de lapsychanalyse en France. Grâce à sa fortune, elle contribue ainsi à la fondation de laSociété psychanalytique de Paris et de laRevue française de psychanalyse, en 1926. Elle diffuse également la pensée de Freud en traduisant plusieurs de ses ouvrages entre 1927 et 1940, ce qui n'est pas sans causer scandale. Surtout, elle écrit ses propres textes, dont une psychobiographie d'Edgar Allan Poe, qui rencontre un large succès et constitue son œuvre maîtresse (1933).
La montée dunazisme et l'annexion de l'Autriche par leTroisième Reich en 1938 choquent fortement Marie, qui revient à Vienne pour sauver Freud et safamille. La princesse s'acquitte alors de la rançon que les nazis exigent pour laisser ses amis rejoindre leRoyaume-Uni et sauve, par la même occasion, environ deux cents intellectuels menacés par le régime hitlérien. Deux ans plus tard, Marie assiste à l'invasion et à l'occupation de la France par lesforces allemandes. Avec son époux, elle rejoint alors laGrèce, où la monarchie a étérestaurée en 1935 après unlong intermède républicain. Ce séjour est cependant de courte durée carla Grèce est à son tour envahie l’année suivante. C'est donc en exil enAfrique du Sud que la princesse et sa famille passent l'essentiel de laSeconde Guerre mondiale.
Revenue en Europe à la Libération, Marie s'engage dans les grands débats qui divisent les milieux psychanalytiques français. Représentante de l'analyse profane, qu'elle pratique depuis 1928, la princesse offre tout son soutien àMargaret Clark-Williams, condamnée en 1953 pourexercice illégal de la médecine, à la suite d'un procès retentissant. Surtout, Marie entre en conflit avecJacques Lacan, qu'elle méprise pour ses idées et sa pratique des « séances courtes ». En parallèle, la princesse continue à écrire et publie, en 1951, sa seconde œuvre majeure,De la sexualité de la femme, qui soulève de nombreuses controverses. Après la disparition de son époux en 1957, Marie se lance dans un combat contre lapeine de mort mais échoue à sauver le criminel californienCaryl Chessman, exécuté en 1960. Victime d'uneleucémie aigüe, la princesse meurt près de sa résidence deSaint-Tropez en 1962.
Issue de la branche deLucien Bonaparte (1775-1840), prince de Canino et Musignano[1], Marie est la fille unique deRoland Bonaparte (1858-1924) et de son épouseMarie-Félix Blanc (1859-1882)[2]. Par son père, elle est la petite-fille du princePierre-Napoléon Bonaparte (1815-1881) et de sa femmeJustine-Éléonore Ruflin (1832-1905) tandis que, par sa mère, elle descend de l'homme d'affairesFrançois Blanc (1806-1877) et de sa deuxième épouseMarie Hensel (1833-1881)[3].
Les et, Marie Bonaparte épouse civilement, àParis, puis religieusement, àAthènes, le princeGeorges de Grèce (1869-1957), second fils du roiGeorgesIer de Grèce (1845-1913) et de son épouse la grande-duchesseOlga Constantinovna de Russie (1851-1926)[2]. Par son père, le prince est donc undescendant du roiChristian IX de Danemark (1818-1906), surnommé le « Beau-père de l'Europe »[4], tandis que, par sa mère, il est un arrière-petit-fils du tsarNicolasIer de Russie (1796-1855)[5].
De l'union de Marie et de Georges naissent deux enfants :
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Marie-Félix Blanc (v. 1872) etRoland Bonaparte (1885), parents de Marie Bonaparte. |
Arrière-petite-nièce deNapoléon Ier[9], Marie Bonaparte appartient à unebranche non-dynaste de la famille impériale française[10]. Son arrière-grand-père,Lucien Bonaparte[11], et son grand-père,Pierre-Napoléon Bonaparte[12], ont en effet conclu desunions inégales, non autorisées par les chefs de leur maison[13]. En outre, le père de Marie,Roland Bonaparte, est né plusieurs années avant lemariage civil de ses parents, etNapoléon III le regardait comme unenfant illégitime[14]. Après avoir effectué de brillantes études[15], Roland Bonaparte a lui aussi épousé uneroturière,Marie-Félix Blanc[16], mais celle-ci lui a apporté unedot considérable, évaluée à environ 14 500 000 francs[17]. Par sa mère, Marie Bonaparte appartient en effet à une famille de gens d'affaires et son grand-père,François Blanc, a fait fortune grâce aux jeux d'argents, d'abord àHombourg[18], puis àMonaco[19],[20].
Marie Bonaparte voit le jour le mais sa naissance se passe difficilement[21],[22],[23]. Marie-Félix Blanc souffrant d'unetuberculose avancée[24], sontravail dure trois jours et sa fille doit être ranimée par lemédecin parce qu'elle a manqué d'oxygène en venant au monde[25]. Les semaines suivant l'accouchement, l'enfant et sa jeune mère semblent se rétablir et Marie-Félix Blanc profite pleinement des joies de la maternité[26]. Victime d'uneembolie, elle meurt pourtant le, juste après avoir présenté sa fille à son frère,Edmond Blanc[27]. Après le décès de sa mère, Marie Bonaparte est placée sous la responsabilité de sa grand-mère paternelle,Justine-Éléonore Ruflin (dite « Nina »), qui vient seconder Roland Bonaparte dans son foyer[28]. La petite fille entretient des relations distantes avec sa grand-mère, qui ne ressent guère d'attrait pour les enfants[29], et avec son père, qui se montre mal à l'aise en sa compagnie et effectue de fréquents séjours à l'étranger pour ses étudesethnologiques etgéographiques[30].
D'abord confiée aux soins d'une nourrice, Rose Boulet, avec laquelle elle passe ses trois premières années[31], Marie Bonaparte est ensuite placée sous l'autorité de deux gouvernantes successives : une femme prénommée Lucie (dont elle est séparée brutalement en 1887)[32] puis Marie-Claire Bernardini (dite « Mimau »), qui savent l'entourer de leur affection[33]. Largement coupée des autres enfants[N 2], la petite fille grandit au milieu d'une cohorte d'adultes, qui jouent des rôles divers dans son développement intellectuel et affectif[34]. Il y a d'abord sa tante paternelleJeanne Bonaparte, à la fois source d'émerveillement et de tourment[35], et l'époux de celle-ci,Christian de Villeneuve-Esclapon, personnalité brillante et fidèle soutien[36]. Il y a aussi son oncle maternel, Edmond Blanc, qui joue en même temps le rôle desubrogé tuteur et d'intermédiaire avec les Blanc[37]. On peut également citerMme Proveux, la lectrice de sa grand-mère, qui passe ses journées à commérer et à parler politique[38] ;Mme Bonnaud, femme dubras droit du prince, qui a poussé Marie-Félix Blanc à tester en faveur de son époux avant de mourir et jouit ainsi d'une place particulière[39] dans le « panthéon des assassins » qui fascinent la petite Marie[40] ;Mme Escard, épouse dubibliothécaire du prince, en qui la petite fille voit une hypocrite[41]. Viennent finalement le piqueur Pascal Sinibaldi, probable demi-frère de Roland Bonaparte, qui se montre généreux avec l'enfant mais compromet sa gouvernante Lucie en la séduisant[42], ainsi que le secrétaireAntoine Leandri, et son épouse Angèle, qui trahissent Marie à l'adolescence[43].
Marie Bonaparte passe ses premières années àSaint-Cloud[44], où le princeRoland fait racheter, au nom de sa fille, la propriété[N 3] où celle-ci a vu le jour[45]. En, la famille déménage dans une maison destyle néo-Renaissance située àCours-la-Reine, dans la capitale[46]. Plus tard, les Bonaparte s'installentrue Galilée[47], avant d'emménager, en 1896, dans unvaste hôtel particulier construit par le père de Marieavenue d'Iéna[48]. L'été, la petite fille part en vacances avec sa grand-mère, lesVilleneuve et les domestiques de la maison, tandis que le prince Roland passe de longues périodes à l'étranger pour ses recherches. Durant son enfance, Marie séjourne ainsi successivement àDieppe[49], àSan Remo[50], àMalabry[51] et dans laBeauce[52]. De ces voyages et de ses séjours à Saint-Cloud, la princesse conserve, toute sa vie, un grand attrait pour la mer, pour leclimat méditerranéen[53] et pour la nature[54].
À l'âge de quatre ans, Marie Bonaparte est victime d'un accès detuberculose bénigne, ce qui terrorise son père et sa grand-mère, qui craignent de voir la fortune de l'enfant revenir aux Blanc[55],[56],[57],[58]. Après cet événement, sa famille traite la princesse en invalide, ce qui lui vaut d'être recluse à domicile[59]. Dans ces conditions, Marie développe différentesphobies (parmi lesquelles une peur des boutons)[60] et devient ensuitehypocondriaque en grandissant[61]. Manquant d'exercice physique, elle finit par ailleurs par devenir voûtée, ce qui l'oblige à suivre des cours degymnastique corrective et à porter uncorset de fer[62].
Dotée d'une grande intelligence[63], Marie Bonaparte rêve, très jeune, de marcher sur les pas de son père, qu'elle idolâtre malgré sa froideur[64]. Elle reçoit cependant une éducation volontairement lacunaire[65] car Roland Bonaparte etJustine-Éléonore Ruflin craignent qu'une princesse trop cultivée soit difficilement mariable, une fois devenue adulte[66]. Ils redoutent, par ailleurs, que l'attrait de l'enfant pour lelatin ne la pousse vers lareligion catholique, qu'ils méprisent[67]. Jusqu'à l'adolescence, elle reçoit donc despréceptrices de qualité assez médiocre (parmi lesquellesMme Jéhenne, fille naturelle du comédienJoseph Samson[68]), qui développent malgré tout son goût pour leslangues[69], lethéâtre[70] et lamusique[71]. Elle profite en outre des connaissances de son père, qui l'initie audessin, à laphysique, à lagéographie, à l'astronomie et à labotanique[72], et d'Hortense Bonnaud, qui lui fait découvrir lamythologie gréco-romaine[73],[74]. Son éducation religieuse, jugée nécessaire afin de faciliter un futur mariage, est naturellement plus sommaire[75].
Fascinée par l'exemple de son père, qui passe de longues heures à écrire dans son bureau, Marie Bonaparte se livre, entre l'âge de sept ans et demi et dix ans, à la rédaction de cinq cahiers, qu'elle intituleBêtises. Rédigés enanglais (pour les quatre premiers) et enallemand (pour le dernier), ces textes racontent notamment la tristesse et la solitude de la petite fille face à une famille qui ne lui prête guère attention. Retrouvés par la princesse après la mort de son père, en 1924, ces cahiers sont plus tard publiés par ses soins et commentés sous l'angle de lapsychanalyse[N 4],[76],[77]. Durant sa petite enfance, Marie Bonaparte développe par ailleurs une véritable passion pour les assassins, auxquels elle s'identifie à cause de son histoire familiale. Elle apprend en effet, très jeune, l'assassinat du journalisteVictor Noir par son grand-père,Pierre-Napoléon Bonaparte et voit, en outre, dans son grand-oncleNapoléon Ier un « assassin monumental ». Cependant, c'est surtout l'histoire de son père, dont la rumeur veut qu'il ait assassinéMarie-Félix Blanc pour s'emparer de sa fortune, qui explique l'étrange fascination que la princesse voue aux meurtriers[78],[79],[80].
