femmes enceintes, parturientes, jeune mères, force de caractère et spiritualité des jeunes filles, villes grecques d'Héliopolis (Attique) et deLéros (Dodécanèse) et en Turquie Schinoudi (Imbros)
Très-Sainte Marguerite d'Antioche (chez les catholiques) ouMarine d'Antioche (chez les orthodoxes) ousainte Marguerite/Marine ou aussiMarina etMagali[1] est uneviergemartyre du début duIVe siècle (vers305), fêtée le par lesorthodoxes et le par lescatholiques. Elle est invoquée pour une délivrance, en particulier pour les femmes enceintes parce que la légende raconte qu'elle est sortie indemne du ventre dudragon qui l'avait engloutie. ÀParis, elle était vénérée dans l'église Saint-Germain-des-Prés près de laquelle lacour du Dragon avait unportail à sa mémoire[2].
Une église bâtie auXIIIe siècle porte son nom àVernazza, enLigurie, car une légende veut qu'un coffret recueillant ses reliques aurait été découvert sur une plage à proximité. C'est la sainte patronne de la ville et elle est célébrée le 20 juillet[3].
Selon sa légende, Marine/Marguerite (Marina [Μαρίνα] pour les Grecs,Margarita ouMargareta pour l'Occident latin) naquit àAntioche de Pisidie vers l'an289. Fille d'un prêtre païen, mais secrètementconvertie au christianisme, elle faitvœu de virginité, repousse les avances du gouverneur romain Olybrius (à ne pas confondre avec l'empereurOlybrius) et refuse d'abjurer safoi.
La plus ancienneVie et Passion de sainte Marine est un texte grec (BHG 1165-1166) vraisemblablement duVIe siècle[4]. L'auteur se donne le nom de Théotime et se présente, dans une fiction coutumière aux hagiographes, comme un contemporain de la sainte. Le récit relève à la fois du roman pieux et du genre des « Passions épiques » défini parHippolyte Delehaye[5] ; il comporte un long épisode assez pittoresque montrant la sainte aux prises avec le démon. Voici le résumé du texte grec primitif, celui du pseudo-Théotime.
L'action se situe à Antioche de Pisidie, durant une persécution non spécifiée et non datée. La vierge Marine, fille du prêtre idolâtre Aedésios, mais devenue secrètement chrétienne, s'en va habiter chez sa nourrice, elle aussi chrétienne. Un jour, tandis qu'elle fait paître le troupeau familial « comme la mère du bienheureuxJoseph » (c.a.d. Rachel), elle est aperçue du méchant préfet Olybrios qui, conquis par sa beauté, en devient amoureux. Voulant en faire son épouse ou sa concubine, Olybrios ordonne qu'on la lui amène et se déclare à elle. Elle le repousse, proclame sa foi chrétienne et refuse de sacrifier aux idoles. En vain il la menace de sévices et la fait battre. Marine lui tient tête, l'insulte et adresse de longues prières à Jésus Christ pour qu'il lui soit donné de rester pure et assez forte pour vaincre le diable. La terre tremble dans sa prison, un grand dragon nommée Rufus (Ῥοῦφος), armé d'un sabre, apparaît et l'avale ; mais Marine fait le signe de la croix, ce qui crève de l'intérieur le ventre du monstre. Aussitôt surgit d'un autre coin du cachot un second démon. Marine prie à nouveau ; le démon lui prend alors la main et la supplie d'être plus clémente avec lui qu'avec son frère Rufus. La sainte se signe, l'attrape par la barbe, lui frappe la tête avec un marteau de cuivre, le piétine et le force à révéler son nom. Le démon vaincu avoue s'appeler Béelzéboul et raconte comment, depuis toujours, il incite l'humanité à pécher. Au terme de sa longue confession, Marine fait à nouveau le signe de la croix sur le sol de la prison, qui s'entrouvre alors et engloutit Béelzéboul.
Le martyre de Marguerite d'Antioche dansLa Légende dorée (1497).
