Pour les articles homonymes, voirLouisa.
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Louiza Ighilahriz, diteLouisette (enkabyle :Lwizet Iɣil-aḥriz) née le àOujda (Maroc), est une militante nationalistealgérienne durant laguerre d'Algérie.
Détenue de fin septembre à décembre1957 au siège de la10e division parachutiste du généralMassu[1], Louisette témoigne y avoir été torturée. Son témoignage, publié le20juin2000 dansLe Monde participa à relancer le débat sur latorture durant la guerre d'Algérie.
Louisette est née auMaroc, de parentskabyles originaires de la région deTigzirt, dans lawilaya de Tizi-ouzou, enAlgérie. Son père, Saïd, est né au village deTifra, tandis que sa mère, Tassadit Tissira, est née à Tourirt Ait Zouaou dans lahaute Kabylie[2].
Engagée dans le combat nationaliste, Louisette s'installe avec sa famille àAlger en 1948. Étudiante, elle s'engage à 20 ans dans les rangs duFLN de laZone autonome d'Alger à la veille de labataille d'Alger fin 1956 sous le nom de Lila. Elle participe à la grève des lycéens, puis prend la fuite dans le maquis lorsqu'elle est activement recherchée par la suite. Elle fait partie du réseau français de soutien au FLN des « porteurs de valises » pendant la bataille d'Alger. Grièvement blessée aux côtés de son chef de réseau, Saïd Bakel lors d'une embuscade, le àChebli, dans lawilaya IV, elle est rapatriée d'urgence à la10e DP (division parachutiste), dans une demeure connue sous le nom de « château Peltzer », l'enceinte actuelle de l'ambassade de France, àHydra[1], où elle déclare avoir subi de nombreuses tortures qu'elle attribue notamment au capitaine Graziani[3],[4]. Souffrante, elle est transférée après l’intervention d'un médecin de l'armée française, le commandant Richaud, dans une prison algérienne[5],[6]. Plus tard, elle sera envoyée dans plusieurs prisons françaises desBaumettes,La Roquette,Amiens,Fresnes,Bordeaux,Pau,Toulouse. Mise en résidence surveillée en Corse, elle s'enfuit deBastia le, aidée par de nombreux Français dont son avocatMarcel Manville et des militantscommunistes français qui l'hébergent àNice jusqu'à l'indépendance de l'Algérie[7].
Elle retourne en Algérie où elle continue à mener différents combats politiques.
Louisette Ighilahriz,psychologue de formation et de métier, a été décorée à plusieurs reprises par des autorités de son pays pour sa participation à l'indépendance de l'Algérie.
Le20juin2000 paraît à la « Une » du journalLe Monde un court article : « Torturée par l'armée française en Algérie, "Lila" recherche l'homme qui l'a sauvée »[8]. Dans cet article, signé par lajournaliste Florence Beaugé, Louisette Ighilahriz raconte comment, quarante ans plus tôt, elle a été torturée dans les locaux de la10e division parachutiste (DP) du généralJacques Massu, à Alger[9] :
« J'étais allongée nue, toujours nue. Ils pouvaient venir une, deux ou trois fois par jour. Dès que j'entendais le bruit de leurs bottes, je me mettais à trembler. Ensuite, le temps devenait interminable. [...] Le plus dur, c'est de tenir les premiers jours, de s'habituer à la douleur. Après, on se détache mentalement. C'est un peu comme si le corps se mettait à flotter… »
Le témoignage de Louisa Ighilahriz a connu un effet retentissant en France, et a relancé le débat sur les pratiques de l'armée française durant la guerre d'Algérie, poussant certains responsables à prendre la parole[10],[11].
Ainsi, le 22 juin 2000, seulement deux jours après l’histoire de Louisette,Jacques Massu accorde une interview dansLe Monde, et exprime pour la première fois des regrets sur l'utilisation de la torture en Algérie : « Quand je repense à l’Algérie, cela me désole. La torture, on pourrait très bien s’en passer. Elle faisait partie d’une certaine ambiance. On aurait pu faire les choses différemment ».Bigeard, qui s’exprime le même jour dansLe Monde, nie quant à lui avoir jamais pratiqué la torture, et qualifie le témoignage de Louisette Ighilahriz de « tissu de mensonges ».
Le 23 novembre 2000, deux interviews sortent à la « Une » duMonde sous le titre : « L’aveu des généraux » :Paul Aussaresses y admet que les tortures étaient pratiquées de manière systématique, ce qu'il racontera en détail dans son livreServices spéciaux, Algérie 1955-1957.Jacques Massu reconnaît également que la torture a été « généralisée et institutionnalisée »[10],[12].
Le témoignage de Louisette ouvre, par ailleurs, le débat au sein des sphères intellectuelles – avec l'appel des douze contre la torture[13]–, judiciaires – avec le procès contre le Général Aussaresses[14], et politiques[15].
Enfin, le témoignage de Louisette a permis de briser le tabou des viols commis par certains militaires français durant la guerre d'Algérie.
« Le témoignage de Louisette Ighilahriz a fait l’effet d’une déflagration ! Tout est parti de là. C’est alors qu’on a commencé, en France, à s’intéresser à ce sujet. »[16]
— Tramor Quemeneur, historien
Louisette Ighilahriz est accusée d'affabulation en Algérie parYacef Saâdi ancien chef de la zone autonome d'Alger[17] et en France par le généralMaurice Schmitt qui a été compagnon de captivité du capitaine Graziani dans les camps duViệt Minh et qui affirme que le capitaine était un homme tout à fait éloigné de ce genre d'actes, qu'il n’avait pas vocation à interroger les suspects et qu'il n’avait pas besoin d’interroger Louisette Ighilahriz, la bataille d’Alger étant terminée. Le général Schmitt pointe certaines contre-vérités :« le colonel Bigeard ne portait pas de béret rouge mais une célèbrecasquette »,« le capitaine Jean Graziani, n’avait pas de beaux yeux verts comme elle le prétend, mais les prunelles noires d’un Corse »[18].Louisette Ighilahriz maintient qu'elle a été torturée mais reconnait que toutes les dates données dans son récit sont erronées[19]. Les militaires s'appuient aussi sur le témoignage deZohra Drif qui reconnait que, quand elle est arrêtée en, la torture n'a plus cours à la10e DP à la suite d'une campagne de dénonciation de la torture à laquelle elle a elle-même contribué.
Louisette règle alors ce contentieux en justice, accusant le général Schmitt de diffamation après que celui-ci eut qualifié son témoignage de« tissu d'affabulations, de contrevérités ». Elle est déboutée en appel en 2007, le général ayant été jugé dans son droit.