Neuvièmeroi de France issu de ladynastie desCapétiens directs, il est le quatrième ou cinquième enfant et deuxième fils connu du roiLouis VIII, dit « Louis le Lion », et de la reineBlanche de Castille, de laquelle il reçoit une éducation très stricte et très pieuse durant toute son enfance.
Aîné des membres survivants de sa fratrie, il hérite de la couronne à la mort de son père, alors qu'il n'est âgé que de douze ans. Il estsacré le en lacathédrale de Reims, mais c'est lareine mère qui, conformément au testament deLouis VIII, exerce la régence du royaume jusqu'à la majorité du nouveau monarque.
Il mène un règne inspiré des valeurs duchristianisme qui contribue à fonder l'idée que les pouvoirsspirituel et politique peuvent être incarnés par un seul homme. Il atténue les excès de laféodalité au profit de la notion debien commun et développe lajustice royale, où le souverain apparaît comme« le justicier suprême ». De cette manière, il fait progressivement passer la France d'une monarchie féodale à une monarchie moderne, ne reposant plus seulement sur les rapports personnels du roi avec ses vassaux, mais sur ceux du roi en tant que chef de l'État avec ses « sujets ».
Enfin, en 1270, il repart enTunisie pour lahuitième croisade, au cours de laquelle il meurt de maladie. Lapeste, ladysenterie et letyphus ont tour à tour été évoqués ; en 2019, des analyses montrent que le roi était gravement atteint descorbut, et peut-être debilharziose.
Sous l'impulsion de son petit-filsPhilippe IV le Bel, il est canonisé le sous le nom desaint Louis de France par le papeBoniface VIII. Sa fête liturgique est fixée au jour anniversaire de sa mort, c'est-à-dire le. Aujourd'hui considéré comme un monarque ayant offert à la France un renouveau économique, intellectuel et artistique, il est considéré comme l'un des trois grandsCapétiens directs avec son grand-pèrePhilippe II Auguste et son petit-filsPhilippe IV le Bel.
Ses parents, et plus particulièrement la princesseBlanche de Castille, lui font donner une éducation très poussée afin qu'il soit religieusement et moralement formé à la fonction royale et préparé à protéger l'Église[L 2]. Le petit prince vit également auprès de son grand-père vieillissant, le roiPhilippe-Auguste, qui exerce sur lui une grande influence. Philippe est le premier roi de France à connaître son petit-fils depuisCharles II, trois cents ans plus tôt, ce qui accentue la force dynastique de l'enfant[L 6],[d].
Lettre circulaire adressée par les prélats et barons du royaume aux évêques et grands feudataires pour les inviter à assister au couronnement du jeune Louis IX, le.Archives nationales de France.
Leschroniqueurs ont souvent donné des motifs politiques à ces absences, mais selonJacques Le Goff, même s'il est vrai que certains boudent le sacre pour des raisons politiques, la plupart n'ont simplement pas eu le temps de préparer leur voyage en raison de la précipitation de la cérémonie. De plus, le sacre d'un enfant n'est pas particulièrement attrayant pour lesprélats et les grands seigneurs[L 16].
Ainsi, au début de l'été1227, le jeune roi est à la tête d'un royaume pacifié. Cependant, les barons ne supportent plus d'être conduits par un enfant et une femme étrangère. De nombreux seigneurs se rassemblent àCorbeil et prévoient d'enlever le roi afin de le séparer de sa mère et de ses conseillers pour gouverner en son nom et s'approprier le pouvoir, les terres et les richesses. À la tête de cette révolte se trouvent alorsPhilippe Hurepel, comte de Boulogne et oncle du roi, qui a accepté de devenir l'un de leurs chefs, mais sans conviction, etPierre Mauclerc, duc de Bretagne, le plus puissant des vassaux du roi de France[L 20],[i].
Le jeune roi et la reine mère, qui reviennent deVendôme, où ils sont allés négocier avec les barons de l'Ouest, rentrent à Paris parOrléans, mais toute leur suite est bloquée àMontlhéry par les barons rassemblés. Bientôt, les Parisiens, auxquels Blanche et ses conseillers avaient envoyé des messages requérant leur fidélité et leur soutien, prennent les armes, volent au secours du roi et le ramènent en triomphe[L 21]. Contre cette première révolte, le roi est également soutenu par le comteFerrand de Flandre, libéré et resté fidèle, etThibaud IV de Champagne, avec lequel il est réconcilié[L 22].
En1228, la coalition des barons se reforme. Cette fois, la révolte, soutenue parPhilippe Hurepel, est dirigée parEnguerrand III de Coucy. Les coalisés ne s'en prennent plus directement au roi et à sa tutrice, mais àThibaud IV de Champagne, leur plus puissant soutien[L 22]. Cette campagne commence par la propagation de rumeurs injurieuses à l'égard de Blanche : les barons l'accusent de vider les caisses du royaume et d'être la maîtresse de son conseillerRomain Frangipani ou encore deThibaut de Champagne[L 23]. Heureusement pour le roi, les barons sont instables et impressionnés par la royauté, même représentée par un adolescent. Certains d'entre eux passent donc de la rébellion à une obéissance totale[L 24].
Mais il faut tout de même recourir aux opérations militaires et, en1230, le jeune roi, âgé de moins de seize ans, prend la tête de l'ost royal. Il part en campagne dans l'Ouest, contrePierre Mauclerc, qui vient de prêter hommage au roi d'Angleterre en, et ses complices, puis enChampagne pour y protégerThibaud[L 24]. La campagne de se termine avec la prise deBellême et la reprise d'Angers, Baugé et Beaufort[L 25]. Sur les conseils deRomain Frangipani, l'armée royale ravage également les champs, les récoltes et les possessions deRaymond VII de Toulouse, celui-ci étant ainsi forcé de faire la paix avec le gouvernement du royaume[L 26].
Victorieux, Louis apparaît comme un roi guerrier : les anciens coalisés, à l'exception dePierre Mauclerc qui ne se soumettra qu'en, lui obéissent désormais[L 27],[L 28].
Célébration du mariage de Louis etMarguerite. Le roi et la reine pratiquant l'abstinence.Guillaume de Saint-Pathus,Vie et miracles de saint Louis, 1330-1340, BnF, Fr.5716.
Le, àSisteron, lecomte et lacomtesse de Provence reconnaissent devoir une dot de 8 000 marcs d'argent, à payer avant le, et donnent en gages le château de Tarascon et ses revenus au roi de France. La réponse se fait peu attendre ; Jean de Nesle etGauthier Le Cornu, chargés d'aller chercher la fiancée en Provence et de l'accompagner jusqu'au lieu du mariage, font rédiger la promesse de mariage du roi qui s'engage à épouser Marguerite avant l'Ascension, célébrée cette année le[L 31].
Le, Raimond Bérenger complète la dot de 2 000 marcs supplémentaires en désignantRaimond Audibert, archevêque d'Aix, garant envers son futur gendre ; le comte cède alors les revenus du château d'Aix ainsi que labaillie d'Aix que détenait Guillaume de Cottignac. Mais la somme considérable de 10 000 marcs d'argent dépasse les capacités financières du comte qui n'en paiera en fait que le cinquième[S 2].
La cérémonie se déroule en deux temps. La première phase, une cérémonie extérieure devant l'église, commence par la jonction des mains des fiancés parGuillaume de Savoie, évêque de Valence et oncle de Marguerite, symbolisant leur consentement, puis les anneaux sont échangés et, enfin, elle se termine par la bénédiction et l'encensement des époux[L 33]. La seconde phase est essentiellement une messe lors de laquelle sont lus et chantés plusieurs textes[L 34]. Au moment de l'invocation, le roi reçoit un baiser de l'archevêque qu'il va porter à sa jeune épouse, lui promettant ainsi amour et protection. Enfin vient la bénédiction de la chambre nuptiale, rite soulignant leur devoir de procréer[L 35]. Le lendemain du mariage, le, la jeune Marguerite est couronnée reine[L 36].
En France, une nouvelle rébellion commence à prendre vie. Tout d'abord,Hugues X de Lusignan s'insurge en raison d'un accord non respecté : lorsqu'en1227, la reineBlanche et ses conseillers avaient neutralisé Hugues, un accord avait prévu le mariage d'une fille de ce dernier avecAlphonse de France, mais celui-ci était déjà fiancé àJeanne de Toulouse ; en compensation, il était prévu qu'Isabelle de France épouse le futurHugues XI de Lusignan, mais celui-ci épousaYolande de Bretagne en1238, tandis qu'Alphonse se maria effectivement avec sa fiancée, Jeanne[L 28].
Laguerre de Saintonge dure environ un an, du au. SelonJacques Le Goff, elle se déroule en trois phases : du au, c'est une guerre de siège lors de laquelle Louis ne se bat qu'avec le comte de la Marche et ses alliés ; du au, l'ost royal bat les Anglais devantSaintes et les repousse jusqu'àBlaye ; et enfin, du au, la guerre s'oriente contre lecomte de Toulouse, puis se termine par une trêve entre Henri d'Angleterre et Saint Louis[L 40].
La bataille de Taillebourg, gravure colorisée tirée de l′Histoire de l'armée française dePaul Lehugeur, 1880.