L'année 1896 marque un tournant dans la vie de Marie Bonaparte, qui ne fréquentait, jusque-là, aucune personne de son âge. Invitée à prendre le thé chezÉmile Ollivier, l'ancien Premier ministre deNapoléon III, la princesse fait en effet la connaissance de sa fille Geneviève, avec laquelle elle se lie d'une forte amitié[81]. Un an plus tard,Roland Bonaparte emmène, pour la première fois, sa fille dans l'une de ses expéditions scientifiques dans lesAlpes suisses. Pour Marie, qui voue une grande admiration pour son père et qui se passionne pour son travail sur lesglaciers, ce séjour constitue un grand moment de bonheur. C'est aussi, pour elle, l'occasion de faire la connaissance deMarie-Lætitia Bonaparte, veuve du roiAmédéeIer d'Espagne, qui fait à ses cousins l'honneur de leur rendre visite àSaint-Moritz[82].
De retour àParis, le prince Roland, qui a finalement pris conscience de l'intelligence de sa fille, limoge sa médiocre préceptrice et la remplace par deux professeures dulycée Racine,Mlle Marthe Boutry etMme Marie-Adèle Grünevald. Avec la première, Marie Bonaparte approfondit sa connaissance de lalittérature tandis qu'avec la seconde, elle apprend à aimer lesmathématiques, qui la rebutaient auparavant[83]. Motivée par ses progrès rapides, la princesse demande alors à son père et à sa grand-mère l'autorisation de présenter lebrevet élémentaire, mais ceux-ci l'en empêchent, prétextant la perfidie des républicains, qui pourraient profiter d'un échec à l'examen pour humilier l'ancienne famille impériale[84],[85],[86]. Meurtrie par cette interdiction, Marie Bonaparte se replie sur elle-même et néglige plus que jamais son apparence physique[87].
Durant l'été 1898, Roland Bonaparte repart en voyage dans les Alpes avec sa maisonnée. Pendant ce séjour,Antoine Leandri, le secrétaire du prince, profite du mal-être et de la maladresse de Marie pour la compromettre, et cela avec la complicité de son épouse Angèle[88],[89],[90]. À l'époque, la princesse a seize ans et elle n'a strictement aucune expérience de l'amour, même si elle a déjà connu ses premiers émois sentimentaux à l'opéra[91]. Avec quelques paroles enjôleuses et quelques caresses, le secrétaire corse s'arrange pour obtenir une mèche de cheveux et un mot d'amour de Marie Bonaparte[92]. Par la suite, lui et sa femme poussent la princesse à se rebeller contre son père et sa grand-mère, accusés d'avoir assassinéMarie-Félix Blanc pour s'emparer de sa fortune[93]. Ils renseignent, en outre, la princesse sur la liaison que son père entretient, depuis avant son mariage, avec une dame nommée Eugénie Baudry[94].
À la même époque, Marie Bonaparte fait ses premiers pas dans le monde. Avec sagrand-mère et sa tanteJeanne, la jeune fille rend visite à la princesseMathilde et à l'impératriceEugénie[95]. Quelque temps plus tard, elle fait la connaissance du prince Louis Murat et de son neveu, qui semblent tous deux intéressés par sadot[96]. Sous l'impulsion des Leandri, elle rencontre également sa tante maternelle, la princesse Radziwill, avec laquelle Roland Bonaparte est brouillé depuis le décès de sabelle-mère, en 1881[97]. Or, ce rapprochement est vécu comme une trahison par le père de Marie, qui interdit à Antoine Leandri, puis à son épouse, l'entrée de sa maison[98]. Le couple n'en reste cependant pas là puisqu'il parvient à établir une correspondance secrète avec la princesse, grâce à la complicité deMiss Hetty, sa professeure d'anglais[99].
Isolée de ceux qu'elle considère comme ses amis, Marie fait des scènes quotidiennes à son père et des rumeurs commencent à circuler, àParis, disant qu'elle est séquestrée par sa famille. Pour les faire taire, Roland Bonaparte donne une grande réception à l'occasion des dix-sept ans de sa fille[100],[85]. Sont alors invités plusieurs personnalités dugotha (parmi lesquelles lagrande-duchesse de Mecklembourg, legrand-duc de Hesse-Darmstadt ou le princeHenri d'Orléans), ainsi que de nombreux artistes et intellectuels (commeAuguste Bartholdi,Caran d'Ache etMadeleine Lemaire) et des militaires, dont lecapitaine Gouraud[100]. L'événement mondain ne suffit cependant pas à calmer Marie Bonaparte, qui exprime sa tristesse en développant des maladies imaginaires[101]. Parallèlement, l'attitude des Leandri devient plus agressive. Désormais sans revenu, le secrétaire corse réclame 100 000 francs de dédommagement à la princesse, qu'il menace de compromettre en révélant sa correspondance. Terrorisée par la perspective du scandale, Marie s'arrange pour lui verser 1 000 francs par mois jusqu'à sa majorité par l'intermédiaire du bras droit de son père,Dominique Bonnaud[102],[103].
Durant les quatre années qui suivent, Marie Bonaparte vit dans la hantise de voirAntoine Leandri et son épouse réapparaître dans son existence[104]. De plus en plushypocondriaque, la princesse se persuade d'être à nouveau atteinte detuberculose et confie ses angoisses dans un carnet qu'elle intituleJournal d'une jeune poitrinaire[105]. Elle n'en néglige pas pour autant son éducation et poursuit avec acharnement son travail avec les professeures dulycée Racine[106]. Elle profite par ailleurs des enseignements de son père, avec lequel elleherborise durant les vacances[107], et de la multitude d'intellectuels qui gravitent autour de sa famille[108]. La jeune fille se réfugie en outre dans la lecture et dévore les ouvrages desphilosophes des Lumières[109], lesclassiques russes[110] et les textes d'Edgar Allan Poe[111]. Avec son oncle, lemarquis de Villeneuve, elle découvre également la poésie deFrédéric Mistral, lesromantiques allemands et lesphilosophes de laGrèce antique[112].
Assoiffée de connaissances, la princesse caresse le rêve de devenirmédecin et reçoit le soutien inattendu de sa tanteJeanne, qui intervient en sa faveur auprès de son frère. Cependant,Roland Bonaparte continue à s'opposer aux projets de sa fille, parce qu'il les juge incompatibles avec son désir de la voir épouser un membre dugotha européen. Marie en est naturellement affectée, mais les erreurs qu'elle a commises durant l'affaire Leandri la conduisent, de nouveau, à se soumettre à la volonté paternelle[113]. La jeune fille n'en étudie pas moins l'anatomie avec passion, et cela en dépit de laphobie qu'elle nourrit pour lessquelettes[114].
À l'aube de ses 21 ans, Marie est recontactée par Antoine Leandri, qui lui réclame désormais 200 000 francs en échange de ses lettres[115]. Face à ce chantage, celle-ci se résout à confesser ses déboires à son oncle maternel,Edmond Blanc, qui lui conseille alors de se tourner vers Roland Bonaparte. Malgré sa honte, la jeune fille obtempère. Or, à sa grande surprise, le prince reproche surtout à Marie de ne pas s'être confiée à lui plus tôt[116]. Il prend ensuite attache avec l'avocatEdgar Demange, défenseur dePierre-Napoléon Bonaparte au moment de l'« affaireVictor Noir »[117]. Finalement, le juriste parvient à un accord avec le maître-chanteur corse. En échange de 100 000 francs, ce dernier accepte de remettre l'intégralité de sa correspondance à la princesse. Il renonce par ailleurs à la tenue d'un procès, qui n'aurait pas manqué d'éclabousser la jeune fille[118],[119],[120]. Pour Marie Bonaparte, qui doit en outre rembourser 36 000 francs avec intérêts àDominique Bonnaud (pour l'argent qu'il a versé en son nom à Leandri avant sa majorité) et s'acquitter de 10 000 francs de frais d'avocat, ce dénouement est un énorme soulagement[121].
Deux ans après ces événements, en 1905,Justine-Éléonore Ruflin meurt dans la chambre qu'elle occupe dans l'hôtel-Roland, situéavenue d'Iéna[122],[123]. Pour Marie, qui a toujours entretenu des relations difficiles avec sa grand-mère, ce décès est surtout l'occasion d'assouvir une fascination morbide pour lamort et les rituels qui l'entourent. Bien plus, il constitue une sorte de libération, tant la jeune fille a le sentiment d'avoir été opprimée par son aïeule tout au long de son enfance et de son adolescence[122]. À la grande déception de la princesse, la disparition de sa grand-mère n'est par contre pas l'occasion d'un rapprochement avec son père, qui s'enferme dans la tristesse et se montre toujours aussi distant avec elle[124]. Constamment préoccupé par l'argent, qu'il se plaint de dépenser en excès pour maintenir sa maison, Roland Bonaparte demande même à sa fille de tester en sa faveur, ce qu'elle se refuse à faire[125].
Alors que son cousin le princeLéon Radziwill se marie, en 1905, avec Claude de Gramont[126] et que sa cousine Jeanne de Villeneuve-Esclapon s'unit, l'année suivante, au baron Lucien Leret d'Aubigny[127], Marie Bonaparte se montre peu intéressée par lemariage. Toujours désireuse d'étudier lamédecine[128], elle craint également de n'être courtisée que pour son immense fortune[129]. Peu habituée à s'habiller ou à fréquenter le monde, elle mène une vie de recluse et est invitée à son premier bal, chez la princesse Murat, à presque 25 ans[130]. Ses phobies et son hypocondrie la conduisent, par ailleurs, à se comporter de manière étrange, si bien queRoland Bonaparte etChristian de Villeneuve-Esclapon la jugent longtemps immariable[131].
Cela n'empêche pas les proches de le jeune fille d'échafauder des projets matrimoniaux à son attention. Fidèle soutien ducarlisme, son oncle Christian rêve ainsi de l'unir auduc de Madrid[129],[20]. Fervente catholique, sa gouvernante « Mimau » imagine la marier au prince héréditaireLouis de Monaco, afin d'éloigner celui-ci d'une vie de péchés[129]. Désireux de laver la tache de sa propreillégitimité, son père cherche, quant à lui, à l'unir à unprince de sang royal[132] et l'imagine fiancée àHermann de Saxe-Weimar, héritier présomptif duGrand-duché de Saxe-Weimar-Eisenach. Parmi tous ces prétendants hypothétiques, seul le princemonégasque trouve grâce aux yeux de Marie, qui le sait assez riche pour ne pas en avoir après son or. Cependant, ce dernier ne s'intéresse pas à elle et il refuse même de la rencontrer[129],[133].
C'est finalement d'un autre pays méditerranéen que se présente le fiancé de la princesse. Sur les conseils du diplomateNicolas Delyannis, Roland Bonaparte décide en effet d'unir sa fille au princeGeorges de Grèce, apparenté à la plupart des dynasties du vieux continent grâce à safiliation avec le « Beau-père de l'Europe »,Christian IX de Danemark[134]. En, le prince Roland organise ainsi un grand déjeuner en l'honneur du roiGeorges Ier de Grèce, alors de passage àParis[135]. À la suite de cet événement, le roi des Hellènes fait savoir à son hôte qu'il serait ravi d'avoir Marie pour belle-fille[136]. Une rencontre entre les deux jeunes gens est donc organisée quelques mois plus tard. Le, le prince Georges se présente ainsi à l'hôtel-Roland en compagnie de son frère aîné, lediadoqueConstantin[137]. C'est le début d'unecour de 28 jours, au bout de laquelle Marie finit par accepter la demande en mariage d'un jeune homme qu'elle trouve séduisant et attendrissant mais peu à son écoute[138].
