Proclaméempereur le àAntioche, Macrin est par la suite confirmé par leSénat. Cependant, durant son règne, il n'a jamais l'opportunité de retourner àRome. Alors que la politique de son prédécesseur a laissé les coffres de Rome vides et l'Empire en guerre avec plusieurs royaumes (Parthes,Arménie etDacie), Macrin tente d'abord de faire adopter une réforme pour rendre la stabilité économique et diplomatique à Rome. Alors que son action diplomatique rétablit la paix, ses dépenses supplémentaires et ses réformes budgétaires provoquent des troubles au sein de l'armée romaine.
Macrin est né entre 164 et 166 àCésarée (actuellementCherchell, ville située en Algérie) enMaurétanie césarienne, d'une famillemaure c'est à direberbère[5], ainsi que semble en attester le fait qu'il ait, selonDion Cassius[6], l'oreille percée, comme c'était la tradition pour les hommes de cette origine[7].
SelonÉdouard Gibbon :« […] Dès que le caractère de Macrin eut été exposé aux regards avides d’une multitude irritée, il fut aisé d’y découvrir quelques vices et un grand nombre de défauts. Le choix de ses ministres lui attira souvent de justes reproches ; et le peuple, avec sa sincérité ordinaire, se plaignait à la fois de la douce indolence et de la sévérité excessive de son souverain »[8].
SousSeptime Sévère, le préfet du prétoirePlautien, dont il défend un proche lors d'un procès, lui ouvre lacarrière équestre. D'abord chargé de la gestion de la fortune personnelle de Plautien, il devient ensuite avocat du fisc (avocatus fisci). La disgrâce de Plautien (205) ne change rien à sa situation. Il bénéficie en effet de la protection du préfet de la Ville Fabius Clio, ami de Septime Sévère. Il poursuit donc sa carrière procuratorienne équestre, gravissant les échelons de l'administration impériale. Il exerce par exemple la fonction depréfet des véhicules chargés du ravitaillement le long de lavia Flaminia ainsi que plusieurs autres procuratèles (procuratoraerarii maioris vers 208 ; procurateur de lares privata). Il devient ensuitepréfet du prétoire, la plus haute fonction équestre, sous le successeur de Sévère,Caracalla[10],[11], très probablement dès 212, avec pour collègue M. Oclatinius Adventus[12],[13]. Ce dernier prend en charge la dimension militaire des missions des préfets du prétoire, quand Macrin, spécialiste du droit, est chargé de la dimension civile de cette même fonction.
Au printemps 217, Caracalla se rend avec ses préfets du prétoire dans les provinces orientales afin de préparer une campagne contre l'Empire parthe[14],[15].
SelonDion Cassius, la principale source du règne, explique que Macrin en serait alors venu à envisager l'assassinat de l'empereur ainsi :
« Il semble qu’un voyant en Afrique ait déclaré (…) que Macrinus, le préfet, et son fils Diadumenianus, étaient destinés à détenir le pouvoir impérial ; et plus tard, ce voyant (…) avait révélé cette prophétie à Flavius Maternianus (…) et cet homme avait écrit une lettre à [Caracalla] (…) une autre lettre, écrite par Ulpius Julianus (…) arriva par d’autres messagers directement à Macrinus (…). Et donc Macrinus, craignant d’être mis à mort par [Caracalla] sur ce témoignage (…) ne perdit plus de temps. »[16].
Cette explication n'est pas à écarter dans l'absolu, les présages étant pris au sérieux dans la société romaine (Caracalla lui-même, selonHérodien, avait donné des ordres pour surveiller la diffusion de ce genre de présages)[17]. Cependant, il ne faut pas écarter que le complot ait eu en partie pour origine l'ambition du préfet du prétoire. Le même Dion Cassius soupçonne ainsi que ce dernier avait appelé son fils « Diaduménien » car il le pensait destiné à monter un jour sur le trône[18]. Dans le même temps, une autre source contemporaine des évènements, l'historien Hérodien, évoque les vexations subies par Macrin, un civil, de la part de Caracalla lui reprochant son côté « efféminé »[19].
Quoi qu'il en soit, il se résout à assassiner l’empereur et à s'emparer du pouvoir, entouré d'un nombre très restreint de personnes dont les motivations sont parfois inconnues : l’état major de la révolte se limite à six personnes y compris Macrin lui-même et le futur exécuteur de l'empereur, le centurionIulius Martialis[20]. Celui-ci s'entoure de deux tribuns de la garde prétorienne, L. Aurelius Nemesianus et M. Aurelius Apollinaris, ainsi que du préfet de laLegio II Parthica Aelius Decius Triccianus et du commandant de la flotte Marcius Claudius Aggripa[20], deux personnalités nommées gouverneur de province une fois Macrin au pouvoir[21]. La position élevée de ces quatre militaires dans la hiérarchie permet de s'assurer de la fidélité au complot des troupes qui se trouvent à proximité du prince à l'occasion de sa campagne orientale.