Le, Louis convoque l'ost royal àChinon. Le, àPoitiers, il lance le début de la campagne : il est à la tête de 1 000 chariots, 4 000 chevaliers et 20 000 écuyers, sergents etarbalétriers. Son armée assiège et prend successivement les châteaux rebelles de Montreuil, Béruges, Fontenay, Prez, Saint-Gelais, Tonnay-Boutonne, Matus, Thoré et Saint-Affaire[L 40].
De son côté,Raymond VII de Toulouse, qui a pourtant renouvelé son hommage à Louis en1241, s'allie à la coalition des barons poitevins et du roi d'Angleterre[L 44]. Il rejoint Henri III àBlaye à la fin, se fait remettreNarbonne le, par le vicomte Aimery, s'empare d'Albi et proclame le retour des deux villes parmi ses possessions[L 45].
Entre et,Henri III tente une dernière fois de faire valoir ses droits en organisant leblocus deLa Rochelle par la mer. Mais son blocus échoue, de même que la reconstitution de son armée et de ses alliances. En, il envoie une lettre àFrédéric II,empereur du Saint-Empire, à qui il avait fait une demande d'alliance en, lui annonçant la fin de ses espérances. Et enfin, le, il est contraint de demander à Louis une trêve pour cinq ans[L 44],[L 47].
Le comte se voit par ailleurs contraint de fonder une université à Toulouse. Enfin, le traité prévoit le mariage deJeanne de Toulouse, seule héritière de Raymond, avec Alphonse de Poitiers, ce qui permet, à plus ou moins brève échéance, de rattacher les territoires restants ducomté de Toulouse au domaine royal : le couple mourant sans enfants, ces domaines passent directement et définitivement sous administration royale en 1271[7], sousPhilippe III le Hardi[8].
Il s'efforce donc de faire régner la paix dans les affaires où il est impliqué et tente d'éliminer les sujets de conflit pour l'établir le plus longtemps possible. Son prestige fait de lui le recours préféré des adversaires en quête d'arbitrage et son action va s'étendre dans toute lachrétienté, dont il deviendra le pacificateur[L 52].
Louis est appelé à plusieurs reprises pour intervenir, soit à l'initiative de l'un ou de l'autre parti, soit à sa propre initiative, en tant quesuzerain. En1235, il prévoit un partage inégal des terres : deux septièmes aux Avesnes et cinq septièmes aux Dampierre[L 55],[p].
Alors que deux des plus grandes puissances d'Occident, l'empereurFrédéric II du Saint-Empire et le pape, sont en guerre, Louis IX garde une stricte neutralité dans ce conflit[L 58]. Monarque le plus puissant de la chrétienté, il rend à chacun ce qu'il pense lui être dû : un profond et obéissant respect au pape et une reconnaissance formelle de sa prééminence symbolique à l'empereur. Mais il leur impose de respecter son indépendance temporelle et refuse, pour le premier comme pour le second, qu'ils interviennent dans les affaires relevant de son autorité[L 59].
Frédéric, qui avait préalablement demandé au roi d'empêcher les prélats français de se rendre au concile, répond à Louis qu'il ne doit pas s'étonner si« César retient étroitement et en angoisse ceux qui étaient venus pour mettre César en angoisse ». Le roi de France envoie alors à l'empereur l'abbé de Cluny avec une lettre déclarant que« le royaume de France n'est pas encore si affaibli qu'il se laisse mener à [ses] éperons »[L 60]. La déclaration fait immédiatement reculer Frédéric II qui, par peur de mettre le roi Louis IX en colère, se décide à relâcher les prélats du royaume[L 61].
Le, le pape convoque unconcile à Lyon, cite l'empereur à comparaître et à entendre la sentence, et invite Louis à y assister. Mais Louis, préférant ne pas s'engager, refuse l'invitation et propose au pape une entrevue à Cluny dans l'espoir de préparer une réconciliation entre lui et l'empereur[L 63]. Lors de l'entretien, le pape renforce son soutien à la croisade du roi, mais refuse tout geste de réconciliation avec l'empereur[L 64].
En 1248, alors qu'il est en séjour àChypre, le roi de France est approché par des envoyés d'Eljigidei(en), commandant mongol basé enArménie et enPerse[12]. Eljigidei prévient Louis« que Güyük Khan est prêt à l'aider à conquérir la Terre sainte et à délivrerJérusalem des mains desSarrasins » et lui suggère de débarquer enÉgypte, pendant que lui attaqueraitBagdad, pour empêcher que les sarrasins d'Égypte et ceux deSyrie joignent leurs forces[13],[L 66]. Le roi dépêche alors au Grand Khan deux prêcheurs, dont André de Longjumeau, ainsi qu'une tente écarlate très luxueuse en guise dechapelle, contenant des« images » montrant l'essentiel de la foi chrétienne[L 66]. Toutefois, Güyük meurt avant l'arrivée de l'ambassadeur, et rien de concret n'en résulte ; la reineOghul Qaïmich, à présent régente, décline poliment l'offre[13]. En 1249, Louis apprend que le KhanSartaq s'estconverti au christianisme et s'est faitbaptiser. Il lui envoie alors le franciscainGuillaume de Rubrouck, mais pas en tant qu'ambassadeur officiel afin d'éviter une nouvelle humiliation. Sartaq n'a en réalité de chrétien que le nom, mais permet aufranciscain de se rendre auprès du Grand KhanMöngke (1251-1259), àKarakorum. Rubrouck revient cependant à Chypre en 1255, sans succès[L 67].
En 1259,Berke, le chef de laHorde d'or demande la soumission du roi de France[14]. En revanche, le, ce dernier reçoit une lettre de l'ilkhanHülegü qui lui demande la paix et de l'aide[L 67]. Se présentant comme le« destructeur des perfides nations sarrasines », il insiste sur sa bienveillance à l'égard des chrétiens dans son empire et lui annonce les avoir tous libérés de prison ou de l'esclavage dans les pays qu'il a soumis. N'ayant pas de navire, il demande à Louis de lui en prêter afin d'attaquer l'Égypte et promet de restituer leroyaume de Jérusalem aux chrétiens. Mais, dans cette lettre, Hülegü, qui n'a pas compris que lepape n'est qu'un chef spirituel et que le roi le plus puissant de la chrétienté est en fait le roi de France, rappelle à Louis la souveraineté du Grand Khan sur le monde entier. Pour cette raison, le roi de France refuse de répondre à sa demande et adresse l'ambassade àRome, où la papauté poursuit pendant plusieurs années les conversations, qui n'aboutissent finalement jamais[L 68].
Dans l'ordonnance de1245, le roi institue la « quarantaine-le-roi ». Dans cetteordonnance, il ordonne une trêve d'au moins quarante jours à partir de la date à laquelle survient un sujet dediscorde entre deux parties, afin de limiter lesguerres privées, désormais interdites. Ainsi, toute vengeance est proscrite jusqu'à l'expiration du délai, permettant un apaisement des tensions[L 69],[16].
En1247, il dépêche des enquêteurs royaux qui ont pour mission de l'instruire de l'état du pays et de réprimer directement dans les domaines de la justice, de l'administration, de la fiscalité et de l'armée.Baillis etprévôts sont également introduits enFrance, ces derniers cessent alors d'être des inspecteurs itinérants et deviennent des administrateurs nommés et payés par le roi, qui exercent leurs fonctions dans une vingtaine de circonscriptions distinctes qui divisent désormais l'immenseroyaume de France[q].
Recrutés dans la petite noblesse locale ou dans la bourgeoisie, ces officiers sont contraints de respecter des règles strictes de gestion, fixées par l’ordonnance de1254[16],[17],[Na 1]. Les officiers royaux sont eux aussi surveillés par les enquêteurs qui ont pour mission de fixer les limites de chacun et de transmettre par écrit toutes les plaintes à lacour du roi, qui commence à se diviser en sections précises : le Conseil, qui traite des affaires politiques ; laCuria in parliamento, qui s'élèvera au rang de parlement et laCuria in compotis, ancêtre de laCour des comptes, qu'il installe à latour du Temple[18].
Dès, Louis IX promulgue la « Grande Ordonnance », également appeléestatutum generale,statuta sancti Ludovici ou « establissement le roi », qui tend à réformer le gouvernement royal en profondeur[L 70]. Elle est, en fait, le regroupement de plusieurs textes royaux promulgués entre et. La plupart de ces textes abolissent des mesures prises par les sénéchaux royaux, en violation des anciennes coutumes locales[L 71]. Ces textes ordonnent également aux officiers royaux de rendre justice sans distinction des personnes et de refuser tout cadeau pour eux-mêmes ou leur famille. Ils ne pourront lever aucune amende sans jugement, devront considérer que tout accusé non condamné est présumé innocent, et il leur sera dorénavant interdit d'empêcher le transport des blés, mesure destinée à combattre la famine.
En, il y ajoute une série de mesures concernant la pure moralité : leblasphème[17], lesjeux d'argent, lesprêts à intérêt[LM 1] et la fréquentation des maisons closes ainsi que des tavernes sont interdits aux officiers royaux[L 72],[16]. Mais les ordonnances ne touchent pas que les officiers royaux. Dans le but de conduire ses sujets ausalut, le roi prohibe laprostitution, punit leblasphème, interdit lesjeux de dés et leur fabrication ainsi que lesjeux d'échecs,de dames et de « trictrac », doublement condamnables en tant quejeux d'argent etde hasard. Enfin, lestavernes se voient réservées aux voyageurs et interdites à la population[L 73].