Le, les deux jeunes gens se fiancent donc officiellement. Uncontrat de mariage est aussitôt signé. Au grand étonnement de Roland Bonaparte, Georges de Grèce accepte, avec bienveillance, laséparation de biens et refuse tout droit de survie. Il rejette également la dotation que lui propose son futur beau-père. Quant à Marie, elle reçoit du prince Roland l'usufruit de l'héritage deMarie-Félix Blanc, estimé à 250 000 francs derente[139], somme qui vient s'ajouter aux 800 000 francs qu'elle percevait déjà[140]. Peu après, le marquis et la marquise de Villeneuve-Esclapon entament des négociations avec laPapauté pour permettre à Marie d'épouser unorthodoxe, considéré commeschismatique. C'est cependant un échec et la jeune fille estexcommuniée, sans qu'elle en ressente la moindre tristesse, compte tenu de l'athéisme qu'elle professe depuis son adolescence[141]. Dans le même temps, Marie fait l'achat, à la maisonDrecoll, d'un énormetrousseau, qui engloutit la quasi-totalité de son revenu annuel[140],[142].
Le mariage civil du jeune couple est célébré à lamairie du16e arrondissement deParis, le. Les témoins de Marie sont ses tantes, les princessesJeanne Bonaparte et Louise Radziwill ; ceux deGeorges sont son frèreNicolas et le diplomate grecNicolas Delyannis[140]. Afin de ne pas avoir à affronter son ennemi, l'homme politiqueElefthérios Venizélos[140], qui l'acombattu lorsqu'il était haut-commissaire de laCrète autonome[143], le prince aurait préféré que la cérémonie religieuse se produise également enFrance mais leroi des Hellènes ne l'entend pas de cette oreille et le mariage orthodoxe est célébré àAthènes le[140]. Il donne lieu à une longue et imposante cérémonie, durant laquelle Marie se sent proche de défaillir[144].
Les premiers contacts de Marie avec sabelle-famille sont chaleureux[145], même si des frictions se font rapidement jour entre elle et l'une de ses belles-sœurs, la grande-duchesseHélène Vladimirovna de Russie, connue pour son caractère hautain[146]. C'est cependant la personnalité du princeValdemar de Danemark, frère cadet du roi GeorgesIer de Grèce, qui attire le plus l'attention de Marie Bonaparte[147]. Son mari lui a, en effet, longuement parlé de cet oncle, auquel il voue une tendresse toute particulière depuis son adolescence passée dans lamarine royale danoise[148]. À son grand désarroi, Marie comprend progressivement que son époux esthomosexuel et qu'il est passionnément amoureux du prince, que Marie trouve, quant à elle« fort ordinaire, pas très beau, peu intelligent, peu généreux et souvent acariâtre »[149],[150],[151].
Dans ces conditions, lanuit de noces du jeune couple se passe mal. Il faut ainsi toute la persuasion de Valdemar de Danemark, qui a accompagné le prince et la princesse dans leurlune de miel, pour que Georges réussisse à accomplir sondevoir conjugal. Le prince de Grèce se montre en outre maladroit et brutal avec sa femme, à qui il déclare, quand il la prend :« Je hais cela autant que toi. Mais il faut bien, si l'on veut des enfants... »[79],[152]. En dépit de cet échec et des nombreux adultères réciproques qui le suivent, naît, au sein de ce couple improbable, une profonde amitié qui dure jusqu'à la mort de Georges, en 1957[153],[154].
Le prince Georges n'ayant presque aucune obligation officielle[155], le couple passe les premières années de son mariage entre sa résidenceathénienne[N 5],[156], l'hôtelparisien du princeRoland[157] et la petite villedanoise deGentofte, où le princeValdemar possède sarésidence d'été[158]. Marie séjourne alors de longues semaines en compagnie desdescendants du roiChristian IX de Danemark, et cela lui pèse. Pour elle, qui a toujours vécu dans un environnement intellectuellement stimulant, lafamille de son époux semble désespérément fade et bourgeoise[159],[160]. Seule la princesseMarie d'Orléans, épouse de Valdemar, et leduc de Cumberland, héritier dutrône de Hanovre, trouvent grâce à ses yeux parce qu'ils apparaissent« comme deux bougies allumées parmi des bougies éteintes »[161].
Déçue par sa nouvelle vie, Marie Bonaparte envisage un moment de quitter son époux, mais sa grossesse l'en dissuade finalement[162]. Revenue enFrance pour accoucher, elle vit dans la hantise de mourir en donnant le jour à son enfant, comme sa mère. Cependant, l'arrivée du bébé (un petit garçon né le et prénomméPierre) se passe bien et rapproche même la princesse de son époux, qui est ravi d'avoir un fils[163]. L'ennui lié au quotidien de la princesse reprend cependant bien vite le dessus[164]. Confrontée à la froideur de Georges, qui lui préfère Valdemar, elleflirte avec l'un des fils de celui-ci, le princeAage de Danemark[164]. Plus tard, elle entretient une liaison avec l'un des frères de Georges, le diadoqueConstantin[165], avant de nouer une relation avec Lembessis, le chambellan de son époux[166],[167].
En dépit de ces événements, Marie et Georges poursuivent leur vie conjugale et la princesse devient à nouveau enceinte. Le, elle accouche, à Paris, d'une petite fille prénomméeEugénie. Or, cette naissance ne réjouit pas le prince hellène, qui aurait préféré avoir un autre garçon[168]. Dans le même temps, « Mimau », qui continuait à vivre avec sa protégée depuis son mariage, développe un comportement instable et décide finalement de retourner auprès de sa propre famille. Pour Marie, qui voit toujours dans la vieille femme une mère de substitution, c'est un crève-cœur, même si leur relation se poursuit à distance[169].
Le, leroyaume de Grèce est secoué par uncoup d'Étatmilitaire qui porte bientôtElefthérios Venizélos, l'ennemi juré du princeGeorges, à la tête ducabinet[170]. Dans le même temps, les fils du roiGeorgesIer sont contraints à démissionner de l'armée[171] et l'époux de Marie, qui était déjà en disponibilité depuis 1906, doit renoncer à ses fonctions dans lamarine hellénique[172]. Après une période de forte instabilité, dont Marie se sert comme excuse pour ne pas rentrer àAthènes[173], le pays se modernise sous l'action du nouveau Premier ministre. En 1912, l'homme d'État crétois profite par ailleurs de l'affaiblissement que connaît l'Empire ottoman après saguerre contre l'Italie pour nouer desalliances avec les autres royaumes desBalkans, en prévision d'un nouveau conflit[174].
Alors que la guerre approche, les fils du roi des Hellènes sont rappelés dans l'armée et Marie, Georges et leurs enfants rentrent à Athènes le. Quelques jours plus tard, le, laGrèce rejoint ses alliés, déjà en conflit contre l'Empire ottoman. Marie et son époux offrent alors des ambulances à l'armée, qui n'en disposait guère[174]. Georges est ensuite nomméaide de camp général de son père, tandis que Marie se joint à la reineOlga et à ses belles-sœursSophie,Hélène etAlice pour organiser les secours aux soldats blessés. L'arrière-petite-nièce deNapoléon Ier prend ainsi la tête d'un hôpital improvisé dans l'École militaire et du navire-hôpitalAlbania, chargé d'acheminer des blessés deVolos et deSalonique jusqu'à la capitale[175]. En décembre, la princesse reçoit en outre la gestion de l'hôpital d'Épire, ce qui l'amène à faire la connaissance d'un jeune chirurgiensuisse nomméAlbert Reverdin[176]. C'est le début d'une nouvelle liaison, qui dure tout au long de la guerre et qui reprend, plus tard, à Paris[177].
Revenue dans la capitale hellénique à la mi-, Marie engage une nouvellegouvernante britannique pour ses enfants. Nommée Violet Croisdale, mais rapidement surnommée « Croisy », cette dernière joue ensuite un rôle important dans la vie de la princesse et de sa famille[176]. Peu de temps après, le, le roiGeorgesIer estassassiné àThessalonique et Marie assiste à ses funérailles aux côtés du reste de lafamille royale. Après cet événement tragique, la jeune femme, son époux et leurs enfants rentrent en France et, lorsque éclate ladeuxième guerre balkanique, en juin, seul Georges reprend la route de la Grèce[178]. Un mois plus tard, les combats se terminent, laissant le royaume hellène considérablement agrandi et le gouvernement de Venizélos affermi[179]. Georges n'ayant plus de raison de rentrer à Athènes, son épouse est désormais libre de mener la vie dont elle rêve à Paris[180].
Depuis 1909, Marie est l'amie du médecin et sociologueGustave Le Bon, que le princeRoland lui a présenté. Célèbre pour ses ouvrages, et notamment pourLa Psychologie des foules (1895), le vieil homme jouit d'une réputation de penseur et il organise, chaque semaine, des déjeuners et des dîners durant lesquels il réunit toutes sortes de personnalités brillantes[142],[181]. Rapidement, Le Bon se transforme en père de substitution et en guide intellectuel pour la princesse, qui est fascinée par son esprit[182]. Encouragée par son idole, elle se remet à écrire[167],[183]. Elle commence également à recevoir, et accueille notamment les hommes politiquesRaymond Poincaré etAndré Tardieu, à l'occasion de « petits dîners », durant lesquels elle a la joie de constater qu'elle plaît à ceux qu'elle admire[173].
Revenue à Paris après laPremière guerre balkanique, en, Marie reprend ses invitations et accueille, chez son père, l'écrivainRudyard Kipling, qu'elle présente à ses enfants. La liaison qu'elle entame, dans les mêmes moments, avec le Président du ConseilAristide Briand, la guérit toutefois de cette frénésie de réceptions[160],[180]. De fait, cette nouvelle relation extraconjugale trouble la princesse, qui tombe passionnément amoureuse de l'homme politique, alors qu'elle ne ressentait qu'une forte attraction sexuelle pour ses précédents amants. Cela ne l'empêche cependant pas de continuer à voirAlbert Reverdin lorsqu'il séjourne dans la capitale française[184],[185],[186].
Marie et sa famille sont encore en France lorsque se produit l'attentat de Sarajevo, qui coûte la vie à l'archiducFrançois-Ferdinand d'Autriche et à sonépouse, mais l'événement ne leur semble pas assez grave pour qu'ils diffèrent leur séjour annuel auDanemark. Arrivée àBernstorff le, la princesse est bientôt surprise par ledéclenchement de laPremière Guerre mondiale, qui l'isole jusqu'en octobre dans le petit royaumescandinave, resté neutre[187]. Fervente patriote, Marie se lamente alors de n'être pas à Paris et publie, avec l'approbation de lafamille royale de Danemark, un article (intitulé « Victimes » et signé « M. B. ») dansLe Temps pour exprimer son indignation après l'incendie, par lesforces allemandes, de labibliothèque de Louvain[188].