Le 8 avril 217, alors que l’empereur effectue la route d'Édesse àCarrhae où il souhaite visiter le temple de Luna, il est assassiné par Martialis. Après avoir abattu l'empereur, qui selon certaines sources avait fait une halte pour se soulager, Martialis est lui-même exécuté par la garde rapprochée de l’empereur.
Après deux ou trois jours au cours desquels Rome reste sans empereur, le, Macrin se proclame empereur àAntioche avec le soutien de l'armée. Au Sénat de Rome, lointain et impuissant, il se contente d'écrire une lettre pour informer de son avènement[22] tout en essayant de séduire les sénateurs en leur promettant de respecter la dignité sénatoriale. Macrin règne depuisAntioche et ne se déplacera jamais à Rome comme empereur[23].
Macrin est le premier empereur issu de l'ordre équestre, ainsi que le premier empereur d'ascendance numidienne ( berbère). Il adopte le nom de Severus, en l'honneur de la dynastie desSévères, et confère le titre impérial d'Augusta à sa femmeNonia Celsa. Son fils Diaduménien (8 ans en 217) est associé au pouvoir avec le titre de César et le nom d'Antonin[24],[25]. Il fait diviniser Caracalla, peut-être pour détourner les soupçons, et traiteJulia Domna avec égards. Il tente ainsi de se présenter comme l'héritier des Sévères tout en jetant les bases de sa propre dynastie.
Malgré ses origineséquestres, Macrin est accepté par leSénat faute de candidat alternatif et du fait du soutien de l'armée envers sa personne. Mais ses relations avec les sénateurs se dégradent progressivement du fait de certaines décisions. Par exemple, certaines nominations à des postes élevés sont mal reçues. Ainsi, la nomination de son ex-collègue à la préfecture du prétoire, Oclatinius Adventus, un chevalier issu d'une carrière militaire, au poste traditionnellement réservé aux sénateurs depréfet de la Ville, est très mal reçue[26].
Macrin doit faire face à de nombreux problèmes, certains hérités du précédent règne, notamment le conflit en cours avec les Parthes. En outre, Caracalla a augmenté les dépenses de Rome, surtout dans le domaine militaire[27] faisant passer la solde des soldats de2 000 à 3 000sesterces par an[28].
En matière de politique étrangère, Macrin montre une tendance à régler les différends par la diplomatie et une réticence à s'engager dans des conflits militaires, même si cela peut être dû au manque de ressources et de main-d'œuvre plutôt qu'à sa préférence personnelle[29]. Quand il arrive au pouvoir, l'autorité Romaine est à l'époque menacée lesParthes ainsi que par les troubles enDacie et dans le royaume client d'Arménie[30].
Macrin doit poursuive la guerre entamée par Caracalla contre les Parthes et les combats en 217 à labataille de Nisibe dont l'issue est incertaine[31]. En échange de la paix, Macrin est contraint de payer un important tribut de deux cents millions dedeniers[32] au souverain partheArtabanV[33]. Macrin tourne ensuite son attention vers l'Arménie[34]. En 216, Caracalla a emprisonné le roi arménienKhosrovIer avec sa famille[35], puis installé un nouveau gouverneur romain[35], ce qui suscite des révoltes contre Rome[29]. Macrin restitue le pouvoir au fils et successeur de Khosrov,TiridateII, dont il libère également la mère, rétablissant la paix avec le royaume-client de Rome[36]. Enfin, Macrin obtient également la paix avec les Daces du sud du Danube en libérant les otages retenus par Caracalla lors d'un conflit dans la région[37].
Macrin renoue avec la politique fiscale deSeptime Sévère[38]. Un tel changement de politique affecte la rémunération deslégionnaires romains[39]. Les soldats déjà enrôlés bénéficient depuis le règne de Caracalla de paiements exorbitants qu'il est impossible pour Macrin de réduire sans risquer une rébellion[40]. Il réduit néanmoins la rémunération des nouvelles recrues en la ramenant au niveau fixé par Sévère[41]. Cette dernière mesure lui aliène néanmoins les soldats expérimentés qui redoutent un préalable éventuel à la réduction de leurs propres privilèges, réduisant considérablement la popularité de Macrin auprès des légions qui l'ont déclaré empereur[42]
À partir de l'automne 217 et jusqu'à la fin de son règne, Macrin réévalue lamonnaie romaine, augmentant la pureté et le poids dudenier de 50,78 % et 1,66 gramme à la fin du règne de Caracalla à 57,85% et 1,82 g. Il tente dans ce domaine également de renouer avec le règne de Sévère pour la période 197-209[43]. L'objectif de Macrin avec ces politiques est de ramener Rome à la relative stabilité économique, appréciée sous le règne de Septime, quoique coûteuse. Les mesures fiscales de Macrin, mécontentant l'armée dont l'influence demeure déterminante pour la stabilité du règne, n'ont pas d'effets à long terme.