La « Grande Ordonnance » est reprise en1256. Le nouveau texte présente plusieurs différences avec ceux de 1254. L'ordonnance de 1256 résulte de la modification des textes de 1254, qui étaient plutôt des instructions aux baillis et sénéchaux, en une ordonnance générale pour le royaume[L 74]. Dans cette nouvelleordonnance royale, Louis supprime toute référence à l'usage de la torture et revient notamment sur l'interdiction stricte de la prostitution[L 75]. Les droits des femmes sur leurs héritages et leurs dots doivent être particulièrement respectés : les femmes étant considérées comme des êtres faibles, il appartient à la justice royale de les protéger. Louis refuse ainsi qu'une femme soit punie pour les fautes de son mari[L 76].
En1261, conformément auquatrième concile du Latran, une nouvelle ordonnance royale abolit l'ordalie. Les épreuves par le feu et par l'eau dont l'accusé doit sortir indemne ou les combats dont il doit sortir vainqueur devront maintenant être remplacés par des preuves rationnelles outestimoniales[L 77].
En1265, une nouvelle ordonnance reprend celle de1262 et confirme le privilège de la monnaie royale de circuler dans tout le royaume, mais autorise les monnaies régionales. En, une ordonnance édicte la reprise de la frappe dudenier parisis à de nouvelles conditions de poids et de teneur en métal fin ainsi que la création d'ungros tournois. Enfin, entre 1266 et 1270, une autre ordonnance édicte la création de l'écu[L 79]. Le denier parisis et l'écu d'or sont plutôt des échecs, mais le gros tournois est une très grande réussite en France mais également sur le marché international, et son succès se poursuivra jusqu'auXIVe siècle[L 80].
AuMoyen Âge, les responsables de l’ordre public, municipalités, seigneurs laïcs ou ecclésiastiques, organisent laprostitution dès leXIIe siècle comme un moindre mal. On trouve même desbordels qui sont propriété demonastères ou dechapitres[19]. Mais comme nous l'avons vu précédemment, à son retour de Terre sainte, Louis veut remettre de l'ordre dans le royaume. C'est ainsi qu'il prohibe totalement la prostitution dans son ordonnance de 1254. Toutes les femmes et filles se livrant à la prostitution sont appelées à y renoncer[20]. Elles sont expulsées des villes, loin des églises et des cimetières, et quiconque leur met unemaison à disposition se voit confisquer un an de loyer[L 75]. Si, après un avertissement, elles continuent dans cette voie, l'ordonnance prévoit que leurs vêtements seront confisqués et que leur maison sera saisie puis vendue au profit du fisc. En cas de récidive, l'ordonnance envisage qu'elles seront bannies des villes et des villages, voire du royaume[20].
Parallèlement, le roi prend sur sa cassette les fonds nécessaires pour permettre au couvent des Filles-Dieu, spécialement destiné à l'accueil des filles repentantes, de recevoir deux cents personnes supplémentaires[20].
Mais l'expérience prouve au souverain que l'ordonnance est inutile. Poursuivies, les prostituées changent d'apparence pour prendre celle de« femmes honnêtes », ce qui les expose en plus aux insultes des libertins. En 1256, dans une seconde ordonnance qui révoque en quelque sorte la première, le roi permet ainsi aux prostituées d'exercer, mais hors des murs des cités et loin des lieux de culte. Desétablissements spécialisés sont alors installés loin des maisons particulières. Ils ne sont ouverts que la journée, jusqu'à six heures au soir, afin que des femmes ne s'y rendent pas la nuit pour ne pas y être reconnues[20]. Selon Jacques Le Goff, c'est« l'esquisse de ghettos de la prostitution »[L 75].
Dans son testament,Louis VIII a laissé une forte somme pour fonder un monastère près deParis[L 84]. Pour édifier cette abbaye, Louis et sa mère choisissent un lieu proche d'Asnières-sur-Oise, où ils résident de temps en temps, et acquièrent le domaine de Cuimont, débaptisé pour être appeléRoyaumont (« mont royal »), nom qui symbolise le lien étroit entre la famille royale et la future abbaye[L 85]. C'est alors que, dans les premières années de son règne, entre1229 et1234, Louis, conseillé parBlanche de Castille, réalise la fondation de l'abbaye et l'attribue à l'ordre cistercien, contrairement aux indications du feu roi qui souhaitait qu'elle soit affiliée auxchanoines de Saint-Victor[L 84].
La fondation de Royaumont, construite entre 1228 et 1235, préfigure l'attrait naissant de Louis pour lesordres mendiants[23], dont se rapprochent les cisterciens, et accroît son goût précoce pour les édifices religieux. C'est également une occasion pour le jeune roi de faire preuve d'humilité et depénitence : pendant toute la période de construction, il surveille attentivement l'avancement des travaux et participe activement à la vie du chantier en aidant les artisans, allant jusqu'à porter les pierres et le mortier[L 86],[H 2].
En1253, Louis IX cofonde lecollège de Sorbonne, pour maîtres ès arts étudiant enthéologie, à la demande deRobert de Sorbon, sonchapelain,confesseur et ami[L 87]. Comme les autrescollèges de l'université de Paris, celui de Sorbon doit accueillir des pensionnaires pauvres qui y disposent de bourses, ainsi que des étudiants non-pensionnaires. À sa création, le collège est ainsi destiné à abriter une vingtaine de personnes. À cet effet, Louis donne quelques maisons de la rue Coupe-Gueule, face à l'hôtel de Cluny, pour y installer les étudiants.
Robert de Sorbon, par l'intermédiaire deGuillaume de Chartres, achète et échange rapidement l'ensemble des abords de cette rue, dont la majorité du site lui appartiendra dès1260. Il s'agit alors d'un ensemble épars de bâtiments divers, maisons et granges, disposés dans un jardin. La grande simplicité du bâti est maintenue par le fondateur,Robert de Sorbon, qui instaure une règle de viepieuse et austère[H 3].
Vers1248, le roi fait restaurer l'Hôtel-Dieu de Paris parEudes de Montreuil et chargeBlanche de Castille d'en surveiller l'avancement. Durant cette même période, il participe à la fondation de l'hôtel des « Audriettes », destiné à accueillir les femmes veuves et miséreuses[V 1]. Vers1259, Louis fonde l'Hôtel-Dieu dePontoise et y place treizereligieusesaugustines, mais la générosité des sœurs envers les pauvres et les malades attire une telle foule qu'en1261, le roi se trouve dans la nécessité de leur léguer sa propre maison de campagne et le bois de Pontoise, afin de pouvoir y entretenir autant de religieuses qu'il en faut[V 2]. Il dépense également30 000 livres pour fonder l'Hôtel-Dieu deVernon, dans lequel il place vingt-cinq religieuses[V 3].
Les remparts d'Aigues-Mortes.Les remparts de Césarée.
Tout d'abord, au début desannées 1230, avec le rattachement de l'Anjou au domaine royal, Blanche et Louis font réaliser laforteresse d'Angers et fortifier amplement la ville, devenue une place frontière face à laBretagne indépendante[24].
Vers 1240, en vue de laseptième croisade, Louis IX décide de fortifierAigues-Mortes pour s'assurer d'unebase navale sûre pour le départ et le retour, ainsi qu'unport pour pouvoir construire la flotte royale. Le lieu est alors préféré àNarbonne et àMontpellier, politiquement dangereux, à cause de son attachement à la dynastie comtale de Toulouse pour le premier et à celle d'Aragon pour le second, ainsi qu'aux ports extérieurs, commeMarseille, d'où embarquent beaucoup de croisés, ou encoreGênes, ancien port de croisade sousPhilippe Auguste.
Aigues-Mortes devient ainsi« la tête et le terminus de l'iter hierosolymitanum (« la route deJérusalem ») ». Selon Le Goff, elle est l'une des plus remarquables réalisations urbaines de la France médiévale[L 88]. Le roi fait également construire une route entre les marais et fait bâtir latour Carbonnière, destinée à servir detour de guet, puis latour de Constance qui abrite la garnison et sert successivement de phare et de prison[25].
En 1250, libéré de sa captivité en Égypte, le roi arrive àJaffa avec son épouse. Il séjourne àCésarée de à et y fait reconstruire ou même construire les remparts de la ville[26]. En 1252, il renforce également les remparts de Jaffa et y fait bâtir un couvent ainsi qu'une église. Enfin, il fait relever les fortifications d'Ascalon[27].
Celle-ci étant la plus précieuse des reliques conservées àConstantinople, Baudouin supplie Louis et Blanche de Castille d'empêcher que la Sainte Couronne ne tombe entre des mains étrangères. L'idée d'acquérir la fameuse relique comble la piété et flatte la gloire du roi et de sa mère[L 91].