Leroyaume hellène étant resté neutre, Marie et sa famille parviennent finalement à revenir enFrance le, grâce à leurs passeports grecs. Après une halte à l'hôtel-Roland, ils s'établissent alors dans la demeure où la princesse a vu le jour, àSaint-Cloud[189]. Du fait de son appartenance à lafamille royale de Grèce, Marie ne peut pas s'impliquer, comme elle le voudrait, pour soutenir l'armée française. Elle réunit cependant des fonds destinés à laCroix-Rouge et à un hôpital tenu par une demoiselle Argyropoulos[190]. La princesse reprend par ailleurs sa liaison avecAristide Briand[191], qui devient progressivement un intime de la famille. Adoré parPierre etEugénie[192], l'homme politique parvient par ailleurs à se faire adopter parRoland Bonaparte[188] etGeorges de Grèce, qu'il éprouve finalement du remords à tromper[193].
Le, Georges et Marie retournent àAthènes, après avoir mis leurs enfants en lieu sûr auchâteau de Bonnétable, chez Lise Radziwill, duchesse de Doudeauville. Le roiConstantinIer est alors gravement malade et laGrèce traverse de grosses difficultés politiques, causées par les divisions entre partisans de laTriple-Entente et despuissances centrales[194]. Marie, qui éprouve de la sympathie pourElefthérios Venizélos depuis lesGuerres balkaniques[195], aimerait le voir revenir aux commandes du pays. Elle juge par ailleurs la reineSophie, sœur du kaiserGuillaume II, beaucoup moins pro-allemande que le gouvernement[194].
Revenue en France le suivant[196], Marie commet des imprudences avec Briand et la rumeur de leur liaison se répand rapidement dans la capitale[197]. Le prince Georges en conçoit de la tristesse et de la jalousie, mais il réagit assez mollement[198]. Il espère, en effet, profiter de la position de l'amant de son épouse pour jouer les conciliateurs entre l'Entente et la Grèce, où commence, en, l'occupation de Thessalonique par lesAlliés[196]. Au fil des mois, les tensions croissantes entre le royaume hellène et l'Entente conduisent toutefois le prince Georges à se montrer plus critique vis-à-vis du gouvernement français, qu'il accuse de vouloir renverser sadynastie[199]. Dans ce contexte difficile, Marie montre son engagement vis-à-vis de son pays natal en fondant, àThessalonique, un hôpital destiné aux soldats ducorps expéditionnaire allié[200],[201]. Or, après laconfrontation des forces françaises et grecques à Athènes le, Briand propose aux Alliés de destituer ConstantinIer, ce qui fait dire à ses ennemis qu'il désire faire de sa maîtresse la nouvellereine des Hellènes[202]. Cependant, Marie n'a absolument aucune ambition en ce sens[203].
Les dernières années de la guerre ne sont que tristesse et colère pour le prince Georges[204] et Marie, qui éprouve toujours de la tendresse pour son époux[205], en souffre d'autant plus que le nom de sa belle-famille est régulièrement insulté par la presse française[206]. En, unerévolution secoue laRussie et contraint le tsarNicolas II à abdiquer[207]. Quelques mois plus tard, en juin, ConstantinIer est balayé du trône par les Alliés puis remplacé par son deuxième fils, le jeuneAlexandreIer[208]. Surtout, denombreux parents russes du prince hellène, parmi lesquels ses beaux-frères les grands-ducsPaul etGeorges, sont assassinés par lesBolcheviks[209]. Roland Bonaparte, le père de Marie, souffre lui-aussi des événements qui secouent l'Europe mais c'est parce que l'arrivée des communistes à Moscou lui fait perdre la moitié de sa fortune, constituée en grande partie d'emprunts russes[203].
À la fin de laPremière Guerre mondiale, Marie etAristide Briand s'éloignent progressivement, même s'ils restent en bons termes[210]. L'homme politique souffre en effet de lafrigidité de la princesse, qui peine à se donner à lui[211]. Cela n'empêche pas celle-ci d'acquérir, en 1918, lechâteau de Blain, étroitement lié à l'enfance du Président du Conseil[212]. Pendant cette période, la princesse voyage à plusieurs reprises en province avec ses enfants. Elle se rend ainsi àNice pour voir « Mimau »[213], qui meurt le[214], et séjourne longuement dans son domainebreton, notamment lorsque lagrippe espagnole frappe la capitale[215].
Le, Marie signe un contrat avec les éditionsFlammarion pour la publication d'un premier ouvrage. Paru dans lacollection dirigée parGustave Le Bon, il est intituléGuerres militaires et guerres sociales[123],[216],[217]. L'écriture de ce livre est l'occasion, pour la princesse, de se plonger dans l'étude de la vie politique. Elle assiste ainsi à de nombreux meetingssocialistes et dévore les auteurscommunistes, parmi lesquelsLénine etTrotski[218]. Aboutissement d'un travail de longue haleine, cet ouvrage de méditations sur la guerre reflète avant tout, d'aprèsCélia Bertin, la biographe de la princesse,« l'originalité d'esprit et l'individualisme de son auteur »[218].
La princesse consacre par ailleurs beaucoup de temps à ses enfants et les emmène notamment voir leur grand-mère, la reineOlga Constantinovna de Russie, àSaint-Jean-Cap-Ferrat, en[219]. Mère attentive mais parfois étouffante[220], elle est particulièrement fière de son filsPierre mais se montre plus négligente vis-à-vis d'Eugénie, qui en conçoit une forte jalousie[220]. Alors queGeorges s'occupe de l'éducation religieuse des petits princes[221], Marie supervise leur formation intellectuelle[222]. D'abord confiés aux soins d’unprécepteursuisse,Henri Hoesli[223], les enfants étudient plus tard dans des lycées publics, ce qui est, à l'époque, très atypique dans le milieu des familles royales[224].
Pendant ce temps, labelle-famille de Marie continue à pâtir des bouleversements liés à la Grande guerre. Prisonnier desvénizélistes depuis son avènement[225],AlexandreIer meurt subitement après avoir été mordu par un singe domestique le[219]. Cet événement tragique, qui survient au moment où laGrèce est aux prises avec la Turquie à propos de ladomination de l'Asie mineure, permet àConstantinIer d'êtrerappelé sur le trône. Une succession de désastres militaires conduit cependant le souverain à abdiquer au profit de son fils aîné, en 1922[226]. Incapable de rétablir la situation,Georges II est bientôt chassé du pouvoir et laRépublique est proclamée à Athènes le[227]. Marie accueille alors, dans une petite maison qu'elle possède àSaint-Cloud, son beau-frère le princeAndré et la famille de celui-ci[228],[229].
À partir de 1922, la santé deRoland Bonaparte se dégrade[230]. Atteint d'uncancer de la prostate, le prince subit plusieurs opérations et Marie revient vivreavenue d'Iéna pour prendre soin de lui[231]. Très préoccupée par le sort de son père, elle commence la rédaction d'un nouvel ouvrage, dans lequel elle exprime son amour filial. Publié seulement en 1951, il est intituléMonologue devant la vie et la mort[232]. En parallèle, la princesse rédige un autre livre, aux tonalités pessimistes. Dédié à ses enfants, il est composé d'impressions sur la propriété deSaint-Cloud et de quatre contes. Publié en 1924, il a pour titreLe Printemps sur mon jardin[233],[234],[235].
L'éloignement d'Aristide Briand[236] et la maladie du prince Roland rapprochent Marie duDrJean Troisier[237], époux de Geneviève Ollivier depuis 1911[166],[238]. La princesse et le médecin partagent en effet le même amour de la musique[239]. Marie est en outre fascinée par le savoir de celui qui lui rappelle combien elle aurait aimé devenir médecin[236]. Dans ces conditions, la princesse tombe, une nouvelle fois, amoureuse et Jean Troisier devient son amant en[240]. En dépit de la forte amitié qui l'unit à Geneviève Ollivier depuis l'adolescence, Marie n'éprouve aucun remords vis-à-vis d'elle. La princesse souffre, par contre, de lafrigidité qui la bloque, et dont Troisier joue en comparant sa maîtresse à son épouse, avec laquelle il continue régulièrement à accomplir son devoir conjugal[241].
À mesure que sa relation avec son nouvel amant devient plus étroite, la princesse s'éloigne deGustave Le Bon, dont l'intellect lui paraît désormais bien limité. C'est pourtant le vieil homme qui lui fait découvrirSigmund Freud, en lui conseillant la lecture de l'Introduction à la psychanalyse, récemment traduite en français[242]. Peu de temps après, le, Marie fait la connaissance duDrRené Laforgue, correspondant du fondateur de lapsychanalyse[243],[244], qui devient vite son confident[245]. Obsédée par ses problèmes sexuels, la princesse se passionne également pour les travaux du chirurgien autrichienJosef von Halban, dont elle se fait rapidement la propagandiste. En, elle publie ainsi, sous le pseudonyme d'« A.-E. Narjani », un article intitulé « Considérations sur les causes anatomiques de la frigidité chez la femme ». À partir de prétendues observations réalisées sur« 200 sujets pris au hasard dans la population parisienne », elle y soutient que la distance entre leclitoris et leméat urétral est responsable de l'absence d'orgasme chez certaines femmes[123],[246],[247],[248].
Roland Bonaparte meurt dans sonhôtel particulier de l'avenue d'Iéna, le[249]. La disparition de son père cause un grand trouble dans lapsyché de la princesse. Celle-ci doit, en effet, surmonter l'absence d'un homme qu'elle a toujours adulé mais qui ne lui a jamais vraiment témoigné son amour[232]. Elle doit, en outre, gérer sasuccession (estimée à 60 millions de francs) et« remuer le passé » en déménageant sa maison, qu'elle ne souhaite nullement habiter et qui regorge de livres, de plantes séchées, de minéraux, de meubles et d'objets destyle Empire, qu'elle déteste[250]. Bientôt atteinte dedépression, elle est traversée de penséessuicidaires[251]. Elle développe, par ailleurs, une crise desalpingite[252] et se fait, ensuite, opérer d'unkyste ovarien, ce qui la laisse dans un état de grande fatigue[253].
Tiraillée entre la liberté à laquelle elle aspire et ses responsabilités d'altesse royale[224], l'arrière-petite-nièce deNapoléon Ier supporte, en outre, de plus en plus mal de devoir participer aux événements mondains organisés par la parentèle du princeGeorges. Ses convictionsrépublicaines choquent en effet avec l'atmosphère passéiste qui lui semble régner autour des familles royales[254]. La princesse vit, par ailleurs, dans la crainte de perdre son amant, de vieillir et de devenir laide[255]. Elle trouve, malgré tout, la force de continuer à écrire. Elle rédige ainsi, durant l'été 1924,Les Glauques aventures de Flyda des Mers[256]. Publiée seulement en 1950, cette œuvre constitue, selon les mots deCélia Bertin, un récit maladroit dans lequel se« devine la profondeur du désespoir » de son auteur[257].
