Louis de Jaucourt, né à Paris le et mort àCompiègne le[1], est uncollaborateur prolifique de l'Encyclopédie de Diderot et D'Alembert. Le chevalier de Jaucourt, comme on le désigne habituellement, était aussi médecin.
Bien qu'officiellement convertie au catholicisme, lafamille de Jaucourt[2], de vieille noblessebourguignonne etprotestante, est regardée d'un œil soupçonneux. Lorsque ses parents cherchent à exploiter leurs réseaux de famillehuguenots pour offrir à leur fils, dès l'âge de huit ans[3], une formation à l'étranger, il est obligé d'utiliser un nom d'emprunt, Louis de Neufville ;sa thèse à l'université de Genève est publiée sous ce nom. C'est à Genève qu'il étudie lathéologie protestante[4].
Il revient en France en 1734. Il achète la paix avec ceux qui contestent devant les tribunaux son droit à l'héritage de ses grands-parents maternels, confisqué pour « fait de religion[1] » (ils avaient quitté la France).
Jaucourt consacre vingt-cinq ans de sa vie (1722–1748) à consigner ses connaissances médicales dans un grand dictionnaire encyclopédique,Lexicon medicum universale. Mais le manuscrit, dont il n’existe pas de copie intégrale, disparaît dans le naufrage en 1762 du vaisseau qui l’amène à l’imprimeur hollandais[6].
Sa version est remise en cause parGerhardt Stenger. Selon lui, il n'est pas certain que Jaucourt ait rédigé ce grand dictionnaire encyclopédique en six volumes[6].
Le premier article signé de Jaucourt dans l’Encyclopédie est l'article « Bysse » duvolume 2, publié en 1752. À partir de cette date, l'implication de Jaucourt croît jusqu'à la fin de l'aventure éditoriale (1765), en dépit des suspensions de la publication et des dangers. Il rédige ainsi près du quart des articles des derniers tomes, ou près de 17 000 pour un total de 68 000[7],[8],[9]. Sa puissance de travail sert àVoltaire, dans une lettre à d’Alembert, à piquer celui-ci sur le rôle deDiderot :« Je m’aperçois, dit-il avec quelque exagération, que le chevalier de Jaucourt a écrit les trois quarts de l’Encyclopédie. Votre ami [Diderot] était donc occupé ailleurs[10] ? »
En 1765, après huit ans d’interdiction, la publication de l’Encyclopédie reprend. Jaucourt, aidé de secrétaires qu’il paye de sa poche[11], va jusqu’à rédiger quatre articles par jour. Les dix derniers volumes paraissent d'un coup : une contribution sur deux vient de celui que Diderot appelle l’« esclave de l’Encyclopédie[11] ».
Publiquement, Diderot fait l’éloge de Jaucourt. Dans l' « Avertissement » dutome 8[12] en 1765, il écrit :
En privé pourtant, à travers sa correspondance en tous cas, Diderot se montre moins admiratif :« Ne craignez pas qu'il s'ennuie de moudre des articles : Dieu le fit pour cela[13]. ».
Les contributions de Jaucourt touchent tous les domaines du savoir (histoire, géographie, sciences, politique), mais en particulier la médecine et la biologie, où il se montremécaniste, et donc en opposition avecJean-Joseph de Chambaud,vitaliste. Il est aussi l'un des quatre contributeurs aux articles d'astronomie[14] qui répandent la théorie de l'héliocentrisme dans la société de l'époque[15].
Dans une telle masse d'articles, on ne pouvait éviter l'inégalité des contributions.Philipp Blom écrit :« Alors que certaines définitions sont plutôt mal rédigées, on trouve sous le nom de Jaucourt des contributions dont l’éloquence ne le cède en rien aux plus grands noms de son époque, comme les droits des citoyens, les persécutions religieuses ou la liberté de religion[18]. »
Le, Louis de Jaucourt devient membre de laRoyal Society de Londres et, en 1764, de l'académie de Berlin[19].
Il appartient aussi aux académies deStockholm et deBordeaux. En plus de nombreux articles touchant à la médecine et à la science dans l’Encyclopédie, il écrit uneVie deLeibniz et un grand nombre de mémoires adressés à diverses académies ou sociétés savantes[20].
Quelques mois avant la fin de sa vie, il se retire àCompiègne. Il y emploie le jeuneMercier de Compiègne comme secrétaire. Il est inhumé au cimetière deSaint-Jacques de la ville. On ne lui connaît aucun mariage, ni aucune descendance.
Malgré son rôle décisif dans l'achèvement de l'Encyclopédie, Jaucourt n'a pas atteint la notoriété de Diderot et de D'Alembert[21].« Sa modestie, sa discrétion, son militantisme serein[22] », sa foi protestante, n'y sont sans doute pas totalement étrangers. Le manque actuel de notoriété de Jaucourt perpétue l'effacement que cet encyclopédiste polyglotte, membre de quatre académies, connut de son vivant.« Le chevalier de Jaucourt, écritMichaud, était d'un caractère doux et affable : il n'avait d'autre passion que celle de rendre service ; et quoique sa fortune fût médiocre, il aidait de sa bourse tous ceux qui s'adressaient à lui. Il ne sollicita jamais aucune faveur, ne prit part à aucune dispute littéraire : enfin, comme il le dit lui-même, sans besoins, sans désir, sans ambition, sans intrigue, il chercha son repos dans l'obscurité de sa vie[3]. » On peut certainement dire que, sur la quantité d'articles fournis, peu, finalement, sont totalement originaux[23], mais, sans lui, l'Encyclopédie serait probablement restée à l'état de ce qu'on appelle un beau et grand projet.
On ne reprend ici que les articles cités dans les sources consultées. Dans l’Encyclopédie, les articles de Jaucourt sont généralement[31] signés « D. J. » ou suivis de la mention« Cet article est deM. le chevalier de Jaucourt[32] ».Pour chaque article, on donne l'entrée, la localisation dans l'Encyclopédie (volume:page), un lien vers la première page de l'article et les références d'une éventuelle réédition isolée de l'article[19].
J.-D. Candaux, « Trois lettres de Voltaire au chevalier de Jaucourt », dansBulletin de la Société d'histoire du protestantisme français, 1962,p. 254-255.
Luigi Delia, « Crime et châtiment dans l'Encyclopédie.Les enjeux de l'interprétation de Montesquieu par Jaucourt », dansDix-huitième siècle,no 41, 2009,p. 469-486 (en ligne).
Luigi Delia,« La torture judiciaire dans l'Encyclopédie », dans Miguel Angel Granada et Rosa Rius Gatell,Filósofos, filosofía y filosofías en la Encyclopédiede Diderot y d'Alembert…, Barcelone, Edicions Universitat Barcelona, 2009.
Jean Haechler,L’Encyclopédie de Diderot et de Jaucourt : essai biographique sur le chevalier Louis de Jaucourt, Paris, Champion, 1995(ISBN2852034859) — Lucette Perol,Recension, 1997.