Et, si la couronne n'est pas rachetée avant la fête dessaints Gervais et Protais, soit le, elle appartiendra aux Vénitiens et sera transférée dans la cité de la lagune. Mais, de manière inattendue, les envoyés de Baudouin et de Louis arrivent avant la date fatidique et ils engagent les négociations avec les Vénitiens qui acceptent de vendre la relique au roi de France à condition qu'elle passe par Venise[L 93]. Les négociations prennent fin en. Bien que l'hiver soit hostile à la navigation et que les Grecs aient disposé des galères sur les itinéraires possibles pour s'emparer de la relique, celle-ci prend la mer. Elle arrive sans encombre à Venise, où elle est exposée dans lachapelle Saint-Marc.
Le frère André reste à Venise pour surveiller la couronne, tandis que le frère Jacques va annoncer la nouvelle à Louis et Blanche, puis revient à Venise avec la somme colossale de l'achat, dont nous ignorons le montant, accompagné des hommes de Baudouin, garants de l'opération. De nouvelles négociations ont lieu et les Vénitiens, qui n'osent pas s'opposer à la volonté de Louis et de Baudouin, laissent partir la relique à contrecœur.
Le transport vers la France se fait, cette fois, par la terre. Pour assurer leur sécurité, les convoyeurs sont munis d'unsauf-conduit deFrédéric II du Saint-Empire, la plus haute garantie juridique de la chrétienté[L 94]. La couronne est enfin proche de son acquéreur et est déposée àVilleneuve-l'Archevêque où le roi se précipite pour la voir, accompagné de sa mère, de ses frères, deGauthier Cornut et de Bernard de Sully ainsi que de nombreux barons et chevaliers[L 95].
Le lendemain, la couronne est transportée par bateau sur l'Yonne et laSeine jusqu'àVincennes. La châsse comportant la relique est alors exposée sur un grand échafaud pour être vue de tout le peuple[L 96]. Puis la châsse arrive dans la capitale, portée par Louis et son frère Robert, pieds nus, suivi de prélats, de clercs, de religieux et de chevaliers, eux aussi pieds nus. La relique est quelques instants placée dans lacathédrale Notre-Dame. Enfin, la relique arrive au terme de son voyage et est déposée dans la chapelle Saint-Nicolas dupalais de la Cité.
Les besoins d'argent de l'empereur Baudouin s'accroissant, Louis lui rachète à grands frais d'autres reliques de laPassion. En1241, il acquiert une partie importante de laVraie Croix, laSainte Éponge et le fer de laSainte Lance[L 97].
En, le papeInnocent IV accorde des privilèges à la future chapelle. En, le roi fonde un collège dechanoines afin d'assurer la garde desreliques et la célébration du culte[L 98]. Le, soit deux mois avant le départ du roi pour la croisade, celui-ci inaugure la Sainte-Chapelle, qui est dans le même temps consacrée parEudes de Châteauroux etPhilippe Berruyer[H 4].
La construction de la Sainte-Chapelle a donc été réalisée en un temps record et aurait coûté, d'après l'enquête du procès de canonisation de Saint Louis, 40 000 livres tournois et la châsse des reliques 100 000. Le roi aurait été très présent sur le chantier et aurait travaillé en étroite collaboration avec son architecte[LP 4]. Cependant, selonJacques Le Goff, les noms de l'architecte principal et de ses aides sont inconnus[L 98], bien queJean-Michel Leniaud et Françoise Perrot précisent que la tradition orale ainsi qu'un manuscrit de laBibliothèque nationale de France, remontant auXVIe siècle, évoquentPierre de Montreuil[LP 4].
Le programme architectural s'accompagne de nombreux symboles qui se manifestent à la fois dans le contenu dureliquaire et dans la décoration de la chapelle haute : on peut noter les reliques provenant de l'Empire byzantin, qui permettent à la monarchiecapétienne de s'afficher comme véritable héritière de l'idée impériale ou encore le culte particulier de Louis IX pour laPassion, véhiculant une image de lui marchant dans les pas duChrist[LP 5].
La conception qu'a Louis de sa fonction royale comme bras séculier de l'Église et protecteur de la foi l'amène, comme ses ascendants l'ont fait avant lui, à intervenir contre les ennemis de cette foi. Et si, après le décès de Louis VIII en 1226, letraité de Paris du semble mettre fin à lacroisade contre les albigeois, ces derniers sont encore très présents, plus particulièrement en Languedoc, en Provence et en Lombardie. Ils sont toutefois moins visibles et moins nombreux après 1230, sous les effets de l'Inquisition, du désintérêt dont ils font l'objet de la part des nobles et des bourgeois et de l'essoufflement général de leur doctrine, de leur pratique et de leur organisation[L 99].
Pour décider des mesures à prendre à leur égard, le roi s'entoure d'un conseil composé d'inquisiteurs, appartenant majoritairement aux frères mendiants, et d'hérétiques convertis[L 100]. La volonté de Louis est alors de purifier le royaume non par le feu, bien qu'il accepte les décisions de condamnation au bûcher, mais par la conversion et l'expulsion[L 101].
Cependant, à la suite de l’assassinat d’inquisiteurs àAvignonet le par des hommes de la garnison deMontségur, Blanche de Castille et Louis IX chargent le sénéchal de Carcassonne etPierre Amiel,archevêque de Narbonne, d'assiéger le château. Après plusieurs tentatives avortées, à partir de, 6 000 hommes entourent Montségur qui résiste jusqu'au, date à laquellePierre-Roger de Mirepoix obtient une trêve de15 jours. Enfin, le, la forteresse se rend. Deux cent vingt hommes et femmes qui refusent de renier leur foi sont condamnés au bûcher. Les derniers châteaux cathares,Quéribus etNiort-de-Sault, sont finalement pris à leur tour en 1255[28].
Louis IX fait la différence entre lejudaïsme, qu'il considère comme une vraie religion, et l'hérésie ou l'islam, qu'il considère comme un semblant de religion. Mais les Juifs embarrassent le roi. Premièrement, ils se trouvent à la fois à l'intérieur et à l'extérieur de lareligion chrétienne : ils ne reconnaissent évidemment pas leChrist, ont un calendrier liturgique et des rites différents, mais obéissent à l'Ancien Testament[L 102]. Enfin, il a un double devoir contradictoire : il doit réprimer leurs conduites considérées comme « perverses », conséquences de leur religion « erronée » et « antichrétienne » — car les juifs sont considérés à l'époque comme un peupledéicide —, et les protéger, en tant que communauté minoritaire[L 103].
Tandis que les usuriers chrétiens relèvent destribunaux ecclésiastiques, les usuriers juifs et étrangers dépendent du pouvoir monarchique. Le roi fait d'eux l'objet d'une législation particulièrement répressive[L 104]. En,Blanche de Castille et ses conseillers, au nom de Louis, édictent l'ordonnance de Melun, qui reprend les mesures édictées parPhilippe Auguste contre les Juifs et leur usure[L 105]. Chaque seigneur peut ainsi, s'il le souhaite, prendre commeserfs les Juifs de ses terres[L 106]. De plus, il leur est dorénavant interdit d'emprunter et de percevoir desusures sur les prêts qu'ils auraient consentis[L 107],[R 1],[29].
En1234, une nouvelleordonnance remet aux débiteurs chrétiens le tiers de leur dette envers les Juifs, interdit qu'ils puissent être saisis en cas de non-paiement et que les Juifs ne reçoivent des gages qui n'auraient pas été déclarés devant des témoins dignes de foi. La « grande ordonnance » de1254 comporte également deux passages sur les Juifs : l'article 32 leur impose de cesser« leurs usures, sortilèges et caractères[30] » et l'article 33 interdit aux barons et aux agents royaux de les aider à recouvrer leurs créances puis leur répète l'obligation de condamner l'usure[L 108],[s]. Enfin, il est interdit d'emprisonner des chrétiens ou de vendre leur propriété pour rembourser leurs dettes envers les Juifs[31].
En1247, l'entourage de Louis IX lui conseille de confisquer les usures des Juifs pour contribuer au financement de laseptième croisade. Mais celui-ci refuse d'utiliser des biens honteusement acquis pour financer une action aussi sainte[L 108]. Une ordonnance de1257 ou1258 nomme une commission chargée de corriger l'application excessive des mesures prises plus tôt contre les Juifs[L 77]. Par ailleurs, la justice ne s'en prend plus seulement aux usuriers juifs, d'abord considérés comme les spécialistes de ces pratiques, mais à tous les usuriers. Une ordonnance de1268 expulse lesbanquiers lombards, florentins, cahorsins et tous les autres usuriers étrangers[L 78].
L'abbéNicolas Donin, juif converti au catholicisme, invite le papeGrégoire IX à ne montrer aucune tolérance à propos duTalmud, qui pour lui, aurait, auprès des Juifs, remplacé l'Ancien Testament et contiendrait des propos insultants pourJésus-Christ et laSainte Vierge[Na 1]. En1239, le pape adresse alors une lettre circulaire demandant à tous les princes chrétiens de saisir tous les exemplaires duTalmud[29]. Contrairement aux autres souverains européens[SS 1], Louis et sa mère obéissent immédiatement et font confisquer les livres le[L 109],[R 2].