Consciente qu'elle est victime de troubles psychiques, Marie se livre toutefois à une série d'opérations dechirurgie esthétique, durant l'hiver 1924-1925. LeDrHarold Gillies lui retouche alors lesseins[253], avant de rectifier la petitecicatrice qu'elle a à la base dunez et qu'elle a déjà fait opérer à deux reprises[258]. Quelques mois plus tard, la princesse part effectuer unecure thermale àSalies-de-Béarn[259]. Parallèlement, elle demande auDrRené Laforgue, avec lequel elle a effectué quelques séances qu'elle ne souhaite pas poursuivre[260], d'intercéder auprès deSigmund Freud pour qu'il la reçoive enanalyse[261],[262]. Contacté par son disciple en[260], le praticienautrichien se méfie d'abord de cette personne célèbre et mondaine[260],[263] et refuse, dans un premier temps, de recevoir Marie parce qu'il la soupçonne de vouloir le rencontrer pour se divertir. Après plusieurs échanges épistolaires, il se ravise cependant et rendez-vous est pris, àVienne, pour le[261],[262].Élisabeth Roudinesco précise que Marie Bonaparte ne cherche pas seulement auprès de Freud une résolution de ses problèmes, mais veut aussi recevoir de sa part uneformation didactique[264].
En dépit de l'opposition du princeGeorges et deJean Troisier, Marie se rend donc enAutriche pour y rencontrer le père de lapsychanalyse[265]. Jusqu'à la mi-[266],Sigmund Freud la reçoit quotidiennement au cours d'une, puis deux,séances organisées dans sademeure[267]. Une confiance réciproque se noue alors entre l'analysante et le vieux praticien, qui ne tarde pas à se confier à la princesse[268],[269]. Il lui parle ainsi de son cancer de la mâchoire, de ses déboires amicaux[268], des deuils familiaux qui l'ont frappé[270] et des difficultés financières qu'il a traversées après laPremière Guerre mondiale[271]. Il lui explique également qu'avant sa rencontre, il n'espérait plus rien de la vie, mais qu'il voit désormais en elle l'introductrice de lapsychanalyse en France[270]. De son côté, Marie est totalement fascinée par Freud[268] et ne ressent aucune difficulté à lui confier son intimité. Durant l'analyse, elle ne rencontre d'ailleurs qu'une seule vraierésistance, lorsque Freudinterprète l'un de sesrêves en disant qu'elle a probablementvu des adultes faire l'amour lorsqu'elle était enfant[272],[273]. Au cours de ses séances, Marie prend de nombreuses notes, qui sont plus tard utilisées parErnest Jones pour écrire lapremière biographie de Freud[274].Élisabeth Roudinesco rapporte que la cure de Marie est bien plus longue que celle des autres disciples, s'étalant par tranches de 1925 à 1938. Entre 1925 et 1927, elle découvre que son inconscient est une« bête féroce, heureusement dominée par un génial dompteur ». Freud lui fait apparaître son caractère justicier, voulant se venger de son père qu'elle aimait sans qu'il ne lui rende l'amour en retour[275].
Durant son séjour viennois, Marie doit par contre affronter les récriminations épistolaires de son entourage. À Paris, le prince Georges se montre particulièrement irrité par son absence et il rend la vie difficile aux enfants et à leur gouvernante, Violet Croisdale, qui menace de démissionner.Eugénie est en pleine crise d'adolescence et ne supporte plus son père, dont elle souffre de la froideur. De son côté,Pierre se montre jaloux de la relation que sa mère entretient avec Sigmund Freud. Surtout, lemarquis de Villeneuve réclame sa nièce après qu'il a été victime d'une crise d'apoplexie, qui l'a laissé à demi-paralysé[276]... Au fil de ses années de mariage, Marie a accumulé beaucoup d'agressivité vis-à-vis de son époux et celle-ci ressort au cours de son analyse. Cependant, Freud rassure la princesse en lui démontrant que Georges ne constitue nullement une menace pour son développement intellectuel[276]. Finalement, Marie quitte Vienne avec l'espoir d'avoir enfin découvert la clé de safrigidité mais aussi d'avoir trouvé un métier dans lequel elle va pouvoir se réaliser[276].
De retour à Paris, la princesse subit les plaintes de son entourage[266]. Toujours éprise de Jean Troisier, elle est aussi confrontée à son opposition à ce qu'elle deviennepsychanalyste. Cela n'empêche pas la princesse de retourner à Vienne dès le[277]. Son analyse fait alors des progrès rapides[278]. Ayant confié à Freud les cahiers deBêtises qu'elle a rédigés lorsqu'elle était enfant[276] et qu'elle a retrouvés en déménageant l'hôtel-Roland[279], celui-ci arrive à la conclusion qu'elle a été le témoin de relations sexuelles entre sa nourrice, Rose Boulet, et Pascal Sinibaldi, quand elle était enfant. De là, la princesse aurait intégré l'idée que lecoït est à la fois une expérience enviable et une agression contre la femme[278]. Parallèlement à son analyse, Marie assiste, grâce à l'intervention du professeurJulius Wagner-Jauregg, à des consultations à la clinique psychiatrique de l'hôpital général de Vienne[280]. Elle se lie par ailleurs d'amitié avec deux proches de Freud, sa filleAnna[281] et l'AméricaineRuth Mack[282]. Finalement, la princesse se lance dans la traduction d'un ouvrage de Freud intituléUn souvenir d'enfance de Léonard de Vinci[280].
Rentrée àParis le[283], Marie retrouve Pascal Sinibaldi[284], avec lequel sa famille a rompu pour des histoires d'argent plus de 20 ans auparavant[117]. En dépit des 82 ans du vieil homme, la princesse n'hésite pas à le tourmenter jusqu'à ce qu'il lui avoue avoir couché avec sa nourrice devant elle, lorsqu'elle avait entre six mois et trois ans et demi[275],[284],[285],[286]. Une fois cette confession obtenue, l'arrière-petite-nièce deNapoléon Ier assiste, le, chezRené Laforgue, à la première réunion du groupe qui va donner naissance à laSociété psychanalytique de Paris[287]. Ces événements n'empêchent pas la princesse de continuer à vouloirdevenir médecin, et cela malgré l'opposition de ses amis lesDrJean Troisier etCharles Talamon[288], et surtout deSigmund Freud lui-même, qui montre ainsison appui à l'analyse profane[275],[289]. De son côté, le princeGeorges continue à désapprouver son travail et il lui demande solennellement d'y mettre un terme afin de mieux se consacrer à sa famille, ce qu'elle refuse[290].
La mort en exil de la reineOlga Constantinovna de Russie en est l'occasion, pour Marie et sa parentèle, d'un voyage enItalie. Après les funérailles royales, la princesse et ses enfants se rendent àSemmering, où Freud passe, chaque année, ses vacances avec safamille. La rencontre est un succès, puisquePierre etEugénie s'attachent sincèrement au vieux praticien et à ses proches[291]. Ce séjour est l'occasion, pour Marie, de travailler sur l'origine de ses terreurs enfantines, une fois encore liées à sadécouverte précoce de la sexualité[292]. En dépit de la conversion de la princesse à lapsychanalyse, celle-ci continue à chercher une réponse physiologique à safrigidité. Elle profite ainsi d'un passage àVienne pour rencontrer legynécologueJosef von Halban, dont les recherches la fascinent depuis plusieurs années[293].
Après un bref retour en France à la fin de l'été, Marie revient poursuivre son analyse en Autriche[294]. Elle séjourne, cependant, à Paris en pour participer à la création de la Société psychanalytique, qui réunit alors 9 membres (parmi lesquels 7 hommes, tous médecins, et 2 femmes « profanes »)[N 6],[295],[296]. En parallèle, la princesse intervient dans la fondation de laRevue française de psychanalyse, dont elle impose, grâce à l'importance de ses financements, une partie des statuts, le nom et la mention« sous le haut patronage du Professeur S. Freud » sur sa couverture[297]. Par la suite, Marie dirige la partie non médicale de la revue[298], pour laquelle elle traduit ou écrit plusieurs textes[299], dont un sur la meurtrièreMme Lefèbvre[300],[301],[302],[303]. D'après Rémy Amouroux, la princesse est ainsi à l'origine d'environ 12 % des textes publiés dans laRevue entre 1927 et 1962[304].
Quelques semaines après ces événements, la princesseEugénie est victime d'unepleurésie et sa mère rentre précipitamment enFrance[305]. Depuis la rencontre de Marie avecSigmund Freud, ses proches se lamentent régulièrement de son absence[306]. Afin de calmer son époux et de s'en libérer, la princesse lui a donc acheté un hôtel particulier, situérue Adolphe-Yvon, à Paris[307]. Elle emmène, maintenant, ses enfants en voyage dans la région des lacs italiens[308] puis installe Eugénie àLeysin, enSuisse, où elle suit un traitement qui dure plusieurs années[309]. Tout cela n'empêche pas Marie de poursuivre ses propres activités. Elle continue son travail psychanalytique tout en envisageant encore des études de médecine[310]. Elle maintient, par ailleurs, sa liaison avec leDrJean Troisier et en entame une autre, purement sexuelle celle-là, avec le jeune psychanalysteRudolph Loewenstein[311]. Malgré l'opposition de Sigmund Freud, elle se fait par ailleurs opérer duclitoris par le gynécologueJosef von Halban, sans que cela résolve ses problèmes defrigidité[312],[313].
En, la publication de la traduction, par Marie, d'Un souvenir d'enfance de Léonard de Vinci provoque un énorme scandale dans son milieu et Georges reproche à son épouse d'avoir associé le nom de lafamille royale de Grèce à un ouvrage qui « salit » lemaître italien en lui prêtant despulsions homosexuelles. Cependant, cette polémique ne fait que renforcer Marie dans la conviction que son travail en vaut la peine[314],[315]. En 1928, la princesse prend en analyse ses trois premiers patients, parmi lesquels Valerio Jahier et sa femme Alice, qui a laissé un témoignage de sesséances[316],[317],[318]. Dès le départ, la pratique de la princesse se révèle peu orthodoxe : elle fait ainsi venir, avec son chauffeur, lesanalysants dans sa villa de Saint-Cloud puis les séances se déroulent, quand le temps le permet, dans le jardin, où la princesse s'adonne au crochet tout en étant étendue sur une chaise-longue. Plus tard, la princesse emmène même ses patients avec elle en voyage àSaint-Tropez ou àAthènes[319],[320].
En parallèle, Marie poursuit sa propre analyse avec Freud jusqu'en 1929[321],[322],[323]. Par la suite, le praticien autrichien devient surtout son ami et elle prend régulièrement conseil auprès de lui[324]. En manifestation de sa confiance, Freud lui offre d'ailleurs une bague sertie d'uneintaille, bijou qu'il réserve à ses plus proches fidèles[325]. Cela n'empêche pas la princesse de suivre une autre analyse, avec Rudolph Loewenstein, à partir de 1932[326]. Elle continue par ailleurs à traduire en français l'œuvre de son maître à penser et publie plusieurs de ses écrits entre 1928 et 1933[327]. Elle produit aussi ses propres textes, souvent issus de son histoire personnelle[324],[328]. C'est cependant la publication de son étude analytique de la biographie d'Edgar Allan Poe, en 1933, qui satisfait le plus Sigmund Freud, qui y voit« le meilleur de ce qu'[elle a] jamais écrit »[329]. Grâce à son travail, Marie gagne une réelle célébrité dans les milieux intellectuels. En 1931, elle est ainsi invitée à faire une conférence à laSorbonne à l'occasion des 75 ans de Freud[330]. Surtout, en 1932, elle fait sa première communication, àWiesbaden, devant le congrès de l'Association psychanalytique internationale, qui la charge en outre de superviser la gestion de l'Internationaler Psychoanalytischer Verlag[331]. Dans le même temps, les travaux de la princesse commencent à être eux-mêmes traduits en langues étrangères[332].