Dans le même temps, la mère de Caracalla,Julia Domna, d'abord laissée en paix est placée en résidence surveillée àAntioche[44] où, atteinte d'un cancer du sein, elle se laisse mourir de faim. Macrin envoie alors la sœur de Domna,Julia Mæsa, et ses enfants à Emèse enSyrie, d'où Mæsa ourdit le projet de faire renverser Macrin. Celui-ci reste à Antioche au lieu de se rendre à Rome après avoir été déclaré empereur, un faux pas qui favorise son impopularité à Rome et contribue à sa chute[45].
Julia Mæsa vit ainsi retirée dans sa ville natale d'Emèse avec une fortune immense qu'elle avait accumulée durant vingt ans. Elle y a emmené ses enfants,Julia Soæmias etJulia Mamæa, ainsi que ses petits-enfants, y comprisHéliogabale[46]. Ce dernier, âgé de14 ans, est installé comme prêtre principal de la divinité phénicienneÉlagabal (ou El-Gabal)[47]. Des soldats de laLegioIII Gallica, stationnés au camp deRaphanea, qui ont fréquemment visité Emèse, ont observé Héliogabale accomplir ses rituels et ses devoirs de prêtre[48]. Julia Mæsa en profite pour leur suggérer qu'Héliogabale est le fils illégitime deCaracalla et le, l'adolescent est proclamé empereur par laLegioIII Gallica dans son camp de Raphanea[49]. Apprenant la révolte d'Héliogabale, Macrin se rend à Apamée, confère le titre d'Auguste à son jeune filsDiaduménien qu'il établit coempereur.
Bien que conscient du danger, Macrin tergiverse sur la conduite à tenir et demeure à Antioche. Son préfet du prétoireUlpius Julianus, alors à proximité de la ville d'Emèse, tente en vain de combattre l'usurpateur. Trahi par ses troupes, il est assassiné et l'armée d'Héliogabale s'en trouve renforcée[50]. Peu de temps après, une force menée par Gannys, tuteur d'Héliogabale, affronte l'armée de Macrin le 8 juin 218 près du village d'Immæ, à environ 24 milles d'Antioche. Défait, Macrin se réfugie à Antioche, qu'il doit fuir peu après à cause des désordres qui s'y sont déclenchés. Héliogabale lui-même entre ensuite à Antioche en tant que nouveau dirigeant de l'Empire romain[51]. Dans sa fuite, Macrin arrive àChalcédoine où il est reconnu et capturé. Son fils Diaduménien, confié àMarcus Aurelius Épagathus pour rejoindre la cour d'Artaban V de Parthie, est lui-même capturé àZeugma et tué en juin 218[52]. Son « règne » aura duré14 mois. À la suite de la nouvelle de la mort de son fils, Macrin tente de s'échapper, se blesse au cours de cette tentative infructueuse et est ensuite exécuté enCappadoce. Sa tête est alors envoyée à Héliogabale, de même que celle de Diaduménien.
Immédiatement après l'arrivée de la nouvelle à Rome de leurs décès, Macrin et son fils Diaduménien sont déclaréshostes publici, ennemis de l'État, par le Sénat dans le cadre d'une déclaration officielle de soutien à l'usurpateur Héliogabale. Cette décision aboutit à leurdamnatio memoriæ : leurs portraits sont détruits et leurs noms effacés des inscriptions et des papyrus ; les soldats révoltés contre Macrin détruisent toutes les œuvres et possessions de Macrin, nombre de bustes de marbre de l'éphémère empereur, ainsi que des pièces de monnaie à son effigie.
L'avènement de Macrin correspond néanmoins au début d'une phase d'essor des nobles et notablesmaures originaires de laprovince romaine d'Afrique, qui ont joué un grand rôle dans l'Empire auIIIe siècle[53].
217, accède à l'Empire :Imperator Cæsar Marcus Opellius Severus Macrinus Pius Felix Augustus
218, titulature à sa mort :Imperator Cæsar Marcus Opellius Severus Macrinus Pius Felix Augustus, Pontifex Maximus, TribuniciæPotestatisII,ConsulII, Pater Patriæ.
↑a etbChristianPanaget,Les révoltes militaires dans l'empire romain de 193 à 324 (Thèse de doctorat en histoire), Université de Rennes 2,(HALtel-01127558v1),p. 253