Mais en revanche Louis, soucieux d'objectivité, veut qu'un grand débat ait lieu afin de juger si le livre contient ou non des injures contre le christianisme. En, le « procès du Talmud » est alors organisé[29]. Sous l'œil deBlanche de Castille et de toute la cour, des ecclésiastiques, dont l'évêque de Paris, débattent avec quatrerabbins, choisis parmi les plus érudits du royaume et dont le plus célèbre estYehiel de Paris. À la fin de la controverse, bien que l'archevêqueGauthier Cornut conteste la sentence, il est décidé que le Talmud est un livre infâme et qu'il doit donc être brûlé[17].
Le roi fait alors procéder à la crémation publique de vingt-deux charrettes de manuscrits du Talmud[L 110],[LM 2],[R 2],[23]. L'exécution de la sentence a lieu àParis, sur laplace de Grève, en présence des écoles, de l'université, du clergé, du prévôt et du peuple, attirés par le spectacle inédit. Les allers et retours continuels, entre les couvents où avaient été déposés les livres et le lieu d'exécution, durent deux jours[P 1]. Le, le nouveau pape,Innocent IV, félicite le roi pour son action et l'encourage à faire brûler les exemplaires subsistants. C'est ainsi qu'en 1244 une deuxième crémation publique a lieu, puis d'autres les années suivantes[L 110].
De plus, dans l'espoir d'obtenir leur conversion, le roi oblige les Juifs à aller écouter les sermons du converti Pablo Christiani et à répondre à toute question qu'il pourrait avoir sur leur religion, mais cela n'a aucun succès[37].
Dans l'historiographie juive, Louis IX laisse l'image d'un roi profondément antijuif ; pourtant sa politique est plus ambivalente qu'il n'y paraît[SS 3]. Les historiens se sont alors penchés sur la question[LM 1],[21],[23],[22]. Le Goff envisage d'abord le terme d'« antijudaïsme », qui« concerne exclusivement la religion », mais il ajoute aussitôt :« Quelle que soit l'importance de la religion dans la société juive et dans la conduite de Saint Louis à son égard, il est insuffisant. L'ensemble des problèmes concernés par cette conduite dépasse le cadre strictement religieux et il met en jeu des sentiments de détestation et une volonté d'exclusion qui vont au-delà de l'hostilité à la religion juive ».
Reste alors le mot« antisémitisme »[21],[23],[22], mais celui-ci serait« inadéquat et anachronique » car« il n'y a rien de racial dans l'attitude et les idées de Saint Louis ». Il conclut :« Je ne vois que le terme d'« antijuif » pour caractériser la conduite de Saint Louis. Mais ces conceptions et cette pratique ont fait le lit de l'antisémitisme ultérieur. Saint Louis est un jalon sur la route de l'antisémitisme chrétien, occidental et français »[L 112],[t].
On peut aussi noter qu'on ne connaît pas sous son règne d'accusation de meurtre rituel contre les Juifs[L 114]. Enfin, il accepte d'être leparrain de nombreux juifsconvertis au christianisme, auxquels il assure une pension[L 115]. En outre, « contrairement à son grand-père Philippe Auguste – qui les expulse en 1182 – et à son petit-fils Philippe le Bel – qui en fait autant en 1306 –, et même à ses frères Charles d’Anjou et Alphonse de Poitiers, Saint Louis n’a finalement jamais banni les juifs de son royaume »[39].
En 2014, en conclusion d'un colloque organisé par leCentre des monuments nationaux et destiné à éclaircir ce débat,Claude Gauvard estime qu'avec le règne de Saint Louis, si tous les éléments sont bien en place pour développer l'image de juifs persécuteurs qui peuvent devenir desboucs émissaires, un certain équilibre subsiste[SS 4]. Cependant, ces actions lénifiantes ne résisteront pas aux flambées de lynchage dès que les conditions de vie des chrétiens se dégraderont[SS 5].
Le roi saint Louis, malade, prononçant le vœu de partir en croisade. Miniature duMaître de Fauvel tirée d'uneHistoire d'Outremer deGuillaume de Tyr, BnF, Fr.9083,fo 320 vo.
Revenu sérieusement malade de sacampagne de Saintonge, la santé du roi reste depuis fragile. Le, il tombe gravement malade, probablement dedysenterie, àPontoise, et semble aux portes de la mort[R 3]. Le, afin d'être en accord total avec Dieu, l'Église et sa conscience, il nomme deux arbitres pour régler les différends qu'il a avec le chapitre deNotre-Dame. Dans tout le royaume, des campagnes de quêtes, de prières et de processions solennelles sont organisées etBlanche de Castille fait apporter lesreliques de la chapelle royale auprès de lui[L 116].
Sa guérison, quelques semaines plus tard, est perçue comme un miracle. SelonJean de Joinville, alors que ses dames de compagnie le croient mort, le roi retrouve miraculeusement la santé ainsi que l'usage de la parole et, sitôt, s'en sert pour faire le vœu de partir encroisade[L 116]. La reineBlanche de Castille et la majorité de l'entourage du roi, tant laïques qu'ecclésiastiques, essaient de le convaincre de renoncer à son vœu. SelonMatthieu Paris, Blanche et l'évêque de Paris,Guillaume d'Auvergne, dans une ultime tentative, lui font remarquer que le vœu n'est pas valable, car il l'a prononcé étant malade et sans la possession de tous ses moyens mentaux. Louis décide alors de refaire le vœu de croisade puisqu'il est désormais sain de corps et d'esprit[L 117],[u].
Le départ de Saint Louis pour la croisade.Chroniques de Saint-Denis, vers 1332-1350,BL,fo 04 vo.
Le, Louis IX se rend àSaint-Denis pour se saisir de l'oriflamme, mais également du bâton et de l'écharpe qui lui sont alors remis par le cardinalEudes de Châteauroux : l'insigne royal est ainsi associé aux symboles du pèlerin[L 118]. Puis il retourne àParis et se rend, pieds nus, accompagné d'une énormeprocession populaire, à l'abbaye royale de Saint-Antoine-des-Champs. Là, il demande auxreligieuses de prier pour lui et quitte les lieux pour aller passer la nuit au palais royal deCorbeil. Il établit alors officiellement sa mère comme régente du royaume en son absence et laisse auprès d'elle ses conseillers[L 118].
Après quelques jours passés à Corbeil, Louis IX fait ses adieux àBlanche et s'avance vers leMidi, en faisant une longue halte àSens où se tient le chapitre général de l'ordre franciscain. Il fait ensuite étape àLyon pour s'entretenir avec le papeInnocent IV, qui lui promet de protéger la France contre les éventuelles attaques du roi d'Angleterre[L 119].
DeLyon, Louis descend leRhône et, àLa Roche-de-Glun, rencontre un châtelain,Roger de Clérieu, qui exige un droit de péage à tous les passants. Le roi refusant de payer, Roger prend des otages mais Louis fait le siège du château, le prend en quelques jours et le fait démolir[L 119]. Au milieu du mois d', le roi arrive enfin àAigues-Mortes, puis le, s'embarque avec sa suite qui comporte quasiment tous les membres de sa famille proche[v]. En effet, son épouseMarguerite de Provence, ses frèresRobert d'Artois,Charles d'Anjou avec sa femmeBéatrice etAlphonse de Poitiers ainsi que le beau-père de ce dernier,Raymond VII de Toulouse, le suivent en croisade. Bien que les chiffres soient contestés, on estime que l'armée de la croisade rassemble environ 2 500 chevaliers, 2 500 écuyers et valets d'armes, 10 000 fantassins et 5 000 arbalétriers, soit environ 25 000 hommes et 8 000 chevaux, chiffres considérables pour l'époque. SelonLe Nain de Tillemont, la flotte royale comprend trente-huit grands vaisseaux et des centaines d'embarcations plus modestes[w],[L 120].
Le départ de la flotte royale est retardé par l'absence de vent, et l'armée finit par quitterAigues-Mortes le[L 121]. Le, Louis IX, sa famille et son armée débarquent àChypre, où règneHenri de Lusignan. Du ravitaillement y a été accumulé depuis1246. Les croisés hivernent dans l'île jusqu'au. Louis débarque près deDamiette et prend la ville le[L 122]. L'armée se dirige alors versLe Caire et subit les attaques incessantes de l'émir Fakhr-ad-Din Yusuf. Les croisés réussissent, au prix de durs combats, à passer sur la rive est duNil.
A ensuite lieu labataille de Mansourah, lors de laquelle les croisés doivent faire face au génie militaire des musulmans qui parviennent notamment à détruire leurs troischats[L 123]. Le, malgré leur victoire, ils ressortent très affaiblis de la bataille. En effet,Robert Ier d'Artois est mort et les croisés connaissent plusieurs épidémies dedysenterie, detyphus et descorbut, aggravées par la sécheresse. Le roi est également atteint de ladysenterie, mais refuse de repartir en y laissant ses troupes[L 124]. Il sera capturé pendant la bataille et retenu prisonnier pendant un mois[40].
Enfin, l'armée, affaiblie et manquant de ravitaillements, doit battre en retraite, mais les musulmans lui coupent la route au niveau du Nil et les croisés sont écrasés le, lors de labataille de Fariskur. Le roi et une grande partie de son armée sont alors fait prisonniers tandis que les malades et les blessés sont massacrés par les musulmans[L 125]. En Occident, la nouvelle provoque lacroisade des pastoureaux[41].