Ses succès intellectuels ne résolvent pas, pour autant, les troubles intérieurs de la princesse. En, elle subit ainsi une seconde opération avec le professeur Josef von Halban, qui ajoute, cette fois, l'hystérectomie à l'intervention sur son clitoris[333],[334]. Sa frigidité ne guérissant toujours pas, elle se livre à une troisième chirurgie correctrice sur sonvagin en[330], sans plus de succès[335]. La relation de Marie avec leDr Troisier reste, par ailleurs, orageuse et la princesse multiplie les aventures avec d'autres hommes, commeRaymond de Saussure[336] ouBronislaw Malinowski[331], pour se venger de lui[336]. Les liens de Marie avec ses enfants restent, eux aussi, complexes. Alors qu'elle voit en Eugénie la seule personne qui la comprenne vraiment, la jeune fille continue à douter de l'amour de sa mère[337]. Surtout, la relation qu'entretiennent Marie et Pierre est perturbée par undésir incestueux mutuel, finalement découragé par Sigmund Freud[338],[339].
Adolf Hitler arrive au pouvoir àBerlin le et, très vite, la montée dunazisme inquiète Marie, qui se préoccupe des conséquences qu'elle pourrait avoir surSigmund Freud et les milieux psychanalytiques germaniques[340]. Cela ne l'empêche pas de poursuivre son travail et de se lancer dans des recherches sur lasexualité féminine[341], qui l'amènent à s'opposer aux théories d'autres psychanalystes, commeHelene Deutsch[342],Jeanne Lampl[343], voire Freud lui-même[344]. En 1934, la princesse finance la création de l'Institut de Psychanalyse de Paris, dont le but est deformer de nouveaux psychanalystes[345], et devient également vice-présidente de la Société psychanalytique de Paris[346]. Elle rédige, en outre, des commentaires entourant ses cahiers deBêtises, dans le but de les publier[347]. Des années après avoir appris legrec et ledanois[348], Marie se lance, par ailleurs, dans l'apprentissage de la langue et de la culturekikouyous avecJomo Kenyatta, qui séjourne, en 1935, à Paris avecBronislaw Malinowski. Elle s'intéresse, en effet, auxrites initiatiques des Africains et, en particulier, à la pratique de l'excision auKenya[349],[350].
Les années 1930 sont aussi l'occasion de retrouvailles avec laparentèle du princeGeorges, que ce soit à l'occasion de mariages, de funérailles ou de simples rencontres[351]. En 1935, lamonarchie est restaurée enGrèce etGeorges II reprend le pouvoir, àAthènes[352]. Les portes de la Grèce leur étant à nouveau ouvertes, Marie et sa famille effectuent plusieurs séjour dans leur pays, sans que la princesse en éprouve de déplaisir, comme des années auparavant[353]. Malgré tout, ses proches sont aussi un sujet de préoccupation pour Marie. Certes, la princesse a la joie de voir sa filleEugénie, guérie depuis 1933[341], faire un beau mariage avec le princeDominique Radziwill[354] et donner naissance à une petite fille, prénomméeTatiana, en 1939[355]. Elle n'en souffre pas moins du comportement de son filsPierre, qui épouse, la même année, une femme dont elle se méfie, une divorcée d'origine russeIrène Ovtchinnikova[356]. Pour des raisons très différentes, Marie est aussi blessée par la froideur que lui témoigne son époux après le décès du princeValdemar de Danemark, survenu la même année[357].
C'est cependant l'annexion de l'Autriche par leTroisième Reich, le, qui bouleverse le plus la princesse[358]. Elle qui avait fait des démarches pour que Sigmund Freud reçoive leprix Nobel de littérature, deux ans plus tôt[358], se rend àVienne, le, pour organiser sa fuite[358]. Installée à lalégation grecque[358], la princesse fait jouer tous ses contacts pour permettre à Freud et à ses proches de s'installer àLondres avec leurs biens et leurs économies[359],[360],[361]. Elle avance, en outre, le prix de la rançon que les nazis exigent pour autoriser son maître à quitter l'Autriche et sauve aussi nombre de ses papiers personnels[362],[363],[364]. Marie ne se préoccupe cependant pas que du sort de lafamille Freud. Durant son séjour viennois, elle contribue à sauver pas moins de 200 intellectuels, parmi lesquelsHeinz Hartmann et son épouse Dora[365]. Elle échoue, toutefois, à mettre en lieu sûr les quatre sœurs de Freud, qui sont finalement déportées et assassinées[366].
L'année 1939 est marquée par ledéclenchement de laSeconde Guerre mondiale après l'invasion allemande de la Pologne[355] et par le décès deSigmund Freud, aux funérailles duquel la princesse parvient à assister malgré les combats[367]. De manière plus anecdotique, mais pas moins importante pour Marie, 1939 est aussi l'année de la mort de Tatoun, doyen des chiens de la famille princière[N 7],[355]. Alors queles troupes allemandes s'abattent peu à peu sur l'Europe, Marie est aussi le témoin des fractures qui se dessinent à l'intérieur de laSociété psychanalytique de Paris entre partisans d'une stricte orthodoxie freudienne (Rudolph Loewenstein et Marie) et soutiens d'une psychanalyse à la française (René Laforgue etHenri Claude, eux-mêmes très divisés)[368].
L'invasion de la France par laWehrmacht en mai- laisse la princesse désemparée[369]. Réfugiée avec son époux àBénodet, enBretagne, elle n'assiste pas à l'entrée des Allemands dans Paris, contrairement à son amant, leDrJean Troisier[370], avec lequel ses relations se sont apaisées[371]. De retour àSaint-Cloud une foisl'armistice signé, Marie retrouve sa propriété pillée par l'occupant[370]. Par la suite, le couple princier rejoint Eugénie,Dominique etTatiana Radziwill àSaint-Tropez[372], où Marie a acquis, en 1930, une propriété mitoyenne decelle de Geneviève Ollivier-Troisier, leLys de mer[N 8],[330].
Quelque temps après ces retrouvailles, les Radziwill informent Marie et Georges de leur désir de s'exiler en Afrique puis quittent la France. N'ayant plus de raison de rester en France après la dispersion des cercles psychanalytiques parisiens, Marie et Georges profitent finalement de ce que l'Allemagne n'est pas encore en guerre avec laGrèce pour quitter l'hexagone et gagnerAthènes, où ils arrivent en[373]. Cependant, le déclenchement de labataille de Grèce en oblige bientôt le couple princier et le reste de lafamille royale à trouver refuge enCrète, puis enÉgypte[374],[375].
Arrivés àAlexandrie dans la nuit du[376], Marie et ses proches y restent jusqu'au. À cette date, la famille embarque à bord du navire hollandaisNieuw Amsterdam, qui les conduit jusqu'àDurban, où ils arrivent le[377],[378]. Durant son bref séjour enÉgypte, l'arrière-petite-nièce deNapoléon Ier poursuit ses travaux sur lasexualité féminine. En compagnie du professeurNaguib Pacha Mahfouz, elle rencontre ainsi des femmes victimes demutilation génitale à l'hôpitalcopte. Cela la conduit à des conclusions opposées à celles deSigmund Freud, persuadé du maintien du plaisir féminin chez les femmesexcisées[379].
Arrivés enAfrique australe, Marie,Georges et leur parentèle commencent par visiter leparc Kruger et leschutes Victoria. Puis, les exilés royaux s'installent auCap, où ils occupent tour à tour plusieurs maisons[380]. Dans la capitalesud-africaine, Marie se remet au travail. Avec sa belle-famille, elle reprend l'étude dugrec[381] avant de se lancer dans l'apprentissage durusse[382]. La princesse lit par ailleursNietzsche[383],Huxley[384] etRilke[385]. Elle passe aussi beaucoup de temps à écrire, soit pour ses recherches[386], soit pour sa correspondance avec le princePierre[378],Anna Freud (qui remplace son père dans son rôle de confident)[387],Jomo Kenyatta[384],Rudolph Loewenstein[385] ouAnne Berman (son amie et ancienne secrétaire, dont elle s'inquiète de la sécurité)[388]. Enfin, elle fréquente quelques intellectuels sud-africains, parmi lesquels l'ancien gouverneurHerbert Stanley et l'évêque anglicanWilfrid Parker[384].
À partir de, Marie donne, en outre, un cours hebdomadaire à des étudiants enpsychiatrie de l'Université du Cap[383]. Plus tard, elle organise aussi des conférences, durant lesquelles elle n'hésite pas à inviter des personnes dont elle ne partage pas le point de vue, comme l'analyste Wolf Sailer, qu'elle méprise pour ses positions non-orthodoxes[389]. La princesse reprend également lescures psychanalytiques[390] et passe de longues heures à étudier le développement de sa petite-filleTatiana[391],[392] et, bientôt, de son petit-fils Georges Radziwill (né en 1942)[383]. Toutes ces occupations n'empêchent pas Marie de se sentir malheureuse en Afrique du Sud[379], où sa position d'exilée l'enchaîne à lafamille royale et, en particulier, à son époux, dont la santé décline et qui se montre souvent d'humeur maussade[393].
Alors que laFrance est progressivement libérée dujoug allemand[394], Marie etGeorges décident de rentrer en Europe, laissantEugénie et sa famille derrière eux. Embarqués à bord de l'Empress of Scotland en, ils arrivent àLondres le suivant. Peu de temps après, Georges est opéré d'unépithélioma dularynx et, pendant sa convalescence, il apprend le décès soudain, àMonte-Carlo, du princeAndré, dernier de ses frères encore en vie. Dans la capitale britannique, Marie retrouve son filsPierre, sa nièce laduchesse de Kent et son amieAnna Freud. Sur un plan plus professionnel, la princesse revoit égalementJohn Rodker, son éditeur et celui de Freud[395]. Elle est aussi le témoin desdissensions qui sévissent dans lacommunauté des psychanalystes britanniques[396] et dont Anna l'a déjà avertie pendant laguerre[382].
Le couple princier quitte finalement leRoyaume-Uni pour laFrance le[395]. De retour à Paris, Marie retrouveJean Troisier, qui est en train de mourir d'une longue maladie[397]. Pendant le conflit, la princesse a souvent ressenti la nostalgie de son amant[378] et sa mort, le, l'affecte d'autant plus qu'elle doit prendre sous son aile son amie Geneviève, totalement désemparée par la perte de son époux[398]. En dépit de ces événements, Marie retrouve ses collègues de laSociété psychanalytique de Paris, très divisés en raison de leurs positions divergentes face à lacollaboration[399].René Laforgue, qui a introduit la princesse auprès deSigmund Freud bien des années auparavant, est ainsi accusé par une partie de ses pairs d'avoir voulu travailler avec l'ennemi[400]. Ses finances et sa santé ne le lui permettant plus, Marie refuse, par contre, de reprendre la gestion de l'Institut de Psychanalyse de Paris et de laRevue française de psychanalyse. Dégoûtée par l'évolution des milieux psychanalytiques, elle décide de se concentrer sur ses propres travaux[396]. Elle termine ainsi la rédaction deMythes de guerre, ouvrage commencé en 1939 et publié en 1947, dans lequel elle analyse les rumeurs qui se propagent au cours des conflits[401].