Le lendemain, Olybrios fait comparaître Marine à son tribunal : en vain il lui ordonne de sacrifier et lui promet un sacerdoce païen. En vain il la fait déshabiller et suspendre à un chevalet de torture où l'on applique sur son corps des lampes brûlantes : la jeune fille prie et obtient le courage de résister aux tourments. On tente, sans plus de succès, de la noyer dans un bassin. Une colombe portant une couronne dans son bec descend du ciel et lui annonce sa victoire prochaine dans le martyre. Olybrios ordonne enfin de décapiter la jeune fille. Avant la décollation, son bourreau, qui est devenu chrétien et a ramassé le voile (maphorion) de la sainte, lui demande d'intercéder pour elle. Marine a le temps d'exhorter le peuple à rester constant dans la foi. La terre tremble à nouveau ; le Seigneur descend des cieux sous la forme d'une colombe et demande à Marine son dernier souhait. La martyre demande que soient pardonnés leurs péchés à ceux qui rapporteront par écrit son combat, construiront un oratoire en son honneur ou se feront ses hagiographes, et que soient exaucées ou guéries les personnes qui auront recours à son intercession. Le Seigneur lui répond qu'il exaucera tous ses souhaits, puis remonte aux Cieux, toujours sous l'aspect d'une colombe. Marine exhorte son bourreau tremblant à faire son office s'il veut avoir avec elle sa part du royaume des cieux. Le glaive enfin s'abat sur la jeune fille, puis rebondit sur l'exécuteur qui tombe à la droite de sa victime. Le Seigneur descend du ciel avec douze anges qui, entourant le corps de la martyre, recueillent sa tête en chantant des hymnes et rendant gloire à Dieu ; enfin la sainte troupe regagne les Cieux. Théotime, qui dit avoir recueilli le corps de Marine et construit pour l'abriter un martyrium à l'inauguration duquel (pour l'anniversaire de sa mort, un 17 juillet) se pressa une foule pieuse, et le scribe Euthymios, qui dit avoir copié la composition de Théotime, adressent à la sainte Trinité ladoxologie qui conclut le récit.
La légende grecque, par le biais d'une traduction latine, devint familière au Moyen Âge occidental, et fut résumée notamment, à la fin duXIIIe siècle, parJacques de Voragine dans saLégende dorée[6].Marina y devintMargarita, qui signifie « perle » en latin.
Sainte Marguerite a été choisie par ladévotion populaire comme protectrice des femmes enceintes.
En raison de l'absence de fondement historique de son histoire et du caractère manifestement fabuleux de la Passion qui la met en scène, Marguerite d'Antioche a été supprimée du Calendrier romain général dans le cadre du concileVatican II. Le nouveauCalendrier liturgique romain présenté à la suite dumotu proprioMysterii paschalispublié le 14 février 1969 par le papePaul VI est formel sur ce point : « sainte Marguerite (20 juillet) » figure dans la rubrique « Saints qui présentent de graves difficultés historiques » (Sancti qui graves historicas difficultates praebent)[7] et, par conséquent, a été officiellement radiée de la liste des saints dont le culte est autorisé dans l'Église catholique. En revanche, sainte Marine reste l'objet d'une grande vénération dans l'Église orthodoxe.
Sainte Marguerite est généralement figurée avec undragon à ses pieds, ou sortant du ventre ou de la gueule du dragon : on la disait« issant du dragon ». Elle peut être représentée tenant unecroix, accessoirement pour symboliser la foi qu'elle refuse de renier, mais surtout pour matérialiser le signe de croix qui lui permet de percer le ventre du monstre et de neutraliser le démon. On lui fait aussi tenir à la main lapalme du martyre.
statue en chêne sculpté, 93 cm de haut, entre 1501 et 1510, à l'église Saint-Martin deHermalle-sous-Huy ;
statue de la sainte dans l'église deTréflévénez (Finistère), vers 1630 ;
retable de Marie des Anges, 1658-1685, sainte Marguerite d'Antioche est représentée enhaut-relief, faisant pendant à sainte Catherine d'Alexandrie, église deSaint-Michel de Rieufret (Gironde).
↑Cette Passion BHG 1165-1166 a été éditée parHermann Usener, « Acta S. Marinae et S. Christophori », dansFestschrift zur fünften Säcularfeier der Carl-Ruprechts-Universität zu Heidelberg (...). Bonn, 1886, p. 15-47. Sur la démonologie de ce texte, voir P. Boulhol, « Hagiographie antique et démonologie (...) », dansAnalecta Bollandiana, 112/3-4 (1994), p. 255-303.
↑H. Delehaye,Les Passions des martyrs et les genres littéraires. Bruxelles, Société des Bollandistes, 1966, deuxième édition, chapitre III : « Les Passions épiques » (p. 171-226).
↑Jacques de Voragine,Legenda aurea, cap. XCIII (88),De sancta Margareta, éd. Th. Graesse, 3e éd., 1890, réimpr. 1969, p. 400-403, ou mieux éd. G.P. Maggioni, 1998, tome 1, p. 616-620 :LXXXIX. De sancta Margarita.