Durant la détention de son époux, la reineMarguerite de Provence exerce le rôle de chef de l'armée ; elle réunit en un temps record les 400 000 besants constituant le premier versement de la rançon et, le, Louis est libéré[L 126],[x]. Quelque temps après sa libération, en, Louis IX commence un pèlerinage enTerre sainte. Il appelle alors ses sujets à le rejoindre, mais renvoie ses frèresAlphonse de Poitiers etCharles d'Anjou en France afin qu'ils puissent épauler leur mère, qui exerce la régence[L 126]. Mais, au, alors qu'il est àSidon, il apprend la mort de sa mère, survenue le. Après plusieurs jours d'un grand deuil, Louis conclut qu'il doit rentrer et, le ou, rembarque d'Acre pour laFrance[L 127],[L 128].
Le, il débarque auxSalins-d'Hyères où il demande à rencontrer le frèreHugues de Digne[L 129]. Partant de Hyères, le roi se rend ensuite àAix-en-Provence pour un pèlerinage à lagrotte de la Sainte-Baume (sur les pas deMarie Madeleine)[42], puis entre en France parBeaucaire et, après plusieurs arrêts dans différentes villes de France, dépose l'oriflamme et la croix àSaint-Denis[L 130]. Enfin, il fait son entrée àParis le, où il est particulièrement bien accueilli par le peuple[L 131]. La septième croisade est cependant vécue comme un échec total, ce qui suscite un certain scepticisme vis-à-vis de la guerre sainte et une amertume envers le clergé, accusé de ne pas s'être assez impliqué[41].
L'évolution de la situation militaire et politique en Méditerranée orientale explique cette décision. Le frère du roi,Charles d'Anjou, est devenu roi de Sicile ; celle-ci peut donc devenir une base d'opérations plus sûre et plus proche de Chypre[L 132]. De plus, Louis IX espère convertir l'émirhafsideMuhammad al-Mustansir et faire de l'Ifriqiya (Tunisie) une base terrestre pour attaquer ultérieurement l'Égypte mamelouk[L 133],[43]. La préparation de la croisade est alors aussi minutieuse que pour la précédente.
Son financement est pris en charge par les villes et la levée de décimes ecclésiastiques. Cependant, la préparation diplomatique connaît moins de succès que pour la croisade d'Égypte :Clément IV est mort, la vacance se prolonge et la chrétienté n'a donc pas de pape au moment de la croisade. C'est ainsi que les seuls personnages importants souhaitant participer à la croisade sont Louis, le princeÉdouard d'Angleterre et le roiJacques d'Aragon, mais ce dernier y renonce après que sa flotte a été prise dans une tempête[L 134].
Le, Saint Louis s'en va chercher le bâton de pèlerin et l'oriflamme à Saint-Denis. Le lendemain, il se rend à pieds nus de son palais à Notre-Dame et fait ses adieux à son épouse au château de Vincennes d'où il part[L 135]. Enfin, après plusieurs étapes jalonnées de sanctuaires, le roi et ses fils arrivent à Aigues-Mortes, où ils sont rejoints parThibaut de Navarre et d'autres croisés. En attendant l'arrivée des navires, une bataille éclate entre les Français et lesCatalans : la bataille fait une centaine de morts, Louis fait pendre les responsables et, enfin, s'embarque le sur la nefLa Montjoie[L 136]. Après une brève escale en Sardaigne, les croisés débarquent à La Goulette, près de Tunis.
Le sultan, qui n'a en fait aucune intention de se convertir, a préparé sa ville à subir un siège et ses hommes attaquent les croisés. Le roi décide ainsi de prendre d’assaut la ville de Carthage pour y mettre en sécurité ses hommes, en attendant les renforts de son frère Charles d’Anjou[44],[45]. Les croisés s'emparent facilement de la ville, mais de nouveau, l'armée subit une épidémie de dysenterie ou de typhus qui fut fatale au princeJean Tristan le. Après plus de43 années de règne, le roi Louis IX s'éteint le 25 août 1270 à Carthage, victime à son tour de l'épidémie qui frappe son armée, à l'âge de56 ans[L 136],[46],[47]. Sa mort est rigoureusement mise en scène et achève le programme d'identification messianique du souverain français, amorcé en 1238 par l'acquisition de la couronne : le roi reçoit l'extrême-onction, demande, en signe d'humilité, à être étendu sur un lit de cendres et prononce des paroles d'imitation christique[48]. Le fils du défunt roi, le prince Philippe, lui succède sous le nom dePhilippe III.
Une étude menée en 2015 parPhilippe Charlier sur les reliques attribuées au roi et dispersées lors de sa canonisation, en 1297, suppose qu'il souffrait descorbut et serait mort debilharziose[49],[50]. Une étude de 2019 confirme une atteinte grave du roi par le scorbut[51].
Les croisades de Louis IX sont — commeLa Mort le roi Artu (« La mort du roi Arthur »[52]) marque l'apothéose funèbre de lachevalerie — le point d'orgue mortel de la croisade. Mais dans un monde médiéval où les idéaux de la croisade continuent, même chez ceux qui n'y croient plus (unRutebeuf[53],[54], unJean de Joinville[55] en témoignent), à susciter une admiration profonde, l'image de Saint Louis sort magnifiée de ces croisades catastrophiques. Elle est illuminée par « la beauté du mort » et entame un processus de « Mort et transfiguration ». Dans cette perspective, lacroisade de Tunis sera, dans sa fulgurante et mortelle brièveté, une manière de couronnement[56].
À la mort du roi, on ne peut laisser son corps en terre infidèle, loin duroyaume de France et de lachrétienté.Charles d'Anjou tente de prendre le contrôle de l'armée face à son neveu, devenu le roiPhilippe III, qu'il considère comme trop inexpérimenté. Mais ce dernier affirme immédiatement son autorité[L 137]. Dès lors, le sort de la dépouille du feu roi devient un enjeu politique entre le jeune roi et son oncle : Philippe souhaite que les restes de son père soient rapatriés en France tandis que Charles, prétextant la proximité, propose que les restes de son frère aillent reposer en sonroyaume de Sicile[L 138]. Finalement, les deux parents s'accordent sur latripartition du corps : les entrailles et les chairs seront données à Charles, qui les déposera à l'abbaye deMonreale, et les ossements iront reposer dans lanécropole royale de Saint-Denis[y]. Philippe refuse d'exposer le corps à tous les dangers en l'envoyant en avance. Il souhaite attendre de pouvoir l'accompagner en convoi, auprès de l'armée. On procède alors aumos Teutonicus : le corps est découpé et cuit dans un mélange d'eau et de vin jusqu'à ce que la chair se détache[L 140].
À la fin de1277, le nouveau papeNicolas III réclame à Philippe, qui lui a envoyé une ambassade afin de le hâter, une documentation approfondie sur les miracles de son père. Il charge à nouveauSimon de Brie d'un complément d'enquête : les résultats sont envoyés au pape, mais celui-ci meurt à son tour le. Simon de Brie lui-même lui succède alors en tant que pape, sous le nom de Martin IV, et donne une impulsion décisive au procès. Une nouvelle assemblée de l'Église de France lui remet une supplique pressante. Le pape assure les prélats de sa bonne volonté, mais souhaite mener le procès dans les formes.
Le, il confie àGuillaume de Flavacourt, archevêque de Rouen, et aux évêques d'Auxerre et de Spolète, l'enquête finale sur la vie, les mœurs et les miracles de Louis IX, puis leur demande d'enquêter sur lesmiracles se produisant sur le tombeau du roi. L'enquête, durant laquelle ils questionnent trois cent trente témoins pour les miracles et trente-cinq pour la vie, commence en et se termine en[L 144],[z]. Les résultats de l'enquête sont envoyés àRome, maisMartin IV meurt le[L 145].
Son successeur,Honorius IV, s'intéresse également à la canonisation de Louis, mais meurt le. Lavacance dure près d'un an. Après son élection,Nicolas IV désigne une nouvelle commission de trois cardinaux pour poursuivre l'examen des miracles, mais meurt en1292, avant la fin de l'enquête. Le trône pontifical demeure encore vide pendant plus d'un an et demi et, quelques mois après avoir été élu,Célestin Vrenonce à sa charge pour retourner à sonérémitisme[L 145].
Enfin, le, le cardinal Benoît Caetani, qui a fait partie de la commission ayant examiné les miracles, devient pape sous le nom deBoniface VIII. Il est sincèrement convaincu de la sainteté de Louis, mais souhaite aussi et surtout établir de bonnes relations avec le nouveau roi de France,Philippe le Bel[L 145],[60]. C'est ainsi que, le, àOrvieto, il annonce sacanonisation sous le nom de« saint Louis de France »[H 6]. Le, il lui consacre un nouveau sermon, officialise la canonisation par la bulleGloria laus et fixe sa fête au jour anniversaire de sa mort, le[L 146].
Saint Louis est l'unique roi de France à avoir été canonisé[61],[62].