Marie, qui a déjà séjourné auBrésil avecEugénie en 1936[343], rêve depuis son enfance de visiter l'Amérique du Nord[401]. Le, la princesse, son époux, leur fille et leurs deux petits-enfants embarquent donc pour un voyage qui les conduit auQuébec et sur lacôte est desÉtats-Unis[402]. ÀNew York, Marie retrouve ses amisRuth Mack,Rudolph Loewenstein, Olivier Freud etRaymond de Saussure[403]. Elle fait également la connaissance deJean-Paul Sartre[404]. ÀBaltimore, la princesse se rend par ailleurs en pèlerinage sur latombe d'Edgar Allan Poe, écrivain sur lequel elle a tant travaillé par le passé[405]. Malgré tout, ce voyage, qui s'achève le[405], n'est pas aussi réjouissant que Marie l'espérait, tant elle reste hantée par le souvenir duDr Troisier[406].
De retour enFrance, Marie est confrontée, pour la première fois de sa vie, à des préoccupations financières : elle est encore riche, mais doit désormais surveiller ses dépenses, et celles de son entourage, si elle veut préserver son capital[407]. Dans les années qui suivent, cette situation inédite provoque quelques tensions avec le princePierre, qui bénéficie largement de la générosité de sa mère[408], mais aussi avec le princeGeorges, très peiné par la vente duchâteau de Blain et, surtout, de sa maison de larue Adolphe-Yvon[409]. Ces problèmes d'argent n'empêchent cependant pas Marie et son époux de continuer à effectuer de fréquents séjours à l'étranger. À partir de 1948, le couple passe ainsi chaque hiver àAthènes, où il a conservé sa résidence de larue de l'Académie[410],[411]. En dépit de ses sentiments ambivalents vis-à-vis de la politique menée par ses neveux les roisGeorges II[412] etPaulIer[413], Marie éprouve de l'affection pour saparentèle grecque et elle met à profit ses séjours dans leroyaume hellène pour effectuer des consultations à l'hôpital psychiatrique, soigner des lépreux[410] ou s'entretenir avec son ami le psychiatre et psychanalysteDimitrios Kouretas[414].
En France, Marie partage son temps entre sa famille et son travail. Grand-mère aimante et attentive[415], elle accueille avec beaucoup de plaisir la venue au monde d'un troisième petit-enfant, en 1952[416]. Avec la vieillesse, la princesse s'est beaucoup rapprochée de son époux, dont elle se plaint quand il est présent mais qui lui manque dès qu'il s'éloigne[417]. Le vieil homme reconnaît désormais l'importance que lapsychanalyse a dans la vie de sa femme. Il a, par ailleurs, appris à avoir de l'estime pourSigmund Freud et éprouve une réelle affection pour sa filleAnna[418]. Au niveau professionnel, la princesse reprend ses consultations et accueillePierre Mâle parmi ses patients[419]. Elle continue à écrire et publie, en 1951,De la Sexualité de la Femme, ouvrage qui est« sans doute son œuvre la plus célèbre et certainement […] la plus controversée à la parution », selonCélia Bertin[420]. La princesse favorise, par ailleurs, la publication des lettres de Freud àWilhelm Fliess[419], qu'elle a acquises en 1937[421],[422],[423].
Célèbre représentante de l'analyse profane, qui a elle-même été plusieurs fois menacée d'être envoyée devant la justice française pour sa pratique de l'analyse[424], Marie offre tout son appui à sa collègueMargaret Clark-Williams lorsqu'elle est poursuivie par l'Ordre des médecins pourexercice illégal de la médecine, entre 1950 et 1953[425],[426],[427]. La princesse s'insurge alors contreSacha Nacht, dont elle a elle-même favorisé la carrière[400] et qui refuse son soutien àMme Clark-Williams alors qu'il est président de laSociété psychanalytique de Paris[428]. Plus tard, en 1952, Marie offre le même appui à Elsa Breuer, poursuivie pour des faits similaires[429],[430]. Or, après plusieurs rebondissements, les deux analystes finissent par perdre leurs procès et se voir interdire l'analyse, ce qui attriste grandement la princesse[431].
L'épuration terminée, le milieu psychanalytique français reste très divisé et Marie est l'une des principales protagonistes des luttes de pouvoir qui s'y déroulent[432]. Successeur deJohn Leuba (dont la princesse était vice-présidente)[400],Sacha Nacht conserve la présidence de laSociété psychanalytique de Paris durant plusieurs années. En 1951, il se fait réélire grâce au soutien deJacques Lacan, qui devient alors vice-président[433], au grand dam de Marie, qui le méprise[434]. De fait, la princesse reproche à Lacan de ne pas avoir terminé son analyse avecRudolph Loewenstein comme il s'y était engagé avant d'être admis dans la Société[435]. Surtout, elle considère qu'en organisant des « séances courtes », celui-ci ne respecte pas le règlement de la Société[436].
Comme l'indiqueÉlisabeth Roudinesco,« de son côté, Jacques Lacan n'épargne pas [non plus] la princesse ». Dans une lettre à Loewenstein, il écrit, à propos de Marie :« certes, on peut considérer que l'action de cette personne a toujours été néfaste dans notre groupe. Le prestige social qu'elle représente ne peut qu'y fausser les rapports. Celui qu'elle tire de son rôle auprès de Freud la fait écouter par tous avec une patience qui prend figure d'approbation. Le respect dû à une femme âgée entraîne une tolérance à ses avis qui démoralise les jeunes aux yeux desquels nous apparaissons dans une sujétion ridicule »[437]. Dans cette lutte, Marie est souvent isolée[438] et, en 1953, son ennemi est élu président de la Société[439]. Bientôt mis en minorité à cause de ses positions sur l'analyse didactique, Lacan doit pourtant démissionner de ses fonctions, mais la Société n'en ressort pas indemne. Plusieurs de ses membres font en effet sécession etDaniel Lagache, ancien vice-président de Lacan, crée laSociété française de psychanalyse, concurrente[440]. Moins connu est le combat que mène, sans grand succès, la princesse contre lamédecine psychosomatique et son représentant dans l'hexagone,Pierre Marty, au début des années 1950[441],[442].
Ces événements se produisent dans le contexte de la réouverture, au n° 187 de larue Saint-Jacques, de l'Institut de psychanalyse de Paris, en faveur duquel Marie fait don de 600 000 francs, auxquels viennent s'ajouter des fonds collectés auprès de ses amis américains (2 300 dollars) et, surtout, du baronGuy de Rothschild et de sa mèreGermaine (900 000 francs). Outre cet argent, la princesse offre à l'Institut une partie du mobilier de l'ancienne maison de larue Adolphe-Yvon ainsi que sa bibliothèque psychanalytique[443]. En dépit de cette générosité, la direction de la Société de psychanalyse de Paris nomme, dans le comité d'honneur de l'Institut, lesDrJean Delay etGeorges Heuyer, ennemis de l'analyse profane, ce qui heurte profondément la princesse, déjà affectée par le sort réservé àMargaret Clark-Williams[444]. Cela ne l'empêche pas d'accepter la présidence d'honneur de la commission de l'enseignement et du conseil d'administration de l'Institut[445].
Depuis quelques années, Marie rencontre finalement plus de reconnaissance dans les milieux psychanalytiques internationaux qu'en France. À l'occasion de ses 70 ans, Rudolph Lowenstein publie ainsi un recueil d'articles intituléDrives, Affects, Behavior: Essays in Honor of Marie Bonaparte (1952). Y interviennent nombre d'auteurs étrangers, parmi lesquelsErnest Jones, qui rendent un hommage appuyé à son travail[446]. Surtout, la princesse est nommée vice-présidente de l'Association psychanalytique internationale aux côtés d'Anna Freud,Jeanne Lampl et Philippe Sarasin[447]. En 1951, elle préside le symposium sur« les influences réciproques dans le développement de l'ego et de l'id »[448]. En 1957, Marie accueille même, dans sa résidence deSaint-Cloud, la réunion du comité central duXXe Congrès international de psychanalyse[449]. Dans ces conditions, Lacan, Lagache et leurs disciples voient chacune de leurs demandes d'adhésion à l'Association internationale rejetée[450] jusqu'en 1963, date de l'intégration de l'Association psychanalytique de France, à laquelle Lacan n'appartient pas[451].
À partir de 1956, l'état de santé du princeGeorges se dégrade et Marie passe de longues heures à le veiller après une opération pour unehernie étranglée[452]. À la mi-novembre, la princesse part cependant pour un voyage enInde avecSolange Troisier, fille de son amant disparu. ÀKalimpong, celles-ci retrouvent le princePierre et son épouseIrène, partis étudier les exiléstibétains fuyant l'invasion de leur pays par la Chine[453]. Revenue en France après un séjour d'un mois, la princesse y retrouve son mari atteint d'unebronchite[454]. Durant les mois qui suivent, la santé de son époux s'aggrave[455]. Victime d'unehématurie en, il traverse une longue période d'agonie, mêlée d'angoisses devant lamort. Veillé par son épouse jusqu'à son dernier souffle, il meurt finalement dans la nuit du 24 au[456].
Marie et Georges n'avaient plus de vie intime depuis 1912[209] et la princesse a appris à accepter sonhomosexualité, qui l'a d'abord fait beaucoup souffrir[149],[457]. Pendant la nuit qui suit sa mort, elle embrasse son époux sur le front afin de respecter son refus de lui donner ses lèvres[458],[459]. Par la suite, elle fait placer dans le cercueil du prince une mèche de cheveux et une photographie deValdemar de Danemark, ainsi qu'un saint Christophe qu'il lui avait offert. À lanécropole royale de Tatoï, où Georges est enterré avec faste, la princesse fait également disposer, sur sa tombe, de la terre dudomaine de Bernstorff, où les deux princes se retrouvaient chaque été[142],[458],[460].
En 1958, Marie publie les deux premiers tomes de ses mémoires (Derrière les vitres closes etL'Appel des sèves), mais ceux-ci passent totalement inaperçus de lacritique. Cela ne l'empêche pas de continuer à écrire[461] et la suite de son autobiographie est plus tard déposée aux archives de labibliothèque du Congrès, où elles ne pourront être consultées qu'à partir de 2030[448]. La princesse poursuit par ailleurs ses recherches et rédige de nouveaux articles psychanalytiques[462]. Elle cesse, par contre, de participer aux réunions de laSociété psychanalytique de Paris[463]. À partir de 1960, un nouveau combat anime toutefois la princesse. Alertée sur le sort du criminel américainCaryl Chessman, dont l'exécution a été décidée par la justicecalifornienne, Marie décide de faire tout son possible pour le sauver[464],[465]. Sensibilisée à la question de lapeine de mort depuis son étude du cas deMme Lefèbvre, en 1927[466],[467], la princesse mobilise toutes ses relations du monde culturel et dugotha à l'occasion d'une pétition dirigée au gouverneurPat Brown[468],[469]. Elle décide, par ailleurs, de prolonger un voyage enExtrême-Orient pour se rendre en Californie et y rencontrer le condamné à mort et le gouverneur[470]. Malgré l'échec de son intervention, Marie continue, après l'exécution de Chassman, à se documenter sur la peine de mort[471].