Le, lors d'une cérémonie à Saint-Denis, en présence de nombreux témoins du procès de canonisation, de prélats, de barons, de clercs, de chevaliers, de bourgeois et de gens du peuple,Philippe « le Bel » fait procéder à la levée du corps de son grand-père : les ossements sont alors solennellement déposés dans une châsse en or, derrière le maître-autel de labasilique Saint-Denis[L 146].
Mais les reliques de saint Louis sont destinées à subir un curieux et dramatique destin. En effet, quelque temps après, le roiPhilippe IV désire transférer les reliques vers laSainte-Chapelle afin qu'elles soient plus proches du palais royal. Le papeBoniface VIII, qui souhaite toujours entretenir de bonnes relations avec Philippe, l'autorise à procéder au transfert, à la condition qu'il laisse un bras ou un tibia aux moines de Saint-Denis. Cependant, après le refus de ces derniers, Philippe abandonne le projet jusqu'à la mort de Boniface[L 147].
Mais, après l'élection deClément V, celui-ci autorise le transfert à la Sainte-Chapelle de la tête de Saint Louis. Le roi laisse alors aux moines le menton, les dents et la mâchoire inférieure du saint. Il offre également une côte àNotre-Dame de Paris. Latranslation solennelle a lieu le. Le crâne est alors déposé dans un magnifique reliquaire en or, orné de pierres précieuses, commandé en1299 à l'orfèvreGuillaume Julien[L 148]. Puis les moines font, eux aussi, confectionner un superbe reliquaire pour ce qu'il leur reste de la tête de Louis et l'inaugurent le en présence du roi et d'une foule de seigneurs et de prélats[L 149].
Reliquaire des entrailles de saint Louis dans la cathédrale de Versailles.
En1392, le reste des os de Saint Louis est placé dans une nouvelle châsse et, à cette occasion,Charles VI offre une côte au pape par l'intermédiaire dePierre d'Ailly, deux côtes aux ducs de Berry et de Bourgogne et un os aux prélats présents lors de la cérémonie, afin qu'ils se le partagent. Vers1430,Louis VII de Bavière s'en voit offrir d'autres pour l'église d'Ingolstadt. Puis en1568, l'ensemble des os est rassemblé à Paris pour célébrer uneprocession contre leprotestantisme. En1610,Marie de Médicis reçoit un os, mais prise de remords, elle le rend lors du sacre deLouis XIII[L 149].
En1616,Anne d'Autriche reçoit un petit morceau de côte, mais insatisfaite, elle obtient une côte entière l'année d'après et, un peu plus tard, elle s'entretient avec lecardinal de Guise pour obtenir une autre côte et un os dans le but de les offrir aux jésuites de Paris et de Rome. SelonJacques Le Goff, la châsse de 1298 est probablement détruite et les ossements dispersés lors de laRévolution française. Durant cette période, le chef reliquaire de la Sainte-Chapelle est également refondu : un seul fragment en est conservé et déposé au cabinet des Médailles de la Bibliothèque nationale. Les reliques conservées à Saint-Denis n'échappent pas non plus à la distribution et, en1926, le cardinalLouis-Ernest Dubois offre un morceau de côte à l'église Saint-Louis-de-France de Montréal[L 150].
En1941, lasociété du mémorial de Saint-Denis commande un reliquaire pour abriter un os de Saint Louis dont la date et les conditions d'acquisition sont inconnues. La relique est alors exposée dans la chapelle absidiale de la basilique[L 150].
Enfin, certaines des entrailles, demeurées àMonreale jusqu'en1860, sont emportées par le roiFrançois II des Deux-Siciles lors de son exil àGaète, puis àRome. Elles sont ensuite déposées dans la chapelle d'un château enAutriche que l'empereurFrançois-Joseph lui a mis à disposition. Dans son testament, rédigé en1894, il lègue le reliquaire des entrailles au cardinalCharles Lavigerie (?), qui le dépose dans la cathédrale de Carthage[L 151].
Puis en 1985, l'évêque de Tunis fait transférer les entrailles dans un oratoire de l'évêché de Saint-Denis. Elles n'en sortent qu'en, lorsque le princeLouis de Bourbon, duc d'Anjou et aîné des Capétiens, les emporte àSaint-Louis, dans le Missouri, pour les proposer à la vénération des catholiques américains. Enfin, en 2011,Pascal Delannoy, évêque de Saint-Denis, offre ces reliques audiocèse de Versailles. La cérémonie detranslation en lacathédrale du lieu se déroule le[63],[64].
Unvitrail duXIIIe siècle, dans laSainte-Chapelle, représente plusieurs épisodes de sa vie, notamment ceux concernant lacouronne d'épines. Les scènes de sa vie souvent représentées sont quand il visite les malades, apporte de la nourriture aux pauvres, lave les pieds deslépreux, accomplit desmiracles, se donne ou se fait donner la discipline[67]. D'autres scènes sont inspirées de la vie de saintFrançois d'Assise, Saint Louis étant lui-mêmetertiaire franciscain. Selon l'époque, le visage de Saint Louis prend parfois les traits du souverain français régnant[67].
Ses attributs royaux sont toujours lacouronne, quelquefois lamain de justice ou lesceptre. D'autres attributs sont les clous de laPassion, leslys de France, le manteau royal ou un autre vêtement fleurdelysé[67]. Lesfleurs de lys comme attribut sont la principale raison de la destruction de nombreuses représentations de Saint Louis sous laRévolution : les révolutionnaires s'attachent à faire disparaître ce symbole de l'absolutisme[67].
Marguerite, née en1254. Elle épouse par contrat, en,Jean Ier,duc de Brabant, dit « le Victorieux ». En1272, elle meurt en couches, donnant naissance à leur unique enfant, un fils qui ne survit pas ;
2001 :Knights of the Quest dePupi Avati avec Marcus J. Cotterell.
2012 :Paris, la ville à remonter le temps de Xavier Lefebvre et Alexis Barbier-Bouvet avec Vladimir Perrin.
2014 :Saint Louis, sur la Terre comme au Ciel de Xavier Lefevre avec Vladimir Perrin.
2018 :
Blanche de Castille: la reine mère a du caractère de David Jankowski et Benjamin Lehrer avec Julien Delanoë.
Dominique Adt, co production France Télévision (replay), direction scientifique dr pr Philippe Charlier (légiste et anthropologue) :Saint Louis, le roi Dispersé ; documentaire sur la recherche de la raison éventuelle de la mort de Louis IX.
L'émissionSecrets d'Histoire, intituléeSaint Louis, sur la terre comme au ciel, lui est consacrée. Le documentaire revient notamment sur sa participation à deux croisades successives, la fondation de la ville fortifiée d'Aigues-Mortes, mais également sur les réformes qu’il mena afin de modifier en profondeur les institutions judiciaires du royaume[70],[71].
[p. 108] :« Il en est de même dans une autre affaire : ladestruction par le feu des exemplaires du Talmud. Un Juif rochelais, converti au christianisme, s’était persuadé que ce livre, qui régissait la vie de ses coreligionnaires, était le principal obstacle à leur conversion. À son instigation, le papeGrégoire IX dénonça les docteurs juifs comme coupables de s’être détournés de laloi de Moïse et de l’Écriture sainte, trésor commun des Juifs et des Chrétiens, pour suivre ces traditions qui les dénaturaient, et il invita Saint Louis à faire détruire ces livres. Le roi convoqua à une conférence qui se tint au Palais devantBlanche de Castille, le, quatre rabbins célèbres et leurs accusateurs. Les premiers furent confondus et, en, une vingtaine de charretées d’exemplaires du Talmud furent livrés au feu. Le zèle du roi pour la conversion des Juifs, dont nous avons d’autres témoignages, sans aller jusqu’à la conversion forcée, ne reculait pas devant l’emploi de moyens de coercition. » [p. 215] :« Mais confiscations et expulsions ne visaient sans doute que les usuriers juifs, car la présence de nombreux Juifs reste certaine, et l’ordonnance elle-même prescrit la restitution auxcommunautés juives de leurssynagogues et de leurscimetières. Quant à l’ordonnance de 1254[17], elle reprenait les termes de celle de 1230, rappelait la condamnation du Talmud, considéré comme blasphématoire à l’égard de la foi chrétienne, et interdisait aux Juifs de prêter à intérêt dans l’avenir, en les incitant à vivre du travail de leurs mains ou du métier de marchand[LM 1]. »
Louis Carolus-Barré, « Les enquêtes pour la canonisation de saint Louis et la bulleGloria laus, du »,Revue d'histoire de l'Église de France,vol. 57,no 158,.
Marie Dejoux, Pierre-Anne Forcadet, Vincent Martin et Liêm Tuttle,La Justice de Saint-Louis, PUF, 2024.
William Chester Jordan,La prunelle de ses yeux : Convertis de l’islam sous le règne de Louis IX, Paris/14-Condé-en-Normandie, Editions de l’EHESS,, 174 p.(ISBN978-2-14-027451-0,présentation en ligne)
[p. 214] :« Il prit part également à lacondamnation du Talmud, dont les livres furent brûlés par ordre du pape, avec le concours du roi. » [p. 336] :« On ne peut entendre autrement cette anecdote, si l’on a quelque bonne foi ; car sans cela elle serait en contradiction flagrante avec le caractère de saint Louis et avec ses procédés réels à l’égard des juifs […] les contraignant de payer le double du cens dû par les étrangers ordinaires ou les aubaines, et à porter sur leurs habits un signe distinctif : unerouelle d’étoile de couleur différente. » […]« L’ordonnance de 1254, pour la réformation générale du royaume, renouvelle l’interdiction des trafics illicites, familiers aux disciples de Moïse, de leurs blasphèmes, de leurs sortilèges, de leurs livres hétérodoxes, comme leTalmud, leur enjoint, sous peine de bannissement, de vivre du travail de leurs mains ou d’un commerce ordinaire (de laboribus manuum suarum vel de negociationibus sine terminis vel usuris) »
Pierre-Anne Forcadet,Conquestus fuit domino regi : le recours au roi d’après les arrêts du Parlement de Paris (1223-1285), De Boccard, Paris, 2018(ISBN978-2-7018-0445-3).
↑Lamortalité périnatale est estimée aux alentours de 25 à 30 % à cette époque, si bien que les chroniques royales ne recensent pas tous les enfants mort-nés[4].
↑SelonJacques Le Goff, Blanche de Castille aurait accouché« de deux ou trois premiers enfants morts en bas âge dont nous ne connaissons ni le nombre exact, ni le sexe, ni les dates de naissance et de mort[L 3]. »
↑SelonJacques Le Goff, Philippe Auguste aimait beaucoup la présence de son petit-fils qui gardera de lui un vif souvenir[L 7].
↑Vingt-six personnes sont ici présentes auprès du roi mourant : parmi lesquelles les archevêques deSens et deBourges, les évêques deBeauvais, deNoyon et deChartres, son demi-frèrePhilippe Hurepel, comte de Boulogne, les comtes de Blois, de Montfort, de Soissons et de Sancerre, les sires de Bourbon et de Coucy et certains hauts dignitaires de son hôtel[L 9].
↑Selon François Olivier-Martin, il ne s'agit pas d'une mission officielle :« Le roi a simplement voulu confier la personne et la vie de ses enfants à des amis très chers et à des compagnons très sûrs[L 9] ».
↑Cependant, les chroniqueurs se contredisent à propos de la liste des présents et des absents. Par exemple,Philippe Mouskes liste le comte de Bar et le duc de Bourgogne comme présents au sacre, tandis queMatthieu Paris les en exclut[L 15].
↑En échange,Philippe Hurepel s'engage, pour lui et ses éventuels héritiers, à ne pas réclamer la part de son héritage. De plus, ses terres, lui ayant été données par son pèrePhilippe Auguste et son frèreLouis VIII, doivent revenir au royaume de France s'il meurt sans descendance[L 18] (ce qui arrivera en 1236).
↑SelonJacques Le Goff, Philippe Hurepel n'a« ni malice ni cervelle » et se laisse faire mollement par les autres barons, qui ne veulent de lui à leur tête que pour avoir un semblant de légitimité dynastique[L 20].
↑SelonJacques Le Goff, Blanche de Castille, ayant pris goût au pouvoir, aurait tardé à faire reconnaître la majorité de son fils afin de prolonger la tutelle qu'elle exerçait[L 29].
↑Louis donne à Henri ses domaines desdiocèses de Limoges,Cahors etPérigueux à l'exception des terres tenues par les évêques de ces diocèses, et les fiefs tenus de lui par ses frères. Il promet également à Henri de lui donner une partie de la Saintonge à la mort d'Alphonse de Poitiers. De plus, Richard de Cornouailles et Aliénor doivent renoncer à leurs droits en France, au profit de leur frère[L 48].
↑La couronne d'Aragon renonce à ses prétentions sur le Languedoc, à l'exception deMontpellier.
↑Consultation en ligne enpage 90 du livre« Les rois de France : enfants chéris de la République de l'historien Claude Lelièvre[30] ».
↑Cette citation de Le Goff peut en outre être consultée en ligne dans son entièreté avec un commentaire d'appoint enpage 1882 du livre« Retour sur la question juive[38] d'Élisabeth Roudinesco. »
↑Louis renouvelle son vœu de manière brusque, théâtrale et non sans humour, comme il a, selon Jacques Le Goff, souvent aimé le faire. Il arrache alors violemment la croix cousue sur son vêtement et ordonne àGuillaume d'Auvergne de la lui rendre« pour que l'on ne puisse plus dire qu'il l'a prise sans savoir ce qu'il faisait[L 117]. »
↑Saint Louis ordonne à la plupart des membres de sa famille proche de le suivre. Seuls sa mère, ses jeunes enfants et sa belle-sœur, lacomtesse d'Artois, dont la grossesse arrive à son terme, ne le suivent pas[L 120].
↑SelonMatthieu Paris, il y a trop peu de bateaux pour embarquer tous les soldats et le roi est contraint de laisser un millier de mercenaires à Aigues-Mortes, en majorité des Italiens en qui, selonJacques Le Goff, Saint Louis n'a pas entièrement confiance[L 120].
↑SelonGuillaume de Chartres, lorsque Louis apprend que ses hommes ont volé les musulmans de 40 000 besants lors du paiement de la rançon, il se met en colère, estimant que sa parole doit être respectée même si c'est à des mécréants qu'elle a été donnée. Lors de son procès de canonisation, cet événement sera considéré comme l'un des actes les plus vertueux de Saint Louis[L 126].
↑La destination du cœur n'est pas connue. D'aprèsGeoffroy de Beaulieu, Philippe laissa son oncle l'emporter tandis que d'autres témoins affirmèrent que le jeune roi de France le fit déposer auprès des ossements, comme le conseillaient les moines de Saint-Denis. D'autres rumeurs prétendirent que l'armée exigea que le cœur restât en Afrique, auprès des combattants morts ou encore qu'il fut déposé dans la Sainte-Chapelle[L 139].
↑Le couple a son premier enfant en 1240, soit6 ans après leur mariage. SelonJacques Le Goff,Marguerite de Provence serait devenue féconde tardivement et aurait subi plusieurs fausses couches. Il est également possible, mais peu probable, qu'elle ait accouché d'enfants morts en bas âge dont les documents et les chroniqueurs de l'époque ne parlent pas[L 152].
« Tantôt on leur commandait de brûler leurTalmud et tous leurs autres livres, où se trouvait ce que l’on appelait des blasphèmes » [cf.note 2 →« Voyez ordonnance de Louis IX de 1254 »].« Tantôt on leur ordonnait, pour satisfaire auxconciles d’Arles etde Latran, de faire coudre sur leurs robes de dessus, devant et derrière, une pièce de feutre ou de drap jaune de quatre palmes de circonférences »(cf.note 3 →« Règlement de Louis IX de 1269 »)« et même de porter, outre cetterouelle, comme on nommait cette pièce, une corne attachée à leur bonnet. D’autres fois on leur défendait d’avoir des habits de couleur, de se baigner dans les rivières où se baignaient les chrétiens, de préparer des médicaments et de toucher aux vivres dans les marchés à moins qu’ils ne les achetassent… »
« Mais entre-temps saint Louis avait ordonné lacrémation de 1242. En 1244, puis 1248,Innocent IV confirma cette volonté de destruction. Le rôle central joué par Donin a conduit certains historiens à privilégier l’importance des contradictions. […] Un historien américain a proposé récemment de lier lacrémation de 1242 et, plus généralement, la recrudescence de l’antisémitisme médiéval[21],[22] auxordres mendiants. […] À une autre échelle, l’événement de 1242 se banalise quand on l’intègre dans la longue chaîne de l’antijudaïsme et de l’antisémitisme[21],[22]. Les spécialistes d’histoire juive ont tendance à dérouler un processus continu depuissaint Augustin. Le bûcher de 1242 ne serait que le sommet de l'apogée antisémite, marqué par lespogroms duXIIe siècle et par les canons duconcile du Latran IV (1215) qui imposèrent aux juifs le port d'un signe distinctif » (N.D.L.R. : larouelle).
« De sa générosité légendaire, néanmoins, sont exclus les cathares et les juifs. Il soutient l’Inquisition enLanguedoc (Montségur tombe en 1244), oblige les juifs à porter larouelle écarlate. »
« […] duprocès contre le Talmud (1240) et lalittérature rabbinique à l’obligation de porter la rouelle (1269), les mesures qu’il prend contre les Juifs ponctuent son règne mais elles partent toutes d’une motivation religieuse ; leur défendant de se livrer auprêt à intérêt, il tente de proposer uneréinsertion sociale qui leur permette de pratiquer l’artisanat mais les structures de lasociété chrétienne vouent cette vague tentative à l’échec. »
« La rareté des Juifs, pense M. E. Fournial[35], explique qu’ils n’aient pas été persécutés. Les mesures dont ils furent l’objet —port de la rouelle, interdiction d’avoir des nourrices chrétiennes, de vendre leur viande aux chrétiens, d’exercer toute fonction publique, etc. — sont monnaie courante à cette époque. »
↑a etbJean-Marie Mayeur, Marc Venard, Luce Pietri et André Vauchez,Apogée de la papauté et expansion de la chrétienté (1054-1274) : Histoire du christianisme, Paris,Fleurus,, 973 p.(ISBN2-7189-0573-5),p. 721.
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