Hospitalisée dans une clinique proche de sa résidence deSaint-Tropez à cause depalpitations et d'une fortefièvre le, Marie est diagnostiquée d'uneleucémie aiguë[472]. Elle meurt quelques jours plus tard, le, et sa dépouille est incinérée àMarseille, suivant ses dernières volontés. Ses cendres sont ensuite transportées àTatoï et placées dans la tombe du prince Georges, où elles reposent encore[473],[474].
Marie Bonaparte et ses disciples jouent un rôle essentiel dans la traduction des 67 œuvres que l'universitaire Rémy Amouroux qualifie de« textes fondateurs de lapsychanalyse » et qui correspondent aux« travaux d'analystes qui ont occupé le devant de la scène pour leurs contemporains ». La princesse est ainsi l'auteure de douze traductions importantes tandis que son amie et secrétaireAnne Berman en réalise quinze etHenri Hoesli, l'ancien professeur du princePierre de Grèce, dix[475]. Adoubée parSigmund Freud lui-même, la princesse est en effet longtemps considérée comme la traductrice officielle du père de la psychanalyse[476]. Au sein de laSociété psychanalytique de Paris, c'est donc elle qui produit le plus grand nombre de traductions de Freud, et c'est aussi elle qui dirige la plupart des activités éditoriales de la Société[477].
Cependant, depuis 1988 et la publication desœuvres complètes de Sigmund Freud parJean Laplanche,André Bourguignon et Pierre Cotet, la version française due à Marie Bonaparte a été peu à peu abandonnée par le monde de l'édition et on ne la retrouve plus aujourd'hui que chez quelques bouquinistes[478]. Rémy Amouroux indique en effet qu'« on lui reproche des choix de termes contestables qui ont parfois entraîné des contresens importants. Odile Bourguignon [sic] qualifie ainsi les traductions de la princesse de Grèce « d’acclimatisantes » (Bourguignon, 1989, p. 11[N 9]) et « d’ethnocentrique » (Ibid., p. 22[N 10]) »[478].Élisabeth Roudinesco juge, quant à elle, que si sa maîtrise de la langue allemande et ses traductions sont correctes, la princesse manque toutefois de compétences en la matière, sans compter que la signification des concepts lui échappe, n'étant pas théoricienne[477].
Beaucoup moins critique, le psychanalysteSerge Lebovici juge que« les premières traductions françaises [de Freud] visent plus à la francisation du texte qu'à son exactitude ». Il considère ainsi que« Marie Bonaparte a voulu que l'œuvre de Freud fût lisible en français, en dépit des difficultés techniques »[479]. De son côté, l'universitaire Rémy Amouroux juge la traduction de la princesse moins remplie d'« étonnants néologismes » que celle de Jean Laplanche et se demande si elle n'est pas plus intelligible pour le lectorat francophone[478].
Élisabeth Roudinesco remarque que« l'histoire de [la] personne [de Marie Bonaparte] se confond entièrement avec l'histoire de lapsychanalyse en France »[480]. Pourtant, pendant longtemps, les travaux de la princesse sont écartés par la communauté psychanalytique française. Cette dernière se moque en effet volontiers des prétentions de la princesse, surnommée« Freud m'a dit… » par ses détracteurs[481]. Le monde psychanalytique français s'en prend par ailleurs à la« visionbiologisante » de Marie Bonaparte[482],[483], trop éloignée de la psychanalyse à la françaisecentrée sur la seule figure de Freud[484]. Dans ces conditions, comme l'indique Jean-Pierre Bourgeron à propos des idées de la princesse :« Si son enseignement des années trente pouvait être une référence pour les jeunes analystes de cette époque, il est difficile de trouver une trace de son influence soixante ans plus tard… »[485].
La publication, en 1982, de la biographie de la princesse parCélia Bertin et d'une thèse de psychiatrie consacrée à elle par Jacqueline de Mitry contribuent toutefois à donner un éclairage nouveau sur sa vie et ses travaux[486],[487]. Le renouveau de la recherche, représenté plus tard par Jean-Pierre Bourgeron (à partir des années 1990) ou Rémy Amouroux (à partir des années 2000), tend par ailleurs à reconnaître davantage la contribution de Marie Bonaparte à la psychanalyse[488]. Il reste que la plupart des auteurs insistent sur le caractère largement autobiographique de l'œuvre de la princesse[323],[485],[489]. Ainsi, pour Germaine de Bissy,« qu'elle évoque […] la « Mémoire de ses disparus », qu'elle « analyse » des événements anciens, ou qu'elle cherche à élucider les grands problèmes qui lui ont toujours tenu à cœur à travers de grandes études […], tout témoigne de la force prégnante de son passé »[489].
En matière purement psychanalytique, l'œuvre de Marie Bonaparte qui connaît la postérité la plus importante estDe la Sexualité de la femme (1951)[490]. Ce travail, qui s'appuie principalement sur les théories deSigmund Freud en matière desexualité féminine et sur celles duDrGregorio Marañon en matière debiologie, est centré sur l'idée debisexualité constitutionnelle de lafemme[491]. Pour la princesse, la femme souffre ainsi de ne posséder qu'unorgane sexuel tronqué : leclitoris. Très controversée dès sa publication, la thèse de Marie Bonaparte est fortement critiquée par des auteursféministes et des psychanalystes femmes commeJulia Kristeva (qui accuse la princesse de ne pas avoir réglé soncomplexe paternel) ou Élisabeth Roudinesco (pour qui Marie Bonaparte confond organe pénien et fonction phallique)[490], travestissant ainsi la pensée freudienne[492].
Fruit de sept années de recherches[493], l'ouvrageEdgar Poe, sa vie, son œuvre : étude analytique s'inspire de la démarche suivie parSigmund Freud dansLe délire et les rêves dans la « Gradiva » de W. Jensen[494]. Ce travail, dans lequel la princesse soutient la thèse quePoe incarne le cas typique d'unnévrosé aux prises avec les traumatismes de l'enfance[495], reçoit un accueil enthousiaste de la part des milieux littéraires au moment de sa parution, en 1933. Cette psychobiographie psychanalytique, préfacée par Freud lui-même, apparaît alors comme un modèle dugenre[494],[496]. L'écrivainStefan Zweig y voit, par exemple, la démonstration brillante du processus qui a conduit l'écrivain américain à sombrer dans l'alcoolisme et lafolie[493].
Fréquemment cité parmi les grandescritiques de Poe, le travail de Marie Bonaparte a ensuite une grande influence sur la réception de l'œuvre de l'auteur. Il est pourtant largement décrié, aujourd'hui. L'argumentaire de Marie Bonaparte s'appuie en effet sur trois hypothèses invérifiables : Poe enfant aurait été mis en présence du cadavre de sa mère ; il aurait été letémoin d'un acte sexuel durant sa petite enfance ; il aurait ressenti inconsciemment la présence d'un amant. Le professeur de littérature anglo-saxonne Claude Richard en conclut que« l'introduction biographique de Marie Bonaparte est un tissu d'exagérations et de contresens » à l'origine du« mythe de la folie » entourant l'écrivain[497]. De la même façon, l'historienne de la psychanalyse Pamela Tytell considère, dansLa plume sur le divan (1982), que le travail de Marie Bonaparte s'appuie sur« de pures spéculations »[498].Georges Walter, auteur d'une monumentale bibliographie commentée de Poe, se montre lui aussi très dur vis-à-vis de l'analyse de la princesse, dont il juge que« toute nuance lui serait fatale »[499]. Ennemi de Marie Bonaparte, le psychanalysteJacques Lacan qualifie quant à lui son travail sur Edgar Allan Poe d'« élucubrations pseudo-analytiques » dans la leçon du du séminaireLes problèmes cruciaux de la psychanalyse[500].
Princesse X est une série de sculptures de formephallique réalisées par l'artiste roumainConstantin Brancusi vers 1915. Faites de marbre (pour la version conservée auSheldon Museum of Art) et de bronze (pour les versions conservées auPhiladelphia Museum of Art et aucentre Georges-Pompidou)[501], ces œuvres ont été nommées ainsi en référence à la princesse Marie Bonaparte, qu'elles sont censées représenter[502].
Un buste en bronze représentant Marie Bonaparte a été réalisé, en 1952, par la reine douairièreÉlisabeth de Belgique[503].
Du au, lemusée des Avelines deSaint-Cloud organise une exposition intitulée « Marie Bonaparte, princesse Georges de Grèce (1882-1962) - Portrait d'une femme engagée »[504]. L'écrivain et ministreFrédéric Mitterrand en évoque la visite, en compagnie des souverains belges et de la princesseTatiana Radziwill, dansLa Récréation (2013)[505].
En 2004, le rôle de Marie Bonaparte à différents âges de sa vie est interprété par les actrices Alenka Brezel, Marie-Christine Friedrich etCatherine Deneuve dans le téléfilm français en deux parties intituléPrincesse Marie et réalisé parBenoît Jacquot[506],[507].
Le personnage de l'arrière-petite-nièce deNapoléon Ier est par ailleurs au centre duroman tiré de ce téléfilm, lui aussi intituléPrincesse Marie et publié parFrançois-Olivier Rousseau la même année[508].
Les et,France Culture diffuse une émission consacrée à la princesse et intitulée « Marie Bonaparte (1882-1962), princesse pionnière de la psychanalyse ». Ce programme est maintenant disponible enpodcast sur le site de la station de radio[509].
16.Charles Bonaparte | ||||||||||||||||
8.Lucien Bonaparte | ||||||||||||||||
17.Letizia Ramolino | ||||||||||||||||
4.Pierre-Napoléon Bonaparte | ||||||||||||||||
18. Charles Jacob de Bleschamp | ||||||||||||||||
9.Alexandrine de Bleschamp | ||||||||||||||||
19. Jeanne-Louise Bouvet de Verneuil | ||||||||||||||||
2.Roland Bonaparte | ||||||||||||||||
20. Louis Ruflin | ||||||||||||||||
10. Julien Ruflin | ||||||||||||||||
21. Madeleine-Anne Collinet | ||||||||||||||||
5.Justine-Éléonore Ruflin | ||||||||||||||||
22. Pierre-Joseph Lucard | ||||||||||||||||
11. Justine Bucard | ||||||||||||||||
23. Élisabeth Henry | ||||||||||||||||
1.Marie Bonaparte | ||||||||||||||||
24. François Blanc | ||||||||||||||||
12. Claude Blanc | ||||||||||||||||
25. Catherine Salle | ||||||||||||||||
6.François Blanc | ||||||||||||||||
26. Paul Janin | ||||||||||||||||
13. Marie-Thérèse Janin | ||||||||||||||||
27. Marie-Catherine Berger | ||||||||||||||||
3.Marie-Félix Blanc | ||||||||||||||||
28. Jean-Adam Hensel | ||||||||||||||||
14. Caspar Hensel | ||||||||||||||||
29. Marie-Christine Simon | ||||||||||||||||
7.Marie Hensel | ||||||||||||||||
30. Christophe Stemler | ||||||||||||||||
15. Catharine Stemler | ||||||||||||||||
31. Madeleine Achard | ||||||||||||||||
Pour une liste exhaustive des ouvrages et articles publiés par Marie Bonaparte ainsi qu'une présentation de ses différentes archives en France et à l'étranger, se référer à l'étude de Rémy Amouroux (2012)[510]et à sa biographie parCélia Bertin (1982)[511].
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